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07/07/2022 | FRANCE | N°21BX00173

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 07 juillet 2022, 21BX00173


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Vent d'Ozon a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 15 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de Monthoiron a prescrit la révision allégée de son plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1902181 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 janvier 2021, 18 juin 2021, 27 octobre 2021, 31 janvier 2022, 7 mars 202

2 et 1er avril 2022, l'association Vent d'Ozon, représentée par Me Peyronne, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Vent d'Ozon a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 15 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de Monthoiron a prescrit la révision allégée de son plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1902181 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 janvier 2021, 18 juin 2021, 27 octobre 2021, 31 janvier 2022, 7 mars 2022 et 1er avril 2022, l'association Vent d'Ozon, représentée par Me Peyronne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 novembre 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Monthoiron du 15 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Monthoiron une somme de 3 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé faute de réponse aux moyens tirés de ce qu'un débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables était nécessaire et de ce qu'une note de synthèse aurait dû être adressée aux élus préalablement au vote en application du dernier alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ; ce dernier moyen n'a d'ailleurs pas été visé ;

- l'envoi d'une note de synthèse aux élus était obligatoire en vertu du dernier alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ; à supposer que le document préparatoire communiqué aux élus avant la séance du 15 juillet 2019 puisse s'analyser comme une note de synthèse, ce document était aussi lacunaire qu'imprécis ;

- la convocation des élus a été irrégulière dès lors que l'un des conseillers municipaux n'a pas été destinataire du mail de convocation du 11 juillet 2019 ;

- les élus n'ont pas été convoqués dans les délais légaux puisqu'ils ont été convoqués moins de trois jours francs avant la séance ;

- en ce qu'elles visent à permettre l'implantation d'éoliennes sur un territoire rural, les modifications du règlement de la zone N portent atteinte aux orientations du projet d'aménagement et de développement durables, ce qui faisait obstacle à la mise en œuvre d'une procédure de révision allégée en vertu de l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme ;

- la commune ne pouvait recourir à la révision allégée dès lors que la révision poursuit simultanément plusieurs objets relevant de l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme et non un seul.

Par des mémoires en intervention enregistrés les 20 avril 2021, 9 septembre 2021, 27 octobre 2021, 8 décembre 2021, 16 mars 2022 et 14 avril 2022 et présentés à l'appui de la requête, l'association Vent des Forts, représentée par Me Boudy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 novembre 2020 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Monthoiron du 15 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Monthoiron une somme de 2 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son intervention est recevable ;

- la société Parc éolien des Brandes d'Ozon Sud ne justifie pas de son intérêt à intervenir ;

- les élus n'ont pas été convoqués dans un délai de cinq jours francs avant la séance en méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;

- les élus n'ont pas été suffisamment informés préalablement à la séance de l'enjeu de la révision allégée du plan local d'urbanisme en méconnaissance des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;

- les modalités de la concertation définies par la délibération litigieuse sont insuffisantes pour permettre l'information du public au sens de l'article L. 103-4 du code de l'urbanisme ;

- la délibération est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle repose sur une version de l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme qui n'existe plus ;

- les modifications projetées portent à la fois sur la réduction d'une protection édictée en raison des risques de nuisances, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels et sur la réduction d'un espace naturel protégé en méconnaissance de l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme qui prévoit des objets alternatifs et non cumulatifs ;

- la commune a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en utilisant la procédure de révision allégée ;

- la révision envisagée va à l'encontre des objectifs poursuivis par le projet d'aménagement et de développement durables, en particulier ceux relatifs à la protection de la qualité du cadre de vie et à la préservation des espaces naturels, et fait donc obstacle à la mise en œuvre de la procédure de révision allégée en vertu de l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme ;

- la modification tendant à permettre la réalisation de constructions destinées à l'accueil des animaux est inutile puisque le règlement de la zone N le permet déjà en zone Ne ;

- les modifications projetées sont incompatibles avec les objectifs du schéma de cohérence territoriale ;

- la décision de la mission régionale d'autorité environnementale du 24 septembre 2020 obligeant la commune à soumettre le projet de révision à évaluation environnementale aurait dû être mise à l'ordre du jour de la séance du conseil municipal du 15 octobre 2020 et non à celle du 26 novembre 2020 et aurait dû être transmise au tribunal administratif ;

- les plaintes déposées contre plusieurs conseillers municipaux pour prise illégale d'intérêts démontrent l'illégalité des délibérations contestées en application de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- le projet ne respecte pas le SRADDET de Nouvelle-Aquitaine et le SCOT Seuil du Poitou.

Par des mémoires en intervention enregistrés les 10 mai 2021, 13 septembre 2021, 27 octobre 2021, 8 décembre 2021 et 22 février 2022, la société Parc éolien des Brandes de l'Ozon Sud, représentée par Me Gelas, demande que la cour rejette la requête de l'association Vent d'Ozon et que soit mise à la charge de l'association requérante et de l'association Vent des Forts une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de l'association Vent d'Ozon est irrecevable faute de justifier d'un intérêt à agir ;

- l'intervention de l'association Vent des Forts est irrecevable dès lors que son intervention doit être regardée comme un appel introduit hors délai et qu'elle ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'un défaut de motivation dès lors que le tribunal n'était pas tenu de répondre aux moyens de l'association requérante qui étaient inopérants ;

- l'erreur dans la mention de la version antérieure à la date de la délibération de l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme est sans incidence sur la légalité de la délibération ;

- la substitution de la version en vigueur de l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme aurait conduit le conseil municipal à adopter la même délibération ;

- le moyen tiré de l'incompatibilité avec le SCOT du Seuil-du-Poitou est inopérant dès lors qu'il n'était pas opposable à la date de la délibération litigieuse ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 avril 2021 et 17 mars 2022, la commune de Monthoiron, représentée par Me Brugière, conclut au rejet de la requête et à ce que soit à la mise à la charge de l'association Vent d'Ozon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2022.

Par une lettre du 15 juin 2022, la cour a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, invité la commune de Monthoiron à produire tout élément de preuve de la convocation de Mme Saint Gal, conseillère municipale, à la séance du 15 juillet 2019 au cours de laquelle la délibération litigieuse a été approuvée.

La commune de Monthoiron a produit, le 21 juin 2022, des pièces en réponse à la mesure d'instruction diligentée par la cour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Peyronne, représentant l'association Vent d'Ozon, de Me Nicaise, représentant la commune de Monthoiron et de Me Bressant, représentant la société Parc éolien des Brandes de l'Ozon Sud.

Une note en délibéré présentée par Me Gelas pour l'association Vent d'Ozon a été enregistrée le 1er juillet 2022.

Une note en délibéré présentée par Me Brugière pour la commune de Monthoiron a été enregistrée le 7 juillet 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 15 juillet 2019, le conseil municipal de Monthoiron a prescrit la révision allégée du plan local d'urbanisme de la commune sur le fondement de l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme. L'association Vent d'Ozon relève appel du jugement du 17 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur les interventions :

En ce qui concerne l'association Vent des Forts :

2. Lorsqu'un jugement opère une jonction de plusieurs instances, chacune des parties n'a qualité pour faire appel que de la partie du jugement se prononçant sur le litige dans lequel elle avait elle-même cette qualité de partie. La qualité de partie ne s'étend pas d'une instance à une autre par le seul fait que le juge les a jointes. Il ressort des pièces du dossier que l'association Vent des Forts n'a pas été partie dans l'instance introduite par l'association Vent d'Ozon devant le tribunal administratif de Poitiers sous le n° 1902181 à l'encontre de la délibération du conseil municipal de Monthoiron du 15 juillet 2019 prescrivant la révision allégée du plan local d'urbanisme. Même si l'association Vent des Forts a introduit devant le tribunal une instance n° 1902203 à l'encontre de la même délibération et que le tribunal administratif a décidé de joindre ces instances pour statuer par un même jugement, elle n'avait pas qualité pour faire appel du jugement en tant que le tribunal administratif a rejeté la demande de l'association Vent d'Ozon. Dans ces conditions, la société Parc Eolien des Brandes de l'Ozon Sud n'est pas fondée à soutenir que l'intervention de l'association Vent des Forts au soutien de l'appel formé par l'association Vent d'Ozon doit être regardée comme un appel et être rejetée comme tardive.

3. Il ressort des statuts de l'association Vent des Forts que celle-ci a pour but " la protection de l'environnement, du paysage du patrimoine et des monuments " dans un rayon de six kilomètres autour du siège social de l'association, sur les communes de Senillé-Saint-Sauveur, de Monthoiron et de Chenevelles, " la préservation de la santé des habitants de ces communes et des communes limitrophes " et " la préservation de la faune, de la flore et du cadre de vie ". Eu égard, d'une part, à l'objet de l'association et à son champ d'action territoriale qui sont précisément énoncés et délimités et, d'autre part, à la portée de la délibération attaquée, l'association justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué et de la délibération du 15 juillet 2019. Son intervention est recevable.

En ce qui concerne la société Parc éolien des Brandes de l'Ozon Sud :

4. Eu égard à la portée de la délibération litigieuse qui a notamment pour objet de " faire évoluer les règles d'urbanisme sur les parcelles du projet éolien des Brandes de l'Ozon Sud afin de lui permettre d'être réalisé ", la société Parc éolien des Brandes de l'Ozon Sud, en charge de la réalisation de ce projet éolien, a un intérêt suffisant au maintien du jugement attaqué et de la délibération du 15 juillet 2019. Son intervention est recevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. A l'appui de sa demande, l'association Vent d'Ozon soutenait notamment qu'un débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) était nécessaire. Toutefois, dans la mesure où le tribunal administratif a considéré que la commune de Monthoiron n'avait pas commis d'erreur en recourant à la procédure de révision allégée prévue à l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme, laquelle n'implique pas de débat sur le PADD, un tel moyen devenait inopérant. Par suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en ne se prononçant pas sur ce moyen inopérant.

6. A l'appui de sa demande, l'association soutenait également qu'une note de synthèse aurait dû être adressée aux élus préalablement au vote en application du dernier alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales selon lequel " Le présent article est également applicable aux communes de moins de 3 500 habitants lorsqu'une délibération porte sur une installation mentionnée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. ". Toutefois, la délibération litigieuse prescrivant la révision allégée du plan local d'urbanisme de Monthoiron ne porte pas sur une installation mentionnée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, donc les dispositions de l'article L. 2121-12, qui prévoient notamment l'envoi aux élus d'une note de synthèse, ne sont pas applicables. Par suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en ne se prononçant pas sur ce moyen inopérant, qui a néanmoins été analysé dans les visas du jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense à la demande de première instance :

7. L'intérêt à agir d'un requérant s'apprécie au regard de l'objet des dispositions qu'il attaque. La délibération du 15 juillet 2019, dont l'association Vent d'Ozon demande l'annulation, a pour objet, sur le fondement de l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme, de " faire évoluer les règles d'urbanisme sur les parcelles du projet éolien des Brandes de l'Ozon Sud afin de lui permettre d'être réalisé ", d'" amender le règlement de la zone N afin d'accueillir de nouvelles activités agricoles et autre (ex : centre équestre) " et de " compléter le règlement écrit de la zone N afin que les bâtiments d'habitation existants puissent faire l'objet d'extension ou d'annexe dans le cadre de l'article L. 151-12 du code de l'urbanisme ". En application du dernier alinéa de l'article L.153-35 du même code selon lequel " Les procédures nécessaires à une ou plusieurs révisions effectuées en application de l'article L. 153-34 peuvent être menées conjointement. ", le conseil municipal de Monthoiron doit être regardé comme ayant entendu mener conjointement trois procédures de révision allégée portant sur des objets différents. Ainsi, l'intérêt à agir de l'association Vent d'Ozon doit s'apprécier distinctement au regard de chacun des objets de ces trois procédures de révision allégée.

8. Il ressort des statuts de l'association requérante Vent d'Ozon que celle-ci a pour objet " de s'opposer, dans le respect de la Convention européenne du paysage, au projet éolien des Brandes de l'Ozon sur les communes de Senillé-Saint-Sauveur, Monthoiron et Chenevelles " afin de " préserver les paysages et les sites dans leur richesse écologique, respectant la biodiversité faune, flore, d'une part, notamment, à cause de la proximité de la zone Natura 2000 de Senillé des Carrières des Pieds Grimaud, site d'hivernage de nombreuses espèces de chauves-souris, et de celle du Bois des Forts au grand intérêt écologique, particulièrement concerné par " le projet ", d'autre part, à cause de la situation du Bois des Forts, site de transition " entre deux grands massifs forestiers, " de protéger les personnes quant à leur santé, leur cadre de vie, au nom du principe de précaution (nuisances sonores, production d'infra-sons, pollution lumineuse... ) ", " de protéger la qualité de l'habitat pour éviter la dépréciation immobilière ", " d'empêcher la co-visibilité du " projet " avec les bâtiments classés ou inscrits à 1'inventaire des monuments historiques " et " de préserver la pratique paisible locale des activités aériennes des sites existants à proximité" du projet ". Il est également prévu, au titre de ses moyens d'actions, qu'elle " effectuera toutes actions conformes à cet objet (à caractère juridique notamment) et toutes animations destinées à le faire connaître ". Eu égard, d'une part, à l'objet de l'association et à son champ d'action territoriale qui sont précisément énoncés et délimités et, d'autre part, à l'objet de la délibération contestée relatif au projet éolien des Brandes de l'Ozon Sud, l'association requérante justifie d'un intérêt pour agir contre la délibération du conseil municipal de Monthoiron du 15 juillet 2019 en tant qu'elle prescrit la révision allégée du plan local d'urbanisme en vue de " faire évoluer les règles d'urbanisme sur les parcelles du projet éolien des Brandes de l'Ozon Sud afin de lui permettre d'être réalisé ".

9. En revanche, l'objet social de l'association requérante se limitant à s'opposer au projet éolien des Brandes de l'Ozon, elle ne justifie pas d'un intérêt à contester les objets des deux autres procédures de révision allégée, divisibles du reste de la délibération, consistant à " amender le règlement de la zone N afin d'accueillir de nouvelles activités agricoles et autre (ex : centre équestre) " et à " compléter le règlement écrit de la zone N afin que les bâtiments d'habitation existants puissent faire l'objet d'extension ou d'annexe dans le cadre de l'article L. 151-12 du code de l'urbanisme ". Dans ces conditions, la demande présentée devant le tribunal administratif de Poitiers tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Monthoiron du 15 juillet 2019 était irrecevable en tant qu'elle concernait ces deux objets. Par suite, l'association Vent d'Ozon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la délibération litigieuse en tant qu'elle prescrit une révision allégée pour ces deux objets.

Sur la légalité de la délibération du 15 juillet 2019 en tant qu'elle prescrit la révision allégée du plan local d'urbanisme en vue de " faire évoluer les règles d'urbanisme sur les parcelles du projet éolien des Brandes de l'Ozon Sud afin de lui permettre d'être réalisé " :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est transmise de manière dématérialisée ou, si les conseillers municipaux en font la demande, adressée par écrit à leur domicile ou à une autre adresse. ". Aux termes de l'article L. 2121-11 du même code : " Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que les convocations aux réunions du conseil municipal doivent être envoyées aux conseillers municipaux de manière dématérialisée ou, s'ils en font expressément la demande, être adressées par écrit à leur domicile personnel ou à une autre adresse de leur choix, laquelle peut être la mairie, et qu'il doit être procédé à cet envoi dans un délai de trois jours francs avant la réunion. La méconnaissance de ces règles est de nature à entacher d'illégalité les délibérations prises par le conseil municipal alors même que les conseillers municipaux concernés auraient été présents ou représentés lors de la séance. Il ne peut en aller différemment que dans le cas où il est établi que les convocations irrégulièrement adressées ou distribuées sont effectivement parvenues à leurs destinataires trois jours francs au moins avant le jour de la réunion.

12. Si la délibération du conseil municipal de Monthoiron du 15 juillet 2019 mentionne que le conseil municipal a été " régulièrement convoqué ", une telle mention, en l'absence de précision notamment quant à la date de la convocation des élus, ne peut être regardée comme suffisamment précise pour faire foi. Il ressort des pièces du dossier que la convocation a été adressée par voie électronique le 11 juillet 2019 à seulement onze conseillers municipaux sur douze, qu'elle n'a pas été envoyée à Mme Saint Gal, conseillère municipale, laquelle n'était au demeurant pas présente à la séance du 15 juillet 2019 au cours de laquelle la délibération en cause a été approuvée. La commune de Monthoiron a produit une attestation en date du 17 juin 2022 dans laquelle M. D..., 2ème adjoint au maire à l'époque, certifie " avoir laissé le 11 juillet 2019 la convocation de la réunion du conseil municipal du 15 juillet 2019, dans la boîte aux lettres de Mme C... E... " à son domicile personnel. Toutefois, à supposer que cette attestation rédigée pour les besoins de la cause par une autre personne que Mme E... ait un caractère suffisamment probant, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée ait expressément demandé que les convocations lui soient adressées par écrit à son domicile personnel et, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette convocation aurait été effectivement reçue par Mme E... trois jours francs avant le jour de la séance. Dans ces conditions, l'association requérante est fondée à soutenir que l'absence de convocation effectivement reçue par Mme Saint-Gal, conseillère municipale, est de nature à entacher d'illégalité la délibération du 15 juillet 2019.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération litigieuse : " Dans le cadre de la révision du plan local d'urbanisme, le projet de révision arrêté fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 lorsque, sans qu'il soit porté atteinte aux orientations définies par le plan d'aménagement et de développement durables : / 1° La révision a uniquement pour objet de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière ; / 2° La révision a uniquement pour objet de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels ; / 3° La révision a uniquement pour objet de créer des orientations d'aménagement et de programmation valant création d'une zone d'aménagement concerté ; / 4° La révision est de nature à induire de graves risques de nuisance. / Le maire de la ou des communes intéressées par la révision est invité à participer à cet examen conjoint. ".

14. Le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) du plan local d'urbanisme de la commune de Monthoiron est divisé en deux axes consistant, d'une part, à poursuivre un processus de développement maîtrisé et, d'autre part, à assurer la protection des espaces naturels et des paysages. S'agissant du premier axe, sa mise en œuvre implique de limiter la consommation des espaces naturels et agricoles et favoriser l'émergence d'un bourg renforcé et le développement de l'habitat dans les interstices d'un bâti déjà en place. S'agissant du second axe, il s'inscrit dans une logique de préservation du patrimoine et de la qualité du cadre de vie qui implique " de ne pas laisser se disperser l'habitat " et, ainsi, de réduire les risques d'une banalisation des points de vue et d'une perte d'attrait de la commune. A ce titre, des protections complémentaires sont mises en œuvre pour maintenir l'environnement de l'habitat et concernent notamment certaines haies aux abords des sites construits et des éléments de paysage qui jouent un rôle fort dans la composition des perspectives.

15. La délibération contestée n'a ni pour objet ni pour effet d'autoriser l'implantation du projet éolien des Brandes de l'Ozon Sud. Les associations ne peuvent donc utilement opposer les caractéristiques propres aux éoliennes du projet des Brandes de l'Ozon Sud pour soutenir que la délibération porterait atteinte aux orientations du PADD. Toutefois, l'objectif de la révision allégée est de modifier le règlement du plan local d'urbanisme afin que celui-ci permette l'implantation d'éoliennes sur un secteur géographique correspondant aux parcelles du projet. Il ressort des pièces du dossier que le projet éolien des Brandes de l'Ozon Sud porte sur un premier groupe de parcelles situées au lieu-dit Poquetterie des Chaumettes d'une surface de 21 563 m2 (secteur BOS-1) et sur un second groupe de parcelles situées au lieu-dit Brocard d'une surface de 112 693 m2 (secteur BOS-2). Il ressort en particulier de l'étude d'impact du projet éolien des Brandes de l'Ozon Sud et de l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) du 7 octobre 2019, ce dernier étant postérieur à la délibération litigieuse mais caractérisant des faits antérieurs à cette délibération, que les secteurs BOS-1 et BOS-2, concernés par la révision allégée du plan local d'urbanisme envisagée, s'insèrent dans une topographie caractérisée par des plateaux - dont l'altitude varie entre 100 et 150 m - qui n'est perturbée que par le passage des vallées participant à la structuration du paysage (Vienne, Ozon, Gartempe, Anglin et Creuse). L'implantation d'éoliennes sur ces secteurs, quel que soit leur nombre, aura un impact paysager fort sur la Chapelle Saint-Médard d'Asnières et la Chapelle de Beauvais, monuments historiques, du fait de l'ouverture sur la vallée de l'Ozon qui offre un point de vue direct sur les secteurs d'implantation des éoliennes. De même, l'impact sera fort sur les lieux de vie situés dans un rayon de 4 kilomètres autour de ces secteurs, en particulier le bourg de Monthoiron situé à moins de 2 km du secteur BOS-2 ainsi que quelques hameaux dont celui de Villaray situé à moins de 1,5 km du secteur BOS-1 et celui de la Mauginerie situé à moins de 1 km du secteur BOS-2 et en relation visuelle directe avec celui-ci. Dans ces conditions, l'implantation d'éoliennes sur ces secteurs viendra nécessairement modifier les perspectives paysagères notamment depuis certains monuments historiques et impacter le cadre de vie des habitants du bourg de Monthoiron ainsi que des hameaux les plus proches de ces secteurs. La révision allégée du plan local d'urbanisme, telle que prescrite, porte donc atteinte à l'orientation du PADD tendant à la préservation des espaces naturels, des paysages, du patrimoine et de la qualité du cadre de vie, en méconnaissance de l'article L. 153-34 du code de l'urbanisme. Par suite, l'association requérante est fondée à soutenir que la commune de Monthoiron ne pouvait légalement recourir à la procédure de révision allégée et que la délibération contestée est entachée d'illégalité.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Vent d'Ozon est fondée à demander l'annulation de la délibération du 15 juillet 2019 en tant qu'elle prescrit une révision allégée en vue de " faire évoluer les règles d'urbanisme sur les parcelles du projet éolien des Brandes de l'Ozon Sud afin de lui permettre d'être réalisé ". Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder cette annulation. Par suite, l'association est fondée à soutenir que c'est à tort que, dans cette mesure, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la délibération en litige.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Vent d'Ozon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Monthoiron au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Monthoiron une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'association Vent d'Ozon et non compris dans les dépens. La société Parc éolien des Brandes de l'Ozon Sud, intervenante en défense, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association Vent d'Ozon et l'association Vent des Forts lui versent une somme au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. L'association Vent des Forts, intervenante à l'appui de la requête, n'a pas non plus la qualité de partie à l'instance. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font ainsi obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'elle présente sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Les interventions de l'association Vent des Forts et de la société Parc éolien des Brandes de l'Ozon Sud sont admises.

Article 2 : La délibération du conseil municipal de Monthoiron du 15 juillet 2019 est annulée en tant qu'elle prescrit une révision allégée en vue de " faire évoluer les règles d'urbanisme sur les parcelles du projet éolien des Brandes de l'Ozon Sud afin de lui permettre d'être réalisé ".

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 novembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Monthoiron versera à l'association Vent d'Ozon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Monthoiron, l'association Vent des Forts et la société Parc éolien des Brandes de l'Ozon Sud sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vent d'Ozon, à la commune de Monthoiron, à l'association Vent des Forts et à la société Parc éolien des Brandes de l'Ozon Sud.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

La rapporteure,

Laury B...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00173


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00173
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Laury MICHEL
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-07;21bx00173 ?
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