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22/03/2022 | FRANCE | N°21BX03875

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 mars 2022, 21BX03875


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2101105 du 16 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :


Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Jouteau, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2101105 du 16 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Jouteau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101105 du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision lui refusant le séjour est entachée d'erreur de fait dès lors que, contrairement à ce qu'a indiqué la préfète, il a obtenu deux diplômes durant ses années de formation ;

- elle est entaché d'erreur d'appréciation dans la mesure où les choix du parcours universitaire qu'il a opérés sont cohérents ; sa formation intitulée " gestion locative, syndic de copropriété et transactions immobilières " n'a débuté que le 21 juin 2021, en ce qui concerne sa partie pratique, de sorte qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir justifié de son assiduité et de son investissement ; cette formation est complémentaire avec son diplôme d'architecte d'intérieur ;

- son homosexualité l'empêche d'envisager un retour en Tunisie où cette orientation sexuelle est passible d'emprisonnement ; eu égard à sa situation personnelle, l'arrêté contesté porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- et les observations de Me Jouteau pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 31 octobre 1990, est entré en France le 16 octobre 2016 muni d'une passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour " étudiant " valable jusqu'au 12 octobre 2017. Par la suite, il a obtenu le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, en dernier lieu, jusqu'au 21 novembre 2020. Le 29 octobre 2020, l'intéressé a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur. Par un arrêté du 18 décembre 2020, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. M. A... relève appel du jugement du 16 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2020.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant" (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif de l'excès de pouvoir, la réalité et le sérieux des études poursuivies. A cet égard, le caractère réel et sérieux de ces études est subordonné à une progression régulière de l'étudiant et à la cohérence de son parcours.

3. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son arrivée en France, M. A... était titulaire d'un diplôme national tunisien de licence appliquée en " design ", mention " espace ", parcours " architecture d'intérieur ". Après s'être inscrit au titre de l'année 2016/2017 à une formation d'architecte d'intérieur au sein de l'institut de design et d'aménagement d'espaces, il s'est inscrit, au sein du même institut, en troisième année de la formation " architecte d'intérieur spécialisé en design commercial " au titre de laquelle il a obtenu un diplôme le 29 juin 2018. Au titre de l'année 2018/2019, l'appelant s'est inscrit à une formation de " décorateur merchandiser " au sein dudit institut, qu'il n'a pu mener à son terme en raison de difficultés financières. Au titre de l'année 2019-2020, M. A... s'est inscrit en formation d'anglais au sein de l'institut " Europa formation " au titre de laquelle il a obtenu un diplôme de compétence en langues niveau B1 du cadre européen commun de références pour les langues. Enfin, au titre de l'année 2020/2021, l'intéressé s'est inscrit dans une formation en " gestion locative, syndic de copropriété et transactions immobilières " au sein de l'Ecole de formation en droit immobilier de Bordeaux.

4. Pour refuser à M. A... le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, la préfète de la Gironde s'est fondée sur la circonstance que l'intéressé ne justifiait pas de la réalité et du caractère sérieux de ses études. Si ce dernier soutient que, ce faisant, la préfète a entaché sa décision d'erreur d'appréciation, il ne parvient pas à démontrer la cohérence de son parcours de formation et une progression significative, à compter de l'obtention de son diplôme d'architecte d'intérieur spécialisé en design commercial en juin 2018. En particulier, nonobstant ses difficultés financières, dont la réalité n'est pas contestée, il est constant qu'il n'a pas mené à son terme la formation de " décorateur merchandiser " à laquelle il s'est inscrit au titre de l'année 2018/2019 et qui, de son propre aveu, est d'un niveau inférieur à la formation suivie en 2017/2018. Si, ainsi que le soutient le requérant, les études de langues entreprises en 2019/2020, année au titre de laquelle il a obtenu le renouvellement de son titre de séjour, peuvent être regardées comme facilitant l'accès à la branche professionnelle à laquelle il se destine, il n'établit pas, en revanche, qu'il existerait un lien suffisant entre sa formation d'architecte d'intérieur et la formation en " gestion locative, syndic de copropriété et transactions immobilières " à laquelle il s'est inscrit au titre de l'année 2020/2021, année au titre de laquelle le renouvellement de son titre lui a été refusé. Notamment, il ressort du programme de cette formation qu'elle est essentiellement axée autour du droit de l'urbanisme et du droit de l'immobilier, sans lien apparent avec le parcours antérieur du requérant, malgré ses affirmations selon lesquelles il souhaite ajouter à son " bagage " un volet juridique. Le fait que, depuis le 1er juillet 2020, M. A... ait créé sa propre entreprise d'architecture d'intérieur n'est pas de nature à justifier d'un tel lien. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour au motif qu'il ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de ses études qui, ainsi qu'il a été dit, doit s'apprécier notamment au regard de la progression et de la cohérence du parcours de formation, la préfète de la Gironde a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur. A cet égard, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, l'erreur de fait dont la préfète de la Gironde a entaché son arrêté en indiquant que M. A... n'avait obtenu aucun diplôme depuis son arrivée sur le territoire est sans incidence sur la légalité de cet arrêté dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision en retraçant de manière exacte l'ensemble du parcours de formation de l'intéressé tel qu'il résulte du point précédent.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. M. A... soutient à hauteur d'appel qu'un retour en Tunisie l'empêcherait de mener une vie privée et familiale normale en raison des discriminations dont font l'objet les personnes homosexuelles dans ce pays. Toutefois, s'il invoque la situation générale des homosexuels en Tunisie et le fait que cette orientation sexuelle est réprimée dans ce pays car elle y constitue un délit, le requérant n'apporte aucun élément probant quant à sa propre situation, de nature à permettre de tenir pour établie la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé ou la discrimination dont il ferait personnellement l'objet en cas de retour dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans. M. A... n'allègue pas, en outre, avoir sollicité le statut de réfugié ou la protection subsidiaire en raison de son orientation sexuelle. Par suite, en dépit de son insertion professionnelle récente, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France du requérant, la préfète de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions attaquées ont été prises et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'a pas plus entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

André Gauchon

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX038752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03875
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-22;21bx03875 ?
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