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09/06/2022 | FRANCE | N°20BX02853

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 09 juin 2022, 20BX02853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à forme anonyme Centre d'oncologie et radiothérapie

a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les 41 titres exécutoires émis à son encontre entre le 29 octobre 2018 et le 28 janvier 2019 par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux pour un montant total de 34 892,50 euros, correspondant à la facturation d'actes de biologie et d'anatomopathologie hors nomenclature réalisés par le CHU au cours

des années 2017 et 2018.

Par u

n jugement n° 1902811 du 30 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à forme anonyme Centre d'oncologie et radiothérapie

a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les 41 titres exécutoires émis à son encontre entre le 29 octobre 2018 et le 28 janvier 2019 par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux pour un montant total de 34 892,50 euros, correspondant à la facturation d'actes de biologie et d'anatomopathologie hors nomenclature réalisés par le CHU au cours

des années 2017 et 2018.

Par un jugement n° 1902811 du 30 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2020 et des mémoires enregistrés les 9 mars,

18 mars, 27 avril et 8 juin 2021, le Centre d'oncologie et radiothérapie, représenté par

la SELAS Fidal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal d'annuler les 41 titres exécutoires contestés, et à titre subsidiaire d'annuler les 36 titres exécutoires portant sur des actes effectués et facturés avant

le 16 avril 2018 ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 1 800 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les titres de recette ne mentionnaient pas les voies et délais de recours, et ils ont été contestés dans un délai raisonnable d'un an après leur émission, de sorte que la demande de première instance n'était pas tardive ;

- aux termes d'une instruction ministérielle du 16 avril 2018 et d'une circulaire

du 4 mai 2018, les laboratoires qui effectuent des actes de nomenclature ont pour instruction de facturer directement aux établissements de santé prescripteurs les actes hors nomenclature ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le Centre d'oncologie et de radiothérapie avait le caractère d'établissement de santé au sens de l'article L. 6111-1 du code de la santé publique dès lors qu'il est un cabinet libéral prescripteur accrédité en cancérologie, qu'il ne réalise aucun diagnostic mais seulement des prestations de traitement et de suivi des patients, et que l'agence régionale de santé (ARS) n'a jamais entendu le reconnaître comme établissement de santé, comme elle l'a rappelé en dernier lieu par courriers du 31 juillet 2020 et du 16 décembre 2020 ; aucun des médecins intervenant au Centre d'oncologie et de radiothérapie n'est titulaire du diplôme d'études spécialisées de radiodiagnostic, de sorte qu'aucun ne peut pratiquer le radiodiagnostic ; en conséquence, l'instruction du 16 avril 2018, la circulaire DGOS/Rl/2018/114 du 4 mai 2018 qui visent les établissements de santé et l'article L.1617-5 du code général des collectivités territoriales ne lui sont pas applicables et les titres exécutoires doivent être annulés ;

- n'étant pas un établissement de santé, le Centre d'oncologie et de radiothérapie n'est pas éligible aux dotations nationales de financement de missions d'intérêt général dont bénéficient les établissements de santé mentionnés aux a), b), c) et d) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale auquel renvoie l'article L. 162-22-13 de ce code ;

A titre subsidiaire :

- il est recevable à soulever en appel un moyen nouveau relevant de la cause juridique invoquée en première instance ;

- l'instruction du 16 avril 2018 et la circulaire du 4 mai 2018 sur lesquelles sont fondés les titres exécutoires instituent un nouveau régime faisant reposer le paiement des actes de biologie moléculaire sur le prescripteur ; ainsi, les actes antérieurs au 16 avril 2018 ne pouvaient lui être facturés dans le cadre de ce nouveau régime, et il ne peut être redevable que de la somme de 2 041,05 euros correspondant aux 5 titres de recettes émis pour des soins réalisés et facturés postérieurement au 16 avril 2018 ; c'est à tort que le tribunal s'est borné à prendre en compte la date des titres exécutoires et s'est abstenu d'examiner celle des actes réalisés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 5 février, 8 avril et 10 mai 2021, le CHU de Bordeaux, représenté par Me Sassout, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du Centre d'oncologie et radiothérapie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande de première instance, enregistrée en juin 2019, plus de deux mois après l'émission du dernier titre de recette notifié le 28 janvier 2019, était tardive ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont qualifié le Centre d'oncologie et radiothérapie d'établissement de santé ;

- le moyen tiré de l'existence d'un nouveau régime de facturation institué par l'instruction du 16 avril 2018 et la circulaire du 4 mai 2018 est irrecevable car nouveau en appel ; il est au surplus infondé car l'instruction du 16 avril 2018 s'est bornée à préciser les modalités de facturation existantes et les 41 titres en litige, émis postérieurement

au 16 avril 2018 pour des actes effectués en 2017 et 2018, pouvaient être facturés en vertu des articles L. 6211-1 et 2, L. 6211-8 et suivants, L. 6211-21, L. 6212-1 et 3, L. 6213-8 et L. 6221-1 du code de la santé publique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 28 juin 2016 fixant la liste des structures, des programmes, des actions,

des actes et des produits financés au titre des missions d'intérêt général mentionnées aux articles D. 162-6 et D. 162-7 du code de la sécurité sociale ainsi que la liste des missions d'intérêt général financées au titre de la dotation mentionnée au IV de l'article 78 de la loi no 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 ;

- l'arrêté du 4 mai 2017 fixant la liste des structures, des programmes, des actions, des actes et des produits financés au titre des missions d'intérêt général mentionnées aux articles D.162-6 et D.162-7 du code de la sécurité sociale, ainsi que la liste des missions d'intérêt général financées au titre de la dotation mentionnée à l'article L.162-23-8 ;

- l'arrêté du 23 juillet 2018 fixant la liste des structures, des programmes, des actions, des actes et des produits financés au titre des missions d'intérêt général mentionnées aux articles D.162-6 et D.162-7 du code de la sécurité sociale, ainsi que la liste des missions d'intérêt général financées au titre de la dotation mentionnée à l'article L.162-23-8 ;

- l'instruction n° DGOS/PF4/DSS/1A/2018/101 du 16 avril 2018 relative aux actes de

biologie médicale et d'anatomopathologie hors nomenclatures éligibles au financement au

titre de la MERRI G03, aux règles de facturation de ces actes et aux modalités de délégation

associées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Le Centre d'oncologie et radiothérapie, société d'exercice libéral à forme anonyme, exerce l'activité de soins de traitement du cancer par radiothérapie. Il relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de 41 titres exécutoires émis à son encontre par le CHU de Bordeaux entre le 29 octobre 2018

et le 28 janvier 2019 pour un montant total de 34 892,50 euros, correspondant à la facturation d'actes d'anatomopathologie et de biologie hors nomenclature réalisés à sa demande par le CHU entre le 26 janvier 2017 et le 14 décembre 2018.

Sur le cadre juridique du litige :

2. Aux termes de l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Il est créé, au sein de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie prévu au 4° du I de l'article LO 111-3, une dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation des établissements de santé mentionnés aux a, b, c et d de l'article L. 162-22-6. (...) / Un décret (...) fixe la liste des missions d'intérêt général (...) susceptibles de donner lieu à l'attribution d'une dotation. " Aux termes de l'article D. 162-6 du même code : " Peuvent être financées par la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13 les dépenses correspondant aux missions d'intérêt général suivantes : / (...) / d) Les activités de soins réalisées à des fins expérimentales ou la dispensation des soins non couverts par les nomenclatures ou les tarifs ; / (...). " Aux termes de l'article D. 162-8 de ce code : " Un arrêté précise la liste des structures, des programmes et des actions ainsi que des actes et produits pris en charge par la dotation nationale mentionnée à l'article L. 162-22-13 au titre des missions mentionnées aux articles D. 162-6 et D. 162-7. / Cette dotation participe au financement de ces missions dans la limite des dépenses y afférentes à l'exclusion de la part incombant à d'autres financeurs en application de dispositions législatives ou réglementaires et de celle déjà supportée par l'assurance maladie en application des dispositions législatives ou réglementaires relatives à la prise en charge des soins. " Les arrêtés du 24 juin 2016, du 4 mai 2017 et du 23 juillet 2018, successivement en vigueur lors de la réalisation des actes hors nomenclature en cause, prévoyaient dans les mêmes termes que pouvaient être pris en charge, au titre de la mission d'enseignement, d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation (MERRI) G03, les actes de biologie et d'anatomocytopathologie non inscrits en nomenclature, à l'exception de ceux faisant l'objet d'autres financements hospitaliers.

3. L'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale subordonne la prise en charge ou le remboursement des actes concernant les patients assurés sociaux à leur inscription sur une liste des actes remboursables. En l'absence de dispositions prévoyant alors un autre mode de financement, les actes de biologie et d'anatomopathologie hors nomenclature réalisés par le CHU de Bordeaux à la demande du Centre d'oncologie et radiothérapie entre le 26 janvier 2017 et le 14 décembre 2018 avaient vocation, par leur nature, à être financés par la

dotation MERRI G03.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. L'instruction n° DGOS/PF4/DSS/1A/2018/101 du 16 avril 2018 relative aux actes de

biologie médicale et d'anatomopathologie hors nomenclatures éligibles au financement au

titre de la MERRI G03, aux règles de facturation de ces actes et aux modalités de délégation

associées, prévoit expressément que dans le cas où l'acte est prescrit et réalisé dans des établissements de santé distincts, l'établissement effecteur peut facturer l'acte à l'établissement prescripteur, lequel peut demander un financement de cette activité au titre de la dotation MERRI G03. Pour demander l'annulation des titres exécutoires émis à son encontre par

le CHU de Bordeaux, établissement effecteur des actes hors nomenclature dont il était prescripteur, le Centre d'oncologie et radiothérapie conteste sa qualité d'établissement de santé au regard des dispositions de l'article L. 6111-1 du code de la santé publique.

5. Aux termes de l'article L. 6111-1 du code de la santé publique : " Les établissements de santé publics, privés d'intérêt collectif et privés assurent, dans les conditions prévues au présent code, en tenant compte de la singularité et des aspects psychologiques des personnes, le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes et mènent des actions de prévention et d'éducation à la santé. / Ils délivrent les soins, le cas échéant palliatifs, avec ou sans hébergement, sous forme ambulatoire ou à domicile, le domicile pouvant s'entendre du lieu de résidence ou d'un établissement avec hébergement relevant du code de l'action sociale et des familles. / Ils participent à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements et services médico-sociaux, dans le cadre défini par l'agence régionale de santé en concertation avec les conseils départementaux pour les compétences qui les concernent. / Ils participent à la mise en œuvre de la politique de santé et des dispositifs de vigilance destinés à garantir la sécurité sanitaire. / (...). " En vertu de l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale, les établissements de santé éligibles à la MERRI G03 sont ceux définis à l'article L. 162-22-6, soit : " a) Les établissements publics de santé (...) ; / b) Les établissements de santé privés à but non lucratif qui ont été admis à participer à l'exécution du service public hospitalier (...) ; / c) Les établissements de santé privés à but non lucratif ayant opté pour la dotation globale de financement (...) / d) Les établissements de santé privés autres que ceux mentionnés aux b et c ayant conclu un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'agence régionale de santé ".

6. Comme l'ont relevé les premiers juges en se fondant sur la présentation figurant sur le site internet du Centre d'oncologie et radiothérapie, celui-ci " assure aux patients les soins répondant aux standards de la science médicale dans le domaine du traitement du cancer ", " collabore étroitement avec tous les partenaires médicaux du secteur sanitaire ", et propose notamment des consultations médicales pré ou post-thérapeutiques avec des oncologues et des traitements de radiothérapie et de chimiothérapie. Il est cependant constitué sous forme d'une société d'exercice libéral qui réunit des médecins spécialisés en radiothérapie, de sorte qu'il ne peut être regardé comme un établissement de santé, alors même qu'il aurait conclu un contrat d'objectifs et de moyens avec l'agence régionale de santé, ce dont il ne justifie au demeurant pas pour la période en cause. La circonstance qu'il a prescrit des actes hors nomenclature ne le rend pas, de ce fait, éligible à un financement au titre de la MERRI G03. Par suite, l'instruction n° DGOS/PF4/DSS/1A/2018/101 du 16 avril 2018 n'est pas applicable au litige. Toutefois, les titres exécutoires émis par le CHU de Bordeaux ne mentionnent pas qu'ils seraient pris sur ce fondement, et le Centre d'oncologie et radiothérapie n'invoque aucune disposition qui le dispenserait de régler les prestations non prises en charge par la collectivité qu'il a sollicitées du CHU, dont il ne conteste ni la nature, ni le coût. Il n'est pas davantage démontré qu'au regard des règles précitées, le CHU de Bordeaux aurait pu bénéficier d'un financement par la MERRI G03. Par suite, le Centre d'oncologie et radiothérapie n'est pas fondé à demander l'annulation des 41 titres exécutoires mettant à sa charge les frais de réalisation des examens commandés.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Bordeaux, que le Centre d'oncologie et radiothérapie n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

8. Le Centre d'oncologie et radiothérapie, qui est la partie perdante, n'est pas fondé

à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme

de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CHU de Bordeaux à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Centre d'oncologie et radiothérapie est rejetée.

Article 2 : Le Centre d'oncologie et radiothérapie versera au CHU de Bordeaux une somme

de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Centre d'oncologie et radiothérapie

et au centre hospitalier universitaire de Bordeaux.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne , et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02853
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : FIDAL BAYONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-09;20bx02853 ?
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