La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2021 | FRANCE | N°20BX02068

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 15 décembre 2021, 20BX02068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme AJ... W..., M. B... X..., M. AE... AI..., M. E... F..., Mme P... AH..., Mme AK... G..., M. L... AQ..., M. K... AQ..., M. AU... N..., Mme AL... O..., Mme AB... I..., l'association Vivre en vallée de l'Isle, l'association Sepanso Gironde, la commune de Porchères, M AS... J..., Mme AP... AN..., M. AM... AC..., M. D... R..., M. A... R..., M. Q... AR..., M. Y... AR..., M. H... AD..., M. S... AF..., Mme AO... T..., M. C... U..., M. Z... M... et M. AA... V... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annu

ler l'arrêté du 6 novembre 2013 par lequel le préfet de la Girond...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme AJ... W..., M. B... X..., M. AE... AI..., M. E... F..., Mme P... AH..., Mme AK... G..., M. L... AQ..., M. K... AQ..., M. AU... N..., Mme AL... O..., Mme AB... I..., l'association Vivre en vallée de l'Isle, l'association Sepanso Gironde, la commune de Porchères, M AS... J..., Mme AP... AN..., M. AM... AC..., M. D... R..., M. A... R..., M. Q... AR..., M. Y... AR..., M. H... AD..., M. S... AF..., Mme AO... T..., M. C... U..., M. Z... M... et M. AA... V... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2013 par lequel le préfet de la Gironde a autorisé la société Calcaires et Diorites du Moulin du Roc (CDMR) à exploiter une carrière à ciel ouvert de sables et graviers ainsi qu'une installation de lavage et de criblage de matériaux sur le territoire des communes de Porchères et de Saint-Antoine-sur-l'Isle.

Par un jugement n° 1403397 et 1404587 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juin 2016 et le 19 septembre 2018, M. AT... J..., M. A... R..., M. Q... AR..., M. Y... AR..., M. S... AF..., Mme AO... T..., M. C... U..., M. AA... V..., Mme AJ... W..., M. B... X..., M. AE... AI..., Mme AK... G..., M. K... AQ..., M. L... AQ..., M. AU... N..., Mme AL... O... et l'association Vivre en vallée de l'Isle et la commune de Porchères, représentés par Me Ruffié, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 novembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

- ils sont recevables à interjeter appel du jugement contesté ; ils étaient recevables à contester l'arrêté d'autorisation en vertu des articles L. 142-2 et R. 514-3-1 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation est entachée d'insuffisances ; le diagnostic faune/flore contenu dans cette étude est lacunaire ; l'étude d'impact ne prévoit pas que la préservation de la ripisylve est un enjeu à protéger ; l'étude d'impact comporte des analyses contradictoires en ce qui concerne l'impact du projet sur la qualité des eaux ; ses conclusions en ce qui concerne l'impact du projet sur le trafic routier sont erronées ;

- l'évaluation des incidences Natura 2000 contenue dans le dossier d'autorisation est entachée d'insuffisances en ce qui concerne l'objectif de préservation de la ripisylve ;

- l'autorité environnementale et le commissaire-enquêteur ont commis des erreurs sur le volume des matériaux extraits ; cette erreur a nui à l'information du public et de l'administration ;

- l'avis du commissaire-enquêteur doit être regardé comme défavorable car il contient une réserve concernant la détection de la présence de la tortue cistude dans l'emprise du projet qui n'a pas été levée ;

- la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) s'est réunie avant qu'une étude complémentaire ne soit réalisée sur la présence des tortues cistude dans l'emprise du projet ;

- le préfet n'a pas tenu compte des avis défavorables rendus pendant la procédure d'instruction de la demande d'autorisation, en particulier celui de la CDNPS ; le seul avis favorable, celui de la commune de Saint-Antoine-sur-l'Isle, est entaché d'un défaut d'impartialité en raison de l'intérêt personnel du maire et d'autres conseillers municipaux à la réalisation du projet contesté ;

- le projet entraîne la destruction ou au moins la perturbation de la vie des tortues cistude, espèce protégée, et de leurs habitats ; le pétitionnaire aurait dû solliciter une autorisation spéciale après consultation du conseil national de la protection de la nature ou du conseil départemental ;

- l'arrêté d'autorisation est incompatible avec le schéma départemental des carrières (SDC) car il permet la réalisation d'un projet dans une zone que ce document identifie comme présentant des " contraintes ou enjeux environnementaux " ; il s'agit aussi d'une zone que le SDC ne regarde pas comme prioritaire pour l'exploitation des carrières ; enfin, il existe dans l'emprise du projet des parcelles de vigne AOC ;

- les dispositions de la carte communale applicable autorisant la mise en valeur des ressources naturelles dans la zone N, dans laquelle se trouve le projet, sont incompatibles avec le SCOT du Grand Libournais ;

- le projet ne respecte pas non plus le règlement national d'urbanisme applicable à la commune et notamment son article R. 111-14 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en raison des conséquences néfastes que le projet aura sur les tortues cistude, espèce protégée, observées dans l'emprise de la future exploitation ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des impacts négatifs du projet sur le trafic routier existant.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 septembre 2016 et le 19 octobre 2018, la société CDMR, représentée par Me Lanoy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants personnes physiques ne justifient pas d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 6 novembre 2013 car ils ne démontrent pas l'existence d'un risque d'atteinte aux personnes et à l'environnement résultant du fonctionnement de la carrière ;

- l'objet social de l'association Sepanso Gironde est trop large pour qu'elle soit regardée comme ayant intérêt à contester l'arrêté en litige ; de plus, cette association n'a pas justifié de sa qualité pour agir en première instance ;

- l'association Vivre en Vallée de l'Isle a été créée spécifiquement dans le but de contester l'arrêté du 6 novembre 2013 ; elle ne justifie pas d'un intérêt à agir en application de l'article L. 142-1 du code de l'environnement ; cette association n'est pas non plus représentée par une personne habilitée à cet effet ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en intervention, enregistrés le 3 novembre 2016 et le 30 octobre 2017, la commune de Saint-Antoine-sur-l'Isle, représentée par Me Bergeon, conclut à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux.

Par un mémoire en défense, présenté le 11 décembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête. Il s'en remet aux observations présentées par le préfet en première instance.

Par un arrêt n° 16BX02153 du 4 décembre 2018, la cour a rejeté la requête.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par une décision n° 427655 du 29 juin 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. J... et autres, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :

Par des mémoires et des pièces, enregistrés les 18 décembre 2020 ainsi que les 19 janvier, 14 et 28 octobre 2021, l'association Vivre en vallée de l'Isle et autres concluent aux mêmes fins et portent à 3 000 euros le montant de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Ils soutiennent également que :

- des éléments de fait et de droit nouveaux justifient la réouverture de l'instruction ; une ordonnance rendue le 27 mars 2018 par le président du tribunal de grande instance de Libourne, a commis un expert pour constater ou non la présence de tortues cistudes sur l'emprise du projet ; le principe du contradictoire n'a pas été méconnu dès lors que le juge judiciaire a considéré que les requérants étaient fondés à ne pas appeler de partie adverse ; il ressort des termes du rapport d'expertise, qui comporte des constatations purement techniques et objectives, qu'à défaut de tortues, ces opérations ont permis d'observer la présence de lotier hérissé sur la zone, celle d'un couple pie-grièche écorcheur à une trentaine de mètres du périmètre concerné et d'au moins un ou deux spécimens de gobemouche gris à l'intérieur de l'emprise du projet ;

- en contestant l'intérêt à agir des différents requérants intervenus devant le tribunal administratif, la société pétitionnaire remet en cause le bien-fondé du jugement et la recevabilité de la requête en appel ; dès lors qu'ils n'ont pas obtenu satisfaction devant le tribunal administratif, leur intérêt à agir est incontestable ;

- leur requête est présentée par des personnes physiques riverains du projet, une association locale ayant pour objet la préservation de la qualité de vie de la commune hébergeant le projet et une association agréée pour la protection de l'environnement dans le département ; la qualité des présidents de ces associations pour ester a été justifiée par des pièces produites devant les premiers juges ;

- la société pétitionnaire n'est pas fondée à contester la régularité des opérations d'expertise réalisée sur ordonnance du président du tribunal de grande instance de Libourne ; le caractère non-contradictoire des opérations est légalement prévu par les dispositions du code de procédure civile ; selon une jurisprudence établie, lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance du principe du contradictoire ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier ; de plus, l'affiliation de l'association Cistude Nature à la Sepanso n'est pas de nature à entacher, à elle-seule, l'expertise de partialité ;

- les constatations effectuées lors des opérations d'expertise tendent à établir que l'étude d'impact, l'étude d'incidence Natura 2000 ou les autres études complémentaires versées au dossier sont, a minima, insuffisantes dès lors qu'elles ne prennent pas en compte la présence d'une espèce figurant sur la liste rouge des espèces menacées en France à l'intérieur de l'emprise du projet ; les erreurs figurant dans ces documents, qui concluent à l'absence d'espèce protégée sur l'emprise du projet et aux faibles enjeux faunistiques de la zone d'emprise ont été de nature à nuire à l'information complète du public et à celle de l'autorité administrative ;

- compte tenu de l'observation de gobemouches gris sur site, le projet entraîne la destruction ou au moins la perturbation d'espèces protégées, et de leurs habitats ; le pétitionnaire aurait dû solliciter une autorisation spéciale après consultation du conseil national de la protection de la nature ou du conseil départemental ; l'existence de mesures d'évitement ne permet pas de garantir que le projet ne nuira pas à la faune et à la flore ; en tout état de cause, il était nécessaire de solliciter une dérogation au titre de l'article L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement ;

- le préfet, constatant l'irrégularité de l'avis rendu par le conseil municipal de la commune de Saint-Antoine-sur-l'Isle aurait dû solliciter un nouvel avis ;

- par deux arrêts du même nom, Association FNE, rendus les 6 et 28 décembre 2017, le Conseil d'Etat a annulé les dispositions pertinentes de l'article R. 122-6 du code de l'environnement, dans les versions issues des décrets n° 2016-519 du 28 avril 2016 et

n° 2016-1110 du 11 août 2016, selon lesquelles le préfet de région était l'autorité compétente en matière d'environnement et devait donner un avis sur un projet ultérieurement arrêté par un préfet de département ; en l'espèce, le projet en litige a fait l'objet d'une évaluation environnementale par la DREAL d'Aquitaine et a été autorisé par le préfet de la Gironde, également préfet de région ; l'avis de l'autorité environnementale n'est pas rendu par une autorité indépendante ; à titre subsidiaire, la décision litigieuse est illégale en tant que le préfet signataire ne disposait pas, dès lors qu'il avait donné un avis favorable dans le cadre de ses fonctions de préfet de région dans le cadre de la DREAL, de l'impartialité pourtant requise pour autoriser un tel projet ;

- la décision a été adoptée, notamment sur le fondement de l'article R. 122-6 du code de l'environnement alors même que cette disposition est entachée d'illégalité ; l'arrêté est entaché d'une méconnaissance du champ d'application de la loi.

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 janvier 2021, 20 et 28 janvier 2021, 4 février 2021, 4 juin 2021 et 3 novembre 2021, la société CDMR, représentée par Me Lanoy, conclut aux mêmes fins.

Elle soutient que :

- le rapport d'expertise produit par les requérants a été réalisé sans respecter le principe du contradictoire ; il ne comporte aucun élément de purs faits non contestés et aucune appréciation corroborée par d'autres éléments du dossier et devra donc être purement et simplement écarté des débats ; l'expert désigné par le président du tribunal de grande instance de Libourne ayant eu recours au service d'un sapiteur membre d'une association affiliée à l'association Sepanso, partie au présent litige, l'expertise manque d'objectivité et d'impartialité et devra être écartée ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 11 janvier 2021, la commune de Saint-Antoine-sur-l'Isle, représentée par Me Bergeon, conclut aux mêmes fins et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association Sepanso et autres au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Elle s'associe à l'intégralité des moyens et demandes développées par la société CDMR.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2021, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par courriers du 17 décembre 2020 les parties ont été invitées, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le vice, que la cour est susceptible de retenir, tenant à la méconnaissance de la règle d'autonomie de l'autorité environnementale.

Par une correspondance, enregistrée le 20 janvier 2021, le ministre de la transition écologique a présenté des observations en réponse au courrier du 17 décembre 2020 de la cour et demandé que, le cas échéant, la juridiction prévoit un délai de régularisation compatible avec les diverses formalités à accomplir, soit dans l'hypothèse d'une nouvelle enquête publique un délai de 6 à 8 mois.

Par une correspondance, enregistrée le 28 janvier 2021, la société CDMR, représentée par Me Lanoy, a présenté des observations en réponse au courrier du 17 décembre 2020 de la cour et indiqué que la mission régionale de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable compétente pour la région Nouvelle-Aquitaine ne saurait être consultée dans l'hypothèse où une régularisation serait décidée par la juridiction, au titre du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, dès lors que cette autorité ne présente pas les garanties d'impartialité requises.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2009-235 du 27 février 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- les observations de Me Ruffié, représentant M. J... et autres,

- les observations de Me Lanoy, représentant la société CDMR ;

- et les observations de Me Bergeon, représentant la commune de Saint-Antoine-sur-l'Isle.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 novembre 2013, le préfet de la Gironde a autorisé la société Calcaires et Diorites du Moulin du Roc (CDMR) à exploiter une carrière à ciel ouvert de sables et graviers ainsi qu'une installation de lavage et de criblage de matériaux sur le territoire des communes de Porchères et de Saint-Antoine-sur-l'Isle. Par un jugement rendu le 4 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. AG... J..., M. A... R..., M. Q... AR..., M. Y... AR..., M. S... AF..., Mme AO... T..., M. C... U..., M. AA... V..., Mme AJ... W..., M. B... X..., M. AE... AI..., Mme AK... G..., M. K... AQ..., M. L... AQ..., M. AU... N..., Mme AL... O..., de l'association Vivre en Vallée de l'Isle, de l'association Sepanso Gironde et de la commune de Porchères d'annuler cet arrêté. Par un arrêt n° 16BX02153 du 4 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par l'association Vivre en vallée de l'Isle (VIENVI) et autres contre ce jugement. Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt par une décision n° 427655 du 29 juin 2020 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne l'intérêt à agir :

2. Aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'environnement : " (...) les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l'amélioration du cadre de vie, de la protection (...) des sols, des sites et paysages, de l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d'une manière générale, œuvrant principalement pour la protection de l'environnement, peuvent faire l'objet d'un agrément motivé de l'autorité administrative (...). Ces associations sont dites "associations agréées de protection de l'environnement" (...) ". Aux termes de l'article L. 142-1 du même code : " Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 (...) justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ".

3. Par un arrêté du 23 novembre 2012, le préfet de la Gironde a renouvelé au bénéfice de l'association Sepanso Gironde son agrément au titre de l'article L. 141-1 précité du code de l'environnement. L'article 1er de cet arrêté précise que l'agrément est délivré au niveau départemental. Aux termes de l'article 2 de ses statuts, l'association Sepanso Gironde " a pour objet, dans le département de la Gironde : - la défense des droits de l'Homme à l'environnement, - la sauvegarde de la faune, de la flore, et du milieu naturel dont elles dépendent, ainsi que des équilibres biologiques, - la préservation des sites et paysages, ainsi que du cadre de vie contre toutes les formes de dégradation qui les menacent, y compris l'exposition aux risques naturels et technologiques, - la lutte contre les pollutions de toute nature ".

4. L'arrêté contesté autorise, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, l'exploitation d'une carrière à ciel ouvert de sables et graviers et une installation de lavage et criblage des matériaux sur le territoire des communes de Porchères et de Saint-Antoine-sur-l'Isle, toutes deux situées dans le département de la Gironde. Compte tenu de son objet social et de la nature de la décision attaquée, l'association Sepanso Gironde justifie d'un intérêt à contester l'arrêté en litige.

En ce qui concerne la qualité pour agir :

5. L'association Sepanso Gironde a produit devant le tribunal, le 11 décembre 2015, la délibération de son conseil d'administration du 22 mai 2014 autorisant son président à saisir le tribunal d'un recours contre l'arrêté en litige. Par suite, l'association Sepanso Gironde était représentée en justice conformément aux articles XIII et XV de ses statuts.

6. La demande de première instance présentée par l'association Sepanso Gironde étant recevable, la circonstance que certains des autres auteurs de la requête ne justifieraient pas d'un intérêt à agir ou de leur qualité pour agir ne fait pas obstacle à ce que les conclusions de cette requête soient jugées recevables. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par la société CDMR, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la demande de 1ère instance ne serait pas recevable.

Sur la recevabilité de l'intervention de la commune de Saint-Antoine-sur-l'Isle :

7. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. Toutefois, une intervention, qui présente un caractère accessoire, n'a pas pour effet de donner à son auteur la qualité de partie à l'instance et ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions de l'appelant, soit à celles du défendeur.

8. La commune de Saint-Antoine-sur-l'Isle, sur le territoire de laquelle est située la carrière en cause est susceptible d'être affectée par le projet autorisé et justifie ainsi d'un intérêt suffisant à intervenir dans le cadre de la présente instance au soutien des conclusions tendant au rejet de la requête de l'association Vienvi et autres. Son intervention est, par suite, recevable.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 novembre 2013 :

9. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.

En ce qui concerne l'étude d'impact :

10. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. ". Aux termes de l'article R. 512-6 du même code : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 dudit code, alors applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II. - L'étude d'impact présente : 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en œuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés, ainsi qu'une estimation des types et des quantités des résidus et des émissions attendus résultant du fonctionnement du projet proposé (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article

L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux (...) 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; -compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité (...) ". Aux termes de l'article R. 512-8 de ce code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article

R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et

L. 511-1. II. - Le contenu de l'étude d'impact est défini à l'article R. 122-5 (...) ". Cet article fixe par ailleurs les éléments complémentaires qui doivent figurer dans l'étude d'impact.

11. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'emprise du projet n'est pas incluse dans une zone d'inventaire de type ZNIEFF ou ZICO ou dans un site Natura 2000 de type Site d'Importance Communautaire. Les requérants font valoir que le site d'emprise abrite des espèces protégées et notamment des tortues cistudes d'Europe.

13. S'agissant de la tortue cistude, l'étude d'impact confirme la présence de spécimens de cette espèce au niveau du fossé bordant la limite sud de l'emprise de la future carrière en précisant que cet animal est inscrit aux annexes II et IV de la directive " Habitats " et qu'il bénéficie d'une protection règlementaire en France. L'étude d'impact reconnait que les travaux d'aménagement de la voie d'accès au site d'exploitation pourraient causer une dégradation des eaux du fossé accueillant la tortue cistude puis expose les mesures destinées à éviter une telle conséquence. Les requérants soutiennent que l'étude d'impact est erronée dès lors que la tortue cistude est aussi présente à l'intérieur du site d'emprise de la carrière et produisent des attestations en ce sens de deux apiculteurs et du maire de la commune de Porchères ainsi qu'un courrier de la DREAL d'Aquitaine du 11 mai 2015 selon lequel des spécimens et des habitats favorables à cette espèce ont été observés par l'ONCS le 28 juillet 2014, soit postérieurement à la décision contestée. Toutefois, il résulte de l'instruction que, pour lever la réserve émise par le commissaire-enquêteur sur la présence de tortues cistudes d'Europe sur site, des investigations complémentaires ont été réalisées par un écologue présent toutes les fins d'après-midi, heures propices aux observations, entre le 15 mai et le 13 juillet 2013, période de ponte de ces tortues, sans que soit constatée la présence de cet animal. De plus, en exécution d'une ordonnance du 27 mars 2018 de la présidente du tribunal de grande instance de Libourne, des opérations d'expertise ayant pour objet de procéder à la constatation de la présence ou de l'absence de spécimens d'espèces protégées sur l'emprise du projet sans laisser le loisir à l'exploitant de procéder à leur retrait ont été menées le 22 juin 2018 et à cette occasion, aucun spécimen de tortue cistude d'Europe n'a été aperçu sur le site d'emprise du projet. Par suite, les éléments produits ne permettent pas d'infirmer le contenu de l'étude d'impact qui doit s'apprécier, ainsi qu'il a été dit, au regard des circonstances en vigueur à la date de l'autorisation contestée alors que, pour réaliser cette dernière, le pétitionnaire avait fait procéder à des visites sur place à neuf reprises entre les mois de mars et d'octobre, période incluant la période allant d'avril à juillet dont les requérants soutiennent qu'elle correspond à une phase biologique des tortues, étalées sur quatre années successives.

14. S'agissant des autres espèces protégées, les requérants soutiennent que sur 30 hectares de bois, il devrait y avoir au minimum sept ou huit espèces protégées sans apporter aucun élément en ce sens. Ils font également valoir que la présence sur site du lotier hérissé, du gobemouche gris et de la pie-grièche écorcheur a été confirmée lors des opérations d'expertise qui se sont déroulées le 22 juin 2018. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport établi le 28 août 2018, que l'expert désigné par le juge judiciaire, qui s'est adjoint les services, en qualité de sapiteur, de l'association Cistude Nature, association affiliée à la Sepanso Aquitaine, a entendu à deux reprises près de la limite sud du site le chant d'un oiseau qui n'a pu être ni observé ni localisé mais qui, après comparaison avec les chants disponibles sur une base de données disponible en ligne, a été identifié comme étant un gobemouche gris et, d'autre part, a aperçu, au niveau d'un roncier situé en dehors du site, un oiseau, dont la photo n'a pu être prise, qui, contrairement à ce que soutiennent les requérants, n'a pu être identifié comme une pie-grièche écorcheur. Compte tenu du caractère très incertain des constatations ainsi effectuées cinq ans après l'arrêté en litige, ces éléments ne permettent pas de remettre en cause le contenu de l'étude d'impact sur ce point. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, le lotier hérissé, dont, au demeurant, il n'est pas établi qu'il ait été présent sur le site à la date de réalisation de l'étude d'impact, n'est pas mentionné dans l'arrêté du 8 mars 2002 relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Aquitaine complétant la liste nationale. A cet égard, si les intéressés se réfèrent à des études d'impact réalisées par d'autres pétitionnaires, à un avis du 8 juin 2020 du Conseil national de la protection de la nature concernant un autre projet et à un arrêté du 19 juillet 2021 de la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine portant dérogation à l'interdiction de récolte, de transport et d'utilisation d'espèces végétales protégées, ces éléments n'ont ni pour objet ni pour effet d'inscrire le lotier hérissé sur la liste des espèces protégées mentionnées dans l'arrêté du 8 mars 2002.

15. En deuxième lieu, l'étude d'impact a relevé la présence au niveau du ruisseau de la chaussée d'une ripisylve en précisant qu'il s'agit d'un habitat prioritaire d'intérêt communautaire inscrit à l'annexe I de la Directive européenne " Habitats ". L'étude d'impact indique que, si la ripisylve n'est pas incluse dans le périmètre du projet de carrière, elle se trouve néanmoins impactée sur 200 m² par les travaux d'édification du pont traversant le ruisseau et précise, à titre de mesure compensatoire, que la conception du pont vise à ne modifier ni les berges ni le fond du ruisseau, que les travaux se dérouleront hors des périodes de mise bas et de maintien des petits au nid et que de nouveaux boisements seront réalisés sur plus de 200 mètres afin de remplacer et de renforcer la ripisylve à cet endroit. Ainsi, l'étude réalisée n'est entachée d'aucune insuffisance sur ce point.

16. En troisième lieu, l'étude d'impact a relevé qu'en l'absence de réseau hydrographique sur l'emprise du site, le projet n'aura pas de conséquences sur les eaux superficielles. Elle traite ensuite des eaux pluviales en précisant que ces dernières seront dirigées en contrebas vers le sud de la plateforme. L'étude n'omet pas de traiter la question de la récupération des eaux pluviales afin d'éviter tout risque de ravinement. Contrairement à ce qu'allèguent les requérants, l'étude d'impact ne comporte sur ces différents points aucun élément contradictoire de nature à nuire à l'information du public ou de l'administration.

17. En quatrième lieu, l'étude d'impact précise que le futur site sera desservi par la route départementale (RD) n° 10 qu'elle présente comme une voie de desserte importante, accueillant un trafic journalier de 3 000 véhicules. Elle évalue entre 36 et 45 le nombre de camions qui desserviront quotidiennement le futur site, ce qui représente moins de 3 % de l'ensemble du trafic routier existant sur la route. S'il existe par ailleurs une carrière sur le territoire de la commune de Le Fieu, celle-ci bénéficie d'un accès sur la RD n° 21, de sorte que seule une partie de la RD n° 10 serait concernée, sur une distance de 4 km, par un cumul, d'ailleurs partiel, de trafic des véhicules issus des deux exploitations. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que d'autres carrières susceptibles d'impacter le trafic existant seraient en fonctionnement dans les communes avoisinantes. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'étude d'impact aurait évalué de façon erronée les conséquences sur le trafic routier du fonctionnement de la carrière projetée. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction qu'en raison de leur état, les ponts existants sur la RD n° 10 auraient dû faire l'objet d'une analyse particulière dans l'étude d'impact.

18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté en toutes ses branches.

En ce qui concerne l'évaluation des incidences Natura 2000 :

19. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après "Evaluation des incidences Natura 2000" : (...) 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations (...) ". Le contenu du dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 est fixé à l'article R. 414-23 du même code.

20. Ainsi qu'il a été dit précédemment, aucun site Natura 2000 n'est présent, même partiellement, dans le site d'emprise de la carrière et aucun élément ne permet d'établir que le fonctionnement des installations, qui doivent fonctionner en circuit fermé et n'entrainer aucun rejet d'eau dans le milieu naturel, aura un impact sur l'état de conservation des espèces et des habitats naturels du site de l'Isle situé à un kilomètre au sud du projet. La ripisylve du ruisseau de la Chaussée, qui par ses caractéristiques fait partie des habitats prioritaires d'intérêt communautaire inscrits à l'annexe I de la directeur européenne " Habitats ", est situé à l'extérieur d'un site Natura 2000 et, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'impact que l'aménagement de la voie d'accès au projet aura sur elle doit être compensé par le renforcement des boisements alentour. Il résulte de l'instruction que l'ensemble de ces éléments figurent dans le dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 du projet, ce dernier n'est donc pas lacunaire sur ce point.

En ce qui concerne l'absence de dérogation à l'interdiction prévue à l'article L. 411-1 du code de l'environnement :

21. Ainsi qu'il a été dit aux points 12 à 14, la carrière doit être implantée en dehors de toute zone protégée et il ne résulte pas de l'instruction que son exploitation sera susceptible d'entraîner la destruction ou la perturbation d'espèces protégées ou de leur habitat. Par suite, l'arrêté en litige n'avait pas à être précédé de la dérogation prévue par les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.

En ce qui concerne les erreurs dans l'instruction de la demande :

22. Selon l'article R. 512-3 du code de l'environnement, la demande d'autorisation doit mentionner " La nature et le volume des activités que le demandeur se propose d'exercer (...) ".

23. Conformément aux dispositions précitées, le dossier d'autorisation précise que le volume de la totalité des matériaux à extraire pour les besoins de l'exploitation, soit 2,75 millions de m3 correspond à 1,6 millions de m3 de sables et graviers produits et commercialisables et 1,15 millions m3 de terres de découverte et de matériaux argileux n'ayant pas vocation à sortir du site pour être réutilisés dans le cadre de la remise en état. Si les requérants sont fondés à soutenir que l'autorité environnementale a commis une erreur en analysant cette demande comme tendant à l'extraction d'un volume total de matériaux de 1,6 millions de m3 incluant la remise en état définitive du site et que cette erreur est reproduite dans le préambule du rapport du 15 mai 2013 présenté à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, il résulte de l'instruction que, d'une part, le procès-verbal de la réunion du 25 juillet 2013 de cette même commission, laquelle a délivré un avis négatif au projet, fait mention d'une demande portant sur un volume de matériaux à extraire de 2,75 millions de m3 et, d'autre part, que le commissaire-enquêteur a correctement repris les informations figurant dans la demande de la société pétitionnaire dès lors qu'il fait état dans son rapport d'un volume de 2,9 millions de tonnes de granulats. Dans ces conditions, et alors que l'autorisation délivrée porte sur les volumes mentionnés dans le dossier constitué par la société CDMR à l'appui de sa demande, lequel a été soumis à l'enquête publique, l'erreur commise a été corrigée suffisamment tôt et n'a été susceptible ni de nuire à l'information du public ni d'exercer une influence sur le sens de la décision.

En ce qui concerne l'avis du commissaire-enquêteur :

24. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ".

25. Il résulte de l'instruction que le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable sur le projet, assorti d'une réserve. Cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté ici critiqué, lequel se contente de surcroît de viser les conclusions motivées du commissaire enquêteur sans en rappeler le sens, aucune disposition n'imposant, à peine d'illégalité, que le projet soit conforme aux réserves et recommandations exprimées. Au surplus, il résulte de l'instruction que ladite réserve a été levée par la réalisation des prospections complémentaires mentionnées au point 13.

En ce qui concerne l'avis de l'autorité environnementale :

26. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou au cas par cas. (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...). / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du même code, dans sa version issue du décret du 29 novembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement, applicable au litige, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1, lorsqu'elle n'est ni le ministre de l'environnement, dans les cas prévus au I de cet article, ni la formation compétente du Conseil général de l'environnement et du développement durable, dans les cas prévus au II de ce même article, est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement doit être réalisé.

27. L'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 a pour objet de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

28. Lorsque le préfet de région est l'autorité compétente pour autoriser le projet en cause, en particulier lorsqu'il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région, ou dans les cas où il est chargé de l'élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, si la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable, définie par le décret du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l'environnement et du développement durable et les articles R. 122-21 et R. 122-25 du code de l'environnement, peut être regardée comme disposant, à son égard, d'une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences résultant de la directive, il n'en va pas de même des services placés sous son autorité hiérarchique, comme en particulier la direction régionale de l'équipement, de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).

29. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que le relèvent les requérants dans leur mémoire enregistré le 19 décembre 2018 et communiqué le 9 décembre 2020, que l'avis du 14 septembre 2012 portant sur l'évaluation environnementale du projet en litige a été élaboré par les services de la DREAL Aquitaine, qui agit sous l'autorité du préfet de la région Aquitaine, également préfet du département de la Gironde, auteur de l'autorisation en litige. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que l'avis de l'autorité environnementale a été émis dans des conditions irrégulière au regard des objectifs de la directive du 13 décembre 2011. L'irrégularité qui affecte ainsi l'avis de l'autorité environnementale est susceptible, nonobstant l'absence de caractère contraignant de cet avis, d'avoir privé le public de la garantie tendant à ce qu'un avis objectif soit émis sur un projet susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement par une autorité disposant d'une autonomie réelle et d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision en litige. Par suite, l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale entache d'illégalité l'autorisation délivrée par le préfet de la Gironde à l'issue de cette procédure.

30. En second lieu, ni l'article R. 122-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'ont prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est compétent pour autoriser le projet, en particulier lorsqu'il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d'une autonomie réelle à son égard, conformément aux exigences rappelées au point 27 du présent arrêt. Les dispositions de l'article R. 122-6 du code de l'environnement, dans leur rédaction alors en vigueur, sont ainsi, en tant qu'elles désignaient le préfet de région comme autorité compétente pour émettre un avis sans que soit prévu un tel dispositif, incompatibles avec les objectifs de la directive du 13 décembre 2011, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux dans sa décision n° 400559 du 6 décembre 2017, ainsi que dans sa décision n° 414930 du 13 mars 2019. Compte tenu des conditions dans lesquelles l'avis du 14 septembre 2012 a été rendu, qui, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, ne répondent pas aux objectifs de la directive du 13 décembre 2011, les requérants sont fondés à soutenir que l'inconventionnalité des dispositions de l'article R. 122-6, dans sa rédaction applicable, entache d'irrégularité l'avis de l'autorité environnementale et, partant, d'illégalité l'arrêté du 6 novembre 2013 du préfet de la Gironde.

En ce qui concerne les consultations :

31. En premier lieu, aux termes de l'article R. 512-20 du code de l'environnement : " Le conseil municipal de la commune où l'installation projetée doit être implantée et celui de chacune des communes mentionnées au III de l'article R. 512-14 sont appelés à donner leur avis sur la demande d'autorisation dès l'ouverture de l'enquête. Ne peuvent être pris en considération que les avis exprimés au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture du registre d'enquête. ". Aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. ".

32. En application de ces dispositions, le conseil municipal de Saint-Antoine-sur-l'Isle a émis, dans sa séance du 4 février 2013, un avis favorable au projet de carrière. Il résulte de l'instruction que le maire et plusieurs membres du conseil municipal ayant siégé à cette réunion avaient signé avec la société CDMR une convention de fortage aux termes de laquelle ils laissaient à cette dernière la disposition de parcelles leur appartenant moyennant une rétribution. Si la délibération a ainsi été adoptée en méconnaissance des exigences de l'article L. 2131-11 précité du code général des collectivités territoriales, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance, qui n'a par ailleurs pas été de nature à priver quiconque d'une garantie, a exercé une influence sur le sens de l'arrêté en litige dès lors, en particulier, que le préfet, qui n'avait pas à solliciter un nouvel avis de la commune, lequel est purement consultatif, a précisé dans les motifs de sa décision qu'il " n'a pas été tenu compte de la délibération du conseil municipal de Saint-Antoine-sur-l'Isle en date du 4 février 2013 ". Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

33. En second lieu, l'avis défavorable rendu par la commission départementale de la nature des paysages et des sites sur un projet de carrière, en application des articles R. 341-16 et R. 341-23 du code de l'environnement, ne s'impose pas à l'autorité compétente pour autoriser une telle exploitation. Par suite, le préfet n'a pas commis d'irrégularité en délivrant l'autorisation sollicitée en dépit de l'avis défavorable émis par la commission le 28 juin 2013.

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma départemental des carrières :

34. Aux termes de l'article L. 515-3 du code de l'environnement : " Le schéma départemental des carrières définit les conditions générales d'implantation des carrières dans le département. Il prend en compte l'intérêt économique national, les ressources et les besoins en matériaux du département et des départements voisins, la protection des paysages, des sites et des milieux naturels sensibles, la nécessité d'une gestion équilibrée de l'espace, tout en favorisant une utilisation économe des matières premières. Il fixe les objectifs à atteindre en matière de remise en état et de réaménagement des sites (...) Les autorisations et enregistrements d'exploitation de carrières délivrées en application du présent titre doivent être compatibles avec ce schéma (...) ".

35. La future carrière doit être implantée en zone jaune du schéma départemental des carrières, soit une " zone où les projets sont compatibles avec le schéma, mais sous certaines conditions ". Afin de tenir compte des enjeux environnementaux identifiés par le schéma départemental des carrières, le pétitionnaire a veillé notamment à ce que les parcelles d'implantation du projet soient situées en dehors du lit majeur de l'Isle. Il a aussi défini un projet de remise en état du site prévoyant la reconstitution et le reboisement des sols selon les recommandations du schéma départemental des carrières.

36. La circonstance que le site d'implantation choisi ne se trouve pas parmi les secteurs identifiés comme prioritaires par le schéma départemental des carrières ne révèle pas, à elle seule, une incompatibilité entre l'autorisation attaquée et le schéma en cause.

37. Il ne résulte pas de l'instruction que des parcelles plantées de vignes d'AOC seraient situées à l'intérieur du périmètre de la future carrière.

38. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 6 novembre 2013 en litige n'est pas incompatible avec le schéma départemental des carrières.

En ce qui concerne la méconnaissance alléguée des règles d'urbanisme :

39. En premier lieu, d'une part, selon l'article L. 514-6 du code de l'environnement, la compatibilité d'une installation classée avec les dispositions d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'une carte communale est appréciée à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration. D'autre part, aux termes de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme : " Les cartes communales (...) délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises (...) ". Aux termes de l'article R. 124-3 du même code, relatif au contenu des cartes communales : " Le ou les documents graphiques délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et ceux où les constructions ne peuvent pas être autorisées, à l'exception : (...) 2° Des constructions et installations nécessaires : (...) à la mise en valeur des ressources naturelles (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1-15 du même code : " (...) les cartes communales, (...) sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur (...) ".

40. A l'appui de leur contestation de l'arrêté du 6 novembre 2013, les requérants excipent de l'illégalité de la carte communale en tant qu'elle n'est pas compatible avec l'objectif de préservation des corridors écologiques et de création de trames vertes et bleues posé par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Grand Libournais. Dès lors qu'il appartient au juge administratif d'apprécier la légalité d'une autorisation d'ouverture d'une installation classée en fonction des règles d'urbanisme en vigueur à la date de ladite autorisation, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le moyen soulevé est inopérant dans la mesure où le SCOT du Grand Libournais n'a été approuvé que le 6 octobre 2016 et n'était donc pas applicable au 6 novembre 2013, date de l'arrêté en litige.

41. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction qu'eu égard notamment à leur nature, les installations nécessaires à l'exploitation de la carrière auraient pour effet de favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants. Par suite, l'arrêté en litige n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du a) de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme comme l'allèguent les requérants.

En ce qui concerne l'erreur d'appréciation :

42. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. ".

43. Ainsi qu'il a été retenu aux points 13 et 14, il résulte de l'instruction que la présence de spécimen d'une espèce menacée, tortue cistude ou gobemouche gris, n'a pu être établie à l'intérieur de l'emprise du projet. Si l'étude d'impact a révélé la présence de la tortue cistude dans le fossé longeant la limite sud du projet, le pétitionnaire a prévu de modifier le tracé initialement prévu pour accéder au site afin précisément d'éviter le ruissellement des eaux en direction des mares abritant les tortues.

44. Par ailleurs, la RD n° 10 constitue, comme il a déjà été dit, une voie de circulation dont les dimensions sont suffisantes pour lui permettre d'absorber le trafic de poids-lourds supplémentaire engendré par le fonctionnement de l'exploitation. Il résulte en particulier de l'instruction qu'à l'issue de l'inspection dont ils ont fait l'objet de la part des services du département pendant l'examen de la demande d'autorisation, les trois ponts sur lesquels passe la RD n° 10 n'ont pas été reconnus comme des points sensibles nécessitant des travaux d'élargissement ou de consolidation. Le conseil départemental a d'ailleurs émis un avis favorable au projet de carrière sous la réserve qu'il bénéficie d'un accès muni d'un dispositif " tourne à gauche " et que soient réalisés quelques aménagements supplémentaires. Cette réserve a été reprise par le préfet sous la forme de prescriptions reproduites à l'article 3.4 de l'arrêté d'autorisation du 6 novembre 2013. Quant aux problèmes de sécurité rencontrés sur la RD n° 10, ils ont pour origine la vitesse des automobilistes, comme le montre le compte-rendu de la réunion tenue le 12 octobre 2015 en sous-préfecture de Libourne, et non le trafic supplémentaire engendré par le futur projet.

45. Par suite, en délivrant l'autorisation en litige, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

46. Ainsi, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité des opérations d'expertise, hormis le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du 6 novembre 2013 résultant de l'irrégularité entachant l'avis rendu par l'autorité environnementale le 14 septembre 2012 mentionnée aux points 29 et 30, il ne résulte pas de l'instruction que les autres moyens soulevés par les requérants seraient de nature à entacher d'irrégularité l'arrêté critiqué.

Sur l'application des dispositions du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

47. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".

48. Le 2° du I de l'article L. 181-18 permet au juge, même pour la première fois en appel, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité de la décision mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant-dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Cette faculté relève d'un pouvoir propre du juge qui n'est pas subordonné à la présentation de conclusion en ce sens. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation. Ces dispositions peuvent trouver à s'appliquer lorsque le vice constaté entache d'illégalité l'ensemble de l'autorisation environnementale ou une partie divisible de celle-ci. Rien ne fait par ailleurs obstacle à un sursis à statuer dans le cas où le vice n'affecte qu'une phase de l'instruction, dès lors que ce vice est régularisable. Dans tous les cas, le sursis à statuer a pour objet de permettre la régularisation de l'autorisation attaquée. Cette régularisation implique l'intervention d'une décision complémentaire qui corrige le vice dont est entachée la décision attaquée. S'il constate que la régularisation a été effectuée, le juge rejette le recours dont il est saisi.

49. Ainsi qu'il a été dit aux points 29 et 30 ci-dessus, l'autorisation délivrée par l'arrêté du 6 novembre 2013 du préfet de la Gironde contesté est entachée d'illégalité en ce qu'elle n'a pas été précédée d'un avis régulièrement émis par l'autorité environnementale. Un tel vice peut être régularisé par une décision modificative.

50. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

51. L'irrégularité de l'avis émis le 14 septembre 2012 par l'autorité environnementale peut être régularisée par la consultation d'une autorité environnementale présentant les garanties d'impartialité requises. Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l'éventuelle mise en œuvre des dispositions du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement. Pour que cette régularisation puisse être effectuée, ce nouvel avis devra être rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l'environnement, applicables à la date de l'émission de cet avis ou de la constatation de l'expiration du délai requis pour qu'il soit rendu, par la mission régionale de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable compétente pour la région Nouvelle-Aquitaine qui, contrairement à ce que fait valoir la société CDMR, est une entité administrative de l'Etat séparée de l'autorité compétente pour autoriser un projet qui dispose d'une autonomie réelle la mettant en mesure de donner un avis objectif sur les projets qui lui sont soumis dans le cadre de sa mission d'autorité environnementale.

52. Lorsque ce nouvel avis aura été rendu, ou lorsqu'il sera constaté que la mission régionale de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable compétente pour la région Nouvelle-Aquitaine n'a pas émis d'observations dans le délai qui lui est imparti par les dispositions du code de l'environnement mentionnées au point précédent, ce nouvel avis ou l'information relative à l'absence d'observations émises par la mission régionale sera mis en ligne sur un site internet suffisamment accessible et ayant une notoriété suffisante, tel que le site de la préfecture de la Gironde, de manière à ce qu'une information suffisante du public soit assurée et que celui-ci ait la possibilité, par des cadres définis et pouvant accepter un nombre suffisant de caractères, de présenter ses observations et propositions. L'accessibilité de cet avis implique également qu'il soit renvoyé à son contenu intégral par un lien hypertexte figurant sur la page d'accueil du site en cause.

53. Dans l'hypothèse où le nouvel avis indiquerait, après avoir tenu compte d'éventuels changements significatifs des circonstances de fait, que, tout comme l'avis irrégulier émis le 14 septembre 2012, le dossier de demande d'autorisation d'exploiter une carrière de sable et de graviers envisagé par la société CDMR est assorti d'une étude d'impact de bonne qualité permettant la prise en compte des enjeux environnementaux et paysagers du projet, la préfète de la Gironde pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice initial lié à l'irrégularité commise. La préfète pourra procéder de manière identique en cas d'absence d'observations de l'autorité environnementale émises dans le délai requis par les dispositions du code de l'environnement mentionnées ci-dessus.

54. Dans l'hypothèse où, à l'inverse, le nouvel avis émis par la mission régionale de l'autorité environnementale diffèrerait substantiellement de celui qui avait été émis par l'autorité environnementale, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact. Au vu des résultats de cette nouvelle enquête organisée comme indiqué précédemment, la préfète pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice entachant la procédure initiale d'enquête publique.

55. Dans l'hypothèse où, comme rappelé au point 52, la préfète devrait organiser une simple procédure de consultation publique du nouvel avis émis par la mission régionale de l'autorité environnementale avant de décider de prendre un arrêté de régularisation, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que la préfète ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure.

56. Dans l'hypothèse où, comme rappelé au point 54, la préfète devrait organiser une nouvelle enquête publique, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de huit mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que la préfète ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure d'enquête publique.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune de Saint-Antoine-sur-l'Isle est admise.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la présente requête présentée par les requérants jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt lorsqu'il n'aura été fait usage que de la procédure définie au point 52 du présent arrêt ou jusqu'à l'expiration d'un délai de huit mois lorsque, à l'inverse, l'organisation d'une nouvelle enquête publique sera nécessaire comme indiqué au point 54, pour permettre la transmission par la préfète de la Gironde d'un arrêté de régularisation édicté après le respect des différentes modalités définies aux points 51 à 54.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vivre en Vallée de l'Isle, désignée en qualité de représentant unique des requérants en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société Calcaires et Diorites du Moulin du Roc, au ministre de la transition écologique et à la commune de Saint-Antoine-sur-l'Isle.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde et à la commune de Porchères.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2021.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Brigitte PhémolantLa greffière,

Marie Marchives

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 20BX02068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02068
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Mines et carrières - Carrières.

Mines et carrières - Carrières - Autorisation d'exploitation.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : RUFFIE FRANCOIS CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;20bx02068 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award