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05/04/2022 | FRANCE | N°21BX01401

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 05 avril 2022, 21BX01401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler d'une part, l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Aveyron a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a informée qu'elle faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la duré

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler d'une part, l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Aveyron a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a informée qu'elle faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction du retour, et d'autre part, l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Aveyron l'a assignée à résidence sur la commune de Rodez et les communes avoisinantes pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2006350, 2006352 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021 et des pièces nouvelles produites le 29 avril 2021, Mme. B... représentée par Me Amari de Beaufort, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Aveyron a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a informée qu'elle faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction du retour ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 16 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aveyron, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois et de lui remettre dans l'attente une autorisation provisoire, sous astreinte de 100 euros par jour retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2022, le préfet de l'Aveyron conclut au rejet de la requête.

Mme B... a été admise au bénéfice l'aide juridictionnelle totale par décision du Bureau d'Aide Juridictionnelle près le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux en date du 18 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Nicolas Normand a été entendu au cours de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse B..., ressortissante kosovare née en 1988, est entrée en France le 8 juin 2015, selon ses déclarations. A la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 septembre 2016, confirmé par la cour nationale du droit d'asile le 3 mai 2017, elle a sollicité le 22 mai 2017 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 25 janvier 2018, la préfète de l'Aveyron lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme B... une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par une décision du 1er octobre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement. Le 21 septembre 2020, Mme B... a sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 16 novembre 2020 la préfète de l'Aveyron a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a informée qu'elle faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction du retour. Mme B... relève appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à Mme B..., la préfète de l'Aveyron a notamment visé les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application. Elle précise également les conditions d'entrée et de séjour en France de Mme B..., relevant notamment qu'elle est mariée depuis le 12 juin 2020 avec M. B..., de nationalité kosovare, avec lequel elle a eu deux enfants, qu'elle est entrée irrégulièrement en France après avoir vécu près de vingt-sept années dans son pays d'origine et ne saurait être regardée comme dépourvue de toute attache dans ce pays où vit toujours, selon ses propres déclarations, un membre de sa famille, qu'elle justifie de certaines activités bénévoles qui sont récentes et ne peuvent être qualifiées d'intégration professionnelle, que son enfant de 4 ans peut poursuivre sa scolarité dans le pays d'origine de ses parents et que si l'intéressée fait valoir son mariage avec un compatriote, celui-ci se trouve en situation irrégulière et fait l'objet d'un refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. L'arrêté relève enfin que l'intéressée ne justifie d'aucun motif exceptionnel ou humanitaire au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Compte tenu de ces éléments, les moyens tirés de ce que l'arrêté est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle doivent donc être écartés.

3. En deuxième lieu aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...). ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Dans ces conditions, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points.

4. La requérante fait valoir que son admission exceptionnelle au séjour se justifie au regard des activités bénévoles de son époux dans le tissu associatif, de la maîtrise de la langue française de son époux, de ce que son époux et elle-même bénéficient depuis plusieurs années d'un suivi psychiatrique en centre médico psychiatrique et de ce que leurs deux fils sont nés en France, l'un étant scolarisé en maternelle. Elle se prévaut aussi de témoignages attestant de sa volonté d'intégration. Toutefois, à la date de l'arrêté attaqué, la requérante, qui vivait en France depuis 5 ans, avait passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine et son époux faisait également l'objet d'une mesure d'éloignement de sorte qu'il n'existe aucun obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue au Kosovo. En outre, les symptômes dépressifs et traumatiques qu'elle présente ne sauraient être regardés, en l'espèce, comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour alors d'ailleurs, que par un arrêt du 1er octobre 2019 la cour de céans a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une décision du 25 janvier 2018 de refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et que ni le certificat médical du 30 mai 2017 qui décrit la pathologie de celle-ci ni le certificat du 20 avril 2021, d'ailleurs peu circonstancié, ne sont contemporains de l'arrêté attaqué. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. Si la requérante fait valoir que son enfant mineur de 4 ans est scolarisé en France, cette scolarisation est toutefois récente et il n'est pas établi que cet enfant en bas âge ne pourrait pas être scolarisé normalement en moyenne section de maternelle dans le pays d'origine de ses parents. Par ailleurs, les deux requérants sont de même nationalité de sorte que l'arrêté litigieux n'implique aucune séparation des deux enfants d'avec l'un de ses parents. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut être qu'écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour qui la fonde.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

8. En décidant de prendre à l'encontre de Mme B... une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, la préfète de l'Aveyron n'a pas, pour les raisons mentionnées au point 4 du présent arrêt, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2022.

Le rapporteur,

Nicolas Normand La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01401
Date de la décision : 05/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-05;21bx01401 ?
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