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02/12/2021 | FRANCE | N°20BX04238

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 02 décembre 2021, 20BX04238


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 27 janvier 2020 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans les plus brefs délais à destination de la Turquie.

Par un jugement n° 2001921 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision et a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à Mme B..., épous

e C..., une carte de séjour " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 27 janvier 2020 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans les plus brefs délais à destination de la Turquie.

Par un jugement n° 2001921 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision et a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à Mme B..., épouse C..., une carte de séjour " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2020, la préfète de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... épouse C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B..., épouse C..., la somme de 800 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Mme B..., épouse C..., entre dans la catégorie visée dans le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif au regroupement familial ; la demande de regroupement familial, effectuée par son mari, a été refusée le 16 juin 2017, dès lors qu'elle se trouvait sur le territoire français au moment du dépôt de la demande ;

- Mme B..., épouse C..., ne peut se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle entre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial ;

- Mme B..., épouse C..., n'entre pas non plus dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision du 27 janvier 2020 confirme explicitement les termes de l'arrêté du 22 mars 2018 qui visait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et dans lequel il avait examiné dans le détail les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressée au regard des éléments qui lui avaient été communiqués à cette date ; ces décisions ne portent aucune atteinte au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2021, Mme B..., épouse C..., représentée par Me Da Ros, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la préfète de la Gironde n'est fondé.

Par une décision du 20 mai 2021, Mme B..., épouse C..., a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., épouse C..., ressortissante turque, est entrée en Italie le 28 octobre 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de court séjour valable trente jours. Par arrêté du 16 juin 2017, le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au bénéfice du regroupement familial. Le 8 mars 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 22 mars 2018, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le 4 novembre 2019, elle a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des mêmes dispositions ainsi que sur celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décision du 27 janvier 2020, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans les plus brefs délais et a fixé la Turquie comme pays de destination. La préfète de la Gironde relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 27 janvier 2020 et lui a enjoint de délivrer à Mme B..., épouse C..., une carte de séjour " vie privée et familiale ".

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., épouse C..., résidant en France depuis le mois de décembre 2014, s'est mariée le 26 décembre 2015 avec un compatriote, titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 12 avril 2028 et d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er novembre 2016, avec lequel elle établit avoir une communauté de vie depuis le 23 février 2016 au plus tard, et dont elle a eu deux enfants nés en France les 28 décembre 2014 et 18 juin 2018. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressée a suivi avec application, sérieux et assiduité des cours de français dès son arrivée en France au titre des années 2013-2014, 2015-2016, 2017-2018 et 2018-2019. Dans ces circonstances, alors même que l'intéressée pourrait bénéficier du regroupement familial et ne serait pas dépourvue de toute attache en Turquie, la décision litigieuse a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Elle a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Gironde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 27 janvier 2020 et lui a enjoint de délivrer à Mme B..., épouse C..., une carte de séjour " vie privée et familiale ".

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative comme de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... épouse C... la somme que demande l'État sur ces fondements. En revanche, Mme B..., épouse C... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle et son conseil pouvant, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme globale de 1 200 euros, à verser à Me Da Ros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Gironde est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Da Ros, la somme de 1 200 euros au titre

des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., épouse C..., et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Rey Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 2 décembre 2021.

La rapporteure,

Florence Rey-Gabriac

Le président

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N°20BX04238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX04238
Date de la décision : 02/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-02;20bx04238 ?
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