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07/04/2022 | FRANCE | N°20BX02429

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 07 avril 2022, 20BX02429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) les Coteaux a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014.

Par jugement n° 1804520 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 31 juillet 2020 et les 8 février et 10 septembre 2021, la société les Coteaux, représe

ntée par la SCP Lalanne Derrien Lalanne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) les Coteaux a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014.

Par jugement n° 1804520 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 31 juillet 2020 et les 8 février et 10 septembre 2021, la société les Coteaux, représentée par la SCP Lalanne Derrien Lalanne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 juin 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014;

3°) de mettre à la charge de l'État les frais engagés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la perte était nettement précisée, et probable, dès lors qu'elle a pris diverses mesures pour obtenir le remboursement du prêt consenti à M. A..., son président l'ayant rencontré à deux reprises et deux courriers de relance lui ayant été adressés ; elle l'a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris le 13 juillet 2010, et, par jugement du 31 janvier 2011, M. A... a été condamné, et elle a obtenu en avril et mai 2011 l'inscription d'hypothèques judiciaires sur les immeubles du débiteur, ce qui lui a permis d'obtenir le remboursement de la somme de 42 228,36 euros le 29 décembre 2011 ; dans le même temps, la société Eneade, caution solidaire, a été placée en redressement judiciaire, puis liquidée, le 30 juin 2010, mais elle n'a pas été en mesure d'actionner la caution, la procédure collective étant antérieure au courrier de M. A... du 4 mai 2010 ;

- cette probabilité résulte bien d'événements en cours à la clôture de l'exercice 2011.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 janvier et 2 septembre 2021 et le 3 mars 2022, ces deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

-le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,

- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue.

Considérant ce qui suit :

1. La société Les Coteaux, qui exerce une activité de promotion immobilière, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur les exercices clos en 2012, 2013 et 2014, à l'issue duquel le service a remis en cause la déduction d'une provision pour dépréciation d'un prêt financier. Elle relève appel du jugement du 2 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en résultant au titre des trois années contrôlées.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. ( ...) ".

3. Une entreprise peut porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

Sur le principe de la provision :

4. Il résulte de l'instruction que, le 25 février 2009, la société les Coteaux a consenti à M. A... un prêt de 350 000 euros, au taux d'intérêt de 3,8 %, remboursable avant le 25 octobre 2009. L'emprunteur a fourni une caution solidaire, la société Eneade, dont il était l'unique associé et le gérant. M. A... n'ayant pas remboursé le prêt à l'échéance, la société appelante lui a adressé deux lettres de rappel, les 15 décembre 2009 et 18 janvier 2010, puis a saisi le tribunal de grande instance de Paris, le 13 juillet 2010, afin de voir le débiteur condamné à la rembourser. Par jugement du 31 janvier 2011, ce tribunal a fait droit à sa demande. Par ailleurs, au cours de l'année 2010, la société Les Coteaux a pris des hypothèques sur des biens immobiliers appartenant à M. A..., et, le 29 décembre 2011, à la suite de la vente d'un immeuble situé à Paris, rue de Courcelles, appartenant au débiteur, la société Les Coteaux a perçu la somme de 42 228 euros. Constatant que, deux ans après l'échéance du prêt, et malgré le jugement du tribunal de grande instance de Paris et la prise d'hypothèque, elle n'avait pu recouvrer sa créance, la société a comptabilisé, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011, une provision d'un montant de 238 460 euros, augmentée à 249 691 euros à la clôture de l'exercice 2012, puis ramenée à 238 099 euros au 31 décembre 2013 et 197 046 euros au 31 décembre 2014, à la suite de l'intervention d'un remboursement partiel. Cependant, à l'issue du contrôle sur pièces portant sur les exercices clos en 2012, 2013 et 2014 dont la société a fait l'objet, le service a repris les dotations aux provisions des trois exercices contrôlés, au motif qu'à la date du 31 décembre 2011, la perte n'était pas probable, la société Les Coteaux disposant d'une caution auprès de la société Eneade.

5. Toutefois, la société Eneade a été placée en redressement judiciaire le 3 février 2010, et par jugement du 30 juin 2010, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé sa liquidation judiciaire. Or, l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre d'une société débitrice autorise la constitution d'une provision pour créances douteuses, sans que l'administration puisse utilement faire valoir la circonstance que la société les Coteaux n'a pas effectué la déclaration de sa créance dans le délai légal de deux mois suivant la publication du jugement du 3 février 2010, alors qu'au surplus à cette date la société avait adressé à M. A..., par courrier du 18 janvier 2010, sa deuxième relance, et que le débiteur ne lui a répondu que le 4 mai 2010, pour l'informer de ce qu'il n'était pas en mesure d'honorer sa dette.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Les Coteaux justifie du caractère probable de la perte qui a justifié la provision en litige à la clôture de l'exercice 2011.

Sur le calcul de la provision :

7. La société les Coteaux explique qu'elle a calculé la provision de 238 359 euros en soustrayant du montant du prêt de 350 000 euros, la somme de 42 228 euros qu'elle a obtenue à la suite de la vente d'un immeuble situé à Paris appartenant au débiteur, ainsi que les sommes de 35 100 euros et de 34 313 euros, correspondant à des règlements à obtenir à la suite de la cession d'un immeuble situé à Saint-Jean (Haute-Garonne) et d'un autre situé à Sainte-Luce-sur-Loire (Loire-Atlantique). Elle a ainsi évalué la provision avec une précision suffisante, nonobstant la circonstance que le calcul ne tient pas compte des intérêts de la somme de 350 000 euros.

8. Il résulte de ce qui précède que la société les Coteaux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme qu'elle demande de 1 113 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 juin 2020 est annulé.

Article 2 : La société Les Coteaux est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014.

Article 3 : L'État versera à la société Les Coteaux la somme de 1 113 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Les Coteaux et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022.

La rapporteure,

Frédérique Munoz-Pauziès Le président

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02429
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SCP LALANNE - DERRIEN-LALANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-07;20bx02429 ?
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