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07/04/2022 | FRANCE | N°21BX03666

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 07 avril 2022, 21BX03666


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte à ladite préfète de lui délivrer un certificat de résidence ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant

à travailler.

Par un jugement n° 2101463 du 30 juin 2021, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte à ladite préfète de lui délivrer un certificat de résidence ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 2101463 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Hugon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2020 pris à son encontre par la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire avec autorisation de travail, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État au profit de son conseil la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- la préfète ne pouvait lui opposer l'incomplétude de son dossier au titre du travail, au motif que son employeur n'a pas répondu à une demande de pièces complémentaires de la part de la DIRECCTE ; cette demande ne lui a jamais été transmise, ce qui entache la procédure d'irrégularité dès lors que l'esprit de l'article R. 5221-17 du code du travail est bien d'associer étroitement l'étranger à la demande d'autorisation de travail dont il fait l'objet ; or, la DIRECCTE a considéré que l'absence de réponse de son employeur faisait naître une décision de rejet ; la demande de pièces complémentaires constituait donc bien une décision lui faisant grief puisqu'elle emportait rejet de sa demande de titre de séjour ;

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle viole le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car elle présente une pathologie orpheline nécessitant une prise en charge médicale et ne pourra avoir accès à un traitement approprié en Algérie, dès lors que la molécule avec laquelle elle est traitée n'y est pas disponible et que le générique existant ne donne pas les mêmes résultats thérapeutiques ; l'absence de traitement aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité en termes de douleurs ; si cette pathologie est révélée par des documents postérieurs à la décision attaquée, elle était préexistante ;

- compte tenu des conséquences de cette décision sur sa situation, celle-ci est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et éloignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

A titre de note en délibéré, Mme A... a produit une pièce complémentaire, enregistrée le 12 mars 2022.

Par une décision en date du 29 juillet 2021, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Hugon, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne née en 1970, est entrée en France le 1er septembre 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle s'est mariée le 10 septembre 2016 avec un ressortissant français et s'est vu délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " valable jusqu'au 12 mars 2018. Elle s'est séparée de son époux mais a obtenu son changement de statut et la délivrance d'un certificat de résidence " salarié " valable jusqu'au 27 août 2019, dont elle a sollicité le renouvellement le 6 mai 2019. Par un arrêté du 29 décembre 2020, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme A... fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 juin 2021, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Lorsque le préfet consulte la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) en vue de l'instruction d'une demande de titre de séjour " salarié ", aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que le préfet fonde son refus de délivrance d'un titre de séjour sur un motif issu de la procédure d'instruction menée par cette administration. En l'espèce, la préfète de la Gironde a rejeté, par une décision du 23 novembre 2020, la demande d'autorisation de travail présentée par la société Action France Bordeaux au bénéfice de Mme A... au motif que ladite société n'avait pas complété sa demande en fournissant les pièces qui lui ont été demandées par la DIRECCTE par un courrier du 6 mai 2020. Mme A... ne fait état d'aucune démarche de la part de l'employeur durant les sept mois qui se sont écoulés entre le 6 mai 2020 et l'édiction du refus de séjour contesté. D'autre part, aucune disposition de l'accord franco-algérien, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du code du travail n'imposait à la DIRECCTE de demander ces pièces directement à Mme A.... Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant le renouvellement de son certificat de résidence aurait été prise à la suite d'une procédure irrégulière.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

3. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

6. Mme A... produit plusieurs pièces médicales dont il ressort qu'elle est traitée depuis son entrée en France à raison d'une malformation vasculaire rare au pied gauche, qui est à l'origine de douleurs importantes et invalidantes. Toutefois, alors qu'elle souffre de cette maladie depuis son adolescence et qu'il n'est pas contesté qu'elle a été prise en charge en Algérie jusqu'à son entrée en France, à l'âge de 45 ans, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas de l'article de presse du 26 novembre 2017 relatif à la prise en charge de la douleur dans ce pays, qu'elle ne pourrait pas recevoir des soins et un traitement adéquat dans son pays d'origine. Si elle produit à l'instance le rapport d'un médecin algérien en date du 26 avril 2021, indiquant que le médicament Neurontin n'est pas disponible en Algérie, il ressort des pièces du dossier que ledit médicament ne lui a été prescrit qu'en avril 2021, soit postérieurement à la décision contestée alors, en outre, que ce rapport mentionne également qu'il existe en Algérie un traitement générique proche, même si ses résultats thérapeutiques ne sont pas équivalents. Par suite, et alors, au demeurant, que Mme A... n'a pas demandé un titre de séjour en se prévalant de son état de santé, en prenant la décision en litige, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors que la requérante a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 45 ans et y conserve des attaches familiales, qu'elle est maintenant divorcée de son époux français et qu'elle ne démontre pas que sa pathologie ne puisse être prise en charge dans son pays d'origine, que la préfète de la Gironde aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision d'éloignement sur sa situation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité des décisions lui refusant un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... sur ces fondements.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 7 avril 2022.

La rapporteure,

Florence B...

Le président

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03666


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX03666
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : HUGON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-07;21bx03666 ?
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