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05/05/2022 | FRANCE | N°21BX01259

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 05 mai 2022, 21BX01259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry, la société Pharmacie Centrale Laubadère Bruno et le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Occitanie ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) Occitanie a autorisé le transfert d'une officine de pharmacie exploitée par la société Pharmacie Saint-Antoine du 16 avenue Alsace-Lorraine à Tarbes

au 6 avenue des Forges dans la même commune et

d'enjoindre à l'ARS d'Occitanie de procéder à la fermeture de la pharmacie Saint-Anto...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry, la société Pharmacie Centrale Laubadère Bruno et le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Occitanie ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) Occitanie a autorisé le transfert d'une officine de pharmacie exploitée par la société Pharmacie Saint-Antoine du 16 avenue Alsace-Lorraine à Tarbes

au 6 avenue des Forges dans la même commune et d'enjoindre à l'ARS d'Occitanie de procéder à la fermeture de la pharmacie Saint-Antoine sur le lieu du transfert au 6 avenue des Forges à Tarbes.

Par un jugement n° 1901505 et n° 1901571 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 26 avril 2019, mis à la charge de l'ARS, pour chaque requête, une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

I) Dans l'instance enregistrée sous le n° 21BX01259, par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mars et 29 juin 2021, la société Pharmacie Saint-Antoine, représentée par Me Quillivic, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2021 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de rejeter les demandes présentées par l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry, la société Pharmacie Centrale Laubadère Bruno et le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Occitanie devant le tribunal administratif de Pau ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry

et de la société Pharmacie Centrale Laubadère Bruno une somme de 5 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le transfert s'est opéré au sein du même quartier, dont les contours sont tracés par des voies de communication ; à l'intérieur de ce quartier, il n'existe aucune frontière urbaine, mais seulement des rues aisément franchissables par tous moyens ; la commune de Tarbes a d'ailleurs délimité le quartier Saint-Antoine comme englobant les emplacements d'origine et de transfert de son officine ; en séparant le quartier en deux sous-parties, le tribunal ajoute une condition de parfaite homogénéité qui n'est pas prévue par les dispositions applicables ;

- le transfert s'opérant au sein du même quartier, il n'entraîne aucun abandon de clientèle, et le caractère optimal de la réponse aux besoins en médicaments doit être apprécié au seul regard des critères d'accès et d'accessibilité ; la pharmacie, située à 300 mètres de son ancien emplacement, dessert la même population ; l'allongement des itinéraires piétonnier et automobile est très faible, de moins d'une minute de trajet ; la nouvelle implantation se fait au sein d'un pôle de santé et permet de desservir une nouvelle clientèle qui n'était jusqu'ici pas desservie ; le transfert permet un équilibre géographique de l'offre de médicaments ; un arrêt de bus se situe à moins de 60 mètres du rond-point qui donne accès à l'avenue des Forges ; il n'est pas établi que la moyenne d'âge de la population du quartier serait particulièrement élevée, et le gérant de l'officine livre à leur domicile les clients les plus âgés ; l'accès au local d'origine était dangereux au regard de la forte circulation sur l'avenue Alsace Lorraine qui constitue la porte d'entrée nord de Tarbes ; ce local disposait de seulement deux places de stationnement, sans possibilité de stationnement pour personne à mobilité réduite ; l'accès automobile au nouvel emplacement est désormais accessible de tout côté ; l'accès piéton est facilité par l'existence d'un large trottoir comportant des passages dédiés ; le local, d'une superficie de 136 m², est mieux adapté aux normes actuelles d'accessibilité et permet un stock de médicaments plus conséquent, évitant ainsi aux patients de revenir récupérer leurs prescriptions ; l'accessibilité à l'officine satisfait aux conditions posées par l'article L111-7-3 du code de la construction et de l'habitation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2022, l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry et la société Pharmacie Centrale Laubadère Bruno, représentées par Me Leplat, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire de l'ARS Occitanie et de la société Pharmacie Saint-Antoine d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le tribunal a à juste titre pris en compte la présence de la population pour considérer que le transfert s'opérait dans un secteur qui ne présentait pas d'unité humaine avec celui où d'implantation d'origine ; le quartier tel que délimité par l'arrêté attaqué est extrêmement large, englobant même des espaces agricoles ; sa partie sud est constituée d'une continuité de bâtiments industriels et commerciaux, et la population résidente y est résiduelle ; cette rupture conduit à distinguer deux quartiers ; la notion de quartier au sens de la réglementation relative à l'implantation des officines pharmaceutiques est indépendante de la segmentation de leur territoire à laquelle les commune peuvent procéder ; cette délimitation arbitraire a pour objet de sauver la viabilité économique de la pharmacie Saint-Antoine et non pas d'assurer une desserte optimale en médicaments ;

- le transfert ne répond pas de façon optimale aux besoins de la population résidente ; il a pour effet d'éloigner l'officine de cette population, et de dégrader la desserte de la population dépourvue de moyen de locomotion ; les arrêts de bus sont très éloignés du nouvel emplacement ; le transfert n'étant pas opéré au sein du même quartier, il s'ensuit un abandon de la population résidente du quartier d'origine ; la population de passage fréquentant le pôle médical que jouxte le nouvel emplacement ne peut être prise en compte pour apprécier la pertinence du transfert au regard des besoins en médicaments de la population ; l'ancien emplacement était idéalement situé sur une route départementale avec un accès direct sur les boulevards et disposant de places de stationnement le long de la voie et d'un arrêt de bus à proximité immédiate ; l'ancien local, qui disposait d'une devanture et était implanté sur une route départementale dotée de différents commerces et commodités, était visible ; cette visibilité est réduite du fait du transfert sur une avenue dépourvue de commerces de proximité et bordée par une voie ferrée ; le nouvel emplacement est excentré, et il ne suffit pas que le nouveau local soit plus spacieux pour suffire à remplir les conditions d'accessibilité exigées par les textes ; l'ancien local répondait à toutes les normes d'accessibilité ;

- le critère de la population résidente n'est pas satisfait ; le quartier d'implantation est en effet dépourvu de toute population résidente ; le nouvel emplacement ne permet pas d'approvisionner la même population résidente, dont il est éloigné ; le transfert a ainsi pour effet de laisser une zone sans couverture d'offre en médicaments.

Par une ordonnance du 14 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée

au 4 mars 2022.

Un mémoire a été présenté pour le conseil régional de l'ordre des pharmaciens Occitanie le 1er avril 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

II) Dans l'instance enregistrée sous le n° 21BX01726, par une requête, enregistrée

le 23 avril 2021, l'Agence régionale de santé (ARS) Occitanie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 février 2021 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de rejeter les demandes présentées par l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry, la société Pharmacie Centrale Laubadère Bruno et le conseil régional de l'ordre des pharmaciens devant le tribunal administratif de Pau.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit sur la notion de quartier ; un quartier ne se définit pas par son unité humaine mais à l'aune de plusieurs critères ; un même quartier peut donc comprendre des zones habitées et d'autres qui le sont moins ;

- en l'espèce, les emplacements d'origine et de transfert sont situés dans le même quartier Nord de la ville de Tarbes, au sein du micro-quartier Saint-Antoine qui en constitue sa partie Est ; la délimitation tient compte des limites naturelles et urbaines ; la segmentation à laquelle s'est livré le tribunal est difficilement compréhensible car elle ne repose sur aucune barrière naturelle ou urbaine ;

- le nouvel emplacement permet de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population selon les critères prévus par les dispositions applicables du code de la santé publique ; la nouvelle officine est située dans le même quartier et dessert la même population ; son accessibilité est facilitée par la circulation à double sens de l'avenue des Forges et le grand nombre de places de stationnement existantes ; cette implantation permet une véritable homogénéisation de la desserte pharmaceutique ; l'ancien local était situé en retrait et, partant, moins visible, et ne bénéficiait que de deux places de stationnement ; le nouvel emplacement est desservi par les transports en commun, l'arrêt de la ligne de bus n°12 " Cinémas " et l'arrêt de la ligne de bus n°1 " Arsenal " étant situés à moins de 5 minutes à pied de l'officine ; le nouvel local permet d'améliorer les conditions d'accueil des personnes handicapées ; le transfert n'entraine pas d'abandon de clientèle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2022, l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry et de la société Pharmacie Centrale Laubadère Bruno, représentées par Me Leplat, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire de l'ARS Occitanie et de la société Pharmacie Saint-Antoine d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le tribunal a à juste titre pris en compte la présence de la population pour considérer que le transfert s'opérait dans un secteur qui ne présentait pas d'unité humaine avec celui où d'implantation d'origine ; le quartier tel que délimité par l'arrêté attaqué est extrêmement large, englobant même des espaces agricoles ; sa partie sud est constituée d'une continuité de bâtiments industriels et commerciaux, et la population résidente y est résiduelle ; cette rupture conduit à distinguer deux quartiers ; la notion de quartier au sens de la réglementation relative à l'implantation des officines pharmaceutiques est indépendante de la segmentation de leur territoire à laquelle les commune peuvent procéder ; cette délimitation arbitraire a pour objet de sauver la viabilité économique de la pharmacie Saint-Antoine et non pas d'assurer une desserte optimale en médicaments ;

- le transfert ne répond pas de façon optimale aux besoins de la population résidente ; il a pour effet d'éloigner l'officie de cette population, et de dégrader la desserte de la population dépourvue de moyen de locomotion ; les arrêts de bus sont très éloignés du nouvel emplacement ; le transfert n'étant pas opéré au sein du même quartier, il s'ensuit un abandon de la population résidente du quartier d'origine ; la population de passage fréquentant le pôle médical que jouxte le nouvel emplacement ne peut être prise en compte pour apprécier la pertinence du transfert au regard des besoins en médicaments de la population ; l'ancien emplacement était idéalement situé sur une route départementale avec un accès direct sur les boulevards et disposant de places de stationnement le long de la voie et d'un arrêt de bus à proximité immédiate ; l'ancien local, qui disposait d'une devanture et était implanté sur une route départementale dotée de différents commerces et commodités, était visible ; cette visibilité est réduite du fait du transfert sur une avenue dépourvue de commerces de proximité et bordée par une voie ferrée ; le nouvel emplacement est excentré, et il ne suffit pas que le nouveau local soit plus spacieux pour suffire à remplir les conditions d'accessibilité exigées par les textes ; l'ancien local répondait à toutes les normes d'accessibilité ;

- le critère de la population résidente n'est pas satisfait ; le quartier d'implantation est en effet dépourvu de toute population résidente ; le nouvel emplacement ne permet pas d'approvisionner la même population résidente, dont il est éloigné ; le transfert a ainsi pour effet de laisser une zone sans couverture d'offre en médicaments.

Par une ordonnance du 14 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée

au 4 mars 2022.

Un mémoire a été présenté pour le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Occitanie le 1er avril 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Picard, représentant la société Pharmacie Saint-Antoine, de Me Leplat, représentant l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry et la société Pharmacie centrale Laubadère Bruno et de Me Jouanneaux, représentant le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Occitanie .

Considérant ce qui suit :

1. La société Pharmacie Saint-Antoine exploitait une officine de pharmacie dans un local situé au n° 16 de l'avenue Alsace-Lorraine, à Tarbes. Par une décision du 16 janvier 2015, la directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS) Midi-Pyrénées l'a autorisée à transférer son officine dans un local situé au n° 6 de l'avenue des Forges, dans la même commune. L'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry et la société Pharmacie centrale Laubadère Bruno, qui exploitent des pharmacies à Tarbes, ont contesté cette décision. Par un arrêt n° 16BX03186 du 31 décembre 2018, la cour a annulé cette décision d'autorisation de transfert au motif que l'emplacement ne répondait pas de façon optimale aux besoins de la population du quartier d'accueil. La société Pharmacie Saint-Antoine a présenté une nouvelle de demande de transfert de son officine au 6 avenue des Forges, laquelle a été déclarée complète

le 22 janvier 2019. Par un arrêté du 26 avril 2019, le directeur général de l'ARS Occitanie lui a accordé le transfert sollicité. Par un jugement du 16 février 2021, le tribunal administratif de Pau a, sur les demandes de l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry, de la société Pharmacie Centrale Laubadère Bruno et du conseil régional de l'ordre des pharmaciens, annulé cet arrêté au motif qu'il reposait sur une délimitation erronée en droit du quartier d'accueil de l'emplacement du transfert. La société Pharmacie Saint-Antoine et l'ARS Occitanie relèvent appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à

l'article L. 5125-3-1 (...), sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier (...) d'origine. (...) ". Aux termes de l'article L. 5125-3-1 du même code : " Le directeur général de l'agence régionale de santé définit le quartier d'une commune en fonction de son unité géographique et de la présence d'une population résidente. L'unité géographique est déterminée par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport (...) ". Aux termes de l'article L. 5125-3-2 de ce code : " Le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins prévu à l'article L. 5125-3 est satisfait dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont respectées : 1° L'accès à la nouvelle officine est aisé ou facilité par sa visibilité, par des aménagements piétonniers, des stationnements et, le cas échéant, des dessertes par les transports en commun ; 2° Les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d'accessibilité mentionnées à l'article L. 111-7-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les conditions minimales d'installation prévues par décret. Ils permettent la réalisation des missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du présent code et ils garantissent un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence ; 3° La nouvelle officine approvisionne la même population résidente ou une population résidente jusqu'ici non desservie ou une population résidente dont l'évolution démographique est avérée ou prévisible au regard des permis de construire délivrés pour des logements individuels ou collectifs. " Aux termes de l'article L. 5125-3-3 dudit code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 5125-3-2, le caractère optimal de la réponse aux besoins de la population résidente est apprécié au regard des seules conditions prévues aux 1° et 2° du même article dans les cas suivants : 1° Le transfert d'une officine au sein d'un même quartier (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'emplacement autorisé par l'arrêté

du 26 avril 2019 se situe dans la zone dite de l'Arsenal, occupée par des entreprises, des magasins, des hôtels et des cinémas, et comportant une très faible population résidente. Par son arrêté du 26 avril 2019, le directeur général de l'ARS Occitanie a estimé que cette zone devait être regardée comme faisant partie du même quartier que celui auquel se rattachait l'ancien emplacement de l'officine, c'est-à-dire le quartier délimité au nord par la route de Bours, au sud par la voie de chemin de fer, à l'ouest par l'avenue Alsace-Lorraine, et à l'est par l'Adour. S'il ressort des plans versés au dossier que ce quartier est constitué d'une partie des " îlots regroupés pour des indicateurs statistiques " (IRIS) " Saint-Antoine " et " Arsenal ", ces IRIS n'ont ni pour objet ni pour effet de donner une unité géographique aux zones qu'elles comprennent et ne sauraient, par suite, être regardés comme délimitant en soi des quartiers distincts. S'il est vrai qu'au sein du périmètre ainsi délimité coexistent un secteur pavillonnaire, un secteur à vocation agricole et un secteur à vocation commerciale, ces secteurs se jouxtent et ne sont pas séparés par des limites naturelles ou des obstacles urbains. Cette circonstance n'interdit ainsi pas de regarder le quartier dont s'agit comme présentant une unité géographique suffisante. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le quartier tel que délimité comporte une population de résidence composée pour l'essentiel des habitants de son secteur pavillonnaire, mais aussi des populations résiduelles de ses secteurs à vocation commerciale et agricole, trop faibles pour permettre de qualifier ces secteurs de quartiers distincts au sens des dispositions précitées. Par suite, la société Pharmacie Saint-Antoine et l'ARS Occitanie sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 26 avril 2019 au motif que la délimitation du quartier d'accueil du transfert était entaché d'une erreur de qualification juridique.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry, la société Pharmacie centrale Laubadère Bruno et le conseil régional de l'ordre des pharmaciens en première instance et en appel.

5. En premier lieu, l'arrêté du 26 avril 2019 a été signé par M. C... B..., directeur du premier recours. Par une décision du 5 novembre 2018, régulièrement publiée

le 9 novembre 2018, le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie lui a donné délégation à l'effet de signer, notamment, " les décisions et correspondances relatives à la gestion des autorisations dans les domaines de la biologie et de la pharmacie ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique : " L'autorisation de création ou de transfert d'une officine de pharmacie ou de regroupement d'officines, sauf pour celles mentionnées à l'article L. 5125-19, est demandée au directeur général de l'agence régionale de santé où l'exploitation est envisagée par la personne responsable du projet, ou son représentant s'il s'agit d'une personne morale. Lorsque la demande est présentée par une société ou par plusieurs pharmaciens réunis en copropriété, elle est signée par chaque associé ou copropriétaire devant exercer dans l'officine. La demande est accompagnée d'un dossier comportant : 1° L'identité, la qualification et les conditions d'exercice professionnel des pharmaciens auteurs du projet ; 2° Le cas échéant, les statuts de la personne morale pour laquelle la demande est formée ; 3° La localisation de l'officine projetée et, le cas échéant, de l'officine ou des officines dont le transfert ou le regroupement est envisagé ; 4° Les éléments de nature à justifier les droits du demandeur sur le local proposé ; 5° Les éléments permettant de vérifier le respect des conditions minimales d'installation prévues à la sous-section 2 de la présente section. La liste des pièces justificatives correspondantes est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Lorsque le dossier est complet, le directeur général de l'agence régionale de santé procède à l'enregistrement de la demande. Il délivre au demandeur un récépissé mentionnant la date et l'heure de cet enregistrement ".

7. En se bornant à soutenir que la preuve de la complétude du dossier de demande de transfert déposé par la société Pharmacie-Saint-Antoine ne serait pas rapportée, sans indiquer lequel des éléments exigés par les dispositions précitées n'aurait pas été fourni à l'appui de cette demande, l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry et la société Pharmacie centrale Laubadère Bruno n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

8. En troisième lieu, en vertu de l'article 5 l'ordonnance du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie : " I. - Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables à la date de publication des décrets pris pour leur application, et au plus tard le 31 juillet 2018, sous réserve des dispositions prévues au II. / II. - Les demandes d'autorisation de création, transfert ou regroupement d'officines déposées auprès des agences régionales de santé et dont la complétude a été constatée avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance demeurent soumises aux dispositions du code de la santé publique dans leur rédaction antérieure à la date de publication des décrets pris pour l'application de la présente ordonnance ".

9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'annulation de l'autorisation de transfert du 16 janvier 2015 par l'arrêt de la cour du 31 décembre 2018, la société Pharmacie Saint-Antoine a présenté une nouvelle demande de transfert de son officine, dont le dossier a été déclaré complet le 22 janvier 2019. En vertu des dispositions précitées, et alors même que cette nouvelle demande de transfert portait sur le même emplacement que la demande initiale, les dispositions du code de la santé publique citées au point 2, issues de l'ordonnance

du 3 janvier 2018, étaient applicables. Le directeur de l'ARS Occitanie n'a dès lors pas commis d'erreur de droit en examinant cette nouvelle demande de transfert sur le fondement de ces dernières dispositions.

10. En quatrième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, aucun texte ni aucun principe ne s'opposait à ce que le transfert de l'officine, déjà réalisé en application de la décision d'autorisation du 16 janvier 2015 ultérieurement annulée, soit régularisé par une nouvelle décision d'autorisation, sous réserve du respect des dispositions du code de la santé publique applicables à la date de la nouvelle demande de transfert.

11. En cinquième lieu, la circonstance que la société Pharmacie Saint-Antoine a irrégulièrement poursuivi l'exploitation de son officine malgré l'annulation de la décision

du 16 janvier 2015 autorisant le transfert est dépourvue d'incidence sur la légalité de l'arrêté

du 26 avril 2019.

12. En sixième lieu, il résulte de ce qui a été a été dit au point 3 que le directeur général de l'ARS Occitanie a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 5125-3-3 du code de la santé publique en estimant que le transfert en cause s'effectuait au sein d'un même quartier. En vertu de ces dispositions, le caractère optimal de la réponse aux besoins de la population résidente n'avait pas à être apprécié au regard de la condition prévue au 3° de

l'article L. 5125-3-2 du même code. Le moyen tiré de ce que le transfert autorisé par l'arrêté attaqué ne satisferait pas à cette condition doit dès lors être écarté comme inopérant.

13. En septième lieu, l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry, la société Pharmacie centrale Laubadère Bruno et le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Occitanie font valoir que le transfert en cause ne satisfait pas à la condition prévue par les dispositions du 1° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique, en vertu desquelles l'accès à la nouvelle officine doit être aisé ou facilité par sa visibilité, des aménagements piétonniers, des stationnements et, le cas échéant, des dessertes par les transports en commun. Il ressort des pièces du dossier que le nouvel emplacement exploité par la société Pharmacie Saint-Antoine est situé à 450 mètres environ de l'ancienne officine, dans un secteur à vocation commerciale, de sorte que ce transfert a pour effet d'éloigner la nouvelle officine de la population résidente du secteur pavillonnaire du quartier. Ce transfert ne peut en outre être regardé comme permettant une visibilité équivalente de l'officine, auparavant implantée sur une avenue passante du secteur pavillonnaire du quartier. Toutefois, l'allongement de l'itinéraire piéton reste limité, et il n'est nullement établi que la population résidente du quartier serait majoritairement constituée de personnes âgées. Or, l'accès automobile au nouvel emplacement est désormais aisé, l'avenue des Forges étant dotée d'un double sens de circulation depuis les aménagements de voirie réalisés au cours de l'année 2016. De plus, alors que l'ancien local, situé sur une avenue très passante, n'était doté que de deux places de stationnement, le nouvel emplacement bénéficie d'un parking comportant de nombreuses places, facilitant ainsi le stationnement, notamment au bénéficie de la population à mobilité réduite. Enfin, si l'ancien local était desservi par la ligne de bus n° 1, son arrêt " Arsenal " étant situé face à ce local, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le nouvel emplacement reste accessible par cette ligne de bus malgré l'allongement de l'itinéraire piéton depuis l'arrêt " Arsenal ", d'autre part, qu'il est aussi desservi par la ligne de bus n° 2 dont l'arrêt " Cinémas " est situé à 250 mètres environ. Dans ces conditions, eu égard au caractère aisé de l'accès automobile, à l'offre de stationnement et à la desserte par les transports en commun, le moyen tiré de ce que le transfert en cause ne répondrait pas à la condition prévue au 1° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique doit être écarté.

14. Enfin, l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry et la société Pharmacie centrale Laubadère Bruno soutiennent que l'arrêté d'autorisation de transfert du 26 avril 2019 avait pour but de " sauver la viabilité économique de la pharmacie Saint-Antoine ". Il résulte toutefois de ce qui a été dit que ce transfert permet de répondre de manière optimale aux besoins en médicaments de la population résidente au sens des nouvelles dispositions du code de la santé publique. Dans ces conditions, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pharmacie Saint-Antoine et l'ARS Occitanie sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté d'autorisation de transfert du 26 avril 2019.

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901505 et n° 1901571 du 16 février 2021 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry, la société Pharmacie Centrale Laubadère Bruno et le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Occitanie devant le tribunal administratif de Pau sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des solidarités et de la santé, à l'Agence régionale de santé Occitanie, à la société Pharmacie Saint-Antoine, à l'EURL Chauveau Pharmacie Saint-Exupéry, à la SELARL Pharmacie Centrale Laubadère Bruno et au conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Occitanie.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Anne Meyer, présidente,

Mme Christelle Brouard Lucas, première conseillère,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve A...

La présidente,

Anne Meyer

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01259, 21BX01726


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01259
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : LEPLAT JULIEN;JUDICONSEIL AVOCATS;LEPLAT JULIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-05;21bx01259 ?
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