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10/12/2021 | FRANCE | N°21BX01828

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 décembre 2021, 21BX01828


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002528 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête enregistrée le 23 avril 2021, Mme A..., représentée par Me Da Ros, demande à la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002528 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 avril 2021, Mme A..., représentée par Me Da Ros, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 octobre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2019 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui livrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 8 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais dès lors que le métier exercé figure sur la liste annexée à cet accord ;

- la préfète a ajouté une condition non prévue par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de prendre en compte sa durée de séjour en raison de l'utilisation de faux documents et en lui opposant son absence de ressources ;

- elle remplit les conditions de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- s'agissant de l'examen de sa demande en qualité de salarié, la préfète n'a pas pris en compte la durée de sa présence en France et les difficultés de recrutement dans le secteur d'activité ;

- elle justifie de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels au regard de ses démarches de régularisation, de la durée de son séjour, de sa maîtrise de la langue et de son activité professionnelle qui atteste de son intégration ; elle n'a plus d'attaches dans son pays d'origine ; la commission du titre de séjour a émis un avis favorable à sa demande ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour ces mêmes motifs ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle est entachée d'erreur de droit en l'absence de prise en compte des critères prévus par l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète s'est crue à tort en situation de compétence liée et n'a pas pris en compte les circonstances humanitaires ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- et les observations de Me Da Ros, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 1er janvier 1984, déclare être entrée en France en 2009. Elle a présenté une première demande de titre de séjour en 2012, qui n'a pas pu être instruite en raison du caractère incomplet de son dossier. Elle a présenté une nouvelle demande le 15 avril 2014 qui a fait l'objet d'un rejet implicite et dont elle a demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté cette demande par un jugement du 12 mai 2016. Mme A... a ensuite déposé, le 15 décembre 2017, une demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 décembre 2019, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 21 octobre 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, en visant, notamment, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-sénégalais, ainsi que les articles L. 511-1, L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision comporte également les éléments relatifs à la situation personnelle la requérante, s'agissant notamment des conditions et de la durée de son séjour, des justificatifs qu'elle produit ainsi que les raisons pour lesquelles la préfète a estimé qu'elle ne remplissait pas les conditions posées par les articles L. 313-14 et L. 131-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin la consultation de la commission du titre de séjour par la préfète de la Gironde ayant donné lieu à l'émission d'un avis présentant un caractère facultatif, la circonstance que la décision en cause ne mentionne pas cet avis, est sans incidence sur sa motivation. Par ailleurs, la préfète de la Gironde n'était pas tenue de mentionner les motifs pour lesquels elle n'a pas entendu suivre l'avis favorable émis par la commission du titre de séjour, qui ne la liait pas.

3. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ".

4. Selon l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, inséré au sein d'une septième sous-section intitulée " l'admission exceptionnelle au séjour " de la deuxième section du chapitre III du titre Ier du livre III de la partie législative de ce code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

5. Les stipulations du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code.

6. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, telle que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

7. En l'espèce il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier que la préfète de la Gironde, qui a examiné dans un premier temps la situation de Mme A... au regard de sa situation personnelle et familiale dans le cadre de la délivrance éventuelle d'un titre " vie privée et familiale " puis, dans un second temps, a écarté la demande présentée en qualité de salarié en prenant en compte son expérience professionnelle, n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation. A cet égard, la mention de la réunion de la commission du titre de séjour permet de constater que la préfète a pris connaissance de cet avis avant de prendre sa décision, contrairement à ce que soutient la requérante.

8. En troisième lieu, Mme A... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un contrat de travail et des bulletins de salaire en qualité d'agent d'entretien, emploi mentionné dans la liste figurant en annexe IV de l'accord franco-sénégalais. Toutefois, les stipulations précitées de cet accord n'imposent pas à l'administration de délivrer au ressortissant sénégalais, qui se prévaut d'une telle promesse d'embauche, un titre de séjour portant la mention " salarié ", dès lors que le renvoi " à l'application de la législation française " permet également au préfet d'examiner la demande d'admission exceptionnelle au séjour dans les conditions posées par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour accorder cette admission exceptionnelle au séjour, laquelle ne constitue pas un droit selon les termes de l'accord franco-sénégalais, le préfet doit prendre en considération la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la préfète aurait commis une erreur de droit en ne lui accordant pas le titre de séjour sollicité au vu de l'emploi d'agent d'entretien dont elle se prévalait.

9. En quatrième lieu, Mme A... fait valoir qu'elle réside de façon continue en France depuis 2009, que sa situation a été soumise à la commission du titre de séjour, qu'elle justifie d'une activité professionnelle ininterrompue entre janvier 2012 et décembre 2018 en qualité d'agent d'entretien, que ses parents sont décédés et qu'elle n'a plus de contacts avec sa fratrie restée au Sénégal. Toutefois, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir le caractère habituel du séjour de l'intéressée sur le territoire avant 2012, les éléments produits pour les années antérieures étant trop ponctuels pour établir un séjour continu. En outre, la requérante, qui ne peut à cet égard utilement soutenir ne pas avoir reçu les courriers du préfet, envoyés à l'adresse qu'elle avait déclarée, n'a pas engagé de démarches sérieuses de régularisation avant 2017. Par ailleurs, Mme A..., qui est célibataire et sans charge de famille, ne justifie d'aucune attache en France. Elle ne démontre pas davantage qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside sa fratrie. Alors qu'elle ne se prévaut d'aucune promesse d'embauche ni d'un contrat de travail à la date de la décision attaquée et n'a plus travaillé depuis décembre 2018, ni son expérience professionnelle en qualité d'agent d'entretien, ni les contrats de travail dont elle a bénéficié dans l'exercice de ce métier ne constituent des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. Enfin, si elle soutient qu'elle a été victime de travail forcé de la part de membres de sa communauté lors de son arrivée en France, elle n'apporte aucun élément de nature à en justifier, l'avis de la commission du titre de séjour dont elle se prévaut se basant uniquement sur ses déclarations. Enfin, si la préfète ne pouvait pas se fonder sur la circonstance que l'usage par Mme A... d'un titre de séjour contrefait dans le but d'obtenir un emploi faisait obstacle à la démonstration de la présence de l'intéressée sur le territoire français pour ces années, il ressort toutefois des pièces du dossier que la préfète aurait pris la même décision si elle n'avait pas pris en compte l'usage de titres de séjour contrefaits. Dans ces conditions, la préfète n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant la décision contestée.

10. En cinquième lieu, si la préfète de la Gironde a indiqué, à l'occasion de l'examen de sa situation personnelle, que la requérante était dépourvue de ressources et accumulait des dettes, cette circonstance ne constitue qu'un des éléments de l'appréciation globale de sa situation et il ne ressort aucunement des termes de sa décision qu'elle aurait refusé de l'admettre au séjour pour ce motif. Par suite, Mme A... ne peut soutenir que la préfète aurait irrégulièrement ajouté un critère à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En sixième lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'est pas au nombre de celles qui sont opposables au sens de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration et, au surplus, qui ne comporte que des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.

12. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Ainsi qu'il a été dit au point 9, Mme A..., qui a été mise à pied par son employeur à compter du mois de décembre 2018, n'établit pas disposer du moindre lien personnel ou familial en France, alors que ses frères et sœurs résident encore dans son pays d'origine, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 25 ans. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été édictée en méconnaissance des stipulations citées au point précédent doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que cette décision serait illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde doit être écarté.

15. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que cette décision entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 13.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que cette décision serait illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et de d'obligation de quitter le territoire sur lesquelles elle se fonde doit être écarté.

17. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

18. En deuxième lieu si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter sans délai le territoire français une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie. Il résulte en outre des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité administrative prend en compte les circonstances humanitaires qu'un étranger peut faire valoir et qui peuvent justifier qu'elle ne prononce pas d'interdiction de retour à son encontre.

19. La décision contestée vise les dispositions législatives précitées et indique que l'examen de la situation de Mme A... a été effectuée s'agissant de la durée de l'interdiction de retour, " au regard notamment du huitième alinéa " du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, c'est-à-dire des quatre critères, non cumulatifs, évoqués au point précédent. Enfin, l'autorité préfectorale justifie la durée de deux ans fixée pour l'interdiction de retour par le fait que la requérante, si elle n'a jamais fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, s'est maintenue en France sous couvert de fausses cartes de résident et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches au Sénégal alors qu'elle ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Ce faisant, la préfète de la Gironde a suffisamment motivé sa décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans.

20. En troisième lieu, il ne ressort pas de cette motivation, ni des autres pièces du dossier que la préfète n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante, ni qu'elle se serait considérée en situation de compétence liée pour prendre la mesure d'interdiction de retour.

21. En dernier lieu, comme indiqué précédemment aux points précédents, Mme A... ne justifie pas de liens privés, familiaux ou professionnels en France tels qu'elle aurait vocation à y rester et ne justifie pas, en se prévalant de sa durée de présence sur le territoire national, de circonstances humanitaires de nature à faire obstacle à l'édiction d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Si elle soutient qu'elle ne peut être considérée comme une menace pour l'ordre public, cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle, à elle seule, au prononcé d'une interdiction de retour. Dans ces conditions, alors que l'intéressée n'est pas dépourvue de liens familiaux dans son pays d'origine et qu'elle a utilisé des documents falsifiés, en décidant de prendre à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, la préfète de la Gironde n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

22. Il résulte de ce tout qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 27 décembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2021.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLa présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01828 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01828
Date de la décision : 10/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-10;21bx01828 ?
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