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02/12/2021 | FRANCE | N°19BX03713

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 02 décembre 2021, 19BX03713


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Lavage Auto Plaisance a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés des 25 novembre 2015 et 30 juin 2017 par lesquels le maire de la commune de Plaisance-du-Touch a prononcé la fermeture administrative partielle d'une station de lavage et de condamner la commune à lui verser une somme globale de 110 036,27 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de ces deux arrêtés.

Par un jugement n°

1505843 et n° 1703745 du 19 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Lavage Auto Plaisance a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés des 25 novembre 2015 et 30 juin 2017 par lesquels le maire de la commune de Plaisance-du-Touch a prononcé la fermeture administrative partielle d'une station de lavage et de condamner la commune à lui verser une somme globale de 110 036,27 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de ces deux arrêtés.

Par un jugement n° 1505843 et n° 1703745 du 19 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés des 25 novembre 2015 et 30 juin 2017 du maire de Plaisance-du-Touch en tant qu'ils ordonnent la fermeture administrative de la station de lavage de la société Lavage Auto Plaisance du lundi au vendredi entre 20 heures et 22 heures, les samedis de 13 heures à 22 heures et les dimanches et jours fériés entre 7 heures et 22 heures, a condamné la commune de Plaisance-du-Touch à lui verser la somme globale de 37 312,36 euros en réparation des préjudices subis et a rejeté le surplus des conclusions de la société.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 septembre 2019 et 30 septembre 2021, sous le n° 19BX03713, la commune de Plaisance-du-Touch, représentée par Me Herrmann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 juillet 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la société Lavage Auto Plaisance ;

3°) de mettre à la charge de la société Lavage Auto Plaisance une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des moyens développés par la commune ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'est pas suffisamment motivé ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'est pas signé en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les demandes de la société étaient irrecevables en ce qu'elles tendent à la sauvegarde d'une situation irrégulière, la société requérante n'ayant pas respecté durant de nombreuses années les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 23 mai 1996 alors que ses activités bruyantes entrent dans les prévisions de l'article 4 de cet arrêté ;

- les plaintes multiples des riverains, le procès-verbal d'huissier du 24 juin 2015, les procès-verbaux de la police municipale font état de nuisances sonores la nuit et les jours fériés justifiant les arrêtés édictés sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 1311-2 du code de la santé publique ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le maire n'a commis ni erreur manifeste d'appréciation ni erreur de fait ;

- la somme forfaitaire de 30 000 euros n'est justifiée par aucun élément comptable probant ;

- la demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de résultat est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable ;

- c'est à tort que le tribunal a condamné la commune à verser à une société qui n'a jamais respecté l'arrêté préfectoral du 23 juillet 1996, une somme de 5 000 euros pour l'indemniser de son préjudice moral.

Par deux mémoires, enregistrés les 24 septembre 2020 et 19 septembre 2021, la société Lavage Auto Plaisance, représentée par Me Terrasse, conclut au rejet de la requête, demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation des arrêtés des 25 novembre 2015 et 30 juin 2017 et la condamnation de la commune de Plaisance-du-Touch à lui verser la somme de 113 737,69 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 2 312,60 euros correspondant aux frais d'expertise.

Elle soutient que :

- dans la mesure où ces arrêtés contestés restreignent l'amplitude horaire de son exercice professionnel, la société justifie d'un intérêt certain, direct et personnel pour en demander l'annulation ;

- la commune ne pouvait ordonner la fermeture partielle de la station de lavage du lundi au vendredi de 20 à 22 heures, les samedis de 13 à 20 heures et les dimanches et jours fériés de 7 à 20 heures en l'absence de mesures sonométriques démontrant que la station de lavage dépasserait les limites d'émergence réglementaire en période diurne ;

- les arrêtés ne sont pas suffisamment motivés ;

- les arrêtés sont entachés d'un vice de procédure en raison de l'absence de procédure contradictoire préalable à leur édiction ;

- un seul rapport non contradictoire ne permet pas de caractériser la non-conformité du fonctionnement de l'installation aux seuils règlementaires ;

- les arrêtés imposant une fermeture partielle de la station de lavage sont manifestement disproportionnés au regard des atteintes portées à la liberté du commerce et de l'industrie ;

- le maire ne pouvait imposer des mesures de police à la société intimée dans le seul but de combler les insuffisances du permis de construire délivré postérieurement à la création de la station de lavage ;

- l'impossibilité de vendre la société cause un préjudice à la société qui a justement été évaluée par le tribunal à hauteur de 30 000 euros ;

- l'indemnisation de la perte de gains professionnels s'élève à la somme de 63 701,42 euros ;

- le montant des travaux qu'elle a été contrainte d'exposer à la suite des arrêtés de fermeture partielle s'élève à 20 036,27 euros ;

- l'indemnisation du préjudice moral de la société est évaluée à une somme de 30 000 euros.

II. Par une requête, enregistrée le 2 mars 2021, sous le n° 21BX00969, la commune de Plaisance-du-Touch, représentée par Me Herrmann, demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 15015843 et n° 1703745 du 19 juillet 2019 du tribunal administratif de Toulouse et de mettre à la charge de la société Lavage Auto Plaisance une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les conditions du sursis à exécution énoncées par les articles R. 811-15, R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies et que le sursis à exécution du jugement du 19 juillet 2019 doit être accordé.

Par un mémoire, enregistré le 7 juin 2021, la société à responsabilité limitée Lavage Auto Plaisance, représentée par Me Terrasse, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Plaisance-du-Touch une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de production de la délibération du conseil municipal autorisant la commune à engager la demande de sursis à exécution ;

- les moyens développés par la commune ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de la santé publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Herrmann, pour la commune de Plaisance-du-Touch, et de Me Rover, pour la SARL Lavage auto plaisance.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 25 novembre 2015, le maire de Plaisance-du-Touch a prononcé la fermeture administrative partielle de la station de lavage automatique située impasse Edmond Rostand du lundi au vendredi de 20 heures à 7 heures, du vendredi 20 heures au samedi 7 heures, du samedi 13 heures au lundi 7 heures ainsi que les jours fériés, de 20 heures la veille du jour férié à 7 heures le lendemain. Par une requête n° 1505843, la société à responsabilité limitée Lavage Auto Plaisance, exploitante de ladite station de lavage, a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cet arrêté et de condamner la commune de Plaisance-du-Touch au versement d'une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'impossibilité de vendre son établissement. Par un arrêté du 30 juin 2017, le maire de Plaisance-du-Touch a imposé à la même station de lavage le respect de l'arrêté préfectoral du 23 juillet 1996 et la fermeture de l'établissement tous les jours de 20 heures à 7 heures et toute la journée de dimanches et jours fériés. Par une demande n° 1703745, la société " Lavage Auto Plaisance " a demandé l'annulation de cet arrêté ainsi que la condamnation de la commune précitée au versement d'une somme totale de 80 036,27 euros au titre des dommages et intérêts résultant de l'illégalité de cet acte. La commune de Plaisance-du-Touch relève appel du jugement n° 1505843 et n° 1703745, du 19 juillet 2019, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés des 25 novembre 2015 et 30 juin 2017 en tant qu'ils ordonnent la fermeture administrative de la station de lavage de la société Lavage auto Plaisance du lundi au vendredi entre 20 heures et 22 heures, les samedis de 13 heures à 22 heures et les dimanches et jours fériés entre 7 heures et 22 heures, et l'a condamnée à verser à la société Lavage Auto Plaisance la somme de 37 312,36 euros en réparation des préjudices subis. Par la voie de l'appel incident, la société conclut, dans le dernier état de ses écritures, à l'annulation des arrêtés des 25 novembre 2015 et 30 juin 2017 ainsi qu'à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 113 737,69 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort de la minute du jugement attaqué, transmise à la cour par le tribunal administratif de Toulouse, qu'elle a été signée par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative cité au point précédent. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la commune de Plaisance-du-Touch ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

4. Les moyens tirés de ce que les premiers juges n'auraient pas répondu à l'ensemble des moyens développés en première instance et de ce que le jugement ne serait pas suffisamment motivé ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la recevabilité des demandes de première instance :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les (...) les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Aux termes de l'article L. 2215-1 du même code : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 23 juillet 1996 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage : " Toute personne utilisant dans le cadre de ses activités professionnelles, non soumises à une procédure de déclaration ou d'autorisation au titre des installations classées, sur le domaine privé, à l'intérieur de locaux ou en plein air, des outils, appareils ou engins bruyants de quelque nature qu'ils soient, doit interrompre ses travaux entre 20 heures et 7 heures et toute la journée des dimanches et jours fériés, sauf en cas d'intervention urgente ".

7. L'activité de la SARL Lavage Auto Plaisance n'entre dans le champ d'application de l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 23 juillet 1996 précité que dans la mesure où il est établi que l'émergence globale des engins utilisés par la station de lavage est supérieure aux valeurs définies par l'article R. 1334-33 devenu l'article R. 1336-7 du code de la santé publique. L'arrêté du maire de Plaisance-du-Touch du 30 juin 2017 obligeant la société à " respecter strictement l'arrêté préfectoral en date du 23 juillet 1996 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage " et à fermer durant les mêmes périodes que celles imposées par l'arrêté préfectoral modifie l'ordonnancement juridique en ce qu'il impose la fermeture de la station de lavage alors qu'il résulte de l'instruction que cette station pourrait être dotée d'équipements dont l'utilisation respecterait les valeurs règlementaires fixées par l'article R. 1334-33 du code de la santé publique et qu'il n'est pas établi que son activité serait bruyante durant la totalité des périodes diurnes des dimanches et jours fériés. Par conséquent et dès lors que les arrêtés des 25 novembre 2015 et 30 juin 2017 restreignent l'amplitude horaire d'ouverture de la station de lavage, la société intimée justifiait d'un intérêt certain, direct et personnel pour en demander l'annulation, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'arrêté préfectoral du 23 juillet 1996 ne serait pas respecté. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir opposée par la commune de Plaisance-du-Touch.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

8. Pour annuler les arrêtés des 25 novembre 2015 et 30 juin 2017 en tant qu'ils imposent la fermeture de la station de lavage du lundi au vendredi entre 20 heures et 22 heures, les samedis de 13 heures à 22 heures et les dimanches et jours fériés entre 7 heures et 22 heures, le tribunal administratif de Toulouse a jugé qu'ils étaient entachés d'erreur de fait. Toutefois, il ressort des termes des arrêtés attaqués que le maire de Plaisance-du-Touch s'est fondé sur la circonstance que " le relevé sono métrique effectué le 11 et le 12 septembre 2015 par la Société DEKRA, étude effectuée à la demande du maire de Plaisance-du-Touch a conclu au dépassement des critères d'émergence globale dans la période 22h00 - 7h00 définis dans le code de la santé publique ". Il résulte de l'instruction que, ainsi que l'a relevé le maire de Plaisance-du-Touch dans les arrêtés contestés, le dépassement des valeurs définies par l'article R. 1334-33 du code de la santé publique n'a été constaté qu'en période nocturne. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'erreur de fait pour annuler les arrêtés contestés.

9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Lavage Auto Plaisance tant devant le tribunal administratif de Toulouse que devant la cour.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

10. En premier lieu et aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public devenu l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi devenu l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

11. Les arrêtés des 25 novembre 2015 et 30 juin 2017 visent les dispositions de l'article R. 1334-30 à R. 1334-37 du code de la santé publique ainsi que le code général des collectivités territoriales et indiquent d'une part, qu'une étude a constaté le dépassement des critères d'émergence globale définis dans le code de la santé publique et d'autre part, qu'il convient d'assurer la tranquillité publique. Ainsi, ces arrêtés qui énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles ils se fondent, sont suffisamment motivés.

12. En deuxième lieu et aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, devenu l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

13. Il résulte de l'instruction que le maire de Plaisance-du-Touch a prononcé la fermeture partielle ou totale de la station de lavage de la SARL Lavage Auto Plaisance au motif tiré de l'atteinte à la tranquillité publique par plusieurs arrêtés en date du 23 mai 2013, 26 juin 2013 et 20 février 2014, qui ont d'ailleurs été contestés devant le tribunal administratif de Toulouse avant que ces actes ne fussent abrogés. Par ailleurs, il n'est pas contesté que le maire de Plaisance-du-Touch a organisé des réunions en présence des plaignants et de l'exploitant de la station de lavage automatique aux fins de discussions contradictoires et de recherche amiable d'un litige permanent. Dans ces circonstances très particulières, la société Lavage Auto Plaisance, à laquelle sont reprochés les mêmes agissements bruyants, n'a pas été effectivement privée de la garantie prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence d'une procédure l'informant expressément de la possibilité de présenter ses observations aurait été susceptible d'avoir une influence sur le sens des décisions prises. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'État, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière : (...) - de lutte contre les bruits de voisinage (...) ". Aux termes de l'article R. 1334-30 du même code : " Les dispositions des articles R. 1334-31 à R. 1334-37 s'appliquent à tous les bruits de voisinage (...) ". Aux termes de l'article R. 1334-31 du même code : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité ". L'article R. 1334-32 du même code dispose : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1334-31 a pour origine une activité professionnelle (...) l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article ". Il résulte de l'article R. 1334-33 du même code que : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier : (...) 6° Un pour une durée supérieure à 4 heures et inférieure ou égale à 8 heures (...) ".

15. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de la société Dekra du 25 septembre 2015 ainsi que des rapports de mesures acoustiques du cabinet d'acoustique Delhom et Associés que si un dépassement des seuils règlementaires a été constaté en période nocturne, la station de lavage de la SARL Lavage Auto Plaisance respectait les valeurs règlementaires imposées par l'article R. 1334-33 du code de la santé publique en période diurne. Les rapports de constatation établis par la police municipale ainsi que les plaintes dont se prévaut la commune de Plaisance-du-Touch ne permettent pas de tenir pour établi le dépassement par l'activité de la station de lavage des seuils fixés par le code de la santé publique en cours de journée. Par suite, en imposant la fermeture de la station de lavage du lundi au vendredi entre 20 heures et 22 heures, les samedis de 13 heures à 22 heures et les dimanches et jours fériés entre 7 heures et 22 heures, le maire de Plaisance-du-Touch a commis une erreur d'appréciation dans les prescriptions qu'il a imposées pour assurer le respect de la tranquillité publique.

16. Il résulte de ce qui précède que le maire de Plaisance-du-Touch n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés des 25 novembre 2015 et 30 juin 2017 en tant qu'ils imposaient la fermeture de la station de lavage de la SARL Lavage Auto Plaisance du lundi au vendredi entre 20 heures et 22 heures, les samedis de 13 heures à 22 heures et les dimanches et jours fériés entre 7 heures et 22 heures. Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident et tendant à l'annulation totale des arrêtés contestés ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires

17. L'illégalité de l'arrêté du 25 novembre 2015 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Plaisance-du-Touch.

18. Le préjudice résultant de l'impossibilité de vendre la société ne présente pas un lien de causalité direct et certain avec l'application des arrêtés des 25 novembre 2015 et 30 juin 2017. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Plaisance-du-Touch à verser à la société Lavage Auto Plaisance la somme de 30 000 euros au titre de la perte de valeur de la société.

19. Contrairement à ce que soutient la commune de Plaisance-du-Touch, la perte de chiffre d'affaires était invoquée dans les écritures de première instance de la société Lavage Auto Plaisance qui demandait au tribunal " la réparation du préjudice commercial subi en raison de l'instabilité commerciale créé par la succession d'arrêtés municipaux restreignant l'activité du commerce visé valorisé à la somme de 30 000 euros correspondant à une évaluation forfaitaire de perte du chiffre d'affaires depuis l'établissement du premier arrêt prononçant la fermeture administrative de réparer indiquant chef de préjudice ". Ainsi, la société Lavage Auto Plaisance est recevable en appel à préciser l'étendue de ce chef de préjudice invoqué en première instance.

20. La société Lavage Auto Plaisance produit ses bilans comptables des exercices clos en 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 et les liasses fiscales déposées au titre des mêmes exercices. Il ressort de ces documents ainsi que de deux études établies par l'expert-comptable de l'intimée, que celle-ci, dont le taux de charges s'établit à 26 %, justifie qu'en raison de la limitation de son activité procédant des arrêtés du 25 novembre 2015 et 30 juin 2017 contestés, elle a subi une perte de bénéfices s'élevant à 63 701,42 euros. Par suite, il y a lieu de condamner la commune de Plaisance-du-Touch à verser à la société Lavage Auto Plaisance une somme de 63 701,42 euros au titre de la perte de gains professionnels.

21. Eu égard aux multiples entraves à l'activité de la société, issues notamment de l'édiction de plusieurs arrêtés de fermeture totale ou partielle de la station de lavage, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice moral de la société en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.

22. C'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de remboursement, par la commune, des sommes engagées par la société afin de financer les travaux nécessaires à sa mise en conformité avec la règlementation qui lui est applicable.

23. Les frais d'expertise qui ont permis de mesurer l'émergence globale du bruit perçu par les riverains, telle que définie à l'article R. 1336-7 du code de la santé publique, et de constater le respect des normes règlementaires ont été utiles à la solution du litige porté devant la juridiction administrative. Dans ces conditions, la commune de Plaisance-du-Touch n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a mis à sa charge à ce titre la somme de 2 312,36 euros.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lavage Auto Plaisance est fondée à demander la condamnation de la commune de Plaisance-du-Touch à lui verser la somme de 71 013,78 euros.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Lavage Auto Plaisance, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Plaisance-du-Touch au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de la société Lavage Auto Plaisance présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.

Sur la requête n° 21BX00969

26. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de la commune de Plaisance-du-Touch tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 21BX00969 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21BX00969.

Article 2 : La commune de Plaisance-du-Touch est condamnée à verser à la société Lavage Auto Plaisance une somme de 71 013,78 euros.

Article 3 : Le jugement n° 1505843 et n° 1703745 du 19 juillet 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il est contraire à l'article 2.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Plaisance-du-Touch et le surplus des conclusions incidentes de la société Lavage Auto Plaisance sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Lavage Auto Plaisance et à la commune de Plaisance-du-Touch.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Eric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2021.

La rapporteure,

Nathalie GayLe président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX03713, 21BX00969


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX03713
Date de la décision : 02/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-04-02-05 Police. - Police générale. - Tranquillité publique. - Activités bruyantes.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : HERRMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-02;19bx03713 ?
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