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19/05/2022 | FRANCE | N°20BX03193

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 19 mai 2022, 20BX03193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (Sarl) Flexible Antilles a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1900101 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2020, un mémoire en

production de pièces, enregistré le 20 novembre 2020, et un mémoire en réplique, enregistré le 5 n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (Sarl) Flexible Antilles a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1900101 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2020, un mémoire en production de pièces, enregistré le 20 novembre 2020, et un mémoire en réplique, enregistré le 5 novembre 2021, la Sarl Flexible Antilles, représentée par Me Dumont, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2020 du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, à hauteur de 36 346 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- eu égard à la qualification de maintenance de son activité, qui concourt à l'entretien du matériel principal, elle est en droit de bénéficier de l'abattement prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts ; en effet, au sens fiscal, le critère d'appréciation de la maintenance est la finalité de l'activité, qui est de concourir à l'entretien et à la réparation du matériel en vue d'assurer son fonctionnement, et non la réalisation de ces opérations ; au cas d'espèce, elle concourt à l'entretien ou à la réparation du matériel concerné (chariot élévateur, tracteur, pelle hydraulique, outils de production industrielle notamment) par la confection de flexibles sur mesure, mais elle n'a pas vocation à faire commerce de pièces détachées ; cette confection est accompagnée, dans plus de 90 % des cas, d'une opération de démontage et remontage, tests d'essai compris, qui se déroule sur site ; selon qu'il s'agit d'une simple opération de confection de flexibles ou d'une confection précédée d'un diagnostic et d'un démontage suivie par un remontage et des tests, les factures font mention d'une confection ou d'une intervention, ainsi que de la liste des pièces détachées utilisées et du coût de la main-d'œuvre ; en tout cas, les factures produites montrent que son activité ne se résume pas à un acte de commerce de détail de pièces détachées ; l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée de certaines pièces détachées n'est pas incompatible avec le bénéfice de l'article 44 quaterdecies pour son activité de maintenance ;

- le tribunal administratif a donc commis une erreur de droit en considérant qu'une opération sur matériel qui n'est pas accompagnée d'une transformation ou d'un montage ne peut être de la maintenance ; il a également commis une erreur de qualification juridique des faits dans la mesure où la confection des flexibles nécessite le montage de pièces détachées pour aboutir à leur transformation en un seul produit, le flexible, et où l'opération sur site consiste en un démontage et un remontage des flexibles.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 7 avril et 9 décembre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la Sarl Flexible Antilles ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dumont, représentant la Sarl Flexible Antilles

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (Sarl) Flexible Antilles exerce une activité déclarée de fabrication d'équipements hydrauliques et pneumatiques. À la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, elle a été assujettie, selon une procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de ces trois exercices. La Sarl Flexible fait appel du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 18 juin 2020, qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et qui trouvent leur origine dans le contrôle précité.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Aux termes de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I.- Les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées (...) en Martinique (...) peuvent faire l'objet d'un abattement dans les conditions prévues aux II ou III lorsque ces entreprises respectent les conditions suivantes : / (...) 2° L'activité principale de l'exploitation relève de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B ou correspond à l'une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques à destination des entreprises (...) / Les conditions prévues aux 1° et 2° s'apprécient à la clôture de chaque exercice au titre duquel l'abattement prévu au premier alinéa est pratiqué (...) ". L'article 199 undecies B du même code dispose : " I.- Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...). / Toutefois, n'ouvrent pas droit à la réduction d'impôt les investissements réalisés, dans les secteurs d'activité suivants : / a) Commerce (...) / i) Les services fournis aux entreprises, à l'exception de la maintenance, des activités de nettoyage et de conditionnement à façon et des centres d'appel (...) ". Aux termes de l'article 95 M de l'annexe II au code général des impôts : " Les activités qui relèvent du secteur de la maintenance mentionné au i. du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont celles qui concourent, pour l'essentiel, à l'entretien ou à la réparation du matériel technique de production de biens ou de services ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour bénéficier du régime d'abattement défini à l'article 44 quaterdecies, une entreprise doit exercer à titre principal une activité agricole, industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 du code général des impôts, et que cette activité ne doit pas relever de l'un des secteurs d'activité que le I de l'article 199 undecies B exclut du régime de réduction d'impôt qu'il prévoit. La liste des secteurs ainsi exclus a été établie, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer dont sont issues les dispositions précitées de l'article 199 undecies B, à partir de la nomenclature des activités françaises (NAF) dans sa version en vigueur lors de l'adoption de cette loi.

4. La SARL Flexible Antilles a déduit de ses résultats imposables les sommes de 29 253 euros au titre de l'exercice 2014, de 39 755 euros au titre de l'exercice 2015 et de 54 487 euros au titre de l'exercice 2016. Elle soutient que son activité principale est une activité de maintenance consistant en l'entretien et la réparation de flexibles hydrauliques, et non une activité de commerce, et de ce fait, qu'elle entrait dans le champ d'application des articles 199 undecies B et 44 quaterdecies du code général des impôts. Cependant, les abattements pratiqués sur ce fondement ont été remis en cause par l'administration.

5. Si les premiers juges ont estimé que les salariés de la société intervenant auprès des clients n'étaient chargés, lors de leurs interventions, que de la réalisation d'un diagnostic des besoins du client et de la seule commercialisation des matériaux, à l'exclusion de toute mission au titre de l'installation des matériaux vendus, justifiant que ces interventions relèvent dès lors d'une activité de commerce au sens de l'article 199 undecies du code général des impôts, l'appelante produit en appel plusieurs centaines de factures, allant de janvier à juin 2014, qui établissent qu'elle n'a pas vocation à faire commerce de pièces détachées mais au contraire à confectionner les flexibles sur mesure, confection précédée ou non d'une opération de diagnostic et démontage et suivie par une opération de remontage et par des tests. Les factures produites font en effet mention d'une confection ou d'une intervention, ainsi que de la liste des pièces détachées mises en œuvre et du coût de la main d'œuvre. Il n'est pas contesté que sur les 650 factures produites, 94 % d'entre elles correspondent à des interventions d'une heure à 14 heures alors que le temps moyen de fabrication d'un flexible est de 3 à 15 minutes. En outre, il en résulte que 32 % des interventions sont réalisées en tarif doublé, s'agissant de dépannages urgents de nuit, week-ends, jours fériés, avant 6 h du matin ou après 18 heures. La société ne dispose d'ailleurs ni de comptoir de ventes de pièces détachées ni de stock de flexibles préassemblés. Il résulte également de l'instruction que le personnel de la société est constitué de sept personnes, dont cinq techniciens, et elle dispose de cinq camions d'intervention équipés d'un stock d'outillage de fabrication de flexibles permettant d'intervenir uniquement sur site. En outre et contrairement à ce qu'indique le tribunal, le contrat de travail à durée indéterminée des employés en qualité de technico-commercial ne démontre pas que ces employés n'étaient chargés, lors de ces interventions, que de la réalisation d'un diagnostic des besoins du client et de la seule commercialisation des matériaux, à l'exclusion de toute prestation de montage ou de pose. Ces contrats prévoient en effet, outre la commercialisation des produits, la gestion des interventions et le maintien de l'unité d'intervention en parfait état de fonctionnement en assurant les entretiens nécessaires. Enfin, les trois factures sans prestations d'intervention, produites par le ministre en première instance ne représentaient que 1 % du chiffre d'affaires. Par ailleurs et comme le souligne l'appelante l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée n'est pas incompatible avec le bénéfice de l'abattement et est susceptible d'être appliquée, dès lors que l'entreprise intervenant en maintenance, elle vend les pièces correspondantes dont certaines sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée. Au demeurant, les rappels préalablement envisagés par l'administration n'ont d'ailleurs pas abouti dans la mesure ou les pièces étaient livrées détachées, puis assemblées en vue d'une réparation en fonction des pièces défectueuses. Dans ces conditions, eu égard à la nature de maintenance de son activité, la société appelante est en droit de bénéficier de l'abattement prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la Sarl Flexible Antilles est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande et à demandé la décharge des impositions en litige.

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à la Sarl Flexible Antilles d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900101 du 18 juin 2020 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : La sarl Flexible Antilles est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016.

Article 3 : L'État versera à la sarl Flexible Antilles la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Flexible Antilles, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Florence B...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX03193
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-19;20bx03193 ?
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