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23/06/2022 | FRANCE | N°22BX00090

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 23 juin 2022, 22BX00090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 23 février 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a astreint à résider dans les limites de la Charente-Maritime et à se présenter au commissariat de police de La Rochelle tous les mercredis et vendredis.

Par un jugement n° 2101636 du 8 octobre 2021,

le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 23 février 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a astreint à résider dans les limites de la Charente-Maritime et à se présenter au commissariat de police de La Rochelle tous les mercredis et vendredis.

Par un jugement n° 2101636 du 8 octobre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2022, M. C..., représenté par Me Marques-Melchy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 octobre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 23 février 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- il justifie d'une progression dans ses études et présente des garanties de ressources financières suffisantes dès lors que les attestations de ses employeurs auraient dû être prises en compte dans l'appréciation de ces ressources ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation matérielle dès lors qu'il y avait lieu de prendre en compte le contexte lié à la pandémie et à l'état d'urgence sanitaire ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

- ces décisions portent atteinte au droit au respect de sa vie personnelle, notamment au regard de la poursuite de ses études alors qu'il est inscrit en Master 1 de droit des entreprises à l'université de La Rochelle ;

En ce qui concerne la décision le contraignant à résider à l'adresse déclarée et à se présenter au commissariat :

- cette décision porte une atteinte manifestement excessive à sa situation personnelle.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 9 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-congolaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 31 juillet 1993 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du Gouvernement français ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant de la République du Congo, né le 6 mai 1990, entré sur le territoire français le 16 septembre 2015, a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du 23 février 2021, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a astreint à résider dans les limites de la Charente-Maritime et à se présenter au commissariat de police de La Rochelle tous les mercredis et vendredis. M. C... relève appel du jugement du 8 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 2021.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant" (...) ". Et aux termes de l'article R. 313-7 du même code, alors en vigueur : " I. Pour l'application du I de l'article L. 313-7, l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention "étudiant" (...) doit présenter (...) les pièces suivantes : / 1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2002 : " Le montant de l'allocation d'entretien (...) est fixé à 615 euros par mois ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a quadruplé sa dernière année de licence de droit, qu'il a finalement obtenue à l'issue de l'année universitaire 2019-2020, et qu'il était inscrit, à la date de l'arrêté en litige, en première année de Master " Droit, économie, gestion, mention droit de l'entreprise ", ce qui démontre une certaine progression de l'intéressé. Toutefois, M. C... ne produit, pour justifier de ses ressources, que des contrats de travail de courte durée conclus entre les mois de janvier et août 2019, pour des rémunérations mensuelles moyennes inférieures au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée aux boursiers du Gouvernement français. Contrairement à ce qu'il soutient, les diverses aides financières qu'il a pu recevoir, telles que le remboursement de ses frais d'inscription ou encore des aides concernant son logement, lesquelles ont au demeurant été versées à des périodes postérieures à l'arrêté litigieux, ne devaient pas être prises en compte pour déterminer le montant de ses ressources. Par ailleurs, si le requérant produit des attestations d'anciens employeurs qui déclarent être prêts à le réembaucher quand la situation sanitaire et économique le permettrait, cet élément ne permet pas de considérer que M. C... justifierait de moyens d'existence suffisants au sens de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, ni le contexte de pandémie et de crise sanitaire, ni l'état de santé qu'auraient présenté les parents du requérant ne peuvent être pris en considération pour évaluer si la condition posée par cet article tenant aux moyens d'existence suffisants est effectivement remplie. Ainsi, le préfet de la Charente-Maritime aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif de l'absence de ressources suffisantes du requérant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant à la situation matérielle de M. C... doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".

5. M. C... est entré sur le territoire français au mois de septembre 2015 afin d'y poursuivre ses études. Les attestations qu'il verse au dossier, si elles témoignent de sa volonté de s'intégrer, ne permettent toutefois pas à elles seules de considérer que l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, aurait fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux sur le territoire national, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident notamment ses parents. Par ailleurs, s'il fait valoir qu'une mesure d'éloignement l'empêcherait de poursuivre ses études, mettant ainsi en péril son projet professionnel, il n'apporte aucune précision sur ce projet, alors au demeurant que la seule poursuite des études en France ne permet pas de considérer qu'une vie privée y serait établie. Ainsi, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de M. C... en l'obligeant à quitter le territoire français et en fixant le pays de renvoi au regard des buts poursuivis par ces décisions. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste qui aurait été commise dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de M. C... doivent être écartés.

6. Enfin, il résulte des dispositions alors applicables de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative a la faculté d'imposer à tout étranger s'étant vu accorder un délai de départ volontaire pour quitter le territoire français, outre une obligation de résidence dans un lieu qu'elle désigne, une obligation de présentation et que cette mesure, qui ne se confond ni avec l'obligation de quitter le territoire français, ni avec la décision accordant un délai de départ volontaire, est une décision distincte, susceptible de recours. Au regard du pouvoir d'appréciation dont dispose, aux termes de la loi, l'autorité administrative pour apprécier la nécessité d'imposer une obligation de présentation sur le fondement de l'article L. 513-4, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste tant dans sa décision de recourir à cette mesure que dans le choix des modalités de celle-ci.

7. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en faisant obligation à M. C... de résider dans les limites du département de la Charente-Maritime jusqu'à son départ du territoire français et de se présenter deux fois par semaine auprès des services de police de La Rochelle à proximité de son domicile actuel, le préfet aurait porté une atteinte excessive au droit d'aller et venir de l'intéressé, notamment au regard de la poursuite de ses études, le requérant n'apportant d'ailleurs aucune précision sur ce point. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2022.

La rapporteure,

Charlotte B...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00090 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00090
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : MARQUES - MELCHY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-23;22bx00090 ?
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