La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/02/2022 | FRANCE | N°20BX00813

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 24 février 2022, 20BX00813


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Centre Atlantique a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la société Application protection et techniques d'étanchéité (APTE), représentée par son mandataire liquidateur, la société Christophe Mandon, à lui verser la somme de 184 675,62 euros en réparation des préjudices causés à son assurée, la communauté de communes Cœur Médoc, par l'incendie d'un bâtiment en cours de rénovation survenu dans la nuit du 8 au 9 août 2014.

Par un jugement n° 18

05775 du 30 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la société APTE à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Centre Atlantique a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la société Application protection et techniques d'étanchéité (APTE), représentée par son mandataire liquidateur, la société Christophe Mandon, à lui verser la somme de 184 675,62 euros en réparation des préjudices causés à son assurée, la communauté de communes Cœur Médoc, par l'incendie d'un bâtiment en cours de rénovation survenu dans la nuit du 8 au 9 août 2014.

Par un jugement n° 1805775 du 30 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la société APTE à lui verser la somme de 184 675,62 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mars et 10 août 2020, la SELARL Ekip, en qualité de mandataire liquidateur de la société Application protection et techniques d'étanchéité, représentée par Me Rivière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 décembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant les premiers juges par la société Groupama Centre Atlantique ;

3°) de mettre à la charge de la société Groupama Centre Atlantique la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert, M. A..., a affirmé dans son pré-rapport comme dans son rapport qu'il était impossible de déterminer la cause de l'incendie, du fait de l'absence de localisation du départ de feu et de la reconstruction de la couverture de l'immeuble, même une fois versé au débat le constat d'huissier des 22 et 27 janvier 2015 ;

- le juge administratif n'est pas compétent, dès lors que, la société APTE ayant été placée en liquidation judiciaire, la société Groupama se bornait à demander que la somme de 184 675,62 euros soit inscrite au passif de la liquidation et qu'une telle demande relève de la compétence du juge judiciaire ; au demeurant, le code de commerce, et notamment son article L.622-21, interdit " toute action en justice " qui tend à une condamnation et exige que " toute instance " ne tende qu'à une inscription au passif ;

- le jugement vise le mémoire en défense produit le 14 mars 2019 mais ne l'analyse pas ;

- elle n'a commis aucune faute d'imprudence et il n'est démontré aucun manquement dans l'exécution des travaux ;

- aucun lien de causalité n'est établi entre son intervention et l'incendie.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 18 juin et 7 septembre 2020, la société Groupama Centre Atlantique conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société APTE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue,

- et les observations de Me Michelet, représentant la SARL Ekip.

Considérant ce qui suit :

1. En 2013, la communauté de communes Cœur Médoc, devenue la communauté de communes Médoc Cœur de Presqu'île, a décidé de procéder à des travaux de restructuration d'un immeuble situé place du Maréchal Foch à Lesparre-Médoc, dans le but d'accueillir une plateforme de service public. Dans la nuit du 8 au 9 août 2014, alors que les travaux étaient en cours, un incendie a ravagé l'immeuble, détruisant la toiture et les combles. La société Groupama Centre Atlantique, assureur subrogé de la communauté de communes Cœur Médoc, a saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux d'une demande tendant à ce que la société Application protection et techniques d'étanchéité (APTE), chargée de procéder sur l'immeuble à des travaux d'étanchéité, soit condamnée, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 184 675,62 euros. Par ordonnance du 14 décembre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bordeaux a déclaré le juge judiciaire incompétent pour connaître de ce litige. La société Groupama Centre Atlantique a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux, qui, par un jugement du 30 décembre 2019, dont la société APTE relève appel, a condamné cette dernière à verser à la société Groupama Centre Atlantique la somme de 184 675,62 euros.

Sur la compétence du juge administratif :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce : " I - Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : / 1° À la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (...) ". Aux termes de l'article L. 622-24 du même code : " À partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article L. 624-2 du même code : " Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission ".

3. Il résulte de ces dispositions que le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur l'acte par lequel une personne morale de droit public déclare une créance au représentant des créanciers d'une entreprise en liquidation judiciaire, dès lors qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire, en vertu des articles L. 624-2 à L. 624-4 du code de commerce, de statuer sur l'admission ou le rejet des créances déclarées. En revanche, le juge administratif est compétent pour statuer sur l'existence et le montant d'une créance née d'un marché public. Par suite, la société APTE n'est pas fondée à soutenir que la demande de la société Groupama Centre Atlantique devant les premiers juges, qui tendait, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à la constatation de sa créance sur la société APTE, était de la seule compétence de l'autorité judiciaire.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". La minute du jugement attaqué vise et analyse le mémoire en défense de la société APTE, enregistré le 14 mars 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

Sur la responsabilité de la société APTE :

5. Il résulte de l'instruction que le sinistre a pour origine un feu de toiture découvert vers 4 heures dans la nuit du 8 au 9 août 2014, dans la zone de jonction des deux parties du bâtiment, alors que le temps était humide mais non orageux. Le 8 août, trois entreprises étaient intervenues sur le chantier, les titulaires des lots " chauffage-ventilation " et " revêtement de sols ", et la société APTE titulaire du lot " étanchéité ". Avant de quitter le chantier, la société APTE a collé au chalumeau une feuille de bitume sur un acrotère neuf juste en dessous d'un chéneau traditionnel en zinc déployé sur une ossature légère en bois sur la partie ancienne. La société requérante fait valoir que le rapport d'expertise de M. A..., désigné par la chambre des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux, affirme que les clichés pris peu de temps après le sinistre " n'apportent pas d'éclairage particulier sur un point géographique précis de départ du feu au niveau de la toiture de l'immeuble ", et que la reconstruction de la couverture de l'immeuble avant l'expertise rend " impossible toute investigation technique pour localiser de façon plus précise le point d'éclosion de l'incendie ".

6. Toutefois, l'expert affirme, par ailleurs, que l'incendie a " pour cause la plus probable les travaux d'étanchéité mis en œuvre par la société Apte ". L'expertise se prononce, en outre, clairement sur le lieu du départ de feu, que l'expert situe au niveau des pièces de bois localisées en rive de la toiture et à la jonction entre le bâtiment existant de l'ancienne poste et l'extension réalisée, c'est-à-dire à l'endroit même où les salariés de la société Apte ont effectué des travaux à l'aide d'un chalumeau dans l'après-midi du 8 août 2014. De plus, il résulte de l'instruction qu'aucune des deux autres entreprises qui sont intervenues ce même jour sur le chantier n'a effectué de travaux dans cette zone, et qu'il n'a pas été relevé d'effractions sur les accès au bâtiment. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la société Apte était engagée.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Apte n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à indemniser la société Groupama Centre Atlantique en qualité d'assureur de la communauté de communes Médoc Cœur de Presqu'île. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge sur le fondement de ces dispositions, au profit de la société Groupama Atlantique, la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Apte est rejetée.

Article 2 : La société Apte versera à la société Groupama centre atlantique la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL EKIP, en qualité de mandataire liquidateur de la société Application protection et techniques d'étanchéité, et à la société Groupama Centre Atlantique.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Munoz-Pauziès, présidente assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 février 2022.

La rapporteure,

Frédérique Munoz-PauzièsLe président

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00813


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX00813
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03 Marchés et contrats administratifs. - Exécution technique du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : RIVIERE MARIN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-24;20bx00813 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award