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30/05/2022 | FRANCE | N°19BX04825

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 30 mai 2022, 19BX04825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 9 janvier 2018 par laquelle le directeur de l'établissement public départemental de Clairvivre lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de deux ans à compter du 22 janvier 2018 et, d'autre part, de condamner cet établissement public à lui verser la somme de 7 365,80 euros en réparation du préjudice subi, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir et de la ca

pitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1801016 du 8 octobre 2019, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 9 janvier 2018 par laquelle le directeur de l'établissement public départemental de Clairvivre lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de deux ans à compter du 22 janvier 2018 et, d'autre part, de condamner cet établissement public à lui verser la somme de 7 365,80 euros en réparation du préjudice subi, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1801016 du 8 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2019, Mme A..., représentée par Me Lemercier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 9 janvier 2018 ;

3°) de condamner l'établissement public départemental de Clairvivre à lui verser la somme de 7 365,80 euros en réparation de son préjudice, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et de la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement public départemental de Clairvivre les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors que la convocation à la séance du conseil de discipline n'a pas été signée par son président en exercice mais par le directeur de l'établissement public ;

- le délai de quinze jours entre la convocation et la réunion du conseil de discipline n'a pas été respecté dès lors qu'il est mentionné dans la décision attaquée une date de séance du 5 septembre 2016 alors que la convocation date du 30 novembre 2017 ;

- la décision contestée mentionne que la sanction a été prise à l'issue de la séance d'un conseil de discipline du 5 septembre 2016, la notification de cette décision le 19 janvier 2018 est dès lors tardive ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie tant s'agissant de son comportement inapproprié envers les personnes accueillies dans cet établissement que de son refus d'exécuter certaines tâches et de son insubordination ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction d'autant qu'elle a déjà été sanctionnée pour l'incident du 21 avril 2017 ;

- la sanction prononcée de deux ans d'exclusion sans traitement de l'établissement est disproportionnée ;

- en conséquence de l'illégalité de la décision contestée, l'établissement public doit être condamné à lui verser la somme de 2 365,80 euros à titre du préjudice résultant du non-versement de ses salaires ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, assortie des intérêts au taux légal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2020, l'établissement public départemental de Clairvivre, représenté par son directeur en exercice et par Me Clément, conclut, à titre principal, au rejet de la requête de Mme A..., à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnité allouée soit limité à 1 712,50 euros et, dans tous les cas, à la mise à la charge de la requérante de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, il demande la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires de Mme A....

Il soutient :

- à titre principal, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal n'a pas rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires de la requérante.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2020.

Par un courrier du 4 mai 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur une moyen relevé d'office tiré de ce que, le dispositif du jugement attaqué lui étant favorable, l'établissement public départemental de Clairvivre n'est pas recevable, dans le cadre de son appel incident, à critiquer les motifs de ce jugement par lesquels le tribunal administratif a rejeté au fond et non comme irrecevables les conclusions indemnitaires de première instance de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., agent d'entretien qualifié, affectée au sein de l'établissement et service d'aide par le travail (ESAT) Bertran de Born à Salagnac, s'est vue notifier par décision du 9 janvier 2018 du directeur de l'établissement public départemental de Clairvivre, qui en assure la gestion, une sanction d'exclusion de ses fonctions pour une durée de deux ans. Par un jugement du 8 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ainsi que ses conclusions indemnitaires. Elle relève appel de ce jugement dont elle demande l'annulation. Par la voie de l'appel incident, l'établissement public départemental de Clairvivre demande la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires présentées en première instance par Mme A....

Sur l'appel incident :

2. L'intérêt à faire appel s'apprécie au regard du dispositif du jugement attaqué, le demandeur de première instance qui a obtenu satisfaction n'étant pas recevable à faire appel en critiquant les seuls motifs retenus par les premiers juges. Par suite, l'établissement public départemental de Clairvivre n'est pas recevable, dans le cadre de son appel incident, à critiquer les motifs du jugement attaqué par lesquels le tribunal administratif a rejeté au fond et non comme irrecevable la demande de première instance de Mme A.... Au demeurant, le tribunal ayant rejeté au fond les conclusions de Mme A..., il n'était pas tenu d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'établissement public départemental de Clairvivre et pouvait comme il l'a fait, y faire référence par la mention usuelle " sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense ".

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de 1'article 2 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de réunion de ce conseil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il peut, devant le conseil de discipline, présenter des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ".

4. De première part, il ressort des pièces du dossier que la convocation de Mme A..., à la réunion du conseil de discipline du 5 janvier 2018 lui a été remise en mains propres le 14 décembre 2017, soit plus de quinze jours avant la date de cette réunion. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas disposé d'un délai suffisant pour préparer sa défense entre la présentation de la lettre de convocation devant le conseil de discipline et la réunion de ce conseil.

5. De deuxième part, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que si ce vice a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. S'il est constant que cette convocation à la réunion du conseil de discipline a été signée par le directeur de 1'établissement et non par le président du conseil de discipline comme le prévoient les dispositions citées au point 3, ce vice n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision prise dès lors qu'il n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision et qu'il n'a pas privé l'intéressée d'une garantie.

7. De troisième part, la requérante soutient que la décision contestée indique à tort que le conseil de discipline s'est réuni le 5 septembre 2016 en lieu et place du 5 janvier 2018 et qu'ainsi la notification de la décision du conseil de discipline serait tardive. Toutefois, d'une part les conditions de notification de la décision contestée sont sans influence sur la légalité de celle-ci et, d'autre part, il ne s'agit, ainsi que l'a indiqué le tribunal par une motivation suffisante, que d'une erreur matérielle.

8. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

9. En second lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale " alors en vigueur. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : La rétrogradation, l'exclusion temporaire pour une durée de trois mois à deux ans ; Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation (...) ".

10. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

11. Pour prononcer l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans infligée à Mme A..., le directeur de l'établissement public départemental de Clairvive s'est fondé sur son comportement. Mme A... persiste à contester en appel la matérialité des faits retenus à son encontre, relatifs à des actes de désobéissance répétés malgré plusieurs rappels à l'ordre, une attitude violente et inappropriée envers les ouvriers handicapés, et des actes d'insubordination notamment l'inexécution des tâches confiées. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de deux déclarations d'évènements indésirables en date du 24 avril 2017 et du 15 novembre 2017, du compte-rendu d'entretien de l'intéressée avec la directrice de l'ESAT signé par Mme A... le 15 mai 2017, du rapport d'un encadrant de l'ESAT en date du 21 novembre 2017 et du rapport de la directrice de l'ESAT en date du 24 novembre 2017, que Mme A... a à plusieurs reprises fait preuve de violences verbales et d'un comportement inapproprié vis-à-vis des ouvriers de l'ESAT, personnes handicapées employées dans un objectif d'insertion, et n'a pas respecté ses horaires de travail malgré plusieurs rappels de sa hiérarchie, ni accompli l'ensemble des tâches de nettoyage demandées. Dans ces conditions, la matérialité des faits reprochés à Mme A... doit être regardée comme établie. Ils constituent une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

12. Eu égard à la nature des faits, dont aucun et notamment pas ceux du 21 avril 2017 n'avait préalablement été sanctionné par l'employeur, à la vulnérabilité des personnes travaillant au sein de l'établissement dont le fonctionnement a été perturbé et au caractère répété des manquements professionnels de Mme A..., qui avait déjà pour des faits similaires fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de cinq jours avec sursis en 2014 et d'une levée du sursis accompagnée d'une sanction d'exclusion temporaire de six jours avec sursis en 2016, l'établissement public départemental de Clairvivre n'a, en dépit du fait que le rapport introductif de saisine du conseil de discipline qui au demeurant ne lie pas l'autorité hiérarchique proposait une durée d'exclusion d'un an, pas pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer à l'encontre de la requérante une mesure d'exclusion de ses fonctions pendant une durée de deux ans.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'établissement de Clairvive du 9 janvier 2018 ainsi que, par voie de conséquence, sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public départemental de Clairvivre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais liés à l'instance. Les conclusions de cette dernière tendant au paiement des dépens du procès, lequel n'en comporte au demeurant aucun, ne peuvent qu'être rejetés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de verser à l'établissement public départemental de Clairvivre une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de l'établissement départemental de Clairvivre est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de l'établissement public départemental de Clairvivre présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à l'établissement public départemental de Clairvivre.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2022.

La rapporteure,

Caroline C...

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04825
Date de la décision : 30/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : LEMERCIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-30;19bx04825 ?
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