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15/02/2022 | FRANCE | N°18BX02940

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 15 février 2022, 18BX02940


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt avant dire droit du 3 novembre 2020, la cour a annulé le jugement n° 1603472 du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. B... tendant à la condamnation de la commune de Saint-Sardos à l'indemniser des préjudices résultant de l'accident dont il a été victime le 5 novembre 2014 et a ordonné une expertise afin d'évaluer ces préjudices.

Le rapport d'expertise a été enregistré le 29 mars 2021.

Par des mémoires enregistrés les 15 juin, 4 novembre et 9 novembre 2021, M. B...,

représenté par la SCPI Albarède et Associés, demande à la cour, dans le dernier éta...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt avant dire droit du 3 novembre 2020, la cour a annulé le jugement n° 1603472 du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. B... tendant à la condamnation de la commune de Saint-Sardos à l'indemniser des préjudices résultant de l'accident dont il a été victime le 5 novembre 2014 et a ordonné une expertise afin d'évaluer ces préjudices.

Le rapport d'expertise a été enregistré le 29 mars 2021.

Par des mémoires enregistrés les 15 juin, 4 novembre et 9 novembre 2021, M. B..., représenté par la SCPI Albarède et Associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner la commune de Saint-Sardos à lui verser une indemnité d'un montant total de 181 475,81 euros et de déduire la provision de 12 000 euros déjà versée ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sardos les frais d'expertise

de 900 euros ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

- il a exposé 840 euros d'honoraires du médecin conseil qui l'a assisté lors de l'expertise et demande à ce titre 588 euros compte tenu de la part de responsabilité de la commune de 70 % ;

- les dépenses de santé sont intégralement prises en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), y compris en ce qui concerne les chaussures orthopédiques ;

- les besoins d'assistance temporaire d'une tierce personne évalués par l'expert correspondent à un total de 836 heures et doivent être indemnisés à hauteur de 9 363,20 euros, sur la base de 16 euros par heure, après application du taux de 70 % ;

- lors de l'accident, il venait d'être embauché comme serveur sous contrat à durée indéterminée au salaire mensuel moyen de 1 068,41 euros ; après déduction des indemnités journalières, ses pertes de revenus s'élèvent à 9 374,86 euros au titre de la période

du 5 novembre 2014 au 31 décembre 2017, dont 6 562,40 euros doivent être supportés par la commune ;

- l'adaptation de son véhicule par une boîte de vitesse automatique représente un surcoût capitalisé à l'âge de 40 ans de 7 135,46 euros après application du taux de 70 % ;

- le besoin d'assistance par une tierce personne après consolidation, évalué par l'expert à deux heures par semaine, doit être indemnisé à hauteur de 60 717,69 euros sur la base d'un taux horaire de 20 euros ;

- il n'a pas repris d'activité professionnelle depuis la date de consolidation de son état de santé, et ses pertes de revenus du 31 décembre 2017 au 3 novembre 2021 s'établissent

à 41 093,87 euros après déduction de la rente versée par la CPAM, qui doivent être indemnisées à hauteur de 28 767,70 euros après application du taux de 70 % ;

- il a été licencié pour inaptitude le 18 novembre 2016 de son emploi de serveur sous contrat à durée indéterminée (CDI) du fait des séquelles de l'accident, et n'a pas retrouvé d'emploi du fait de son absence de formation et d'expérience professionnelle ; il suit actuellement une formation rémunérée à hauteur de 365 euros par mois et perçoit le revenu de solidarité active ; son préjudice d'incidence professionnelle caractérisé par une pénibilité accrue même sur un poste sédentaire et par une dévalorisation sur le marché du travail doit être évalué à 40 000 euros, dont il convient de déduire le capital représentatif de la rente d'accident du travail de 66 805,92 euros ; il ne peut ainsi prétendre à aucune indemnité à ce titre, et le reliquat à reporter au bénéfice de la CPAM est de 26 805,92 euros ;

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

- après application du taux de 70 %, il sollicite les sommes de 7 831,34 euros au titre des périodes de déficit fonctionnel retenues par l'expert, de 14 000 euros au titre des souffrances endurées de 4 sur 7, de 1 400 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, de 3 500 euros au titre du préjudice d'agrément caractérisé par l'arrêt de l'activité de musculation et 2 800 euros au titre du préjudice esthétique permanent de 2,5 sur 7.

- le déficit fonctionnel permanent de 25 % à l'âge de 37 ans doit être évalué

à 64 250 euros dont le reliquat de la créance de la CPAM de 26 210,85 euros doit être déduit ; après application du taux de 70 % au solde de 37 444,08 euros, la commune doit être condamnée à lui verser 26 210,85 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 1er juillet et 10 novembre 2021, la commune de Saint-Sardos, représentée par la SELARL Thévenot et Associés, demande à la cour de réduire à de plus justes proportions les demandes de M. B... et de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Tarn, de tenir compte des provisions versées à hauteur

de 12 000 euros à M. B..., de répartir les frais d'expertise conformément au partage

de responsabilité, et de rejeter les demandes présentées par M. B... et par la CPAM au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande relative aux honoraires du médecin conseil n'appelle pas d'observation ;

- l'assistance temporaire d'une tierce personne doit être évaluée à 8 193,78 euros sur la base d'un taux horaire de 14 euros ;

- les dépenses de santé exposées par la CPAM ne peuvent être admises qu'à hauteur

de 70 %, soit 44 158,92 euros ;

- la demande relative aux pertes de gains professionnels du 5 novembre 2014 au

31 décembre 2017 doit être rejetée dès lors que l'expert n'a fixé aucune période d'arrêt de l'activité professionnelle en lien avec l'accident et que M. B... ne justifie pas du CDI qu'il invoque ; à titre subsidiaire, si la cour devait retenir une période d'arrêt de travail en lien avec l'accident, le salaire net correspondant à 1 238,90 euros brut doit être fixé à 966 euros après déduction de 23 % de charges salariales, de sorte que les pertes de revenus de M. B... s'élèvent à 4 904,05 euros après déduction de 31 683,47 euros d'indemnités journalières ; compte tenu du droit de préférence de la victime et après application du taux de 70 %, M. B... pourrait prétendre à 4 904,05 euros et la CPAM à 20 707,02 euros ;

- dès lors que M. B... n'est pas titulaire du permis de conduire et ne possède pas de véhicule, la demande relative aux frais de véhicule adapté doit être rejetée ; à titre subsidiaire, l'indemnité pourrait être fixée à 3 438 euros sur la base d'un renouvellement tous les sept ans ;

- l'assistance d'une tierce personne après consolidation pourra être indemnisée à hauteur de 36 173,90 euros sur la base d'un coût horaire de 16 euros et d'une capitalisation avec un euro de rente de 30,47 à l'âge de 41 ans ;

- l'existence de pertes de gains professionnels futurs en lien avec les faits n'est pas établie, et l'incidence professionnelle alléguée ne l'est pas davantage ; à titre subsidiaire, le préjudice d'incidence professionnelle ne saurait excéder 5 000 euros sur lesquels s'imputerait le recours de la CPAM au titre de la rente d'accident du travail ;

- les arrérages échus et le capital constitutif de la rente d'accident du travail versée par la CPAM ne peuvent être admis que dans la limite de 70 % de leur montant ;

- il peut être alloué 4 385,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 5 600 euros au titre des souffrances endurées, 350 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

31 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et 840 euros au titre du préjudice esthétique permanent ; toutefois, l'indemnité due au titre du déficit fonctionnel permanent sera totalement absorbée par la CPAM ;

- l'existence du préjudice d'agrément allégué n'est pas établie ;

- les frais d'expertise doivent être répartis conformément au partage de responsabilité ;

- dès lors que M. B... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle, sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée, ou à titre subsidiaire réduite à de plus justes proportions compte tenu du partage de responsabilité.

Par un mémoire enregistré le 20 septembre 2021, la CPAM du Tarn, représentée par la SCPI Rastoul, Fontanier, Combarel, demande à la cour de condamner la commune de Saint-Sardos à lui verser les sommes de 117 495,17 euros au titre de ses débours échus incluant les arrérages échus de la rente d'accident du travail et de 66 805,92 euros au titre du capital de cette rente, avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2016, ainsi qu'à lui rembourser ses frais futurs sur présentation de justificatifs, et de mettre à la charge de la commune les entiers dépens ainsi que les sommes de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a exposé 63 084,47 euros de dépenses de santé après déduction de 214,50 euros de franchises ;

- les arrérages échus de la rente d'accident du travail, dont le capital constitutif est

de 66 805,92 euros, s'élèvent à 22 727,53 euros au 15 mai 2021 ; cette rente s'impute sur les postes de pertes de gains professionnels, d'incidence professionnelle et de déficit fonctionnel permanent de la victime ;

- elle sollicite le remboursement des frais futurs à mesure de leur engagement et sur présentation de justificatifs ;

- l'imputabilité de ses débours au fait dommageable est attestée par son médecin conseil.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 % par une décision du 22 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Huguet, représentant la commune de Saint-Sardos.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 novembre 2014, alors qu'il circulait en scooter sur la voie communale n° 5 de la commune de Saint-Sardos en se rendant de son lieu de travail à son domicile, M. B... a dérapé sur des gravillons et fait une chute. Cet accident lui a causé une fracture bi-malléolaire de la cheville gauche, dont l'évolution compliquée d'algodystrophie a nécessité plusieurs hospitalisations. Par un arrêt avant dire droit du 3 novembre 2020, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 31 mai 2018 qui avait rejeté la demande de M. B... tendant à la condamnation de la commune de Saint-Sardos à l'indemniser des conséquences dommageables de cet accident, a limité à 70 % la responsabilité de la commune pour défaut d'entretien normal de la voie publique, et a ordonné une expertise afin d'évaluer les préjudices de M. B.... Le rapport d'expertise a été enregistré le 29 mars 2021. Dans le dernier état de ses écritures, M. B... chiffre à 181 475,81 euros l'indemnité demandée à la commune avant déduction de la provision de 12 000 euros qu'il a perçue, compte tenu de la part de responsabilité retenue par la cour et des sommes qu'il estime devoir être imputées sur la créance de la CPAM du Tarn au titre de la rente d'accident du travail qui lui est versée depuis le 21 septembre 2016.

Sur les droits à réparation de M. B... et le recours de la CPAM du Tarn :

2. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale pour 2007, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

3. En l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en œuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage. Parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des frais divers :

4. M. B... a droit, conformément à sa demande, à la somme de 588 euros correspondant à 70 % des honoraires du médecin conseil qui l'a assisté lors de l'expertise.

S'agissant des dépenses de santé :

5. La CPAM du Tarn justifie avoir supporté, en lien avec l'accident du

5 novembre 2014, 29 635,08 euros de frais hospitaliers, 12 592,49 euros de frais médicaux, 3 531,88 euros de frais pharmaceutiques, 3 764,68 euros de frais d'appareillage

et 13 774,54 euros de frais de transport, soit un montant total de 63 084,17 euros après déduction de 214,50 euros de franchises. M. B... admet expressément n'avoir conservé aucune dépense à sa charge. Par suite, la caisse a droit au remboursement de 44 159 euros correspondant à 70 % de ses débours échus.

6. L'expert a retenu des frais futurs constitués par une paire de chaussures orthopédiques par an avec ressemelage deux fois par an et une canne tous les trois ans avec changement de l'embout une fois par an. Il résulte de l'instruction que ces frais sont intégralement pris en charge par l'assurance maladie au titre de l'accident du travail. La CPAM du Tarn, qui les évalue à un montant capitalisé de 85 494,69 euros, en demande le remboursement sur présentation de justificatifs à mesure qu'ils seront exposés. Elle a droit à ce remboursement à hauteur de 70 %, dans la limite d'un montant de 59 846,28 euros.

S'agissant des frais liés au handicap :

Quant aux frais d'adaptation du véhicule :

7. Si M. B..., qui a perdu le bénéfice de son permis de conduire en 2010, a indiqué à l'expert qu'il envisageait de repasser l'examen, il n'apporte aucune précision quant à l'exécution de ce projet. Ainsi, les frais d'adaptation d'un véhicule par une boîte de vitesses automatique retenus par l'expert ne présentent qu'un caractère hypothétique, de sorte que la demande présentée à ce titre ne peut être accueillie.

Quant à l'assistance d'une tierce personne :

8. Hors hospitalisation, l'expert a retenu un besoin d'assistance par une tierce personne de deux heures par jour du 13 novembre au 31 décembre 2014 lorsque M. B... était en fauteuil roulant, d'une heure par jour du 1er janvier au 18 février 2015, du 23 février 2015 au

6 janvier 2016 et du 14 janvier au 28 février 2016 lorsque l'utilisation de deux cannes anglaises était nécessaire, de trois heures par semaine du 4 mai 2016 à la veille de la consolidation fixée

au 31 décembre 2017, et de deux heures par semaine après consolidation. Sur la base du coût horaire moyen du SMIC brut augmenté des charges sociales au cours de la période en cause et d'une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des majorations pour travail le dimanche et les jours fériés, il y a lieu de retenir un tarif horaire de 15,50 euros. Le préjudice à la date du présent arrêt doit ainsi être fixé à 18 561,25 euros.

9. Pour la période postérieure au présent arrêt, à la date duquel M. B... est âgé

de 41 ans, il y a lieu de retenir un coût horaire de 16 euros selon les modalités exposées au point précédent, correspondant à un préjudice annuel de 1 664 euros, et de capitaliser ce dernier par application du prix de l'euro de rente viagère de 34,474 pour un homme âgé de 41 ans, soit 57 364,74 euros.

10. Il résulte de l'instruction que la CPAM du Tarn n'a supporté aucune dépense

au titre de l'assistance d'une tierce personne, la rente d'accident du travail versée depuis

le 21 septembre 2016 n'ayant pas pour objet de réparer ce préjudice dont le montant total s'élève à 75 926 euros. Par suite, la commune de Saint-Sardos doit être condamnée à verser 70 % de cette somme, soit 53 148 euros, à M. B....

S'agissant des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle :

11. Contrairement à ce qu'affirme la commune de Saint-Sardos, M. B... a produit son contrat de travail et établi qu'il avait été embauché en qualité de serveur dans un restaurant sous contrat à durée indéterminée à compter du 17 septembre 2014. Il résulte de l'instruction

que l'accident du 5 novembre 2014, survenu sur un trajet entre le lieu de travail et le domicile, était un accident du travail, que l'arrêt de travail initial a été prolongé à plusieurs reprises jusqu'au 16 septembre 2016, que le 23 septembre 2016, le médecin du travail a déclaré

M. B... inapte à tous les postes de l'entreprise, qu'en l'absence de possibilité de reclassement, son employeur l'a licencié à compter du 18 novembre 2016, et qu'une rechute du 24 avril

au 31 décembre 2017 a été reconnue imputable à l'accident de trajet. La CPAM du Tarn a versé à M. B... des indemnités journalières du 6 novembre 2014 au 31 décembre 2017, et lui verse depuis le 21 septembre 2016 une rente d'accident du travail d'un montant annuel

de 2 307,95 euros.

12. Eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée par l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul,

appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini

par l'article L. 434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée

comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices

subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-

dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité.

Avant consolidation :

13. M. B... justifie que son salaire mensuel net s'élevait à 1 068,41 euros après déduction des charges sociales. Au titre de la période du 6 novembre 2014 au 31 décembre 2017, il aurait dû percevoir 40 438,93 euros de revenus professionnels, et la CPAM du Tarn lui a

versé 31 683,47 euros d'indemnités journalières et 2 946,59 euros de rente d'accident du travail, de sorte que sa perte de revenus s'est élevée à 5 809 euros. Eu égard à sa part de responsabilité, la commune de Saint-Sardos doit supporter 70 % de 40 438,93 euros, soit 28 307,25 euros. Compte tenu du principe exposé au point 2, elle doit être condamnée à verser 5 809 euros

à M. B... et 22 498 euros à la CPAM du Tarn.

Après consolidation :

14. Il résulte de l'instruction que depuis la consolidation de son état de santé

le 31 décembre 2017, M. B... est apte à reprendre une activité professionnelle sédentaire avec des efforts physiques légers, et qu'il avait d'ailleurs repris une activité dont il avait démissionné à la date de l'expertise. Au regard des pièces produites, l'existence de pertes de revenus professionnels en lien avec l'accident n'est ainsi pas établie, de sorte que la demande

de M. B... doit être rejetée.

15. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. B... après consolidation nécessite un reclassement professionnel, avec une pénibilité accrue et des difficultés à retrouver un emploi. Il y a lieu d'évaluer son préjudice d'incidence professionnelle à 40 000 euros.

16. La rente d'accident du travail, dont les arrérages échus du 31 décembre 2017 à la date du présent arrêt et le capital à échoir postérieurement à cette date s'élèvent à 86 586 euros, répare intégralement le préjudice d'incidence professionnelle de M. B....

17. Ainsi qu'il a été dit au point 12, la rente d'accident du travail répare les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle. L'existence d'une part de pertes de revenus qui serait réparée par la rente d'accident du travail n'étant pas établie, la commune

de Saint-Sardos doit seulement être condamnée à verser à la CPAM du Tarn 70 % du montant

du préjudice d'incidence professionnelle, soit 28 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

18. Le déficit fonctionnel temporaire total correspond aux hospitalisations du 5 au

12 novembre 2014, du 19 au 22 février 2015, du 7 au 13 janvier 2016, du 29 février au

3 mai 2016 et des 8 juillet et 2 octobre 2016, soit 86 jours. L'expert a retenu un déficit fonctionnel de 75 % durant 49 jours du 13 novembre au 31 décembre 2014, de 50 % durant

413 jours du 1er janvier au 18 février 2015, du 23 février 2015 au 6 janvier 2016 et du 14 janvier au 28 février 2016, et de 25 % durant 607 jours du 4 mai 2016 au 30 décembre 2017. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 8 000 euros sur la base de 500 euros par mois de déficit total.

S'agissant des souffrances endurées :

19. Il résulte de l'instruction qu'outre les douleurs causées par la fracture et l'intervention initiale, M. B... a présenté des complications infectieuses, qu'un épisode d'algodystrophie a retardé l'arthrodèse, laquelle n'a pu être réalisée que le 8 janvier 2016, que la rééducation a été longue et pénible en raison de douleurs à l'appui, et que le matériel d'ostéosynthèse a été à l'origine d'une tendinopathie jusqu'à son retrait le 2 octobre 2017. Dans ces circonstances, il y a lieu d'évaluer ce préjudice, coté 4 sur 7 par l'expert, à 10 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire :

20. Il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique temporaire " caractérisé " retenu par l'expert correspond à l'utilisation d'un fauteuil roulant durant 48 jours, puis

à l'utilisation de deux cannes anglaises durant 410 jours. Il y a lieu d'évaluer ce préjudice

à 2 000 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

21. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que le recours subrogatoire exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une rente d'accident du travail ne saurait s'exercer que sur les

préjudices de pertes de revenus professionnels et d'incidence professionnelle. Par suite, cette rente ne saurait être imputée sur le poste de préjudice personnel constitué par le déficit fonctionnel permanent. Ce déficit coté à 25 % par l'expert correspond à un raccourcissement du membre inférieur gauche, à des raideurs de la cheville gauche, à des douleurs gênantes à la marche et à une limitation du port de charges. M. B... étant âgé de 37 ans à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 43 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique permanent :

22. Il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique permanent, correspond à une cicatrice malléolaire de 17 cm, à un pied gauche en varus et à la marche avec une canne anglaise et des chaussures orthopédiques. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 3 500 euros.

S'agissant du préjudice d'agrément :

23. L'existence du préjudice d'agrément retenu par l'expert à raison de l'impossibilité de pratiquer la musculation n'est pas établie, aucune pièce ne justifiant de la pratique de cette activité antérieurement à l'accident.

24. Il résulte de ce qui précède que les préjudices extra-patrimoniaux de M. B... s'élèvent à 66 500 euros. Leur indemnisation incombe à la commune à hauteur de 70 %, soit 46 550 euros.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la commune doit être condamnée à verser à M. B... une indemnité d'un montant total de 106 095 euros, dont il convient de déduire la somme de 12 000 euros versée à titre de provision, et à rembourser à la CPAM du Tarn la somme de 94 657 euros ainsi que 70 % des dépenses de santé futures, sur présentation de justificatifs, dans la limite d'un montant de 59 846,28 euros.

Sur les intérêts :

26. Lorsqu'ils sont demandés, les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée sont dus, quelle que soit la date de la demande préalable, à compter du jour où cette demande est parvenue à l'autorité compétente ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. Par suite, la CPAM du Tarn a droit aux intérêts sur la somme de 94 657 euros à compter du 12 septembre 2016, date

de l'enregistrement de son mémoire devant le tribunal administratif.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

27. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / (...) ". Les circonstances particulières de l'affaire ne justifient pas que les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant dire droit, liquidés et taxés à la somme de 900 euros par une ordonnance de la présidente de la cour du 10 juin 2021, soient partagés entre les parties. Par suite, il y a lieu de les mettre en totalité à la charge de la commune de Saint-Sardos.

28. La CPAM du Tarn a droit à l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale pour le montant de 1 114 euros auquel elle a été fixée par l'arrêté interministériel du 14 décembre 2021.

29. Il résulte des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Sardos une somme de 1 200 euros au titre des frais personnellement exposés par M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 %.

30. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la

commune de Saint-Sardos une somme de 800 euros à verser à la CPAM du Tarn au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Saint-Sardos est condamnée à verser à M. B... une indemnité de 106 095 euros dont il convient de déduire la somme de 12 000 euros versée à titre de provision.

Article 2 : La commune de Saint-Sardos est condamnée à rembourser à la CPAM du Tarn la somme de 94 657 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2016, ainsi que 70 % des dépenses de santé futures, sur présentation de justificatifs, dans la limite d'un montant de 59 846,28 euros.

Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 900 euros, sont mis à la charge de la commune de Saint-Sardos.

Article 4 : La commune de Saint-Sardos versera à M. B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La commune de Saint-Sardos versera à la CPAM du Tarn les sommes de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la commune de Saint-Sardos et à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02940


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02940
Date de la décision : 15/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. - Réparation. - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : ALBAREDE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-15;18bx02940 ?
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