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23/03/2022 | FRANCE | N°19BX02451

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 23 mars 2022, 19BX02451


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau, à titre principal, de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) de Bayonne à lui régler les sommes de 14 290,64 euros au titre de la rémunération des heures réellement effectuées entre 2012 et 2016, de 2 746,96 euros au titre de la rémunération de ses temps de trajet, de 12 567 euros au titre de la rémunération des astreintes et des permanences et de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1800

252 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté ces demandes.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau, à titre principal, de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) de Bayonne à lui régler les sommes de 14 290,64 euros au titre de la rémunération des heures réellement effectuées entre 2012 et 2016, de 2 746,96 euros au titre de la rémunération de ses temps de trajet, de 12 567 euros au titre de la rémunération des astreintes et des permanences et de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1800252 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2019 ainsi qu'un mémoire enregistré le 6 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Etcheverry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 23 avril 2019 ;

2°) de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) de Bayonne à lui régler les sommes de 14 290,64 euros au titre de la rémunération des heures réellement effectuées entre 2012 et 2016, de 2 746,96 euros au titre de la rémunération de ses temps de trajet, de 12 567 euros au titre de la rémunération des astreintes et des permanences et de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral avec actualisation de ces sommes arrêtées au 16 juin 2016 ;

3°) de mettre à la charge du CCAS la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Chaque année, elle a travaillé 44,22 jours de plus que prévu par le protocole d'accord signé le 31 août 2000 ;

- Le CCAS a illégalement comptabilisé ses temps de trajet de façon estimative alors qu'il disposait d'un outil lui permettant de les connaître avec précision ;

- Le CCAS ayant installé un système d'astreinte, elle devait être rémunérée au titre de ses périodes d'astreinte ;

- Elle justifie de la réalité et du montant de ses préjudices financiers et moral.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2020, le CCAS de Bayonne, représenté par Me Bouvet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 octobre 2021 à midi.

Un mémoire a été enregistré pour Mme B... le 3 décembre 2021 postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dias, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent social principal de 2ème classe, exerce une activité d'aide à domicile à temps complet au sein du service d'aide et d'accompagnement du centre communal d'action sociale de Bayonne (CCAS). Elle demande à la cour d'annuler le jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes tendant à ce que la CCAS soit condamné à lui verser la rémunération correspondant aux heures supplémentaires et aux heures d'astreinte qu'elle aurait effectuées entre 2012 et 2016 et à l'indemniser du préjudice moral en résultant.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales (...) sont fixées par la collectivité (...), dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités (...). ". L'article 1er du décret n°2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précise que : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes. ".

3. Aux termes de l'article 1er du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. (...) " Aux termes de l'article 2 de ce décret : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ".

4. Il résulte des dispositions précitées, d'une part, que le décompte de la durée du temps de travail dans les collectivités territoriales s'effectue sur une base annuelle et que cette durée est, sauf dans l'hypothèse où les agents sont soumis à des sujétions particulières, fixée à 1 607 heures et, d'autre part, que les jours de congés légaux ne sont pas décomptés dans la durée de travail effectif définie à l'article 2 du décret.

5. Par ailleurs, il résulte de l'accord-cadre conclu le 31 août 2000 entre la CCAS et les représentants du personnel en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail que la " mesure du temps de travail est réalisée sur une base annuelle de travail effectif de 1 550 heures " et de 216 jours travaillés, correspondant à un temps de travail journalier moyen de 7,17 heures.

6. Mme B... soutient qu'il ressort des relevés d'activité établis par le CCAS qu'elle aurait travaillé 261 jours en 2016 et de ses bulletins de paie qu'elle aurait travaillé 1827,04 heures au cours de la même année. Toutefois, ces nombres correspondent, respectivement, au nombre de jours ouvrés de l'année concernée et au nombre d'heures rémunérées sur une base de 6,57 heures par jour sans déduction des congés légaux. Or l'appelante n'établit ni même ne soutient qu'elle n'aurait pu prendre aucun jour de congé au cours de la même année ainsi que des années 2012 à 2015. En outre, elle ne critique aucunement le décompte du temps de travail effectif produit en défense et mentionnant un temps de travail effectif de 1 527 heures au titre de l'année 2014 mais a, au contraire, considéré, à l'appui de sa démonstration, que le temps de travail effectif devait inclure les jours de congés légaux en méconnaissance des dispositions précitées du décret n° 2000-815 du 25 août 2000.

7. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'était pas établi qu'elle aurait effectué des heures supplémentaires non rémunérées.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que depuis le 1er novembre 2011, le temps de trajet des aides à domicile entre les résidences de deux bénéficiaires d'interventions consécutives est comptabilisé en temps de travail par le CCAS à l'aide du logiciel Via Michelin qui tient compte, notamment, des éventuelles difficultés de circulation prévisibles et des travaux. En outre, il n'est pas contesté que la durée des prestations facturées sur la base d'un logiciel de télégestion est amputée de cinq minutes dites " de courtoisie " dont l'utilisation demeure à la discrétion de l'agent.

9. D'une part, les allégations de Mme B... selon lesquelles ce mode de comptabilisation de ce temps de trajet méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 2 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 au seul motif qu'il ne correspond pas au temps de trajet réel mais seulement à une estimation de ce temps ne sont pas assorties des précisions permettant d'en apprécier la portée. Au demeurant si l'appelante fait valoir que le CCAS utilise un logiciel de télégestion pour la facturation des prestations effectuées par ses agents, ce logiciel permet uniquement à l'agent d'indiquer les heures de début et de fin d'intervention mais ne permet pas de contrôler qu'il est demeuré à la disposition de son employeur en se conformant à ses directives et sans vaquer librement à des occupations personnelles entre deux interventions.

10. D'autre part, l'appelante ne produit aucun élément permettant de considérer que ce mode de calcul du temps de trajet serait défavorable aux agents ainsi qu'elle le soutient ni, a fortiori, que son temps de trajet quotidien réel entres les résidences de deux bénéficiaires dépasserait de 15 minutes son temps de trajet journalier rémunéré.

11. En troisième lieu, Aux termes de l'article 1er du décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 : " Conformément aux articles 5 et 9 du décret du 12 juillet 2001 susvisé, bénéficient d'une indemnité non soumise à retenue pour pension ou, à défaut, d'un repos compensateur certains agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant : 1° Lorsqu'ils sont appelés à participer à une période d'astreinte ; 2° Lorsque des obligations liées au travail imposent à un agent de se trouver sur son lieu de travail habituel, ou en un lieu désigné par son chef de service, pour nécessité de service, sans qu'il y ait travail effectif ou astreinte. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ainsi que, le cas échéant, le déplacement aller et retour sur le lieu de travail. / La permanence correspond à l'obligation faite à un agent de se trouver sur son lieu de travail habituel, ou un lieu désigné par son chef de service, pour nécessité de service, un samedi, un dimanche ou lors d'un jour férié. ".

12. Par des délibérations des 5 octobre 2010 et 24 juin 2013, le CCAS de Bayonne a institué une procédure d'astreinte. Ces deux délibérations prévoient qu'une période d'astreinte de week-end, de jour férié et de semaine complète est organisée au profit du service prestataire sur la base du volontariat. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, en particulier, du compte rendu de la réunion du comité technique du 9 juin 2015 que les plannings hebdomadaires des agents affectés à l'aide à domicile sont susceptibles de modifications en cas de besoin et qu'il est recommandé à l'agent de préciser au service gestionnaire ces indisponibilités lorsqu'elles surviennent après 17 heures. Toutefois, cette organisation du temps de travail, dont aucune des parties ne précise d'ailleurs les modalités, ne correspond pas à la mise en place, de facto, d'une période d'astreinte ou de permanence généralisée et obligatoire pour les agents mais permettrait seulement, de caractériser, le cas échéant, une organisation du travail particulièrement flexible.

13. En outre, si Mme B... soutient que les fiches de postes attribués aux agents du CCAS précisent que les aides à domicile doivent rester à la disposition du service dans le cadre d'une amplitude horaire allant de 8 heures à 20 heures, elle ne produit aucun élément à l'appui de cette allégation et, en particulier aucune fiche de poste ainsi que l'ont relevé les premiers juges.

14. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de ses heures supplémentaires et de permanence et, par voie de conséquences, ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice moral que lui aurait ainsi causé la méconnaissance par son employeur des règles relatives à la détermination de son temps de travail, de sa rémunération et des temps de repos. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

15. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que demande le CCAS sur le fondement des mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du CCAS tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre communal d'action sociale de Bayonne.

Délibéré après l'audience du 28 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Didier ArtusLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°19BX02451 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02451
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SCP ETCHEVERRY-ETCHEGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-23;19bx02451 ?
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