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22/03/2022 | FRANCE | N°21BX01632

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 mars 2022, 21BX01632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002496 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2021, M. B..., représenté par Me Drageon deman

de à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002496 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2021, M. B..., représenté par Me Drageon demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 30 septembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle considère qu'il ne peut plus justifier du statut d'étudiant au titre des cycles 2019/2020 et 2020/2021 alors que sur la période 2019/2020, il a suivi avec beaucoup d'assiduité une formation en tant qu'apprenti CAP Cuisine et a même obtenu des résultats excellents ; il poursuit sa formation " Cuisine " en baccalauréat professionnel ; elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ajoutant des critères non prévus par le texte ; cet article ne conditionne pas la délivrance du titre de séjour " étudiant " à la réalisation d'études supérieures, à l'absence de réorientation et à la poursuite d'études sérieuses mais seulement à la poursuite en France d'un enseignement et à des moyens d'existence suffisants ; il a respecté les 60 % de durée annuelle de travail que lui autorise son statut d'étudiant ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales ; il vit en concubinage avec une compatriote et il est le père d'un petit garçon né 13 septembre 2020.

Par ordonnance du 15 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nicolas Normand.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant béninois né en 1990, est entré en France le 24 août 2015 sous couvert d'un visa de long séjour " étudiant " portant la mention " étudiant " et a obtenu deux cartes de séjour pluriannuelles " étudiant " dont la seconde valable du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2020. Le 20 juin 2019, souhaitant changer de statut, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour " salarié " en produisant un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet en qualité de cuisinier dans un restaurant de Saint-Martin de Ré. Par courrier du 13 août 2019, le préfet de la Charente-Maritime l'a informé de sa décision de ne pas faire droit à sa demande en lui rappelant que le statut d'étudiant lui permettait de travailler à titre accessoire. Le 1er octobre 2019 l'employeur de M. B... a indiqué au préfet son intention de l'embaucher comme apprenti dans le cadre d'un CAP cuisine d'un an. Le 30 septembre 2020, le préfet a pris à son encontre un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. M. B... relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a résidé en France pendant 5 ans sous couvert d'un titre de séjour " étudiant ", s'est orienté à compter de 2019 vers le métier d'aide cuisinier pour lequel il a obtenu en juin 2020 un CAP et poursuit depuis la rentrée scolaire 2020-2021 des études en vue de la délivrance d'un baccalauréat professionnel " Cuisine ". Il ressort des nombreuses attestations produites au dossier et notamment celle de son employeur propriétaire d'un restaurant de Saint-Martin de Ré, que M. B... donne entière satisfaction dans le milieu professionnel de la restauration. En outre, l'intéressé vit à La Rochelle avec une compatriote depuis le 1er mars 2018, date à laquelle ils ont signé ensemble un contrat de bail pour un studio. Sa concubine réside régulièrement en France sous couvert d'un titre étudiant dont elle a d'ailleurs demandé le renouvellement le 8 septembre 2020 et un enfant est né de leur relation le 13 septembre 2020. Il ressort encore des pièces du dossier, et notamment de ses bulletins de salaire que le requérant subvient, par son travail, aux besoins de sa famille. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Charente-Maritime a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour et a donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B..., de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2002496 du tribunal administratif de Poitiers du 11 mars 2021 et l'arrêté du 30 septembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 15 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.

Le rapporteur,

Nicolas Normand La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

André Gauchon La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01632
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET DRAGEON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-22;21bx01632 ?
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