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17/12/2021 | FRANCE | N°19BX03783

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 19BX03783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme D... H... ont demandé, par trois requêtes enregistrées devant le tribunal administratif de Poitiers, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels ils ont été assujettis au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1701766, 1701767 et 1701768 du 30 juillet 20

19, le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, prononcé un non-lieu à stat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme D... H... ont demandé, par trois requêtes enregistrées devant le tribunal administratif de Poitiers, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels ils ont été assujettis au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1701766, 1701767 et 1701768 du 30 juillet 2019, le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, d'autre part, déchargé les requérants de la différence entre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les droits résultant du calcul de cette taxe qui doit prendre en compte, dans le prix de revient des lots commercialisés, une quote-part du prix d'acquisition des parcelles destinées aux parties communes des lotissements en cause proportionnelles à la surface du lot commercialisable, et enfin, rejeté le surplus des conclusions des requêtes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2019, M. A... et Mme H..., représentés par Me Milochau, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 juillet 2019 en tant qu'il n'a pas fait droit à leur demande de décharge totale ;

2°) de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de Mme H... pour un montant de 63 159 euros ainsi qu'à la charge de M. A... pour un montant de 169 545 euros, et d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à hauteur de 272 441 euros ;

3°) d'ordonner la compensation entre les prélèvements sociaux acquittés dans la catégorie des plus-values immobilières des particuliers et les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mis à leur charge ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont été privés d'un débat oral et contradictoire dès lors que l'envoi de façon concomitante des avis de vérification de comptabilité et des mises en demeure de souscrire des déclarations professionnelles les ont induits en erreur sur l'étendue de leurs droits et devoirs à l'égard de l'administration ;

- l'administration fiscale les a assujettis à tort à la TVA dès lors que les opérations immobilières réalisées ne constituaient pas des activités commerciales mais la gestion de leur patrimoine privé ; le service a ainsi méconnu l'article 256 du code général des impôts puisqu'ils n'étaient pas assujettis à la TVA avant les opérations en litige, que Mme H... a cédé moins de 10 lots et M. A... n'en a cédé que 11, et qu'ils n'ont pratiquement pas engagé de frais pour la commercialisation des lots à bâtir ;

- le service a également méconnu les articles 266-2 B du code général des impôts et L. 17 du livre des procédures fiscales en substituant comme prix de référence, au prix figurant dans l'acte, la valeur vénale des terrains remis en paiement par référence au prix de vente moyen au m² des lots, et ce faisant a appliqué à tort une doctrine relative à la dation en paiement de locaux ;

- le service a fait une fausse application de l'article 257 du code général des impôts en assimilant la dation en paiement à une vente de terrains lotis ; c'est donc à tort qu'il a substitué la valeur vénale au prix fixé par les parties pour corriger l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée relative à une opération de dation portant sur les lotissements " L'Orée du Bois ", " La Résidence du Maine " et " Le Clos des Vignes II " ;

- il a enfin méconnu les dispositions de l'article 268 du code général des impôts puisqu'il n'a pas tenu compte dans le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, d'une quote-part du prix de revient des surfaces non commercialisables des lotissements qui doit être ajoutée au prix de revient de chaque lot vendu ;

- la majoration de 40 % pour non dépôt de déclaration a été appliquée à tort.

Par un mémoire enregistré le 21 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu sont irrecevables à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance, ainsi que celles tendant à la décharge des rappels de TVA à hauteur des dégrèvements prononcés à la suite du jugement attaqué ;

- l'imposition des revenus issus de la vente des terrains à bâtir dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux n'est plus contestée en appel ; les conclusions portant sur l'impôt sur le revenu sont donc irrecevables ;

- les opérations de vérification se sont déroulées au siège de l'activité de M. et Mme A... et ont donné lieu à plusieurs rencontres de sorte que les requérants ont eu la possibilité d'échanger avec le vérificateur ; l'envoi d'une mise en demeure de déposer une déclaration est sans incidence sur la possibilité d'engager un débat oral et contradictoire ; en tout état de cause, la vérification ayant eu lieu au domicile des requérants, il leur incombe d'apporter la preuve de l'absence de débat oral et contradictoire ;

- M. et Mme A... ne peuvent pas se prévaloir de la doctrine du 12 septembre 2012 qui ne fait pas une interprétation différente de la loi ;

- les conditions dans lesquelles les cessions en litige sont intervenues permettent d'écarter une simple gestion du patrimoine privé ; les travaux de viabilisation ont représenté de 30 à 39 % des prix de vente de sorte que les requérants se sont comportés comme de véritables professionnels ; les biens ont été acquis dans une démarche spéculative en mobilisant des moyens plaçant les intéressés en concurrence avec les professionnels exerçant la même activité ;

- les dations en paiement des terrains à bâtir issues des opérations de lotissement rentrent bien dans le champ d'application de l'article 257-I du code général des impôts et le service a démontré l'insuffisance significative du prix de vente stipulé dans les actes par rapport au prix du marché des autres lots vendus dans le cadre des mêmes opérations de lotissement ;

- le rehaussement reposant sur l'application de la législation, l'affirmation selon laquelle l'administration se serait fondée sur une doctrine inapplicable au cas particulier est inopérante ;

- les contribuables n'ont pas donné suite aux demandes de dépôt de leurs déclarations de résultats et de TVA de sorte que le service pouvait leur appliquer la majoration de 40 %.

Par une ordonnance du 8 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mars 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dominique Ferrari,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et Mme H... ont acquis entre 2012 et 2014 plusieurs terrains à bâtir qu'ils ont revendus au cours de la même période en plusieurs lots. Les profits dégagés par ces cessions ont été imposés selon le régime des plus-values immobilières des particuliers non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). En 2015, les contribuables ont chacun fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et au cours desquelles l'administration fiscale a considéré que ces opérations d'achats-reventes de biens immobiliers relevaient d'une activité professionnelle de lotisseur imposable à la TVA et à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Aux termes des procédures de rectification, l'administration a mis des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à la charge, d'une part, de M. A... pour un montant de 169 545 euros, et d'autre part, de Mme H... pour un montant de 63 159 euros, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à la charge du couple à hauteur de 272 441 euros. L'administration ayant rejeté les réclamations de M. et Mme A..., ceux-ci ont saisi le tribunal administratif de Poitiers de trois requêtes tendant à obtenir la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de suppléments d'impôts sur le revenu mis à leur charge au titre des années 2012, 2013 et 2014. Ils relèvent appel du jugement du 30 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, d'autre part, déchargé les requérants de la différence entre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les droits résultant du calcul de cette taxe qui doit prendre en compte, dans le prix de revient des lots commercialisés, une quote-part du prix d'acquisition des parcelles destinées aux parties communes des lotissements en cause proportionnelles à la surface du lot commercialisable, et enfin, rejeté le surplus des conclusions des requêtes.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'action et des comptes publics en défense :

2. En premier lieu, M. A... et Mme H... demandent la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à hauteur de 272 441 euros et la compensation entre les prélèvements sociaux acquittés dans la catégorie des plus-values immobilières des particuliers et les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge. Toutefois, outre le fait que cette demande ne prend pas en compte le dégrèvement prononcé par l'administration le 29 janvier 2018 afin de compenser les cotisations d'impôt sur le revenu sur les plus-values immobilières qu'ils avaient initialement déclarées et les cotisations supplémentaires mises à leur charge en matière de bénéfices industriels et commerciaux qui portent sur les mêmes opérations, les requérants n'assortissent ces conclusions d'aucun moyen. Par suite, les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu sont irrecevables.

3. En second lieu, les requérants demandent la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de Mme H... pour un montant de 63 159 euros, et d'autre part, des rappels de la même taxe mis à la charge de M. A... pour un montant de 169 545 euros. Toutefois, à la suite du jugement attaqué, l'administration fiscale a prononcé le 9 septembre 2019, avant l'enregistrement de la requête d'appel, un dégrèvement à hauteur de 10 642 euros au nom de M. A... et de 5 609 euros au nom de Mme H..., correspondant à la prise en compte d'une quote-part du prix de revient des surfaces non commercialisables des lotissements, dans la détermination du prix de revient de chaque lot vendu. Il s'ensuit que ces conclusions sont irrecevables à hauteur de 10 642 euros pour M. A... et de 5 609 euros pour Mme H....

Sur les conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. M. A... et Mme H... soutiennent que la procédure de vérification de comptabilité dont ils ont fait l'objet n'a pas respecté le principe d'un débat oral et contradictoire dès lors que l'envoi de façon concomitante des avis de vérification de comptabilité et des mises en demeure de souscrire des déclarations professionnelles les ont induits en erreur sur l'étendue de leurs droits et devoirs à l'égard de l'administration. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé un avis de vérification de comptabilité à chacun des contribuables. Les vérifications de comptabilité se sont déroulées au domicile des requérants, correspondant au siège de leur activité, et des entretiens se sont tenus entre le vérificateur et M. A... les 6 octobre, 9 octobre, 21 octobre et 14 décembre 2015, et entre le même vérificateur et Mme H... les 9 octobre, 21 octobre et 14 décembre 2015. Au cours de ces entrevues, le débat oral et contradictoire s'est instauré entre l'administration et les requérants, tant sur le principe que sur les modalités des impositions rectificatives, qui ont pu faire valoir leurs observations et leur désaccord sur la position du vérificateur qui a considéré dès le début des vérifications qu'ils exerçaient une activité professionnelle d'achats-reventes de terrains à bâtir. La circonstance que l'administration fiscale leur a remis en main propre le 9 octobre 2015 une mise en demeure de déposer des déclarations de bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2012, 2013 et 2014 et de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la même période, ne les a pas privés d'un débat oral et contradictoire au cours des entretiens qui se sont tenus jusqu'au 14 décembre 2015. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure de vérification était entachée d'irrégularité.

En ce qui concerne le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention ". Et aux termes de l'article 257 de ce code : " I. Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. (...) 2. Sont considérés : 1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ".

6. Pour l'application de ces dispositions, la livraison, par une personne physique, de terrains à bâtir est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle procède, non de la simple gestion d'un patrimoine privé, mais de démarches actives de commercialisation foncière, telles que la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel, similaires à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, et qu'elle permet ainsi de regarder cette personne comme ayant exercé une activité économique.

7. Il est constant que M. A... a, d'une part, acquis pour un montant de 302 280 euros des terrains cadastrés AK 406 à AK426 et AK444 à AK446, situés à Les Mathes (17), les 9 mars 2012 et 29 décembre 2014. Le 24 juillet 2012, il a déposé des pièces de lotissement, correspondant à " La Résidence du Maine ", pour la création de 19 lots et a réalisé des travaux de viabilisation d'un montant de 223 193,38 euros, alors que les premières études concernant ce lotissement ont été réalisées en 2009. Il a procédé à la vente de 14 lots de terrains à bâtir en 2012 pour un montant de 621 670 euros, de 2 lots en 2013 pour un montant de 121 860 euros et d'un lot en 2014 pour un montant de 70 000 euros. D'autre part, M. A... a acquis pour un montant de 103 000 euros les 8 septembre 2012 et 13 janvier 2013 des terrains cadastrés AD 58, AD 59, AD 513, AD 731 et AD 740 situés dans la même commune. Le 11 juillet 2013, il a déposé des pièces de lotissement, correspondant au " Clos de Vignes II ", pour la création de 7 lots et a réalisé des travaux de viabilisation d'un montant de 110 449,06 euros, alors que les premières études ont été effectuées en avril 2012. Il a revendu un lot de terrain à bâtir en 2013 pour un montant de 85 000 euros et 3 lots en 2014 pour un montant de 193 331 euros.

8. Il est également constant que Mme H... a acquis des terrains, situés à Etaules (17), cadastrés B 637 et B 634 à B 636, les 5 et 6 juillet 2012. Le 23 octobre 2012, elle a déposé les pièces de lotissement, correspondant à la résidence " L'Orée du Bois " pour la création de 15 lots, alors que les premières études datent d'avril 2011. Mme H... a vendu 3 lots en 2012 pour un montant de 147 452 euros, 7 lots en 2013 pour un montant de 218 900 euros et 2 lots en 2014 pour un montant de 91 895 euros.

9. Il résulte de l'instruction que le délai séparant l'acquisition des terrains pour la réalisation des trois lotissements et les opérations de revente était bref, que le nombre d'opérations réalisées consistant en la vente de 19 lots pour le lotissement " La Résidence du Maine ", de 7 lots pour le lotissement " Clos de Vigne II ", et de 15 lots pour le lotissement " L'Orée du Bois ", était très important, et que les bénéfices obtenus sur la vente de ces lots étaient substantiels. De plus, l'intention spéculative des requérants apparaît dès l'achat des terrains puisqu'ils ont sollicité la réalisation d'études antérieurement à l'acquisition des terrains en litige. Enfin, le coût des travaux de viabilisation de chacun des terrains acquis par M. A... s'est élevé à 30 % du prix de vente, et le coût des travaux de viabilisation réalisés par Mme H... s'est élevé à 39 % du prix de vente. Par suite, M. A... et Mme H... doivent être regardés comme ayant exercé, au titre de la période en litige, une activité économique consistant en l'achat de terrains à bâtir en vue de leur vente. Cette activité, d'une importance significative, a été exercée à titre habituel et ne peut être regardée, contrairement à ce que soutiennent les requérants, comme s'inscrivant dans une démarche patrimoniale. Par suite, en application des dispositions précitées du code général des impôts, l'administration était fondée à assujettir les opérations de vente des lots réalisées par M. A... et Mme H... à la taxe sur la valeur ajoutée.

10. Enfin, si les requérants invoquent la doctrine du 12 septembre 2012, référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-10 en ses paragraphes numéros 60, 70 et 90, celle-ci ne fait pas une interprétation différente de la loi fiscale appliquée par l'administration.

11. En second lieu, aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " (...) 2. En ce qui concerne les opérations mentionnées au I de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : (...) b. Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société sur : / Le prix de la cession, le montant de l'indemnité ou la valeur des droits sociaux rémunérant l'apport, augmenté des charges qui s'y ajoutent ; / La valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, si cette valeur vénale est supérieure au prix, au montant de l'indemnité ou à la valeur des droits sociaux, augmenté des charges ". Aux termes de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. / La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations ".

12. Les dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ont pour objet et pour effet de donner à l'administration la faculté de substituer, pour la détermination de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, la valeur vénale réelle du bien, au prix stipulé lorsque cette valeur vénale est supérieure. Conformément aux dispositions de l'article 27 de la sixième directive n° 77/388 du Conseil des communautés européennes, reprises aux dispositions de l'article 395 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, et aux termes de la demande française notifiée à la Commission européenne le 23 décembre 1977, il ne peut être recouru à ce mécanisme de substitution que dans le cas de livraisons d'immeubles et dans le but de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale. Dès lors que l'administration relève, d'une part, que les prix des terrains faisant l'objet de mutations ont été minorés et, d'autre part, que le vendeur et l'acheteur sont étroitement liés, elle peut, en application de l'article 27 de la sixième directive et du 2-b de l'article 266 du code général des impôts, substituer la valeur vénale des immeubles aux prix déclarés pour l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée à condition de rapporter la preuve que l'insuffisance du prix de vente des locaux résulte d'une volonté d'évasion fiscale au sens de l'article 27 de la sixième directive, l'importance de l'insuffisance de prix n'étant pas, à elle seule, de nature à établir une telle volonté d'évasion fiscale. Celle-ci, toutefois, se présume du seul fait de l'insuffisance significative du prix, lorsque les parties sont en relation d'intérêt, sauf preuve contraire apportée par le contribuable.

13. Il résulte de l'instruction que M. A... a acquis le 9 mars 2012 un terrain à bâtir pour un prix de 290 000 euros destiné au lotissement " La Résidence du Maine ". L'acte d'acquisition prévoyait que M. A... s'engage en contrepartie à remettre au vendeur, M. F..., les terrains à bâtir viabilisés constituant les lots n°5 à 13 de ce lotissement. Ces lots ont été remis aux consorts F... par un acte notarié du 24 juillet 2012. Par ailleurs, M. A... a également acquis le 8 septembre 2012 un autre terrain à bâtir pour un prix de 33 000 euros destiné au lotissement " Le clos des Vignes II ". L'acte d'acquisition prévoyait que le requérant s'engage en contrepartie à remettre au vendeur, M. E..., un terrain à bâtir viabilisé constituant le lot n° 3 de ce lotissement. Ce lot a été remis aux consorts E... par un acte notarié du 26 mars 2014. Enfin, Mme H... a acquis le 6 juillet 2012 un terrain à bâtir pour un prix de 122 000 euros destiné au lotissement " L'Orée du bois ". L'acte d'acquisition prévoyait que Mme H... s'engage en contrepartie à remettre aux vendeurs, Mme G..., Mlle C... et à M. C..., les terrains à bâtir viabilisés constituant les lots n° 9, 11, 13, 14 et 15 de ce lotissement. Ces lots ont été remis aux consorts G... et C... par un acte notarié du 29 mars 2013. Par suite, ces dations en paiement de terrains à bâtir issues des opérations de lotissement entrent bien dans le champ d'application de l'article 257-I du code général des impôts visé par l'article 266 précité du même code.

14. Il résulte également de l'instruction qu'afin d'établir la minoration du prix de vente des terrains précités, l'administration fait état de ce que le prix de vente moyen au m² des autres parcelles de chacun des lotissements au cours de la période vérifiée, était bien supérieur aux prix de vente désignés dans les actes. Ainsi, compte tenu du prix moyen de vente au m² des autres lots pour " La résidence du Maine " s'élevant à 148 euros, le service a pu fixer la valeur vénale des lots d'une superficie totale de 4 141 m² remis à M. F... à 612 868 euros, soit à un prix bien plus élevé que le prix de vente de 290 000 euros. De même, compte tenu du prix moyen de vente au m² des autres lots pour la résidence " Le clos des vignes II " s'élevant à 135 euros, le service a pu fixer la valeur vénale du lot d'une superficie de 1 821 m² remis à M. E... à 245 331 euros, soit à un prix bien plus élevé que le prix de vente de 33 000 euros. Enfin, compte tenu du prix moyen de vente au m² des autres lots pour la résidence " L'Orée du bois " s'élevant à 128,89 euros, le service a pu fixer la valeur vénale des lots d'une superficie totale de 2 242 m² remis à Mme G..., Mlle C... et M. C... à 288 971 euros, soit à un prix bien plus élevé que le prix de vente de 122 000 euros.

15. Dans ces conditions, et alors que les requérants ne contestent ni les prix moyens au m² constatés dans le cadre des ventes de terrains à bâtir viabilisés autres que celles actées dans le cadre de dation en paiement, ni la différence significative entre les prix de vente des terrains en litige et leur valeur vénale réelle, l'administration établit une minoration significative des prix de vente de l'ensemble des lots aux consorts F..., E... et Gaillard-Moufflet. Par ailleurs, eu égard aux liens étroits qui unissent M. et Mme A... et les acquéreurs précités, l'administration doit également être regardée comme établissant l'existence d'une volonté d'évasion fiscale.

16. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale, pour redresser l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée due à raison de ces opérations, a pu substituer les valeurs vénales ainsi déterminées des terrains au prix de vente stipulés, sans qu'y fasse obstacle le fait que ce chef de redressement serait motivé par référence au BOI TVA-IMM-10-20-10 n° 405 qui ne serait pas applicable en l'espèce dès lors qu'il concernerait uniquement la dation en paiement de locaux.

Sur les pénalités :

17. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : ... b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) ".

18. Il est constant que M. A... et Mme H... n'ont pas déposé leur déclaration de résultat en ce qui concerne leur activité de marchands de biens ni leur déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années en litige alors qu'une mise en demeure de déposer dans un délai de trente jours les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et de bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2012, 2013 et 2014 leur a été adressée, le 9 octobre 2015. Ainsi, en l'absence de dépôt de telles déclarations, l'administration fiscale pouvait légalement appliquer aux requérants la majoration de 40 % prévue à l'article 1728 précité.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. A... pour un montant de 158 903 euros et de Mme H... pour un montant de 57 550 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. A... et Mme H... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et de Mme H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme D... I... A..., et au ministre de de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur ;

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

Le rapporteur,

Dominique FerrariLa présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX03783 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03783
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : MILOCHAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;19bx03783 ?
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