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24/03/2022 | FRANCE | N°19BX03004

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 24 mars 2022, 19BX03004


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'une part, de condamner la commune de La Rochelle à lui verser une somme de 24 473, 65 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant de la chute dont elle a été victime le 10 avril 2014, et, d'autre part, d'annuler la décision du 12 juillet 2017 par laquelle le maire de La Rochelle a rejeté sa demande préalable d'indemnisation.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM

) de la Charente-Maritime a demandé au tribunal de condamner la commune de La Roche...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'une part, de condamner la commune de La Rochelle à lui verser une somme de 24 473, 65 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant de la chute dont elle a été victime le 10 avril 2014, et, d'autre part, d'annuler la décision du 12 juillet 2017 par laquelle le maire de La Rochelle a rejeté sa demande préalable d'indemnisation.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime a demandé au tribunal de condamner la commune de La Rochelle à lui verser une somme de 5 554, 11 euros avec intérêts au taux légal au titre des débours exposés au profit de Mme C..., et une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1702175 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes et a mis à la charge de Mme C... les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 825 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2019, Mme C..., représentée par Me Botté, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 mai 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 12 juillet 2017 du maire de La Rochelle portant rejet de sa demande préalable d'indemnisation ;

3°) de condamner la commune de La Rochelle à lui verser une somme de 24 473, 65 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2017 et capitalisation des intérêts, en réparation de ses préjudices ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Rochelle les frais d'expertise d'un montant de 825 euros et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune est engagée à raison d'un défaut d'entretien normal du trottoir sur lequel elle a chuté ; les photographies qu'elle produit attestent du mauvais entretien de ce trottoir au carrefour des rues Gustave Flourens et Arthur Rimbaud et du stationnement irrégulier des véhicules, qui oblige les piétons à se déporter, soit sur la chaussée, soit sur le trottoir élargi sur lequel le broyat est éparpillé ; la commune de la Rochelle a reconnu, après sa chute, le défaut d'entretien du trottoir ;

- le lien de causalité entre ce défaut d'entretien et sa chute est établi ;

- le jour de sa chute, elle a été contrainte d'emprunter la partie du trottoir sur lequel du broyat, particulièrement glissant, était éparpillé, en raison de la présence de véhicules stationnés sur le trottoir ; elle ignorait la présence de copeaux sur le trottoir ; elle n'a ainsi pas adopté un comportement susceptible de justifier une exonération de responsabilité de la commune ;

- elle est fondée à demander des indemnités de 3 607, 88 euros au titre de ses frais de transport, de 1 450, 15 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, de 6 000 euros au titre des souffrances endurées de 3/7, de 1 500 euros au titre de son préjudice esthétique, de 10 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent de 10 % et de 3 000 euros au titre de ses préjudices moral et d'agrément.

Par des mémoires, enregistrés le 28 août 2019, le 16 janvier 2020 et le 21 avril 2021, la CPAM de la Charente-Maritime demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 mai 2019, de condamner la commune de La Rochelle à lui verser une somme de 5 554, 11 euros au titre des débours exposés au profit de Mme C... et une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et de mettre à la charge de la commune de La Rochelle une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son appel est recevable ; le directeur de la caisse est habilité à agir en vertu de l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale ; ses mémoires ont été présentés par un avocat, qui n'a pas à justifier avoir été mandaté ;

- sa créance s'élève à la somme totale de 5 554, 11 euros ;

- elle est fondée à demander la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, la commune de La Rochelle, représentée par Me Guillard, conclut au rejet de la requête et des demandes de la CPAM de la Charente-Maritime et à la mise à la charge de Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme C... ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre la présence de copeaux de bois sur le trottoir et sa chute ; les éléments produits ne permettent pas de déterminer avec précision le lieu de la chute, ses circonstances et l'ampleur des copeaux répandus sur le trottoir ; les photographies versées au dossier n'ont pas été prises le jour de l'accident et les attestations sont peu probantes ;

- le broyat auquel la requérante attribue sa chute, qui est un bien meuble, ne peut être regardé comme un ouvrage public ;

- le comportement fautif de Mme C... l'exonère de sa propre responsabilité : Mme C... avait une parfaite connaissance des lieux et de la présence de copeaux de bois sur le trottoir et aurait pu éviter ces obstacles eu égard à la largeur des trottoirs ;

- elle a respecté son obligation d'entretien ; les trottoirs du secteur sont nettoyés deux fois par semaine, et il ne peut être exigé un enlèvement immédiat de tout objet sur un trottoir communal ; la présence des copeaux en cause n'a pas excédé, par leur importance ou leur nature, les sujétions auxquelles la requérante pouvait normalement s'attendre ; ses courriers ne sauraient être interprétés comme une reconnaissance de responsabilité ;

- les demandes de la CPAM sont irrecevables dès lors que son président, qui a donné délégation à l'un de ses agents, ne justifie pas de son habilitation à agir en justice ; en outre, le mémoire présenté par la caisse ne comporte aucune signature permettant de s'assurer de la compétence de son auteur ;

-Mme C... ne justifie pas de ses frais de transports et n'est pas recevable à solliciter une indemnisation au titre des frais exposés par sa fille;

- l'indemnisation des souffrances endurées ne saurait excéder 3 000 euros ; le préjudice esthétique ne saurait être évalué à une somme supérieure à 800 euros ; le déficit fonctionnel permanent, qui a été surévalué par l'expert, peut être évalué pour 2 % à la somme de 2 088, 80 euros ; les préjudices moral et d'agrément ne sont pas établis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 avril 2014, Mme C... a été victime d'une chute alors qu'elle empruntait la rue Gustave Flourens, située à proximité de son domicile, à La Rochelle. A la suite de cette chute, elle a présenté une fracture du poignet gauche pour laquelle elle a été hospitalisée, une entorse de la cheville gauche et une contusion du genou droit. Mme C... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers afin qu'une expertise soit ordonnée pour déterminer ses préjudices. Par une ordonnance du 27 septembre 2016, le docteur A... a été désigné. Ce dernier a remis son rapport le 3 février 2017. Par un courrier du 7 juin 2017, Mme C... a demandé à la commune de La Rochelle de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa chute. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 12 juillet 2017 du maire de La Rochelle. Mme C... a alors saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une requête tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de la commune de La Rochelle à l'indemniser des préjudices ayant résulté de sa chute, imputables selon elle à un défaut d'entretien normal du trottoir. Par un jugement du 21 mai 2019, le tribunal administratif a rejeté ses demandes ainsi que celle de la CPAM de la Charente-Maritime tendant à la condamnation de la commune de La Rochelle à lui rembourser les débours exposés au profit de son assurée et à lui verser une somme au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et a mis les frais d'expertise, d'un montant de 825 euros, à la charge de Mme C.... Cette dernière et la CPAM de la Charente-Maritime relèvent appel de ce jugement.

Sur la responsabilité de la commune de La Rochelle :

2. Pour obtenir la réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge, d'une part, la réalité de leur préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage invoqué. Pour s'exonérer de sa responsabilité, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un évènement de force majeure.

3. Mme C... soutient que le 10 avril 2014, vers 19h15, alors qu'elle circulait à pied sur le trottoir situé à l'angle des rues Arthur Rimbaud et Gustave Flourens à La Rochelle, elle a chuté en glissant sur des copeaux de bois et gravillons jonchant le sol et provenant d'un massif fleuri. Elle produit des attestations, indiquant que l'intéressée a chuté sur le sol après avoir glissé sur des copeaux de bois présents sur le trottoir alors qu'elle se rendait à son domicile et précisant, dans la seconde des attestations, le lieu exact de l'accident. Ces attestations, étayées par celles d'une habitante de la rue ayant porté secours à la requérante immédiatement après son accident, sont de nature à corroborer le récit de Mme C..., de sorte que le lien de causalité entre le dommage qui est résulté de sa chute et l'ouvrage public que constitue le trottoir doit être regardé comme établi.

4. Il résulte de l'instruction, notamment des clichés photographiques produits par les parties, qu'à l'angle des rues Arthur Rimbaud et Gustave Flourens, le trottoir est agrémenté d'un massif arboré dont le broyat peut déborder et recouvrir la partie du trottoir bordant ce massif. Cependant, ces débordements sont limités au seul pourtour du massif et l'importante largeur du trottoir permet aisément d'emprunter sa majeure partie vierge de tout dépôt végétal. Dans ces conditions, cette présence de broyat ne saurait, à elle seule, constituer un danger excédant ceux auxquels peut s'attendre un piéton normalement attentif, et il n'est pas établi ni même allégué que la commune aurait été alertée sur des débordements particulièrement importants en dehors du massif. Il résulte également de ces clichés photographiques ainsi que des attestations rédigées par quelques habitants du quartier que cette partie du trottoir est, en raison de sa largeur, régulièrement occupée par des véhicules en stationnement irrégulier, de sorte que l'espace de circulation des piétons peut se trouver réduit. Toutefois, en l'absence de tout cliché photographique pris le jour de l'accident, l'attestation de l'unique témoin oculaire de la chute de Mme C..., insuffisamment précise à cet égard, ne permet ni de connaître l'importance de l'amoncellement de broyat sur le trottoir à la date du 10 avril 2014, ni d'établir que des véhicules alors irrégulièrement stationnés auraient contraint la requérante, comme elle le prétend, à emprunter la partie du trottoir longeant le massif. Dans ces conditions, les éléments de l'instruction ne permettent pas de caractériser un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public. De plus, en l'espèce, l'accident a eu lieu en plein jour, et la requérante, qui habite depuis plus de trente ans à proximité immédiate du lieu de sa chute, connaissait parfaitement les lieux. Dans ces conditions, à supposer qu'elle soit survenue dans les circonstances qu'elle décrit, sa chute ne peut qu'être regardée comme imputable à un manque de vigilance.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme C... et la CPAM de la Charente-Maritime ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

Sur les frais d'expertise :

6. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 825 euros, à la charge de Mme C....

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Rochelle, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mme C... et la CPAM de la Charente-Maritime et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de La Rochelle sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... et les conclusions de la CPAM de la Charente-Maritime sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de La Rochelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime et à la commune de La Rochelle.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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19BX03004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03004
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-04-01-02 Travaux publics. - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. - Causes d'exonération. - Faute de la victime. - Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CABINET BONNEAU CASTEL PORTIER GUILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-24;19bx03004 ?
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