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17/12/2021 | FRANCE | N°21BX02629

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 21BX02629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2020, par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui accorder un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2006056 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2021, M. B..., repr

ésenté par Me Jouteau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2006056 du 31 mars 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2020, par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui accorder un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2006056 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2021, M. B..., représenté par Me Jouteau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2006056 du 31 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2020 de la préfète de la Gironde portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure au regard des exigences des articles L. 313-14 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ; le tribunal n'a pas pris en compte toutes les pièces justifiant de sa présence continue depuis plus de dix ans ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des conditions fixées par l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est en France depuis plus de dix ans et y a trois des quatre membres de sa fratrie, qui sont en situation régulière et dont il est proche ; il a de réelles perspectives d'embauche en tant qu'artisan en peinture, domaine dans lequel il avait déjà eu une expérience avant d'arriver en France ; il a ensuite travaillé en France dans ce domaine grâce à des autorisation provisoires de travail de 2009 à 2011 ; depuis, son frère qui a sa propre société, a sollicité plusieurs fois des autorisations de travail pour lui ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes raisons ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des conditions fixées par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la préfète ne pouvait retenir la mesure d'éloignement du 8 novembre 2011 comme élément rédhibitoire au motif exceptionnel constitué par sa présence en France depuis plus de dix ans ; ne peut être retenu contre lui l'avis négatif de la Direction régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Nouvelle-Aquitaine (Direccte) en raison de l'absence de pièces complémentaires communiquées, dès lors que celle-ci ne les lui a pas demandées ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, car d'origine kurde et n'ayant pas effectué son service militaire, il sera condamné pour désertion ou sera enrôlé de force et affecté dans les zones en guerre avec le PKK.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/012163 du 3 juin 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Evelyne Balzamo, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant turc, est entré sur le territoire français le 9 août 2009, sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 7 octobre 2011. Par un arrêté du 8 novembre 2011, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. Le 12 mars 2018, M. B... a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 octobre 2020, la préfète de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 31 mars 2021, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité externe de l'arrêté contesté :

2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

3. Si M. B... fait valoir qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans au jour de l'arrêté du 7 octobre 2020, il ne produit toutefois, au titre de l'année 2012, qu'une ordonnance médicale du 15 mars 2012 et le relevé annuel de son compte bancaire édité en 2013, établissant l'absence de mouvement de fonds depuis avril 2012. Pas plus en appel qu'en première instance il ne produit de pièce au titre des années 2013 et 2014, hormis un unique témoignage rédigé par la secrétaire comptable de la SARL Déco Djyvan, attestant connaître M. B... depuis 2014. Concernant l'année 2015, seules une inscription en mars 2015 à l'aide médicale de l'Etat et deux ordonnances médicales d'octobre 2015 attesteraient de sa présence. Ces seuls éléments ne sont donc pas suffisants pour établir sa présence habituelle en France de 2012 à 2016, pas plus que les autres attestations produites, pour l'essentiel de proches et qui n'établissent pas la continuité de sa présence en France depuis 2009. Dès lors, M. B..., qui ne justifie pas d'une résidence habituelle en France de plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait été tenu de saisir la commission du titre de séjour.

Sur la légalité interne de l'arrêté contesté :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré le 9 août 2009 sous couvert d'un visa de court séjour en France, où résident sa sœur et deux de ses frères, bénéficiant chacun d'une carte de résident. S'il fait valoir qu'il a résidé habituellement en France depuis plus de dix ans au jour de l'arrêté du 7 octobre 2020, il n'établit pas sa présence habituelle pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015, mais seulement à partir de 2016, soit depuis moins de cinq ans au jour de l'arrêté. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans enfant à charge, est hébergé par sa sœur et entretient des liens intenses avec la famille de ses frères, notamment avec celle de M. C... B..., avec qui il a constitué en 2010 une société de travaux de peinture et de revêtement des sols et des murs. Cependant, outre ce cercle familial et les emplois de peintre en bâtiment occupés en France entre 2009 et 2011, ainsi que les promesses d'embauche de la société gérée par son frère, M. B... ne justifie pas, notamment par les témoignages produits, d'une insertion particulière dans la société française. Enfin, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et son plus jeune frère. Dans ces conditions, l'arrêté contesté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-11 7° ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur, dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

7. D'une part, il résulte des éléments et circonstances exposés au point 5, que M. B... n'établit pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour " vie privée et familiale ", notamment au regard de la circonstance qu'il ne justifie pas résider en France depuis plus de dix ans.

8. D'autre part, à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour pour l'exercice d'une activité salariée en France, M. B... produit une promesse d'embauche du 30 mars 2016 pour un contrat à durée indéterminée en qualité de peintre en bâtiment au sein de l'entreprise dont il est associé avec son frère, et produit des pièces établissant l'expérience qu'il a acquise dans ce domaine en Turquie entre 2008 et 2009, puis en France d'octobre 2009 à février 2010, puis d'octobre 2010 à octobre 2011. Au regard de l'ensemble de ces éléments, ainsi que de la durée de son séjour en France, M. B... ne démontre pas de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour " salarié ".

9. Il résulte de ce qui précède, que la préfète n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite ce moyen doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

11. M. B... ne démontre pas, par ses seules allégations afférentes à ses origines kurdes et au refus d'accomplir son service militaire, la réalité des risques actuels et personnels auxquels il serait exposé en cas de retour en Turquie, alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 24 février 2010, confirmée le 7 octobre 2011 par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition le 17 décembre 2021.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLa présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 21BX02629


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02629
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;21bx02629 ?
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