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17/12/2021 | FRANCE | N°19BX04278

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 17 décembre 2021, 19BX04278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 10 avril 2017 par lequel le maire de la commune de Dzaoudzi-Labattoir l'a radié des effectifs pour abandon de poste et d'enjoindre à ladite commune de le réintégrer sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1700573 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Mayotte a annulé l'arrêté du 10 avril 2017 et a enjoint à la commune de Dzaoudzi-Labattoir de réintégrer M. B... dans ses ef

fectifs en qualité de rédacteur territorial.

Procédure devant la cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 10 avril 2017 par lequel le maire de la commune de Dzaoudzi-Labattoir l'a radié des effectifs pour abandon de poste et d'enjoindre à ladite commune de le réintégrer sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1700573 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Mayotte a annulé l'arrêté du 10 avril 2017 et a enjoint à la commune de Dzaoudzi-Labattoir de réintégrer M. B... dans ses effectifs en qualité de rédacteur territorial.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 novembre 2019 et le 24 septembre 2020, la commune de Dzaoudzi-Labattoir, représentée par Me Briand, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700573 du 17 septembre 2019 du tribunal administratif de Mayotte ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges n'ont pas répondu à un moyen de défense tiré de ce que la radiation prononcée était régulière dès lors qu'à défaut d'avoir rejoint le poste qui lui était assigné, M. B... n'a jamais rejoint le poste qu'il occupait précédemment malgré les multiples mises en demeure qui lui ont été adressées ;

- les premiers juges ont statué ultra petita en considérant que la nouvelle affectation de M. B... était intervenue en violation des stipulations contractuelles régissant sa situation, ce moyen n'ayant pas été soulevé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que M. B... n'avait pas entendu rompre tout lien avec le service en se fondant sur le fait que l'intéressé avait présenté sa candidature en février 2017 sur deux postes vacants dès lors que la décision de radiation est intervenue à la suite d'une mise en demeure qui lui a été adressée en mars 2017 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les relations contractuelles entre la commune et M. B... étaient réglées par le contrat du 31 décembre 2010 modifié par un avenant du 19 novembre 2014 ;

- la nouvelle affectation de M. B..., conforme à son niveau de compétence et de rémunération, était justifiée par l'intérêt général.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2020, M. B..., représenté par Me Ahamada, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du jugement en ce que l'injonction faite à la commune de Dzaoudzi-Labattoir de le réintégrer dans ses effectifs n'a pas été assortie de l'astreinte sollicitée de 1 000 euros par jour de retard, ainsi que le prononcé de cette astreinte. Il sollicite la mise à la charge de la commune de Dzaoudzi-Labattoir de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la commune de Dzaoudzi-Labattoir n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Karine Butéri,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a été recruté par la commune de Dzaoudzi-Labattoir à compter du 1er octobre 1993 en qualité d'animateur sportif sous couvert d'un contrat à durée déterminée plusieurs fois renouvelé puis à compter du 1er janvier 2011 en qualité de directeur des services de la jeunesse et des sports dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée signé le 31 décembre 2010. Après avoir été affecté au service aménagement, urbanisme et foncier en qualité d'instructeur des permis de construire à compter du 17 novembre 2014, M. B... a été informé, par un courrier du maire de la commune en date du 15 décembre 2016, de ce qu'à compter du 15 janvier 2017 il serait affecté au poste d'animateur éducateur sportif rattaché au service jeunesse et sports. Un projet de contrat à durée indéterminée a été établi à cette fin le 24 janvier 2017 en vue d'une prise de poste au 1er février 2017. Estimant que M. B... placé en congé de maladie ordinaire pour la période du 13 mars 2017 au 17 mars 2017 s'est trouvé en situation d'absence injustifiée du 1er février 2017 au 13 mars 2017 puis à compter du 17 mars 2017, le maire a radié l'intéressé des effectifs de la commune pour abandon de poste par un arrêté du 10 avril 2017. Par un jugement du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Mayotte a annulé cet arrêté et a enjoint à la commune de Dzaoudzi-Labattoir de réintégrer M. B... dans ses effectifs en qualité de rédacteur territorial. La commune de Dzaoudzi-Labattoir relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, M. B... demande la réformation du même jugement en ce que l'injonction faite à la commune de le réintégrer dans ses effectifs n'a pas été assortie de l'astreinte sollicitée de 1 000 euros par jour de retard, ainsi que le prononcé de cette astreinte.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'unique moyen sur lequel les premiers juges ont fondé leur décision d'annulation était tiré de ce que le contrat de travail de M. B... ayant été substantiellement modifié, l'intéressé n'avait pas refusé de rejoindre son poste sans raison valable, se plaçant ainsi dans une situation telle qu'elle rompt le lien avec le service et caractérise l'abandon de poste. Ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'avait pas été invoqué par M. B.... Ainsi, les premiers juges, en soulevant d'office un tel moyen, ont entaché sur ce point leur jugement d'irrégularité.

3. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, il y a lieu d'annuler celui-ci et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Mayotte.

Sur la demande de M. B... :

4. En premier lieu, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du maire en date du 15 décembre 2016, M. B... jusqu'alors affecté au service aménagement, urbanisme et foncier de la commune de Dzaoudzi-Labattoir, a été informé du fait qu'à compter du 15 janvier 2017 il serait affecté au poste d'animateur éducateur sportif rattaché au service jeunesse et sports. Par un contrat à durée indéterminée établi à cette fin le 24 janvier 2017, la prise de ce poste a été fixée au 1er février 2017. Son employeur ayant constaté son absence, M. B... a fait l'objet, à trois reprises les 7 février, 20 février et 3 mars 2017, de mises en demeure de rejoindre son affectation, l'informant pour les deux dernières d'entre elles de ce que, faute pour lui d'y déférer et en l'absence de tout justificatif, une procédure pour abandon de poste entraînant sa radiation des effectifs serait engagée à son encontre sans procédure disciplinaire préalable. A la suite d'un congé de maladie ordinaire pour la période du 13 mars au 17 mars 2017, M. B... s'est vu adresser, par courrier en date du 27 mars 2017, une nouvelle mise en demeure de rejoindre son poste au plus tard le 3 avril 2017. Cette mise en demeure comportait l'information selon laquelle un refus de sa part entraînerait sa radiation des effectifs de la commune.

6. Si M. B... soutient qu'il s'est présenté tous les jours dans les locaux de la mairie sur les lieux de sa dernière affectation, il ressort des pièces du dossier, notamment d'une attestation du directeur du service des sports du 16 juin 2017 qu'il ne s'est jamais rendu sur son nouveau lieu d'affectation et n'a jamais rejoint son poste d'animateur éducateur sportif ainsi qu'il avait été mis en demeure de le faire en dernier lieu le 27 mars 2017. La circonstance, dont il avait informé le maire par un courrier d'ailleurs antérieur en date du 25 février 2017, qu'il s'était porté candidat sur deux autres postes vacants, ne l'exonérait pas de l'obligation de rejoindre le poste sur lequel il était affecté. Dans ces conditions, le maire de la commune de Dzaoudzi-Labattoir était fondé à considérer que l'intéressé, qui ne pouvait être regardé comme se trouvant dans l'impossibilité matérielle de reprendre son service et ne fait valoir aucun justificatif d'ordre médical, avait rompu le lien qui l'unissait au service. Son comportement était ainsi constitutif d'un abandon de poste justifiant sa radiation pour ce motif par l'arrêté en litige du 10 avril 2017.

7. En second lieu, il résulte de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, rendu applicable aux agents contractuels par son article 32, que tout fonctionnaire est tenu de se conformer aux ordres qu'il reçoit de ses supérieurs hiérarchiques, sauf si ces ordres sont manifestement illégaux et de nature à compromettre gravement un intérêt public.

8. L'arrêté du 10 avril 2017 prononçant la radiation de M. B... pour abandon de poste n'a pas été prise pour l'application de la décision de changement d'affectation dont l'intéressé a fait l'objet et n'en constitue pas davantage la base légale. Dès lors, à supposer que l'argumentation de M. B... puisse être interprétée comme soulevant, par voie d'exception, le moyen tiré de l'illégalité de la décision modifiant son affectation au sein des services de la commune de Dzaoudzi-Labattoir, les branches du moyen tirées de ce que ce changement d'affectation, qui n'avait pas le caractère d'une décision manifestement illégale et de nature à compromettre gravement un intérêt public, a été pris en méconnaissance des articles 23-1 et 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, qu'il constitue une sanction déguisée et est entaché de détournement de pouvoir ne peuvent utilement être invoquées à l'encontre de la décision prononçant sa radiation des effectifs.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2017 par lequel le maire de la commune de Dzaoudzi-Labattoir a prononcé sa radiation pour abandon de poste. Il suit de là que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Dzaoudzi-Labattoir, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Dzaoudzi-Labattoir au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700573 du 17 septembre 2019 du tribunal administratif de Mayotte est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Mayotte et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. B... versera à la commune de Dzaoudzi-Labattoir la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Dzaoudzi-Labattoir et à M. B....

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

Mme Sylvie Cherrier, première conseillère,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021

L'assesseure la plus ancienne

dans l'ordre du tableau,

Sylvie Cherrier

La présidente-rapporteure,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de Mayotte et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX04278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04278
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : BRIAND

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;19bx04278 ?
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