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03/12/2021 | FRANCE | N°21BX01374

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 03 décembre 2021, 21BX01374


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 32 432,55 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'inexécution par le préfet de la Haute-Garonne du jugement du 13 juin 2017 du tribunal administratif de Toulouse lui enjoignant la délivrance d'une carte de résident.

Par un jugement n° 1902399 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 19 218,29 euros assortie des

intérêts légaux à compter du 11 janvier 2019 et a mis à sa charge une somme de 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 32 432,55 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'inexécution par le préfet de la Haute-Garonne du jugement du 13 juin 2017 du tribunal administratif de Toulouse lui enjoignant la délivrance d'une carte de résident.

Par un jugement n° 1902399 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 19 218,29 euros assortie des intérêts légaux à compter du 11 janvier 2019 et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que :

- aucune faute ne peut être retenue à son encontre dès lors que le motif d'annulation retenu par le jugement du 13 juin 2017 était un vice de procédure et que M. B... ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour au titre de son état de santé ;

- en considérant que l'instruction de la demande présentée en juillet 2017 constituait un réexamen à la suite du jugement d'annulation du 13 juin 2017, le tribunal a méconnu l'autorité de la chose jugée par la cour administrative d'appel dans le cadre de l'examen du refus de titre de séjour du 17 avril 2018 ;

- en l'absence de faute, le requérant ne peut se prévaloir de l'existence d'un préjudice financier ou moral ;

- le préjudice financier allégué n'est pas établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Benhamida, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'il n'est pas établi que son signataire disposait d'une délégation de signature ;

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

1. M. B..., ressortissant algérien né le 1er août 1953, est entré en France le 27 novembre 2014 sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile, présentée le 6 janvier 2015, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 décembre 2015, cette décision ayant été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 mars 2016. En parallèle M. B... avait déposé le 6 octobre 2015 une demande de certificat de résidence en qualité d'étranger malade. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 20 mai 2016 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, qui a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 juin 2017, lequel a également enjoint au préfet de délivrer à M. B... un titre de séjour vie privée et familiale dans un délai d'un mois. Sur l'invitation du préfet, M. B... a présenté une nouvelle demande le 20 juillet 2017, qui a fait l'objet d'un rejet par un arrêté du 17 avril 2018, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse et la cour administrative d'appel de Bordeaux. Estimant que le préfet aurait dû lui délivrer un titre de séjour en exécution du jugement du 13 juin 2017, sans procéder à une nouvelle instruction de son dossier, M. B... a demandé au tribunal de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices en résultant à hauteur de la somme de 32 432,55 euros. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 9 février 2021, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 19 218,29 euros assortie des intérêts légaux à compter du 11 janvier 2019.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Par un arrêté du 10 novembre 2018, publié au recueil des actes administratifs de la Haute-Garonne n° 31-2018-241 du 10 novembre 2018, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation de signature à Mme A..., signataire de la requête, à l'effet de signer l'ensemble des pièces, mémoires en défense et requêtes en appel relatives au contentieux de toutes décisions prises en matière de droit des étrangers devant les juridictions administratives et judiciaires. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du signataire de la requête doit être écartée.

Sur la responsabilité :

3. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 20 mai 2016 refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé. Dès lors que pour prononcer cette injonction le tribunal, qui se prononce alors comme juge de pleine juridiction, a nécessairement considéré qu'aucun changement substantiel de nature à faire obstacle au prononcé de la mesure d'injonction n'était intervenu dans la situation médicale de l'intéressé ni dans les circonstances de droit, il appartenait ainsi au préfet, qui n'a au demeurant pas interjeté appel de ce jugement ni demandé qu'il soit sursis à son exécution, de délivrer à M. B... un titre de séjour sur la base de la demande initiale dont il se trouvait de nouveau saisi. Par suite, le préfet ne peut utilement se prévaloir, pour justifier l'absence d'exécution de l'injonction prononcée par le tribunal, de l'avis émis le 1er octobre 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans le cadre de l'examen de la nouvelle demande de titre qu'il a demandé à M. B... de présenter ni invoquer la circonstance que, eu égard au motif d'annulation retenu par le jugement du 13 juin 2017, l'annulation de son arrêté du 20 mai 2016 n'impliquait que le réexamen de la demande de l'intéressé. Ainsi, en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour, en lui demandant de déposer une nouvelle demande et en ne lui accordant durant la période d'instruction de son dossier qu'une autorisation provisoire de séjour, le préfet a méconnu l'autorité qui s'attache à la chose jugée et commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

Sur le préjudice :

4. Aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale : " Les personnes de nationalité étrangère (...), ne peuvent bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour ou si elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour. Un décret fixe la liste des titres ou documents attestant la régularité de leur situation. (...) Le droit à l'allocation aux adultes handicapés est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre, au titre d'un régime de sécurité sociale, d'un régime de pension de retraite ou d'une législation particulière, à un avantage de vieillesse ou d'invalidité, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à constante d'une tierce personne visée à l'article L. 355-1, ou à une rente d'accident du travail, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à tierce personne mentionnée à l'article L. 434-2, d'un montant au moins égal à cette allocation ". En application des dispositions combinées des articles D. 821-8 et D. 115-1 de ce code, le certificat de résidence de ressortissant algérien figure sur la liste des titres ou documents prévus à l'article L. 821-1. Enfin, les décrets n° 2017-710 et n° 2018-328 pris en application de l'article L. 821-23 de ce code ont fixé le montant mensuel de l'allocation adultes handicapés à 810,89 euros à compter du 1er avril 2017 et 819 euros à compter du 1er avril 2018.

5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en exécution du jugement du 13 juin 2017, le préfet de la Haute-Garonne aurait dû mettre M. B... en possession d'un certificat de résidence algérien au plus tard le 13 juillet 2017, ce qui lui aurait ouvert droit, en application des dispositions citées ci-dessus, au bénéfice de l'allocation adulte handicapé. Par suite, le préfet ne peut sérieusement soutenir que l'intéressé ne pouvait bénéficier de cette allocation au motif qu'il n'était titulaire, en raison même de l'inexécution du jugement, que d'une autorisation provisoire de séjour puis d'un récépissé. Ainsi, alors que le préfet ne conteste pas que M. B... remplissait les autres conditions prévues par ces dispositions pour bénéficier de cette allocation, M. B... est fondé à soutenir, ainsi que l'a jugé le tribunal, qu'il a été privé du bénéfice de cette allocation en raison du défaut d'exécution du jugement du 13 juin 2017 jusqu'au 17 avril 2018, date de l'arrêté préfectoral lui refusant la délivrance d'un titre de séjour à la suite de sa demande de réexamen du 20 juillet 2017. En revanche, dès lors que M. B... se prévaut uniquement de la faute résultant du défaut d'exécution du jugement en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, le point de départ de son préjudice n'est pas le 6 octobre 2015, date de dépôt de sa demande de titre de séjour, ni le 20 mai 2016, date de la décision de refus qui lui a été illégalement opposée, mais le 13 juillet 2017, qui marque l'échéance du délai d'exécution d'un mois qui avait été fixé par le tribunal administratif. Compte tenu du montant de l'allocation aux adultes handicapés pour une personne célibataire et sans enfant au titre de cette période, il y a lieu de fixer le préjudice financier ainsi subi à la somme de 7 302,51 euros.

6. En second lieu, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral subi par M. B... en raison de la situation de précarité dans laquelle il s'est trouvé en lui allouant à ce titre une somme de 1 000 euros.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à M. B... soit ramenée à la somme de 8 302,51 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2019.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 19 218,29 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2019, que l'Etat a été condamné à verser à M. B... par le jugement du 9 février 2021 est ramenée à la somme de 8 302,51 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2019.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 février 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2021.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLa présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01374 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01374
Date de la décision : 03/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-06-06-01 Procédure. - Jugements. - Chose jugée. - Chose jugée par la juridiction administrative.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-03;21bx01374 ?
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