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04/05/2022 | FRANCE | N°19BX02151

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 mai 2022, 19BX02151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler 1'arrêté du 25 juin 2018 par lequel le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a mis fin à son stage en qualité d'adjointe administratif et a prononcé sa radiation des effectifs ainsi que la décision du 15 février 2017 par laquelle cette même autorité a refusé de la titulariser.

Par un jugement n° 1800490 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa deman

de.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée par fax le 30 mai 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler 1'arrêté du 25 juin 2018 par lequel le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a mis fin à son stage en qualité d'adjointe administratif et a prononcé sa radiation des effectifs ainsi que la décision du 15 février 2017 par laquelle cette même autorité a refusé de la titulariser.

Par un jugement n° 1800490 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée par fax le 30 mai 2019 et régularisée par courrier le 4 juillet suivant et un mémoire enregistré le 1er décembre 2020, Mme D..., représentée par Me Celenice, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 14 mars 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 15 février 2017 et l'arrêté du 25 juin 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Martinique la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que sa requête est recevable.

En ce qui concerne l'arrêté du 25 juin 2018 :

- il est entaché d'irrégularité, à défaut pour l'administration d'avoir recueilli l'avis préalable de la commission administrative paritaire et l'appréciation de son supérieur hiérarchique et d'avoir établi un rapport sur sa manière de servir depuis le refus de titularisation intervenu en 2017, en méconnaissance de l'article 46 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il repose sur des griefs imaginaires et n'a pas pris en compte sa manière de servir sur la période courant du 15 février 2017 au 30 juillet 2018 ; il intervient en outre en méconnaissance du principe " non bis idem ".

En ce qui concerne la décision du 15 février 2017 :

- elle repose sur des faits imaginaires et non justifiés dès lors qu'elle n'a jamais eu de compte Facebook public ; la preuve des faits supposés qui lui sont reprochés n'a dès lors pu être obtenue loyalement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2019, la collectivité territoriale de Martinique, représentée par Me Mbouhou, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme D... de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car tardive ;

- l'arrêté du 25 juin 2018 contesté ne fait pas grief à la requérante dès lors qu'il revêt un caractère purement confirmatif de la décision du 15 février 2017 ;

- les conclusions à fin d'annulation sont insuffisamment motivées en tant qu'elles concernent la partie de l'arrêté du 25 juin 2018 portant radiation des effectifs ;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2016-1690 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 décembre 2014 modifié par arrêté du 31 décembre 2014, Mme D... a été recrutée par la région Martinique au grade d'adjointe administratif de 2ème classe, en qualité de stagiaire à temps complet, à compter du 1er janvier 2015, pour une durée d'un an. Elle a été affectée au pôle communication politique et institutionnelle/presse - protocole. Par un arrêté du 31 mars 2016, le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique, venant aux droits de la région Martinique, a prolongé le stage de Mme D... pour une durée de 6 mois, soit du 1er janvier 2016 au 30 juin 2016. Par une décision du 15 février 2017, le président de la collectivité territoriale de Martinique a informé l'intéressée de sa décision de refus de la titulariser à la suite de la prolongation de son stage. Enfin, par un arrêté du 25 juin 2018, le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a mis fin au stage de l'intéressée à compter du 30 juillet 2018 et l'a radiée des effectifs de la collectivité. Ce dernier arrêté a été contesté par Mme D... par lettre du 13 juillet 2018, à laquelle aucune réponse n'a été apportée. Mme D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 15 février 2017 et l'arrêté du 25 juin 2018. Elle relève appel du jugement rendu le 14 mars 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de la décision du 15 février 2017 :

2. D'une part, aux termes de l'article 46 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " La nomination, intervenant dans les conditions prévues aux articles 25, 36 ou 38, paragraphes a, c et d, ou 39 de la présente loi à un grade de la fonction publique territoriale présente un caractère conditionnel. La titularisation peut être prononcée à l'issue d'un stage dont la durée est fixée par le statut particulier ". Aux termes de l'article 1er du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " Est fonctionnaire territorial stagiaire la personne qui, nommée dans un emploi permanent de la hiérarchie administrative des communes, des départements, des régions ou des établissements publics en relevant, autres que ceux mentionnés au second alinéa de l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, accomplit les fonctions afférentes audit emploi et a vocation à être titularisée dans le grade correspondant à cet emploi ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 9 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux : " À l'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés par décision de l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination au vu notamment d'une attestation de suivi de la formation d'intégration établie par le Centre national de la fonction publique territoriale. / Les autres stagiaires peuvent, sur décision de l'autorité territoriale, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés. / Les adjoints administratifs territoriaux stagiaires et les adjoints administratifs territoriaux principaux de 2e classe stagiaires qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire, ou dont le stage complémentaire n'a pas été jugé satisfaisant, sont soit licenciés s'ils n'avaient pas auparavant la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur grade d'origine ".

4. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire, se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir. Pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.

5. Il ressort des termes de la décision du 15 février 2017 que le refus de titularisation en litige est justifié par des propos inappropriés que Mme D... a tenus sur les réseaux sociaux à l'encontre des élus de la collectivité territoriale à laquelle elle appartient. Si l'intéressée soutient que cette décision de refus est fondée sur des faits matériellement inexacts, la collectivité territoriale de Martinique produit des captures d'écran de pages Facebook au nom de Mme D..., dans lesquelles celle-ci exprime, dans des termes outranciers, son soutien à une décision du maire de Fort-de-France refusant de payer pour les habitants de cette commune une somme supérieure à celle réclamée aux habitants des autres communes, exige le paiement de son salaire, s'affirme " indéboulonnable ", qualifie les élus de la collectivité territoriale de Martinique de " menteurs " et fait état d'une étude sur les conséquences d'un management défaillant du personnel. A cet égard, si certains des propos ainsi relatés sont trop vagues pour permettre d'identifier les personnes visées, les extraits qualifiant plusieurs élus de la collectivité de " menteurs " sont rédigés dans des termes suffisamment explicites et/ou accompagnés de photographies assez nettes pour permettre d'identifier les personnes incriminées. Par suite, ainsi que l'a justement jugé le tribunal administratif de la Martinique, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titularisation repose sur des faits matériellement inexacts.

6. Si les éléments faisant état des propos tenus par Mme D... sont issus de son compte Facebook, il ressort des pièces du dossier, notamment des captures d'écran produites, qu'ils étaient accessibles au public par le biais notamment des commentaires et repostages d'autres membres actifs disposant d'un compte public ou dont les publications sont publiques sur les réseaux sociaux. Dans ces conditions, ces éléments qui, contrairement à ce que soutient l'appelante, n'ont pas été obtenus par des procédés déloyaux, pouvaient légalement être utilisés par la collectivité territoriale pour établir la réalité des faits retenus à son encontre.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 juin 2018 :

7. Il résulte des dispositions citées au point 3 du présent arrêt, qu'à l'issue du stage d'un an, la situation du stagiaire est examinée et qu'après avis de la commission administrative paritaire, une décision est prise pour le titulariser ou le cas échéant pour proroger son stage et à défaut le licencier s'il n'avait pas la qualité de fonctionnaire. En cas de prorogation du stage, celui-ci prend fin de plein droit à l'issue de la période de prorogation qui ne peut excéder une année.

8. Mme D... soutient que son stage a été prorogé jusqu'au 30 juillet 2018 par l'arrêté du 25 juin 2018 et qu'ainsi son licenciement est intervenu en cours de stage sans que l'autorité territoriale ait procédé à la saisine préalable de la commission administrative paritaire et à l'établissement d'un rapport hiérarchique sur sa manière de servir, sans avoir pris en compte sa manière de servir entre le 1er juillet 2016 et le 30 juillet 2018 et en méconnaissance du principe " non bis in idem " pour lui avoir infligé une seconde sanction fondée sur les mêmes faits.

9. Toutefois, en refusant, par la décision du 15 février 2017, de titulariser Mme D... à l'issue de la prolongation de son stage, le président de la collectivité territoriale de Martinique a nécessairement mis fin au stage de l'intéressée qui n'avait ainsi plus la qualité de stagiaire au sens et pour l'application des dispositions citées au point 3 lorsqu'elle a été radiée des effectifs par arrêté du 25 juin 2018 quand bien même elle a poursuivi son activité au sein de la collectivité jusqu'au 30 juillet 2018. Par conséquent, tous les moyens ci-dessus rappelés invoqués par l'intéressée à l'encontre de l'arrêté du 25 juin 2018 doivent être écartés comme inopérants.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la collectivité territoriale de Martinique, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 juin 2018 et de la décision du 15 février 2017.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Martinique, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D... demande au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de la collectivité territoriale de Martinique et de mettre à la charge de Mme D..., partie perdante, une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera à la collectivité territoriale de Martinique la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et à la collectivité territoriale de Martinique. Copie en sera délivrée au préfet de la Martinique et au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mai 2022.

La rapporteure,

Caroline C...

La présidente,

Karine ButériLa greffière,

Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX02151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02151
Date de la décision : 04/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : LABOR etCONCILIUM

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-04;19bx02151 ?
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