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10/03/2022 | FRANCE | N°21BX03042

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 mars 2022, 21BX03042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 27 janvier 2021 par lesquels le préfet de Lot-et-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100458 du 2 février 2021, le magistrat d

ésigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a renvoyé les conclusion...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 27 janvier 2021 par lesquels le préfet de Lot-et-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100458 du 2 février 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a renvoyé les conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour à la formation collégiale et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juillet 2021 et le 28 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Da Ros, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 février 2021 ;

2°) d'annuler les décisions du 27 janvier 2021 portant obligation de quitter le territoire, refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour ;

3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de faire procéder à l'effacement de son inscription au fichier du système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne les décisions contestées prises dans leur ensemble :

- elles ont été prise en méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et ne traduit pas que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est illégale en ce que la décision de refus de séjour, qui la fonde, est elle-même entachée d'illégalité ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il justifiait bien d'une ancienneté de travail de huit mois, consécutive ou non, sur les vingt-quatre dernier mois ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet a retenu à tort que M. A... n'avait pas obtenu son certificat d'aptitude professionnelle et qu'il n'était pas inscrit à pôle emploi pour lui refuser le renouvellement de son titre de séjour " travailleur temporaire " et que son comportement constituait une menace pour l'ordre public ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et ne traduit pas que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est illégale en ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui la fonde, est elle-même entachée d'illégalité ;

- elle a été prise en méconnaissance du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle a été prise en méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2022, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,

- les observations de Me Da Ros, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant pakistanais, né le 25 juin 1999 à Gujrat (Pakistan) a déclaré être entré en France le 30 novembre 2015. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. A sa majorité, il s'est vu délivrer un titre de séjour " travailleur temporaire " valable du 8 mars 2018 au 7 mars 2019. Par un arrêté du 23 mai 2019, qui n'a pas été contesté, le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour et a pris à son encontre une mesure d'éloignement. Le 13 novembre 2020, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de Lot-et-Garonne a rejeté sa demande le 27 janvier 2021, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 février 2021 rejetant sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 janvier 2021 portant obligation de quitter le territoire français, refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour.

Sur les décisions contestées prises dans leur ensemble :

2. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Par suite, la seule circonstance que M. A... n'a pas été invité à formuler des observations avant l'édiction des décisions contestées n'est pas de nature à permettre de le regarder comme ayant été privé de son droit à être entendu.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

4. En premier lieu, si M. A... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale dans la mesure où la décision de refus d'admission au séjour serait illégale, ce moyen n'est toutefois pas assorti des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, la décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile notamment les articles L. 313-14 et L. 511-1. Elle indique la situation personnelle du requérant, elle précise qu'il est entré en France fin 2015, qu'il justifie de cinq ans de présence sur le territoire national et qu'il a travaillé de novembre 2016 à novembre 2018 en qualité d'apprenti cuisinier, qu'il ne justifie pas d'une ancienneté de travail de huit mois, consécutifs ou non, sur les vingt-quatre derniers mois ou de trente mois sur les cinq dernières années et qu'ainsi il ne remplit pas les conditions pour prétendre à un titre de séjour salarié dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour prévue à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il est indiqué qu'il est célibataire et sans enfant à charge et que ses parents, ses cinq frères et ses sœurs résident au Pakistan ce qu'il a confirmé lors d'une audition menée le 26 janvier 2021. Par ailleurs, il est précisé que l'intéressé a été signalé en qualité d'auteur pour des faits d'agression sexuelle le 21 juillet 2016 et a été interpelé en situation de travail illégal ce qui représente une menace grave pour la sécurité publique. Enfin, il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, elle comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivée. Il ressort de cette motivation que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Il suit de là que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation particulière doivent être écartés.

6. En troisième lieu, en estimant que M. A... ne justifiait pas d'une ancienneté de travail de huit mois, consécutifs ou non sur les vingt-quatre derniers mois, dès lors qu'il démontre n'avoir travaillé que de novembre 2016 à novembre 2018, le préfet n'a pas commis l'erreur de fait alléguée.

7. En quatrième lieu, ainsi que la jugé le juge de première instance, M. A... réside en France depuis cinq ans, est célibataire, est sans enfant, tous les membres de sa famille proche résident au Pakistan, où il est lui-même retourné entre le 12 décembre 2018 et le 31 janvier 2019. En outre, s'il a suivi une formation de cuisinier, il a échoué à l'examen, et la circonstance qu'il ait conclu, le 2 novembre 2020, un contrat à durée indéterminée à temps partiel pour un poste de commis de cuisine ne saurait constituer un motif exceptionnel. Par suite, le préfet, qui a examiné la possibilité de faire bénéficier l'intéressé d'une régularisation exceptionnelle à la fois sur le fondement de " vie privée et familiale " et sur le fondement de " salarié ", n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour. M. A... n'est, par suite, pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour à l'encontre de la décision contestée.

8. En cinquième lieu, M. A... se prévaut de la durée de sa présence en France depuis cinq ans à la date de la décision contestée, d'une intégration personnelle et professionnelle au sein de la société française du fait du suivi de ses études de manière sérieuse et ce, malgré les difficultés liées à l'apprentissage de la langue française et de la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée le 2 novembre 2020. Toutefois, l'appelant, alors célibataire et sans enfant, n'établit pas avoir créé des liens d'une particulière stabilité et intensité sur le territoire français. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attache familiale et qu'il n'a pas rompu tout lien avec son pays d'origine puisqu'il y a effectué un séjour du 12 décembre 2018 au 31 janvier 2019. Dès lors, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit tel que défini à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité la mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire.

10. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L.513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".

11. En deuxième lieu, pour motiver la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet de Lot-et-Garonne, après avoir visé les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a indiqué que l'intéressé avait fait l'objet le 23 mai 2019 d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, qu'il a été signalé en qualité d'auteur pour des faits d'agression sexuelle et qu'il a été interpelé en situation de travail illégal, qu'il représente une menace grave pour la sécurité publique et qu'ainsi, il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français. Il résulte des dispositions précitées du d) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que ces circonstances suffisaient à faire regarder comme établi le risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. La circonstance que la décision litigieuse vise à tort le h) du 3° du II de l'article L. 511-1 est sans incidence sur la motivation en la forme de cette décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

12. En troisième lieu, pour refuser un délai de départ volontaire, le préfet de Lot-et-Garonne s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement et ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes. Pour contester cette appréciation, M. A... fait valoir qu'il n'a jamais reçu notification régulière de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire et qu'il bénéficie de représentation de garanties suffisantes. Toutefois, il ressort du procès-verbal d'audition de sa situation administrative du 26 janvier 2021, que l'intéressé a déclaré avoir eu connaissance de cette mesure mais s'y être soustrait, ne souhaitant pas retourner dans son pays d'origine. Ainsi à supposer même que M. A..., qui a produit son passeport en cours de validité et une attestation d'hébergement, démontre qu'il n'entre pas dans le champ d'application du f) du 3ème du II de l'article L. 511-1 de ce code sur lequel s'est également fondé le préfet dans sa décision, l'autorité administrative a pu toutefois légalement se fonder sur les autres motifs pour refuser d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire. Par suite, le préfet de Lot-et-Garonne n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité la mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision susvisée.

14. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce: " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

15. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

16. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit, par ailleurs, faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

17. Il ressort des termes de l'arrêté en litige, que celui-ci vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. A... est entré sur le territorial national le 30 novembre 2015, célibataire et sans enfant, qu'il se maintient en séjour irrégulier sur le territoire national, qu'il y travaille de manière dissimulée, qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement et dont le comportement représente une menace pour l'ordre public. Il suit de là que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen devront être écartés.

18. En troisième lieu, s'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté litigieux l'intéressé était en France depuis environ cinq années, il n'a toutefois pas déféré à une précédente mesure d'éloignement dont il déclare avoir eu connaissance et ne justifie d'aucune attache suffisamment intense, stable et ancienne sur le territoire. Par suite, et alors même qu'il ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans serait entachée d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 janvier 2021 portant obligation de quitter le territoire français, refusant d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.

La rapporteure,

Fabienne Zuccarello La présidente,

Marianne Hardy La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03042
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-10;21bx03042 ?
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