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07/07/2022 | FRANCE | N°21BX01421

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 07 juillet 2022, 21BX01421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n°2100110 du 21 janvier

2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n°2100110 du 21 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de Mme B....

Par un jugement n° 2100110 du 20 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2021 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 21BX01421, le 30 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Hay, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 21 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui restituer son passeport ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a procédé au renvoi des conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant la délivrance du titre de séjour en méconnaissance de l'article R. 776-17 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

- les décisions comprises dans l'arrêté contesté ne sont pas suffisamment motivées ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

En ce qui concerne la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- la décision méconnait les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale ;

En ce qui concerne la décision l'assignant à résidence :

- la décision est privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation à quitter le territoire français ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation du caractère de perspective raisonnable de son éloignement ;

- les modalités de l'assignation à résidence portent une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale dès lors qu'elle doit se présenter au commissariat trois matins par semaine à 8 heures avant d'emmener ses enfants à l'école.

Par un mémoire enregistré le 11 mai 2022, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par Mme B... ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 21BX03164, le 27 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Hay, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de délivrer le titre de séjour sollicité, dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

- la décision de refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire enregistré le 11 mai 2022, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de Mme D... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., née le 28 juin 1988, de nationalité nigériane, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 3 février 2010. Elle a déposé, le 2 avril 2010, une demande d'asile et a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Seine-Maritime de remise aux autorités italiennes le 9 juillet 2010. Le tribunal administratif de Rouen, dans un jugement du 23 juin 2011, a rejeté le recours de Mme B... à l'encontre de cet arrêté. A la suite de son interpellation par les services de police le 4 mars 2012, elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement par arrêté du préfet de la Vienne du 5 mars 2012, arrêté qui a fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir rejeté par un jugement du tribunal administratif de Melun du 9 mars 2012. Mme B... a déposé une nouvelle demande d'asile le 13 mars 2012 qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 mars 2012, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 juin 2012. A la suite de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, la préfète de la Vienne a, par un arrêté du 17 mai 2013, refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, arrêté qui a fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir rejeté par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 avril 2014. Mme B... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile le 24 mai 2013, qui a été rejeté par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 1er juin 2013. Elle a ensuite déposé une nouvelle demande de titre de séjour en raison de son état de santé le 19 janvier 2015 et s'est vue délivrer une autorisation provisoire de séjour délivrée pour une durée de six mois à compter du 20 janvier2016 ainsi qu'une carte de séjour temporaire valable du 24 avril 2017 au 23 avril 2018. Le 4 avril 2018, elle a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 10 janvier 2019, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. La demande d'annulation de cet arrêté a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 juillet 2019, jugement confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux par un arrêt du 19 mai 2020. Le 30 décembre 2019, Mme B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 15 janvier 2021, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, elle l'a été assignée à résidence. Par un jugement du 21 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de Mme B... dirigé contre les arrêtés du 15 janvier 2021. Par un jugement du 20 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2021 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par les deux requêtes n° 21BX01421 et 21BX03164, Mme B... relève appel de ces deux jugements.

2. Les requêtes nos 21BX01421 et 21BX03164 concernent la situation d'une même personne et présentent à juger des questions semblables. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement du 21 janvier 2021 :

3. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. (...) / L'étranger faisant l'objet d'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 peut, dans le même délai, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision. Les décisions mentionnées au premier alinéa du présent III peuvent être contestées dans le même recours lorsqu'elles sont notifiées avec la décision d'assignation. / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours (...) ".

4. En application de ces dispositions, il n'appartient pas au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de se prononcer sur les conclusions tendant à l'annulation d'un refus de titre de séjour dont il est saisi. Dès lors, c'est à bon droit que le magistrat désigné a renvoyé les conclusions de Mme B... aux fins d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour devant la formation collégiale du tribunal administratif de Poitiers. En revanche, le magistrat désigné était tenu de répondre, ce qu'il a fait, au moyen soulevé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision assignant Mme B... à résidence, et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour. Contrairement à ce que soutient Mme B..., les dispositions de l'article R. 776-17 du code de justice administrative qui concerne les cas dans lesquels l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence après avoir introduit un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire ou après avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle en vue de l'introduction d'un tel recours, ne s'appliquent pas en l'espèce. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement du 21 janvier 2021 est entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 janvier 2021 portant refus de titre de séjour obligeant Mme B... à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

5. L'arrêté en litige comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il mentionne les conditions d'entrée et de séjour en France de Mme B..., l'ensemble des arrêtés dont elle a fait l'objet, ainsi que les motifs du refus de délivrance d'un titre de séjour. Il précise notamment que l'intéressée est entrée irrégulièrement sur le territoire français et que malgré plusieurs arrêtés de refus de titre de séjour assortis de mesures d'éloignement pris à son encontre, elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire. En outre, la préfète précise que, bien qu'elle soit en France depuis plus de dix ans, son intégration et son insertion professionnelle et sociale dans la société française ne sont pas démontrées et que si l'intéressée a déclaré être en concubinage et avoir eu deux enfants issus de cette relation en 2016 et en 2018, son concubin est en situation irrégulière et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 10 janvier 2019. Elle conclut que, en l'absence de liens personnels et familiaux particulièrement intenses, anciens et stables en France, les décisions contenues dans cet arrêté ne portent pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Enfin contrairement à ce que soutient l'appelante, l'arrêté mentionne le risque d'excision de sa fille en cas de retour au Nigéria comme étant l'un des motifs de l'avis favorable de la commission du titre de séjour et indique que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté en litige, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'appelante, est suffisamment motivé.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la motivation de l'arrêté que la préfète de la Vienne s'est livrée à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressée.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, depuis son entrée irrégulière en France le 3 février 2010, Mme B... se maintient sur le territoire français en dépit de plusieurs mesures d'éloignement prises à son encontre, les 9 juillet 2010, 5 mars 2012, 17 mai 2013 et 10 janvier 2019. Elle soutient qu'elle est intégrée en France dès lors qu'elle parle et écrit le français et produit à cette fin des attestations du Secours catholique de Poitiers relative à son inscription à des séances d'apprentissage du français de juillet 2013 à juin 2015, de l'association Toit du monde concernant le suivi d'une formation du 4 janvier au 7 avril 2016 et de l'association Audacia s'agissant de cours depuis le 8 février 2021. Elle fait valoir qu'elle n'a pu travailler en raison de sa situation administrative et qu'elle a participé à un atelier afin d'être conseillée dans ses démarches d'emploi, ainsi qu'en atteste un rapport social établi par l'association Audacia, et a présenté des candidatures. Il ne ressort pas de ces éléments, ni d'aucune autre pièce du dossier que Mme B... serait particulièrement bien intégrée dans la société française. L'attestation de l'association L'Eveil du 17 novembre 2021 indiquant la qualité de bénévole de Mme B... depuis avril 2021 n'a pas d'incidence sur la légalité de la décision qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été édictée. Par ailleurs, si l'appelante se prévaut de la naissance en France de ses deux enfants en 2016 et 2018, de la scolarisation de sa fille née en 2016 en classe de moyenne section à l'école maternelle au titre de l'année 2020-2021, et de la présence de sa sœur en France, elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident sa mère, ses deux frères et son concubin, dont il n'est pas contesté qu'il est de nationale nigériane, est en situation irrégulière et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 10 janvier 2019. Enfin, alors qu'elle n'a pas demandé de titre de séjour en qualité d'étranger malade à la suite de l'arrêté du 10 janvier 2019 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour sur ce fondement, la seule production d'un certificat médical du 7 septembre 2020 établi par un médecin généraliste qui indique que l'appelante présente une anémie ferriprive, une gastrite et des crises convulsives tonico-clonique généralisées en 2014, ne permet pas de tenir pour établi qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la préfète de la Vienne n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs du refus. Par suite, la préfète n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées. Elle n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale, constituée de Mme B..., de son concubin de nationalité nigériane et de leurs deux enfants nés en 2016 et 2018, ne puisse se reconstituer hors de France et notamment au Nigéria, ni que les enfants ne pourraient y suivre une scolarité normale. En outre, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des risques encourus dans son pays d'origine à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire qui ne fixe pas le pays de destination. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3-1 précité de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement les 9 juillet 2010, 5 mars 2012, 17 mai 2013 et 10 janvier 2019 qu'elle n'a pas exécutées. Par suite, l'appelante entre dans le champ d'application du d) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Alors même que Mme B... était titulaire de récépissés dans l'attente de l'instruction de ces multiples demandes de titre de séjour, la préfète de la Vienne n'a pas fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

13. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) ".

14. Mme B... a fait l'objet de quatre précédentes mesures d'éloignement en 2010, 2012, 2013 et 2019, qui sont restées inexécutées. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 8, Mme B... ne justifie pas avoir tissé des liens particuliers en France en dehors de sa cellule familiale, les documents produits ne suffisant pas à démontrer son intégration et son insertion durable dans la société française. En outre, la seule circonstance qu'elle se soit maintenue en France pendant plus de dix ans ne suffit pas à caractériser une circonstance humanitaire susceptible de justifier que la préfète de la Vienne ne prononce pas une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Dans ces conditions, et bien qu'elle ne représente pas une menace pour l'ordre public, l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an prononcée à son encontre n'est pas disproportionnée.

Sur l'arrêté du 15 janvier 2021 assignant Mme B... à résidence :

15. Pour les motifs précédemment exposés, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'assignant à résidence serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour prise à son encontre et de la décision l'obligeant à quitter le territoire.

16. Mme B... se borne à reprendre en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif sur ce point, les moyens tirés de l'erreur manifeste dans l'appréciation du caractère de perspective raisonnable de son éloignement et de l'atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale eu égard aux modalités de l'assignation à résidence. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

La rapporteure,

Nathalie A...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX01421, 21BX03164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01421
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : HAY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-07;21bx01421 ?
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