La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2021 | FRANCE | N°19BX02832

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 30 novembre 2021, 19BX02832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande, enregistrée sous le n° 1703117, la société civile immobilière (SCI) Odelsa a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Par une seconde demande, enregistrée sous le n° 1703118, la SCI Odelsa a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociét

és auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande, enregistrée sous le n° 1703117, la société civile immobilière (SCI) Odelsa a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Par une seconde demande, enregistrée sous le n° 1703118, la SCI Odelsa a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1703117, 1703118 du 25 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 1er avril 2020, la SCI Odelsa, représentée par Me Gasquet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 25 avril 2019 ;

2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 pour un montant total de 90 226 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- elle ne pouvait faire l'objet d'une procédure de taxation d'office en l'absence de mise en demeure régulière de déposer une déclaration ; faute de comporter expressément une élection de domicile pour la réception des actes de la procédure d'imposition, le mandat de représentation ne permettait pas à l'administration d'adresser à l'expert-comptable les mises en demeure de déposer des déclarations d'impôt sur les sociétés, ni à ce dernier de les recevoir ; le mandat mentionne expressément la représentation de la gérante et non de la SCI ;

- dès lors que seule la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales trouvait à s'appliquer, la proposition de rectification doit être regardée comme insuffisamment motivée quant à la détermination du loyer de l'immeuble loué aux époux B... faute de préciser la désignation et la description précise des éléments de comparaison utilisés par le service ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ainsi que les principes des droits de la défense et de l'égalité des armes en s'abstenant de mettre à la disposition de la SCI Odelsa, les éléments obtenus par elle à la suite de la consultation de deux sites internet autres que ceux mentionnés dans la proposition de rectification alors que ces éléments qui n'ont pas été portés à sa connaissance avant la mise en recouvrement des rappels, ne sont plus librement accessibles ;

Sur le bien-fondé des cotisations d'impôt sur les sociétés :

- l'activité de location de salle de réception exercée au cours des années 2009 et 2010 ne comportait pas les équipements permettant de lui conférer un caractère commercial au sens des articles 34 et 35 du code général des impôts ;

- le service ne pouvait se fonder sur les mentions du site internet crée postérieurement à la période vérifiée et au transfert de l'activité à la société SARL Neo-Deal pour soutenir que la location des locaux comprenait la mise à disposition des équipements de cuisine ;

- le caractère commercial de l'activité ne peut être déduit d'une clause figurant dans les contrats de location ; les contrats ne prévoient d'ailleurs aucune facturation spécifique pour l'utilisation d'un local cuisine et ils ne prévoient pas davantage le remplacement en cas de casse ou de détérioration de matériel électroménager ; elle ne dispose pas du matériel pour réaliser une activité de traiteur, ni les habilitations nécessaires pour utiliser le matériel sur place, lequel ne répond pas aux normes sanitaires en vigueur ; le prix de location est fixé en raison de la seule configuration des locaux et de leur caractère exceptionnel ;

- la méthode d'évaluation du loyer normal qui aurait dû être facturé aux époux B... est radicalement viciée et excessivement sommaire dès lors que le site sur lequel s'est appuyé le service pour déterminer le loyer moyen au mètre carré est un site commercial ne revêtant pas un caractère officiel et que les données y figurant ne sont pas suffisamment fiables ni précises ; par ailleurs, l'administration ne pouvait utiliser des données non corroborées par des constatations propres à l'activité de la SCI ; l'évaluation ne tient pas compte des nuisances générées par la salle de réception pour les locataires de la partie habitation ; elle n'a pas non plus tenu compte de la prestation réalisée par les époux B... au profit de la SCI pour assurer l'activité de location de la salle de réception ;

- à titre subsidiaire, la société est fondée à solliciter sur le fondement de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales la compensation entre les rectifications opérées au titre des exercices 2009 et 2010 et les déficits fonciers réalisés au titre des exercices 2006 à 2008 et non encore imputés ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

- elle est fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions de l'article 261 D, 2° du code général des impôts dès lors que le matériel mobilier et immobilier mis à disposition par la société en 2009 et 2010 était insuffisant pour conférer un caractère commercial à son activité de location de salle de réception ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires opérée par l'administration est radicalement viciée et méconnaît les règles de rattachement du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts dès lors que l'administration n'a pas tenu compte de la date de versement de potentielles arrhes.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 février 2020 et 10 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,

- et les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Odelsa qui a pour objet social l'acquisition de tous biens meubles et immeubles en vue de leur gestion, est propriétaire notamment d'un domaine immobilier dit " Domaine Beausoleil " situé à Merville (Haute-Garonne), composé pour partie de salles de réception louées pour l'organisation de divers évènements de type professionnel ou privé et d'une partie privative à usage d'habitation, louée à son associée majoritaire. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices correspondant aux années 2009 et 2010, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a estimé qu'elle exerçait une activité commerciale soumise à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée. La société requérante relève appel du jugement du 25 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie selon la procédure de taxation d'office pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, " Sont taxé[e]s d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) ". Selon l'article L. 68 du même code, " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que par courrier du 11 avril 2012, Mme A..., gérante de la SCI Odelsa a mandaté son cabinet d'expert-comptable selon les termes suivants : " donne par la présente pouvoir au cabinet Philippe Villatte expert-comptable (...) afin d'assurer ma représentation au cours des opérations liées au contrôle des années 2009 et 2010. Dans le cadre de ce mandat le cabinet Philippe Villatte recevra tous courriers de l'administration, répondra à toutes demandes d'éclaircissement ou de justification de la part de l'administration, me représentera devant l'administration dans l'exercice de son droit de contrôle, répondra le cas échéant à toute notification de redressement, produira les observations nécessaires, acceptera toute transaction litigieuse et généralement fera le nécessaire ". Contrairement à ce que soutient la société requérante, un tel acte comportant la signature de Mme A... ainsi que la mention expresse " bon pour pouvoir ", donnait mandat au cabinet d'expert-comptable pour recevoir les actes de la procédure d'imposition et notamment les mises en demeure de déposer des déclarations d'impôt sur les sociétés. Par ailleurs, il ressort des écritures de première instance de la société qu'elle a reconnu avoir reçu les mises en demeure de déposer les déclarations d'impôt sur les sociétés également au siège de la SCI ainsi que le fait valoir l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de taxation d'office doit être écarté.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ".

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la taxation d'office a été mise en œuvre. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écartée comme inopérant dès lors que les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, relatives aux propositions de rectification adressées dans le cadre d'une procédure de rectification contradictoire, n'étaient pas applicables en l'espèce.

6. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux que détient l'administration, celle-ci est tenue de les lui communiquer.

8. Il résulte de l'instruction que l'administration a précisément informé la société, dans la proposition de rectification du 21 décembre 2012, des références ayant permis la détermination du loyer de l'immeuble loué aux époux B.... Contrairement à ce que soutient la SCI Odelsa, l'administration lui a indiqué, dans la réponse du 6 mai 2013 à ses observations, que les éléments recueillis sur le site " Trovit.com " sont également disponibles sur d'autres sites internet tels que " cotelimmo ", la copie de la page lui ayant été spontanément communiquée. Ainsi, la SCI Odelsa, qui a été mise à même, avant la mise en recouvrement, de demander à l'administration communication des documents obtenus, ne peut utilement lui faire grief de ne pas les lui avoir transmis en l'absence de toute demande de sa part. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté. Dans ces circonstances, la société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les principes des droits de la défense et de l'égalité des armes en s'abstenant de mettre à sa disposition les éléments obtenus par elle à la suite de la consultation de sites internet alors que ces sites sont librement consultables et qu'elle a eu l'occasion de contester ces éléments au cours de la procédure de vérification.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la nature de l'activité de la société Odelsa :

9. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts, " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quelque soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) / 2. (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". L'article 34 du code général des impôts dispose que " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux (...) les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale (...) ".

10. Il résulte de l'instruction et notamment des éléments non sérieusement contestés de la proposition de rectification, que le domaine Beausoleil a fait l'objet, entre 2002 et 2009, d'importants travaux de rénovation pour un coût total de 1 010 749 euros et que les recettes provenant de la location de la salle de réception ont connu une progression constante, passant de 36 850 euros pour l'année 2006, à 50 365 euros pour l'année 2009 et 72 550 euros pour l'année 2011. Le service fiscal a également relevé que, dans la liste des travaux et aménagements effectués, figuraient les achats en octobre et novembre 2005 d'une hotte, d'une table à induction, d'un réfrigérateur, d'un four, d'un congélateur, d'un micro-ondes et d'une cafetière pour un montant total de 2 394 euros. Par ailleurs, il résulte des contrats de location de la salle de réception signés au cours de la période vérifiée, que la SCI mettait à disposition de ses clients tout le mobilier nécessaire à l'organisation des différents événements, dont les chaises et les tables. La consultation du site internet de la société en 2012 a permis de constater la poursuite de cette activité avec la mise à disposition des clients de tout le mobilier nécessaire ainsi qu'un espace traiteur de 30 mètres carrés équipé d'une armoire réfrigérée, d'un congélateur, d'un four mixte, d'un lave-vaisselle, d'une plonge et d'un branchement. Il ne résulte pas de l'instruction que les achats de ces équipements auraient été effectués postérieurement à la période vérifiée. Si la société requérante fait valoir que les contrats ne prévoient pas de remplacement par le client en cas de casse ou de détérioration du matériel électroménager, une telle circonstance ne suffit pas à corroborer l'absence de mise à disposition d'un tel matériel, alors qu'il résulte au demeurant de l'instruction qu'un chèque de caution de 700 euros est demandé à ses clients par la société. En outre, l'absence d'agrément sanitaire de la société est sans incidence sur la qualification de l'activité exercée par elle au regard de la loi fiscale. Dès lors, ainsi que l'a jugé le tribunal, la SCI Odelsa qui a donné en location de manière régulière un local spécialement aménagé et disposant du matériel nécessaire à des prestations événementielles, doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens des dispositions précitées, passible de l'impôt sur les sociétés à raison de ses bénéfices industriels et commerciaux.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

11. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. La renonciation à profit ou l'abandon de créance accordé par une entreprise au profit d'un tiers ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'une renonciation à recettes ou un abandon de créance par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

12. Il résulte de l'instruction que le domaine de Beausoleil, acquis le 17 avril 2002 et situé à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, est constitué d'un parc de 7 hectares et d'une maison de maître entièrement rénovée dont le premier étage et l'aile gauche sont loués à titre de résidence principale à Mme B..., associée majoritaire de la SCI Odelsa, qui y réside avec sa famille. Cette habitation, d'une superficie de 415 mètres carrés, qui se compose de quatre pièces de réception, de sept chambres, de deux cuisines, de huit salles de bains, d'un garage de 72 mètres carrés, de 200 mètres carrés de terrasse, d'un pool house, d'une piscine et d'une serre, est louée pour un loyer mensuel 1 000 euros, soit un prix au mètre carré de 2,2 euros. Pour établir l'imposition contestée, après avoir relevé que le niveau de rendement de 3,75 % était particulièrement bas pour le secteur de l'immobilier, l'administration a procédé à une réévaluation du loyer en retenant un prix moyen de location de 11 euros par mètre carré, soit une réévaluation du loyer à 4 565 euros par mois.

13. Eu égard au caractère exceptionnel du bien et à l'importance des travaux de rénovation du domaine engagés par la SCI, dont il a résulté d'importants déficits fonciers pour la société, l'ensemble du domaine Beausoleil, représentant un investissement immobilier total de 1 473 294 euros pour la société, c'est à bon droit que l'administration a considéré que le niveau de loyer consenti par la SCI à son associée était anormalement bas. La société requérante n'établit pas que l'implication dans la gestion de la société de Mme B..., qui exerce par ailleurs une activité salariée à plein temps, serait tel qu'il justifierait le loyer pratiqué, alors au surplus que les dépenses d'énergie de l'habitation étaient supportées par la SCI, sans remboursement des époux B... et qu'aucun encaissement de loyer n'a été constaté sur le compte bancaire de la SCI au titre des années vérifiées. Les nuisances subies à raison de l'organisation d'évènements dans les salles louées, qui se limitent selon les propres déclarations de la société requérante, à une vingtaine de jours par an au cours de la période estivale pour l'essentiel, ne saurait justifier à elles seules l'octroi d'un tel avantage. Par suite, en l'absence du moindre élément de nature à justifier que la société requérante aurait bénéficié de contreparties liées à cet avantage, celui-ci est constitutif d'un acte anormal de gestion de la part de la SCI Odelsa au titre des exercices clos en 2009 et 2010.

14. En l'absence de bien comparable au domaine de Beausoleil, qui constitue un bien d'exception, le montant du loyer de 11 euros par mètre carré de la partie à usage d'habitation du domaine a été fixé par le service vérificateur sur la base d'un prix moyen résultant d'une étude comparative des prix constatés en 2012 sur un site internet dédié à l'immobilier faisant état d'un prix moyen au mètre carré, pour des biens ordinaires de standing inférieur au bâtiment du domaine de Beausoleil, de 13 euros dans la commune de Seilh, située à 6 kilomètres, de 12 euros dans la commune de Beauzelle, distante de 10 kilomètres et de 8 euros à Toulouse, distante de 23 kilomètres. Si les communes de Seilh et de Beauzelle font partie de l'unité urbaine de Toulouse, alors que la commune de Merville ne se situe pas au sein de l'unité urbaine, ces communes sont néanmoins géographiquement proches et leur population, en particulier celle de la commune de Beauzelle, est du même ordre de grandeur que celle de Merville. Par ailleurs, l'administration soutient sans être utilement contredite que les prix n'ont pas évolué de manière significative entre 2009 et 2012. Dans ces conditions, et alors même que les biens pris en compte ne sont pas exactement comparables au bien appartenant à la société requérante, le vérificateur, par la méthode de reconstitution ainsi utilisée, qui n'est ni excessivement sommaire, ni radicalement viciée dans son principe, n'a pas, sauf preuve contraire qu'il appartient à la requérante d'apporter, exagéré le montant du loyer qu'il a retenu.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

15. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts, " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code, " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence ". Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts, " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 2° Les locations de (...) locaux nus, (...) toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les locations constituent pour le bailleur un moyen de poursuivre, sous une autre forme, l'exploitation d'un actif commercial ou d'accroître ses débouchés ou lorsque le bailleur participe aux résultats de l'entreprise locataire (...) ".

16. Il résulte des motifs exposés aux points 9 et 10 que l'activité de la SCI Odelsa, présente un caractère commercial et ne peut être assimilée à une location de locaux nus. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, c'est donc à bon droit que l'administration a considéré que cette activité, qui présente le caractère d'une prestation de service effectuée à titre onéreux, entrait dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et la SCI ne peut utilement se prévaloir de l'exonération prévue au 2° de l'article 261 D du code général des impôts.

17. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts, " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où (...) la prestation de services est effectué[e] (...) / 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services (...) lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération (...) ".

18. Il résulte de l'instruction que pour déterminer le chiffre d'affaires taxable de la société au titre des périodes correspondant aux années 2009 et 2010, le service n'a retenu, sur la base des contrats de location présentés, que les seules prestations réalisées au titre de ces exercices et pour lesquelles des encaissements correspondants ont été constatés au crédit du compte bancaire de la société. Ainsi que l'a jugé le tribunal, la circonstance que d'éventuelles arrhes aient pu être versées antérieurement aux exercices en litige est sans incidence sur le bien-fondé de la rectification dès lors que les arrhes, devant être regardées comme des indemnités forfaitaires de résiliation versées en réparation du préjudice subi en cas de défaillance d'un client et non pas comme la rétribution d'une prestation de service, ne constituent ni un acompte ni un élément du prix ou de la rémunération au sens des dispositions précitées de l'article 269 § 2-c du code général des impôts. Par suite, la société requérante, qui, régulièrement taxée d'office, supporte la charge de la preuve conformément à l'article L. 193 du livre des procédures fiscales et qui ne précise pas les sommes qui auraient été réintégrées à tort dans son chiffre d'affaires taxable, ne démontre pas le caractère radicalement vicié de la méthode de reconstitution de celui-ci par l'administration. Il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie.

Sur la demande de compensation :

19. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 du même code, " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ".

20. La société Odelsa réitère en appel sa demande de compensation, en application des dispositions des articles L. 203 et L. 205 du livre des procédures fiscales, entre les rectifications opérées en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et les déficits fonciers réalisés au titre des exercice 2006 à 2008 non imputés sur les revenus des associés. Toutefois, si l'administration a pris en compte les factures de travaux et achats des exercices antérieurs aux exercices vérifiés, notamment pour déterminer le montant de l'investissement immobilier réalisé par la société, cette prise en compte n'impliquait pas l'admission des déficits dont la société faisait état, en l'absence de tout élément, notamment comptable, permettant de déterminer les recettes des exercices concernés. Il s'ensuit que sa demande de compensation ne peut qu'être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la SCI Odelsa, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Odelsa est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Odelsa et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.

La rapporteure,

Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

9

N° 19BX02832


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02832
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Questions communes.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET CAMILLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-30;19bx02832 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award