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16/06/2022 | FRANCE | N°20BX02968

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 16 juin 2022, 20BX02968


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... et Mme D... A..., épouse E..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par jugement n° 1803592 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 septembre 2020 et 27 septembre 2021, M. e

t Mme E..., représentés par Me Ribes, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... et Mme D... A..., épouse E..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par jugement n° 1803592 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 septembre 2020 et 27 septembre 2021, M. et Mme E..., représentés par Me Ribes, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juillet 2020 ;

2°) de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : La directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 doit-elle être interprétée comme comprenant dans son champ d'application les opérations d'apports purs et simples à titre temporaire '

3°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'années 2012 ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le régime du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts est contraire à l'intention du législateur lors du vote de la loi de finances pour 2004 et de la loi de finances rectificatives pour 2012, et il y a une contradiction entre la première phrase dans laquelle figure les termes " cession à titre onéreux " et l'ensemble du processus législatif ; l'apporteur d'un usufruit à terme fixe doit relever, selon la situation, de l'article 150 UB-II ou du 150-0 B ter du code général des impôts ;

- il y a rétroactivité de la loi, dès lors que l'article 15 de la loi de finances rectificative pour 2012, qui a introduit le paragraphe 5 de l'article 13, a été voté le 29 décembre 2012, et prévoit que sa prise d'effet rétroagira au 14 novembre 2012 ;

- ils auraient pu bénéficier des dérogations prévues par le BOFIP du 5 août 2015 s'ils en avaient connu les conditions à l'automne 2012 ;

- le 5.1 de l'article 13 méconnaît la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009.

- en relevant que le montant du prix de cession indiqué au contrat d'apport devait être réintégré sans retraitement préalable dans leurs revenus fonciers, le service n'a pas respecté l'instruction BOI-IR-BASE-10-10-30, en application de laquelle il y a lieu de retenir, non pas le prix stipulé à l'acte mais la valeur vénale de l'usufruit temporaire " lorsque le prix de cession de cet usufruit temporaire, comme stipulé entre les parties, est inférieur à la valeur vénale de ce même usufruit ... ", soit un revenu brut imposable de 35 783,40 euros après application du II de l'article 669 du code général des impôts ;

- pour le calcul du revenu net, il convient d'appliquer à la plus-value brute un abattement pour durée de détention en application de l'article 150 VC du code général des impôts dans sa version en vigueur au 7 mai 2012 ;

- il y a lieu de retraiter le prix d'acquisition en application de l'instruction référencée au BOI-RFPI-SPI 20 ;

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 mars et 9 novembre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... H...,

- les conclusions de Mme C... G...,

- et les observations de Me Lavoisier, représentant M. et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., épouse E..., est la gérante de la SCI Les Rosiers. En 2015, les époux ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel le service a imposé dans la catégorie des revenus fonciers au titre de l'année 2012 la somme de 155 580 euros résultant de l'apport de l'usufruit temporaire de parts de sociétés civiles immobilières effectuées par Mme E... à la SCI Les Rosiers. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 3 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui trouvent leur origine dans le contrôle précité.

Sur l'application de la loi fiscale :

En ce qui concerne l'application du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts :

2. Aux termes de l'article 13 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à compter du 14 novembre 2012 : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. / 2. Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets visés aux I à VII bis et au 1 du VII ter de la 1re sous-section de la présente section ainsi que les plus-values et créances mentionnées à l'article 167 bis, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés aux I et I bis de l'article 156, des charges énumérées au II dudit article et de l'abattement prévu à l'article 157 bis. / 3. Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus visées au 2 est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d'elles. (...) 5.1. Pour l'application du 3 et par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l'imposition des plus-values, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire ou, si elle est supérieure, la valeur vénale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, personne physique ou société ou groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d'être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l'usufruit temporaire cédé./ Lorsque l'usufruit temporaire cédé porte sur des biens ou droits procurant ou susceptibles de procurer des revenus relevant de différentes catégories, le produit résultant de la cession de cet usufruit temporaire, ou le cas échéant sa valeur vénale, est imposable dans chacune de ces catégories à proportion du rapport entre, d'une part, la valeur vénale des biens ou droits dont les revenus se rattachent à la même catégorie et, d'autre part, la valeur vénale totale des biens ou droits sur lesquels porte l'usufruit temporaire cédé. / 2. Pour l'application du 1 du présent 5 et à défaut de pouvoir déterminer, au jour de la cession, une catégorie de revenus, le produit résultant de la cession de l'usufruit temporaire, ou le cas échéant sa valeur vénale, est imposé : / a) Dans la catégorie des revenus fonciers, sans qu'il puisse être fait application du II de l'article 15, lorsque l'usufruit temporaire cédé est relatif à un bien immobilier ou à des parts de sociétés, groupements ou organismes, quelle qu'en soit la forme, non soumis à l'impôt sur les sociétés et à prépondérance immobilière au sens des articles 150 UB ou 244 bis A (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que, par délibération de son assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 2012, la SCI Les Rosiers, dont Mme E... détenait 98 % des parts, a décidé de procéder à une augmentation de capital d'un montant de 152 550 euros, en approuvant l'apport de l'usufruit temporaire sur trois ans de parts sociales de sociétés civiles immobilières détenues par Mme E..., pour un montant total apporté évalué à 155 580 euros. En contrepartie de ces apports, Mme E... s'est vu attribuer 15 255 parts sociales nouvelles de 10 euros dans le capital de la SCI Les Rosiers, assorties d'une prime d'apport globale de 3 030 euros. Lors du contrôle sur pièces cité au point 1, le service a constaté qu'il s'agissait de la première cession à titre onéreux d'un usufruit temporaire de parts sociales, réalisée postérieurement à l'entrée en vigueur, le 14 novembre 2012, du dispositif issu de la loi de finances rectificative pour 2012, codifié au 5.1 de l'article 13 du code général des impôts. Par proposition de rectification du 25 septembre 2015, il a réintégré la somme de 155 580 euros aux revenus fonciers imposables de M. et Mme E... au titre de l'année 2012.

4. En premier lieu, l'apport de l'usufruit temporaire de parts sociales de sociétés civiles immobilière à la SCI Les Rosiers, en contrepartie de parts de la même société et d'une prime d'apport, constitue une cession à titre onéreux, nonobstant la circonstance que l'apport n'a pas été rémunéré par des liquidités. Par suite, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que l'apport en cause ne relèverait pas des dispositions du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts, mais du régime des articles 150 UB ou 150-0 B ter du même code.

5. En deuxième lieu, dès lors que les dispositions législatives en cause ne présentent pas d'ambiguïté, M. et Mme E... ne peuvent utilement soutenir que le régime du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts serait contraire à l'intention du législateur et qu'il y aurait une contradiction entre la première phrase de ce texte, dans laquelle figure les termes " cession à titre onéreux ", et l'ensemble du processus législatif.

6. En troisième lieu, les requérants soutiennent que la loi est rétroactive, dès lors que l'article 15 de la loi de finances rectificative pour 2012, qui a introduit le paragraphe 5 de l'article 13 du code général des impôts, a été voté le 29 décembre 2012 et prévoit une entrée en vigueur du dispositif au 14 novembre 2012, et que cette rétroactivité est contraire à la Constitution. Toutefois, en tout état de cause, le Conseil constitutionnel, saisi de ce moyen d'inconstitutionnalité dirigé contre la loi de finances rectificative pour 2012, a déclaré cet article 15 conforme à la Constitution dans sa décision n° 2012-661 du 29 décembre 2012.

7. En quatrième lieu, l'opération d'apport en cause ne concernant que des sociétés de droit français, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009, laquelle, en tout état de cause, aux termes de son article 1er, ne s'applique qu'aux " opérations de fusion, de scission, de scission partielle, d'apport d'actifs et d'échange d'actions qui concernent des sociétés de deux ou plusieurs États membres ". Il n'y a donc pas lieu pour la cour de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle relative à cette directive.

En ce qui concerne le calcul du produit de la cession :

8. En premier lieu, en application du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts, la base imposable est constituée du produit résultant de la cession ou, si elle est supérieure, de la valeur vénale de cet usufruit. Il est constant qu'en contrepartie de l'apport, Mme E... a reçu 15 255 parts sociales nouvelles de 10 euros dans le capital de la SCI Les Rosiers, assorties d'une prime d'apport globale de 3 030 euros, pour un montant total de 155 580 euros. Les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'il y aurait lieu d'appliquer le pourcentage de 23 % prévu par le II de l'article 669 du code général des impôts, qui est relatif, non à l'impôt sur le revenu, mais aux droits d'enregistrement.

9. En second lieu, dès lors que le 5.1 de l'article 13 du code général des impôts s'applique " par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l'imposition des plus-values ", M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir qu'il y aurait lieu d'appliquer à la plus-value brute un abattement pour durée de détention en application de l'article 150 VC du code général des impôts dans sa version en vigueur au 7 mai 2012.

Sur la doctrine :

10. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

11. Eu égard aux règles qui régissent l'invocabilité des interprétations ou des appréciations de l'administration en vertu de cet article, les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures, que des interprétations et appréciations antérieures à l'imposition primitive, ou sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 80 A, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires, que des interprétations antérieures à l'expiration du délai de déclaration.

12. M. et Mme E... ne peuvent utilement se prévaloir de l'instruction administrative référencée BOI-IR-BASE-10-10-30, dans ses versions publiées le 5 août 2015 et le 6 avril 2017, et de l'instruction administrative BOI-RFPI-SPI 20, publiée le 24 août 2018 et au demeurant relative aux plus-values de l'article 150-0 B du code général des impôts, qui sont postérieures à l'expiration du délai de déclaration des revenus au titre de l'année 2012. 13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022.

La rapporteure,

Frédérique H... Le président

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02968


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02968
Date de la décision : 16/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : RIBES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-16;20bx02968 ?
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