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22/04/2022 | FRANCE | N°21BX02740

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 22 avril 2022, 21BX02740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 juin 2020 par lequel la préfète du Tarn a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, et d'autre part, la décision implicite de refus de délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n°s 2002616, 2005015 du 28 mai 2021, le tribu

nal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 8 juin 2020, a enjoint à la préfè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 juin 2020 par lequel la préfète du Tarn a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, et d'autre part, la décision implicite de refus de délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n°s 2002616, 2005015 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 8 juin 2020, a enjoint à la préfète du Tarn de délivrer à M. B... un titre de séjour mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement en le munissant dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder sans délai à la mise en œuvre de la procédure d'effacement du signalement de l'intéressé dans le système d'information Schengen, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions d'annulation de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2021, la préfète du Tarn demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 mai 2021 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 8 juin 2020, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement en le munissant dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder sans délai à la mise en œuvre de la procédure d'effacement du signalement de l'intéressé dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation en basant sa décision sur deux nouveaux documents qui confirmeraient l'identité alléguée ; qu'elle n'a jamais eu connaissance de ces documents avant l'adoption de la décision contestée ; que ce n'est qu'au cours de la procédure devant le tribunal que M. B... s'est prévalu d'un nouvel extrait d'acte de naissance et d'un nouveau jugement supplétif ; qu'elle n'a jamais eu l'opportunité d'étudier l'authenticité de ces documents, n'ayant jamais eu accès aux originaux ; ces documents sont datés des 23 février et 1er mars 2021, soit huit mois après l'adoption de la mesure contestée et ne lui ont été communiqués que le 3 mai 2021 dans le cadre du contentieux ;

- les doutes émis par la police de l'air et des frontières sur l'authenticité du premier extrait d'acte de naissance présenté par l'intéressé permettent de ne pas faire jouer la présomption de validité prévue à l'article 47 du code civil et l'analyse par la DIDPAF des documents produits (acte de naissance, jugement supplétif et fiche NINA) relève des incohérences et irrégularités ; sans même avoir réalisé une analyse de l'authenticité des nouveaux documents présentés, quand bien même ils auraient été légalisés, la cour pourra conclure à leur caractère irrégulier dès lors que les mêmes irrégularités relevées sur les précédents documents persistent sur les nouveaux ;

- le juge administratif doit se placer au jour de l'adoption de la décision contestée pour juger et en l'état du dossier de M. B... lors de sa demande de titre de séjour, c'est par conséquent à bon droit qu'elle a estimé que le requérant ne démontrait pas son état civil et son âge réel ;

- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2022, M. B..., représenté par Me Bouix, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par la préfète ne sont pas fondés.

M. B... a obtenu le maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2022/001673 du 10 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord de coopération en matière de justice entre la France et le Mali du 9 mars 1962, notamment son article 24 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., ressortissant malien entré en France le 7 mars 2017, s'est déclaré mineur et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) du département du Tarn par une ordonnance de placement provisoire du 5 avril 2017, confirmée par un jugement du 25 avril 2017. Le 20 février 2019, il a présenté une demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " mais sa demande a été rejetée par un arrêté de le préfet du Tarn du 5 avril 2019 portant également obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Par un jugement du 21 octobre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé l'arrêté du 5 avril 2019 en tant qu'il oblige M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a enjoint au préfet du Tarn de réexaminer sa situation et, d'autre part, a renvoyé les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal. Le tribunal a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour par un jugement du 5 mars 2020, confirmé par un arrêt du 19 janvier 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux. En exécution du jugement du tribunal du 21 octobre 2019, la préfète du Tarn a procédé au réexamen de la situation de l'intéressé et par un nouvel arrêté du 8 juin 2020, a refusé d'autoriser M. B... à se maintenir sur le territoire français, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée d'un an. Par deux demandes distinctes, M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté du 8 juin 2020 ainsi que l'annulation de la décision implicite de refus de délivrance d'un titre de séjour. La préfète du Tarn relève appel du jugement du 28 mai 2021 en tant que le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 8 juin 2020, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le délai d'un mois et de procéder sans délai à la mise en œuvre de la procédure d'effacement du signalement de l'intéressé dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Ce n'est que si toutes ces conditions sont remplies qu'il lui revient de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger.

4. Les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient, en leur premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Cet article dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a produit un acte de naissance malien établi le 9 mars 2001, un jugement supplétif d'acte de naissance A... la cour d'appel de Bamako daté du 20 mars 2001, une copie de son acte de naissance daté du 1er mars 2001 et un passeport biométrique. Pour contester l'authenticité de ces documents, la préfète du Tarn s'est prévalu de la fiche " Numéro d'identification nationale " dite NINA, délivrée par le consulat E... en France, selon laquelle la date de naissance du 1er mars 2011 est fausse et de l'analyse menée par la cellule fraude de la direction interdépartementale de la police aux frontières (DIDPAF) de Toulouse en date du 26 février 2019 selon laquelle l'acte de naissance et le jugement supplétif ont été obtenus par fraude dès lors, notamment, que les numéros des actes sont inscrits dans le registre 05 qui ne correspond pas au standard de délivrance des actes de naissance maliens et que le jugement supplétif a été délivré le 28 mars 2001 alors que la déclaration de naissance a été faite dans le délai légal à savoir le 9 mars 2001, si bien qu'un tel jugement n'a pu être délivré par un tribunal selon les articles 158 et 133 du code de la famille E.... S'agissant du passeport, il a été délivré sur la base de ces documents d'état civil frauduleux. Dans ces conditions, en application de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'article 47 du code civil auquel il renvoie, la préfète a pu en déduire que les documents d'état civil produits à l'appui de la demande de titre de séjour ne pouvaient être regardés comme faisant foi.

6. Cependant, M. B... a produit pour la première fois devant le tribunal administratif un extrait conforme d'un jugement supplétif de naissance n° 2158 du 23 février 2021 indiquant qu'il est né le 1er mars 2001 à Bamako ainsi qu'un extrait d'acte de naissance correspondant établi le 17 mars 2021, dont les signatures ont été légalisées par le ministère des affaires étrangères malien le 25 mars 2021. Si ces documents sont postérieurs à l'arrêté attaqué de la préfète du Tarn, ils révèlent des faits antérieurs à cette décision qui doivent être pris en compte pour en apprécier la légalité. Toutefois, ainsi que l'avait relevé la DIDPAF dans son rapport du 26 février 2019, un jugement supplétif ne pouvait être délivré par un tribunal selon les articles 158 et 133 du code de la famille E... dès lors que la déclaration de naissance de M. B... avait été faite dans le délai légal. M. B... n'apporte aucun élément, tant en première instance qu'en appel, de nature à remettre en cause les constatations de ce rapport. En outre, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de ce que le jugement supplétif du 23 février 2021 et l'extrait d'acte de naissance du 17 mars 2021 portent le tampon d'une légalisation par le ministère des affaires étrangères à Bamako dès lors que de tels actes sont dispensés de la formalité de la légalisation par l'accord franco-malien du 9 mars 1962. Dans ces conditions, le jugement supplétif de naissance du 23 février 2021 et l'extrait d'acte de naissance du 17 mars 2021, établi sur la base de ce jugement, sont dépourvus de valeur probante. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la préfète du Tarn a pu légalement estimer que M. B... ne justifiait pas avoir été pris en charge par les services de l'ASE entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans en application des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que M. B... devait être regardé comme mineur lorsqu'il a été confié au service de l'ASE pour annuler l'arrêté attaqué.

8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".

10. Il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 de ce code, ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français. En vertu de leurs termes mêmes, ces mêmes dispositions ne peuvent pas non plus être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire préalable prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté comme inopérant.

11. En deuxième lieu, si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse pas aux Etats mais seulement aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision défavorable à ses intérêts, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement et d'interdiction de retour sur le territoire français. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu est ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français.

12. L'arrêté attaqué a été pris au vu de la demande de titre de séjour présentée par M. B... le 20 février 2019 et de la décision de refus de séjour du 5 avril 2019 opposée à l'intéressé, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 mars 2020 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 19 janvier 2021. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... n'aurait pas eu la possibilité, pendant l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire état de tous éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le contenu des décisions subséquentes à la décision se prononçant sur cette demande. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'en exécution de l'injonction de réexamen prononcée par le tribunal administratif de Toulouse dans son jugement du 21 octobre 2019, le préfet du Tarn a adressé à M. B... un courrier en date du 23 octobre 2019 lui demandant de produire tout élément qu'il jugerait utile au réexamen de sa situation, puis par un courrier du 13 mars 2020 reçu le 24 mars suivant l'a informé de son intention de confirmer sa précédente décision de refus de titre de séjour avec obligation de quitter le territoire et l'a invité à produire ses observations dans un délai de 15 jours. Contrairement à ce qui est soutenu, ce délai de 15 jours accordé à l'intéressé pour présenter des observations, qui n'est pas prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité et dont le non-respect n'est pas sanctionné, n'entre pas dans le champ de l'article 2 de l'ordonnance

n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée par l'ordonnance n° 2020-666 du 3 juin 2020 et ne peut donc être regardé comme ayant été prorogé jusqu'au 23 juin 2020. En tout état de cause, le requérant ne fait état d'aucun élément permettant d'estimer que ce délai de 15 jours aurait été insuffisant. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne, selon lequel toute personne a le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision de refus d'admission au séjour :

13. Il ressort de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que la préfète était fondée à refuser de délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il n'était pas établi que M. B... ait été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans. Un tel motif suffisait à lui seul à justifier la décision de refus contestée. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation commises au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

15. Il ressort de ce qui a été dit précédemment que M. B..., entré en France en mars 2017, a bénéficié d'une prise en charge par l'ASE en qualité de mineur étranger isolé sur la base d'actes d'état civil dont l'authenticité a été remise en cause. S'il se prévaut de son insertion professionnelle notamment sa formation au certificat d'aptitude professionnelle (CAP) et la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée du 1er juin 2020 d'une durée d'un mois, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, aurait tissé des liens d'une particulière intensité et stabilité sur le territoire français ni qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident ses parents et ses frères et sœurs. Si M. B... justifie de l'obtention de son CAP le 2 juillet 2021 et la conclusion d'un contrat de travail le 20 octobre 2021, renouvelé jusqu'au 3 avril 2022, ces éléments, postérieurs à la décision attaquée, sont sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, et en dépit des efforts d'insertion dont se prévaut l'intéressé, la décision de refus d'admission au séjour qui lui a été opposée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. La décision attaquée n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

17. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs exposés au point 15.

En ce qui concerne la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire :

18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire.

19. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les motifs exposés au point 15.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

20. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

21. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les motifs exposés au point 15.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Tarn est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 8 juin 2020 et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement en le munissant dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder sans délai à la mise en œuvre de la procédure d'effacement du signalement de l'intéressé dans le système d'information Schengen. Par voie de conséquence, les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 3 à 6 jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 mai 2021 sont annulés.

Article 2 : La demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2020 et les conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées devant le tribunal administratif de Toulouse et en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... B....

Copie en sera adressée à la préfète du Tarn.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 avril 2022.

La rapporteure,

Laury C...

La présidente,

Brigitte PhémolantLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02740
Date de la décision : 22/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Laury MICHEL
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : BOUIX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-22;21bx02740 ?
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