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28/06/2022 | FRANCE | N°19BX03788

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 28 juin 2022, 19BX03788


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser la somme de 60 000 euros, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son absence d'affectation entre le 9 août 2002 et le 17 juillet 2015.

Par un jugement n° 1800249 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2019, Mme B..., représentée par Me Constant, dem

ande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser la somme de 60 000 euros, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son absence d'affectation entre le 9 août 2002 et le 17 juillet 2015.

Par un jugement n° 1800249 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2019, Mme B..., représentée par Me Constant, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 18 juin 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les postes de travail au ministère de la défense pouvant être affectés aussi bien à un fonctionnaire qu'à un non-fonctionnaire, elle ne pouvait rester sans affectation pendant treize ans ;

- le principe d'égalité a été méconnu ;

- durant cette même période, plusieurs fonctionnaires et ouvriers d'Etat ont été mutés en Martinique et les refus qui lui ont été opposés ne reposent pas sur des critères transparents ; elle a été victime d'une discrimination.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la prescription quadriennale fait obstacle à l'indemnisation du préjudice allégué pour la période antérieure à l'année 2013 ;

- aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... A...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée le 12 novembre 1990 par le ministère de la défense en qualité d'ouvrier de l'Etat et affectée jusqu'au 8 août 2002 à la direction centrale du matériel située à Versailles. Elle a bénéficié, à sa demande, d'un congé sans salaire à compter du 9 août 2002 pour suivre son conjoint gendarme affecté en Polynésie française. A la suite de l'affectation de ce dernier en Martinique à compter du 1er juillet 2005, Mme B... a demandé en vain sa réintégration à plusieurs reprises dans les services de la défense en Martinique, en présentant sa candidature à différents postes. Le 17 juillet 2015, elle a finalement été réintégrée au sein de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres et affectée comme agent de comptabilité finances au groupement de soutien de la base de défense aux Antilles. Mme B... a sollicité l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du retard mis par l'administration à la réintégrer. Saisi par l'intéressée, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 60 000 euros par un jugement du 18 juin 2019 dont Mme B... relève appel.

2. En premier lieu, les ouvriers du ministère de la défense n'ont pas la qualité de fonctionnaire. La loi du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui prévoit en son article 8, que des décrets en Conseil d'Etat portant statuts particuliers précisent les modalités d'application de ses dispositions, ne leur est pas applicable. Il résulte des dispositions du 60 de l'article 1er de la loi du 11 juin 1983 définissant les conditions dans lesquelles doivent être pourvus les emplois civils permanents de l'Etat qu'ils ne sont pas soumis aux règles fixées par cette loi, qui prévoit, en son article 5, qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat. Les décrets des 26 février 1897, 1er avril 1920 et 8 janvier 1936, qui ont fixé les statuts applicables à certaines catégories d'ouvriers du ministère de la défense, n'excluent pas que ces statuts puissent être complétés par des instructions prises par le ministre dans l'exercice du pouvoir qui lui appartient, en l'absence de toute disposition de loi ou de règlement en décidant autrement, de réglementer la situation des agents placés sous ses ordres.

3. Selon les dispositions de l'article 69 de l'instruction du 25 novembre 1994 relative à certains congés et absences rémunérés ou congés sans salaire dont peuvent bénéficier les ouvriers du ministère de la défense, figurant dans les dispositions communes applicables aux congés sans salaire : " (...) la réintégration de l'ouvrier, à ses groupe et échelon, est de droit : (...) b) dans un emploi correspondant à celui précédemment occupé ou dans un emploi similaire, si la durée de ce congé a été supérieure à six mois. Dans ce dernier cas, la réintégration n'est effective qu'à l'ouverture de la première vacance soit dans l'établissement d'origine, soit sur la même place ou, à défaut dans l'unité, l'établissement ou le service le plus proche. Ces dispositions s'appliquent quelle qu'ait été la durée de son congé à l'ouvrier dont l'établissement d'emploi a été restructuré ".

4. Il résulte de ces dispositions que le droit à réintégration à la première vacance dont bénéficie un ouvrier du ministère de la défense lorsque la durée de son congé sans salaire a été supérieure à six mois, s'il n'oblige pas l'administration à réintégrer l'intéressé dans le poste même qu'il occupait avant son congé et ne lui interdit pas non plus de s'opposer à sa demande de réintégration sur ce poste pour des motifs tirés des nécessités du service, lui impose en revanche d'examiner en priorité cette demande avant de statuer, le cas échéant, sur les demandes de mutation ou de détachement sur le même poste. Une telle priorité n'existe pour autant que la demande de réintégration concerne l'établissement d'origine ou la même place ou, à défaut, l'unité, l'établissement ou le service le plus proche.

5. Il résulte de l'instruction qu'avant la prise d'un congé sans salaire dont la durée a été supérieure à six mois, Mme B... était affectée, en qualité d'ouvrier de gestion des stocks et d'achat, à la direction centrale du matériel du ministère de la défense, située à Versailles. Elle ne pouvait par conséquent bénéficier du droit de priorité prévu par les dispositions précitées de l'article 69 de l'instruction du 25 novembre 1994 pour être réintégrée, ainsi qu'elle en a fait à plusieurs reprises la demande, dans les services du ministère de la défense en Martinique. Par ailleurs, la circonstance que la direction centrale du matériel dont Mme B... relevait jusqu'en 2002 a été supprimée en 2010 dans le cadre de la réorganisation des services de l'armée de terre ne lui a conféré aucune priorité pour une affectation en Martinique dès lors notamment que les personnels de cette direction ont été rattachés en conséquence à la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres.

6. En deuxième lieu, Mme B... soutient que le principe d'égalité a été méconnu dès lors que les fonctionnaires relevant du ministère des armées bénéficient de conditions plus avantageuses. Toutefois, à la supposée établie, cette différence de traitement ne peut être utilement invoquée dès lors qu'elle concerne des agents qui n'appartiennent pas à la même catégorie d'agents publics. Ainsi, le moyen tiré de la rupture d'égalité doit être écarté.

7. En dernier lieu, si Mme B... soutient que plusieurs ouvriers de l'Etat ont obtenu des postes en Martinique durant les dix années où elle s'est vu opposer des refus à ses candidatures, il ne résulte pas de l'instruction que le choix des candidats retenus aurait reposé sur des critères autres que le profil, les mérites et l'expérience et serait ainsi entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée en défense, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2022.

Le rapporteur,

Olivier A...

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX03788


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03788
Date de la décision : 28/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CONSTANT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-28;19bx03788 ?
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