La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2021 | FRANCE | N°19BX03592

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 13 décembre 2021, 19BX03592


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Toulouse à lui verser la somme totale de 345 951 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis dans l'exercice de ses fonctions et du fait des fautes commises par la commune de Toulouse.

Par un jugement n° 1605476 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces demandes ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2019 et un mémoire en

registré le 26 avril 2021, Mme B..., représentée par Me Hirtzlin-Pinçon, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Toulouse à lui verser la somme totale de 345 951 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis dans l'exercice de ses fonctions et du fait des fautes commises par la commune de Toulouse.

Par un jugement n° 1605476 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces demandes ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2019 et un mémoire enregistré le 26 avril 2021, Mme B..., représentée par Me Hirtzlin-Pinçon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juillet 2019 ;

2°) de condamner la commune de Toulouse à lui verser la somme totale de 345 951 euros assortie des intérêts au taux légal ainsi que de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis dans l'exercice de ses fonctions et du fait des fautes commises par la commune de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de son conseil une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la composition de la formation de jugement ne permet pas d'en assurer l'impartialité ;

- ce jugement a été rendu à l'issue d'un délibéré trop court qui, de surcroit, ne lui a pas laissé le loisir de produire une note en délibéré ;

- ce jugement est entaché de multiples erreurs ;

- elle a lié le contentieux concernant l'intégralité des chefs de préjudice ;

- il existe un lien direct et certain entre l'organisation déficiente du service, les autres fautes commises par la commune et son syndrome d'épuisement professionnel ;

- elle justifie de la réalité et du montant de son préjudice.

Par des mémoires enregistrés les 27 janvier et 28 mai 2021, la commune de Toulouse, représentée par Me Aveline, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 avril 2021 la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 mai 2021 à 12 h 00.

Un mémoire de Mme B... a été enregistré le 26 octobre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Aveline, représentant la commune de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 août 2009, Mme B..., animateur territorial, a été affectée à sa demande à l'Office de la tranquillité de la commune de Toulouse sur un poste de régulatrice coordination médiation. Le 16 octobre 2014, Mme B... a fait une tentative de suicide par intoxication médicamenteuse dans les locaux de l'office de la tranquillité. Par décision du 19 octobre 2014, la commune de Toulouse a reconnu cet accident comme imputable au service. En revanche, elle a refusé, par une décision du 9 mai 2017, d'admettre l'imputabilité au service des troubles anxio-dépressifs dont était atteinte Mme B... et a rejeté le 18 juillet suivant le recours gracieux formé par cette dernière. Enfin la commune de Toulouse a également implicitement rejeté la demande formée par Mme B... le 8 août 2016 et tendant à l'indemnisation des préjudices que lui auraient causé les fautes commises par l'administration dans la gestion de ses conditions de travail. Mme B... relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Toulouse à lui verser la somme totale de 345 951 euros en réparation de ces préjudices.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si l'appelante fait valoir que la formation de jugement était notamment composée d'un magistrat nommé et titularisé dans le grade de conseiller du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à compter du 1er janvier 2011 et qui avait précédemment exercé les fonctions d'assistant auprès du conseil municipal de la Ville de Toulouse du 13 septembre au 31 décembre 2010, cette seule circonstance ne permet aucunement de mettre en cause son impartialité ou son indépendance, compte tenu du délai écoulé entre la fin de ces fonctions et les décisions litigieuses des 9 mai et 18 juillet 2017 auxquelles il n'a pu prendre aucune part et qui ne sont pas davantage fondées en droit ou en fait sur des décisions plus anciennes auxquelles il aurait pu prendre part.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R.731-3 du code de justice administrative ; " A l'issue de l'audience, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré ".

4. Mme B... n'établit pas qu'elle aurait été privée de la possibilité de produire une note en délibérée ou que le jugement aurait été rendu sans que la formation de jugement puisse prendre en compte tous les éléments du dossier aux seuls motifs que le rapporteur public aurait refusé de lui adresser une version écrite des conclusions qu'il a prononcées à l'audience, que le dossier était complexe et que le jugement attaqué aurait été lu en audience publique une semaine après l'audience.

5. En troisième lieu, si l'appelante soutient que le jugement attaqué est entaché de multiples erreurs de fait et qu'elle a lié le contentieux concernant tous les chefs de préjudices dont elle se prévaut, ces moyens ont trait au bien-fondé du jugement attaqué et demeurent sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. D'une part, l'office de la tranquillité avait pour objet " notamment mais non uniquement à apporter une réponse aux incivilités et autres nuisances subis par les toulousains " en mettant, en particulier, à disposition des résidents un numéro de téléphone permettant de joindre de jour comme de nuit des opérateurs. Cet objet impliquait donc en lui-même que le service soit accessible 24h/24 et que soient traités les appels téléphoniques de personnes excédées ou en grande difficulté. Ces contraintes étaient d'ailleurs parfaitement exposées dans la fiche de poste qu'a pu consulter Mme B... avant de faite acte de candidature sur un poste de régulatrice. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que ces contraintes caractérisent en elles-mêmes une faute de la commune dans l'organisation du service. En outre, si l'appelante fait état de dysfonctionnements, il ressort seulement des documents qu'elle produit, notamment des revendications formulées auprès de la direction des ressources humaines, d'un compte-rendu de comité technique paritaire ou des revendications portées par les organisations syndicales, que l'organisation mise en place lors de la création de l'office était perfectible et que, dès le mois de mars 2010, la mairie a pris des mesures pour améliorer les conditions de travail de ses agents, d'abord en refondant leurs plannings puis en recrutant 6 médiateurs supplémentaires en novembre et décembre 2010 et qu'il existait au sein de l'office de la tranquillité des problèmes d'ajustement interpersonnel comme dans toute organisation collective. En outre, si les organisations syndicales, y compris celle représentée par Mme B..., ont régulièrement mis en avant la pénibilité du travail, leurs revendications ne portaient pas sur un aménagement de l'organisation ou des conditions de travail mais sur l'obtention de compensations financières.

7. D'autre part, si l'appelante évoque l'inaction de la commune face à sa situation de souffrance au travail, il ressort au contraire des pièces du dossier que la commune a affecté Mme B... sur un poste de régulatrice-médiatrice correspondant à des horaires de bureau dès qu'elle a été alertée par la médecine préventive, en novembre 2012, que Mme B... éprouvait des difficultés à supporter ses horaires décalés et de nuit quatre jours par mois. En outre, si l'appelante dénonce des faits de harcèlement moral, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait fait état auprès de sa hiérarchie de tels agissements avant le signalement d'agression qu'elle a remplie le 16 juin 2014. Par ailleurs, si ce signalement d'agression par son futur supérieur hiérarchique, le courriel que celui-ci lui a adressé le 17 avril 2014, et son ingestion d'un cocktail médicamenteux sur son lieu de travail, le 16 octobre 2014, à la suite de l'annonce de la fermeture prochaine de l'office de la tranquillité, sont de nature, respectivement, à entraîner ou à caractériser une situation de souffrance au travail, ils ne permettent pas de caractériser une forme de violence psychologique ou de harcèlement compte tenu du caractère mesuré des termes de ce courriel ainsi que de ceux qui auraient été employés à son encontre lors d'une altercation, dont le déroulement n'est au demeurant corroborée par aucun élément factuel ni aucun témoignage.

8. Enfin, si les médecins-experts qui l'ont examinée le 21 octobre 2016, à la demande de la commission de réforme, ont constaté que Mme B... souffrait d'un " retentissement thymique à type de dépression réactionnelle liée à des difficultés professionnelles et un conflit l'opposant à un de ses collègues de travail qui serait devenu son directeur " et si Mme B... a ingéré un cocktail médicamenteux sur son lieu de travail, le 16 octobre 2014, à la suite de l'annonce de la fermeture prochaine de l'office de la tranquillité, ces circonstances ne sauraient, à elles seules, caractériser des fautes de la commune dans l'organisation du service ou la prise en charge de ses difficultés professionnelles alors, au demeurant, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats établis par un médecin-psychiatre à la demande de l'appelante les 8 octobre 2014 et 27 février 2015, que celle-ci a été suivie sur le plan médico-psychologique dès septembre 2009, soit quelques semaines après son affectation au sein de l'office de la tranquillité et qu'un traitement antidépresseur lui a été alors prescrit.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de ses demandes que Mme B... n'établit pas que la commune aurait commis une ou plusieurs fautes dans l'organisation du service ou la prise en charge de ses difficultés professionnelles ni, a fortiori, qu'il existerait un lien direct entre ces fautes et les préjudices dont elle se prévaut. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à l'indemniser de ces préjudices.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande Mme B... soit mise à la charge de la commune de Toulouse, laquelle n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme B..., une somme de 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la commune.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la commune de Toulouse une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B... et à la commune de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2021.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Didier ArtusLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N°19BX03592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03592
Date de la décision : 13/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales. - Dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (loi du 26 janvier 1984).


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET GOUTAL ALIBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-13;19bx03592 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award