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18/01/2022 | FRANCE | N°21BX03237

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 18 janvier 2022, 21BX03237


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 de la préfète de la Gironde lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101638 du 17 mai 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une

requête, enregistrée le 5 août 2021, M. C..., représenté par Me Da Ros, demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 de la préfète de la Gironde lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101638 du 17 mai 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2021, M. C..., représenté par Me Da Ros, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101638 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne mentionne pas qu'il est parent d'enfant français, et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il vit en couple avec Mme D..., ressortissante de nationalité française, avec qui il a eu un enfant né le 9 septembre 2020 qu'il a reconnu par anticipation ; il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ; dès lors, la décision lui refusant le séjour est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît les stipulations des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, dès lors qu'il justifie contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant, au sens de l'article 3-1 de de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, dès lors qu'elle a pour effet de le séparer de son enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Par une ordonnance du 13 octobre 2021 la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2021 à 12h00.

Des pièces, présentées pour M. C..., ont été enregistrées le 2 décembre 2021, soit après la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- et les observations de Me Da Ros, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant turc né le 15 janvier 1996, s'est vu refuser la reconnaissance du statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision du 12 octobre 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatride, confirmée le 22 février 2021 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 19 mars 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. C... relève appel du jugement du 17 mai 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté 19 mars 2021.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

3. Lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir. Il en va, par exemple, ainsi si la décision de refus de titre de séjour a pour motif que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit. Au cas d'espèce, la préfète de la Gironde a estimé, parmi les motifs de la décision portant refus de séjour, que l'intéressé " n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Par suite, M. C... peut utilement se prévaloir des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur.

4. M. C..., entré en France le 14 janvier 2019, a reconnu par anticipation, le 28 août 2020, le fils de A... D..., né le 9 septembre 2020. Il ressort des mentions de l'extrait d'acte de naissance de l'enfant, établi le 14 septembre 2020, que, dès cette date, M. C... et Mme D... ont fait état d'une adresse commune à Biganos. Par ailleurs, par deux attestations des 15 avril et 2 mai 2021 qui, si elles ont été établies été postérieurement à la date de la décision en litige sont, en l'espèce, de nature à révéler une situation qui lui est antérieure, Mme D..., qui se déclare en situation de concubinage, relate de manière concordante et circonstanciée la présence à ses côtés de M. C... au cours de sa grossesse puis, après la naissance prématurée de leur enfant, lors de l'hospitalisation de ce dernier ainsi que les démarches accomplies ensemble auprès du pédiatre pour suivre l'évolution de son état de santé et sa rééducation. Enfin, le requérant produit, pour la première fois en appel, plusieurs photographies prises avec son fils ainsi que Mme D... dans des lieux différents et à divers âges de l'enfant. Dans ces conditions, la communauté de vie entre M. C..., Mme D... et leur enfant, tous trois présents à l'audience, doit être regardée comme établie depuis la naissance de l'enfant et jusqu'à la date de l'arrêté contesté, de sorte que le requérant est nécessairement présumé, au titre de cette période, contribuer à son entretien et son éducation. Dès lors, M. C... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète de la Gironde a méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, dans sa rédaction alors en vigueur. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande Il est dès lors fondé à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 19 mars 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4 et en l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait intervenu depuis l'édiction de l'arrêté du 19 mars 2021, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance, au profit de M. C..., d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Gironde de délivrer un tel titre de séjour à l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Da Ros, avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Da Ros de la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101638 du 17 mai 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'arrêté de la préfète de la Gironde du 19 mars 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Da Ros une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Da Ros renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2022.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

André Gauchon

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX032374


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03237
Date de la décision : 18/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-18;21bx03237 ?
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