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22/12/2021 | FRANCE | N°19BX04373

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 22 décembre 2021, 19BX04373


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation des divers préjudices subis du fait du refus illégal de son admission au concours interne d'ingénieur territorial, spécialité " prévention, gestion des risques ", option " déchets assainissement ", session 2013.

Par un jugement n° 1702055 du 18 septembre 2019, le tribunal administrat

if de Toulouse a condamné le centre de gestion de la fonction publique territori...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation des divers préjudices subis du fait du refus illégal de son admission au concours interne d'ingénieur territorial, spécialité " prévention, gestion des risques ", option " déchets assainissement ", session 2013.

Par un jugement n° 1702055 du 18 septembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne à verser à Mme C... épouse E... la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice lié à la perte de chance et la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 novembre 2019 et le 19 novembre 2020, le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne, représenté par le cabinet Cantier et associés (SCP), demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 septembre 2019 ;

2°) de mettre à la charge de Mme C... épouse E... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préjudice relatif à une perte de chance sérieuse de réussir le concours n'est pas constitué eu égard à l'écart des notes obtenues par Mme C... avec le dernier candidat retenu et des appréciations portées par le jury sur ses aptitudes professionnelles ;

- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas davantage établies par Mme C....

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2020, Mme C..., représentée par Me Garreau, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge du requérant les dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... A...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me Ortholan, représentant le CGFPT 31.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., agent titulaire de la fonction publique territoriale, s'est présentée au concours interne d'ingénieur territorial, spécialité " prévention, gestion des risques ", option " déchets assainissement ", organisé en 2013 par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne (CGFPT 31), lors duquel elle a échoué à l'épreuve orale d'admission. Après avoir obtenu, par jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 2 novembre 2016, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 3 décembre 2018 devenu définitif, l'annulation de la délibération du jury ayant arrêté la liste des candidats admis, Mme C... a sollicité la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette procédure de sélection illégale. Par jugement du 18 septembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné ce dernier à verser à Mme C... la somme totale de 12 500 euros, soit 10 000 euros en réparation de la perte de chance et 2 500 euros pour son préjudice moral et rejeté le surplus des conclusions. Le CGFPT 31 relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme C... la somme de 12 500 euros.

2. Pour annuler la délibération du jury du 14 novembre 2013 portant établissement de la liste des candidats admis au concours interne d'ingénieur territorial, le tribunal administratif de Toulouse et la cour administrative d'appel de Bordeaux ont estimé que les opérations du concours interne avaient été organisées en méconnaissance du principe d'égalité, l'audition par deux groupes d'examinateurs distincts des candidats admissibles au concours interne sur leur expérience professionnelle, leurs connaissances et aptitudes, n'étant justifiée ni par le nombre des candidats, ni par les caractéristiques de l'épreuve. Il n'a en outre pas été établi qu'une réunion de péréquation des notes attribuées par les deux groupes d'examinateurs aurait eu lieu après l'audition des candidats.

3. Si l'illégalité dont est entachée une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration, elle n'est de nature à ouvrir droit à réparation que dans la mesure où elle a été à l'origine d'un préjudice direct et certain.

4. En premier lieu, après avoir estimé que l'annulation de la délibération du jury du concours litigieux pour le motif indiqué au point 2 ne révélait pas en elle-même une perte de chance sérieuse de réussite à ce concours de Mme C..., le tribunal a jugé qu'il résultait de l'instruction que le dernier candidat admis a obtenu un nombre total de 186,50 points pour une moyenne de 10,36 alors que Mme C... a obtenu un nombre total de 181,75 points pour une moyenne de 10,10 et qu'en outre tous les postes ouverts au concours litigieux n'ont pas été pourvus. Il en a déduit qu'eu égard au faible écart de points entre ces deux candidats, l'absence de péréquation des notes attribuées a eu pour conséquence pour Mme C... d'entraîner une perte de chance sérieuse de réussite au concours.

5. Toutefois, cet écart de points ou le fait que Mme C... a obtenu la moyenne ne sauraient suffire à caractériser la perte d'une chance sérieuse de réussir le concours. En l'occurrence, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des circonstances que Mme C... ait été la seule candidate non admise pour l'option " déchets, assainissement " ou que tous les postes ouverts n'aient pas été pourvus, qu'elle aurait été privée d'une chance sérieuse de réussite. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CGFPT 31 à verser à Mme C... la somme de 10 000 euros en réparation de la perte de chance sérieuse de réussir le concours.

6. En second lieu, si Mme C... fait valoir qu'elle a été victime d'une discrimination, celle-ci n'est pas établie par l'instruction, l'annulation de la délibération du jury ayant arrêté la liste des candidats admis, prononcée le 3 décembre 2018, étant fondée sur le fait que les modalités d'organisation du concours interne en deux groupes d'examinateurs ne se justifiaient pas au regard de la nature de l'épreuve en cause ou du nombre de candidats. Par ailleurs, Mme C... ne saurait imputer au CGFPT 31 le fait de ne pas avoir représenté le concours par la suite, de peur d'être à nouveau confrontée à une irrégularité dans le déroulement de celui-ci. Par conséquent, c'est également à tort que le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CGFPT 31 à verser à Mme C... la somme de 2 500 euros au titre de son préjudice moral.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le CGFPT 31 est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme C... une somme de 12 500 euros.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CGFPT 31, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par le CGFPT 31 au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702055 du 18 septembre 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il condamne le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne à verser à Mme C... la somme de 12 500 euros.

Article 2 : Les conclusions du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Garonne et à Mme B... C....

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

Mme Sylvie Cherrier, première conseillère,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2021

Le rapporteur,

Olivier A...

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne à la ministre de la transformation et de la fonction publiques en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX04373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04373
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en interprétation

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET CANTIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-22;19bx04373 ?
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