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19/05/2022 | FRANCE | N°21BX01712

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 19 mai 2022, 21BX01712


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, la SCCV Equilibre a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le maire de Bordeaux a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif pour un ensemble immobilier de quarante-deux logements situé 159 boulevard Brandenburg et rue de Labarde à Bordeaux.

Par une seconde requête, elle a demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du 29 août 2019 par lequel le maire de Bordeaux a refusé de lui délivrer un permis

de construire modificatif pour ce même ensemble immobilier.

Par deux jugement n°190...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, la SCCV Equilibre a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le maire de Bordeaux a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif pour un ensemble immobilier de quarante-deux logements situé 159 boulevard Brandenburg et rue de Labarde à Bordeaux.

Par une seconde requête, elle a demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du 29 août 2019 par lequel le maire de Bordeaux a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif pour ce même ensemble immobilier.

Par deux jugement n°1902544 et 1904847 du 24 février 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête n°21BX01712, enregistrée le 22 avril 2021, et un mémoire enregistré le 5 avril 2022, la commune de Bordeaux, représentée par Me Sagalovitsch, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1902544 du 24 février 2021 ;

2°) de rejeter la demande de la SCCV Equilibre ;

3°) de mettre à la charge de la SCCV Equilibre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant que la modification des matériaux de toiture et de façade ainsi que des huisseries n'était pas de nature à porter atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants en méconnaissance de l'article 2.4.1.1 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole ;

- à titre subsidiaire, elle demande une substitution de motif, la décision en litige pouvant être fondée sur le fait que la toiture envisagée par le permis modificatif ne s'adapte pas au paysage des toitures environnantes en méconnaissance de l'article 2.4.1.1.2 du règlement de la zone UP 1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole;

- le moyen d'insuffisance de motivation soulevé en première instance est infondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 janvier 2022, la SCCV Equilibre, représentée par la SELAS Cazamajour et Urbanlaw, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au maire de Bordeaux de délivrer le permis de construire modificatif demandé dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et que la confirmation de l'annulation de la décision attaquée implique nécessairement que lui soit délivré le permis de construire modificatif sollicité.

II- Par une requête n°21BX01715, enregistrée le 22 avril 2021, et un mémoire enregistré le 5 avril 2022, la commune de Bordeaux, représentée par Me Sagalovitsch, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1904847 du 24 février 2021 ;

2°) de rejeter la demande de la SCCV Equilibre;

3°) de mettre à la charge de la SCCV Equilibre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant que la modification des matériaux de toiture et de façade ainsi que des huisseries n'était pas de nature à porter atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants en méconnaissance de l'article 2.4.1.1 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole ;

- à titre subsidiaire, elle demande une substitution de motif, la décision en litige pouvant être fondée sur le fait que la toiture envisagée par le permis modificatif ne s'adapte pas au paysage des toitures environnantes en méconnaissance de l'article 2.4.1.1.2 du règlement de la zone UP 1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole;

- les autres moyens soulevés en première instance sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 janvier 2022, la SCCV Equilibre, représentée par la SELAS Cazamajour et Urbanlaw, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au maire de Bordeaux de délivrer le permis de construire modificatif demandé dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et que la confirmation de l'annulation de la décision attaquée implique nécessairement que lui soit délivré le permis de construire modificatif sollicité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Richardeau, représentant la commune de Bordeaux, et de Me Maginot, représentant la société Equilibre.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Bordeaux a délivré le 20 février 2017 un permis de construire, qui a été transféré par arrêté du 16 juin 2017 à la SCCV Equilibre, portant sur la construction d'un ensemble immobilier de trois bâtiments regroupant quarante-deux logements collectifs sur une parcelle située entre le boulevard Brandenburg et la rue de Labarde. La SCCV Equilibre a sollicité, le 18 janvier 2019, un permis de construire modificatif portant sur divers aspects du projet et a renouvelé cette demande le 3 mai 2019. Par deux arrêtés du 1er avril 2019 et du 29 août 2019, le maire de Bordeaux a rejeté ces demandes. La commune de Bordeaux relève appel des jugements n°1902544 et n°1904847 du 24 février 2021 par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces arrêtés. La SCCV Equilibre demande qu'il soit enjoint au maire de Bordeaux de lui accorder le permis modificatif sollicité.

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 20BX01712 et 20BX01715 concernent le même projet et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 2.4.1.1 du règlement de la zone UP 1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole applicable : " La situation des constructions, leur architecture, leurs dimensions et leur aspect extérieur doivent être adaptés au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales (...) Le choix des matériaux et des teintes peut se faire en contraste ou en continuité avec les matériaux des constructions protégées existantes sur le terrain ou avoisinantes. Les matériaux d'imitation ne peuvent être admis que dans la mesure où ils présentent une unité d'aspect avec les matériaux qu'ils imitent. ".

4. Les demandes de permis modificatif déposées par la société Equilibre étaient destinées à régulariser des éléments de construction réalisés en infraction avec le permis de construire initial et qui avaient fait l'objet d'un procès-verbal d'infraction le 8 janvier 2019. La société a, notamment, modifié les matériaux de toiture et d'habillage des façades de l'attique, prévus en zinc, en utilisant de l'acier thermolaqué de type PLX, mis en place des fenêtres PVC et aluminium de couleur blanche, alors que le permis initial prévoyait des menuiseries aluminium gris clair, et a changé la couleur des garde-corps du gris clair au blanc. Il ressort des termes des décisions attaquées que le maire de Bordeaux a rejeté les demandes de la société pétitionnaire au motif unique tiré de ce que les nouveaux matériaux prévus par le projet modifié, à savoir le remplacement du revêtement en zinc prévu initialement sur les toitures par un revêtement en acier et le remplacement des menuiseries en aluminium par des menuiseries en PVC, n'étaient pas, selon lui, d'une qualité permettant à l'ensemble immobilier de " s'inscrire en harmonie dans les lieux avoisinants ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le secteur dans lequel se situe le projet, qui est constitué d'un tissu urbain majoritairement pavillonnaire et résidentiel au caractère hétérogène, dont certains immeubles comportent des menuiseries en PVC blanc, est dépourvu d'intérêt et de caractère particulier. Dans ce contexte, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications apportées au projet initial concernant les matériaux de toiture et la couleur des menuiseries et des garde-corps, qui ne portent ni sur l'implantation des immeubles ni sur leur volume ni sur l'aspect et la couleur des enduits de façades, seraient de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Il en est de même pour les menuiseries en PVC situées en fond de loggia qui ne sont pas visibles depuis la voie publique. De plus, la modification des matériaux du toit ne permettait pas de fonder le refus de permis modificatif en raison de l'absence d'impact visuel de ce changement dès lors que le revêtement initialement autorisé était en zinc blanc. Par ailleurs, l'article 2.4.1.1 ne proscrit pas l'utilisation de revêtement de toiture en acier ou de menuiseries en PVC. Par suite, la commune de Bordeaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le motif tiré de ce que les modifications apportées au projet concernant les matériaux utilisés étaient susceptibles de porter atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants n'était pas de nature à justifier les refus de permis de construire modificatif contestés.

6. La commune de Bordeaux sollicite une substitution de motif en faisant valoir que les décisions en litige devaient être fondées sur la méconnaissance de l'article 2.4.1.1.2 du règlement de la zone UP 1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole qui prévoit que " La toiture (sa forme, ses pentes et les matériaux utilisés) doit s'adapter à l'architecture de la construction, au caractère des lieux et au paysage des toitures environnantes. " dès lors que, selon elle, le revêtement de toiture en acier blanc prévu par le permis modificatif ne s'adapterait pas au paysage des toitures environnantes constitué de toitures en tuiles couleur brique.

7. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, le permis initial prévoyait un revêtement de toit en zinc blanc de forme et d'aspect comparable au revêtement en acier blanc de type PLX objet de la demande de permis modificatif, lequel comporte d'ailleurs une couche de zinc. Ainsi, en l'absence de modification de la forme et de l'aspect des matériaux utilisés, ce motif n'est pas de nature à justifier les refus de permis de construire modificatif et il ne peut être fait droit à la substitution de motif demandée par la commune de Bordeaux.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bordeaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés de refus de permis modificatif des 1er avril 2019 et 29 août 2019. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt.

10. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole en vigueur à la date des décisions annulées ferait obstacle à la délivrance à la société Equilibre du permis de construire modificatif sollicité ni que la situation de fait à la date du présent arrêt s'y opposerait. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire de Bordeaux de délivrer à la société Equilibre le permis de construire modificatif sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais d'instance :

11. Il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bordeaux, qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Equilibre et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette société la somme que demande la commune de Bordeaux à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de la commune de Bordeaux sont rejetées.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Bordeaux de délivrer le permis de construire modificatif sollicité par la SCCV Equilibre dans un délai de deux mois.

Article 3 : La commune de Bordeaux versera à la SCCV Equilibre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bordeaux et la SCCV Equilibre.

Délibéré après l'audience du 21 avril 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zucarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022

La rapporteure,

Christelle B...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01712; 21BX01715


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01712
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CAZAMAJOUR et URBANLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-19;21bx01712 ?
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