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13/07/2022 | FRANCE | N°21BX01492

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 13 juillet 2022, 21BX01492


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 29 janvier 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle littoral de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a autorisé la société Ford Aquitaine Industries à le licencier.

Par un jugement n° 2001281 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 29 janvier 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle littoral de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a autorisé la société Ford Aquitaine Industries à le licencier.

Par un jugement n° 2001281 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2021, M. A..., représenté par Me Brun, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 29 janvier 2020 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ;

3°) par motifs substitués, de refuser la demande d'autorisation de procéder à son licenciement pour motif économique ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement sur les moyens de légalité externe soulevés ;

- l'inspecteur du travail a omis de se prononcer sur le respect par l'employeur de son obligation conventionnelle de reclassement externe en méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 22 septembre 2017 ;

- la décision ne vise pas les dispositions de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi ;

- la cessation totale et définitive de l'activité de la société Ford Aquitaine Industries ne constitue pas un motif de licenciement en l'absence de difficultés économiques, de mutations technologiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; il n'existait en l'espèce aucune cause économique nécessaire à la cessation d'activité, qui n'était motivée que par la recherche d'une plus grande profitabilité ; c'est de manière abusive et en méconnaissance du droit constitutionnel à l'emploi que la société FAI n'a pas donné suite à la proposition de reprise de l'établissement par la société Punch Motive International ;

- les articles L. 1233-2 et L. 1235-3 du code du travail sont inconventionnels dès lors qu'ils méconnaissent le préambule et les articles 4 et 9, 3ème alinéa de la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail et l'article 24 de la charte sociale européenne ;

- aucune recherche sérieuse et personnalisée de reclassement n'a été effectuée et ce en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

- aucune recherche de reclassement externe n'a été effectuée ; l'information de la commission paritaire régionale de l'emploi et de la formation professionnelle de la métallurgie en vue de permettre son reclassement externe n'a pas été personnalisée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2021, la société Ford Aquitaine Industries, représentée par Me Guertault, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... des entiers dépens. Elle demande, en outre, à la cour, dans le cas où l'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail serait annulée, d'enjoindre à cette autorité de se prononcer à nouveau sur cette autorisation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Elle fait valoir que :

- il n'appartient qu'à l'inspecteur du travail de prendre une décision sur la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, la cour est ainsi " incompétente " pour refuser la demande d'autorisation de licenciement ;

- aucun des moyens invoqués par M. A... n'est fondé.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son préambule ;

- la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail (OIT) ratifiée par la République française le 16 mars 1989 et entrée en vigueur le 16 mars 1990 ;

- la charte sociale européenne ;

- le code du travail ;

- l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi ;

- l'accord national du 23 septembre 2016 relatif à l'emploi dans la métallurgie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ford Aquitaine Industries (FAI), spécialisée dans la production des transmissions automatiques, appartient au groupe Ford dont l'activité est la conception, la fabrication et la vente de véhicules. Le 8 juin 2018, la société FAI a initié une procédure d'information et de consultation des représentants du personnel sur un projet de licenciement collectif pour motif économique de ses 872 salariés à la suite de la cessation complète et définitive d'activité de son unique site de production en France, situé à Blanquefort (Gironde). A la suite d'un premier refus du 28 janvier 2019, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a homologué, le 4 mars 2019, le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi. M. A..., qui a été engagé par la société FAI par un contrat à durée indéterminée prenant effet au 11 octobre 2000, y a exercé en dernier lieu les fonctions de responsable machine outils et était par ailleurs membre du comité social et économique élu le 11 avril 2019. Après avis de ce comité, la société FAI a sollicité, le 3 décembre 2019, l'autorisation de licencier ce salarié protégé. Par une décision du 29 janvier 2020, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle littoral de l'unité départementale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine a autorisé le licenciement de M. A....

2. Par un jugement du 11 février 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 29 janvier 2020. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité :

3. Il n'appartient pas au juge administratif, même dans le cas où une décision de refus d'autorisation de licenciement serait annulée, d'autoriser ou de refuser le licenciement d'un salarié protégé. De telles conclusions sont irrecevables et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. L'appelant soutient que le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement s'agissant de la réponse qu'il a apportée aux moyens de légalité externe soulevés à l'appui de sa contestation de la décision en litige. Il ressort cependant du point 2 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, ont suffisamment motivé leur jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que ledit jugement est entaché d'irrégularité pour ce motif doit être écarté.

Sur la légalité de la décision du 29 janvier 2020 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement :

En ce qui concerne la motivation de la décision de l'inspecteur du travail :

5. Aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ".

6. M. A... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision du 29 janvier 2020 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement serait insuffisamment motivée en ce qui concerne l'obligation conventionnelle de reclassement et en tant qu'elle ne vise pas l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi.

7. D'une part, une omission ou une erreur dans les visas d'un acte administratif ne sont pas de nature à en affecter la légalité. Dès lors, la circonstance que la décision du 29 janvier 2020 de l'inspecteur du travail ne vise pas l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi, est sans incidence sur sa légalité. D'autre part, il ressort non seulement des visas de la décision en litige, lesquels mentionnent la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques et connexes (Landes et Gironde) et l'accord de branche relatif à l'emploi du 23 septembre 2016 ainsi que le courrier d'information adressé par l'employeur à la commission paritaire régionale de l'emploi et de la formation professionnelle de la métallurgie, mais également des motifs de cette décision en ses points 13 et 14, que l'inspecteur du travail a satisfait l'exigence de motivation requise en ce qui concerne l'obligation conventionnelle de reclassement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.

En ce qui concerne le motif économique du licenciement :

8. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire. Il ne lui appartient pas, en revanche, de rechercher si cette cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causés cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi leur activité ne fait pas obstacle à ce que la cessation de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive.

9. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-2 du code du travail : " Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. / Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. ". Aux termes de l'article L. 1233-3 du même code : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : / (...) / 4° A la cessation d'activité de l'entreprise. / La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. (...) ".

10. D'une part, il ressort des termes de la décision du 29 janvier 2020 que, pour estimer que le motif économique du licenciement de M. A... était établi, l'inspecteur du travail s'est fondé sur la cessation d'activité de l'entreprise prévue au 4° des dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail cité au point précédent. Il est constant que la société FAI a cessé toute activité le 24 juillet 2019 en raison de l'absence d'allocation de volumes de production suffisants. Par suite, en considérant que la cessation d'activité de la société FAI était totale et définitive, l'inspecteur du travail, qui n'avait pas à rechercher si une activité de même nature s'était poursuivie dans d'autres entreprises du groupe, n'a pas commis d'erreur de droit.

11. D'autre part, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, il n'appartient pas à l'inspecteur du travail de rechercher si la cessation d'activité de cette entreprise, dont il est constant qu'elle est totale et définitive, était justifiée par des difficultés économiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe auquel elle appartient, ni d'apprécier l'éventuelle faute ou légèreté blâmable de l'employeur, ni d'apprécier les choix de gestion ou stratégiques du groupe, mais uniquement de se prononcer sur le caractère définitif de la cessation d'activité, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causé cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail. Dès lors, la cessation d'activité de l'entreprise constituant un motif de licenciement autonome, M. A... ne saurait utilement soutenir que c'est de manière abusive et en méconnaissance du droit constitutionnel à l'emploi que la société Ford n'a pas donné suite à la proposition de reprise présentée par la société Punch Motive international.

12. En second lieu, si M. A... reprend en appel le moyen tiré de l'inconventionnalité des dispositions des articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail au regard du préambule et des articles 4 et 9, 3ème alinéa de la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail ainsi qu'au regard de l'article 24 de la charte sociale européenne, il ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance. Il y a lieu, par suite, pour la cour, d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne l'obligation de reclassement :

S'agissant de l'obligation de reclassement interne :

13. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".

14. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à l'obligation qu'elles posent, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises du groupe, au sens des articles L. 233-1, L. 233-3 I et II et L. 233-16 du code de commerce, auquel il appartient et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

15. Il ressort des pièces du dossier que le groupe Ford est constitué sur le territoire national de quatre sociétés : la société FAI qui est l'unique site de production du groupe ; la société FMC France qui est une holding qui n'emploie aucun salarié ; la société Immoford qui exerce une activité de gestion de biens immobiliers qui n'emploie aucun salarié et la société FMC Automobile qui exerce une activité liée à la vente de véhicules. Il en résulte qu'à la suite de la fermeture de la société FAI, aucune offre de reclassement sur un emploi équivalent au sien n'a pu être proposée à M. A.... Par ailleurs, il ressort de ces mêmes pièces que la société FAI a adressé à la société FMC automobiles, par courriels du 28 mars, du 13 juin, du 10 juillet et du 19 novembre 2019, des demandes portant sur l'existence éventuelle de postes disponibles correspondant aux compétences de l'intéressé, auxquelles il a été répondu par la négative. Par suite, quand bien même aucune offre de reclassement n'a pu être proposée à M. A..., le moyen opérant tiré de la méconnaissance par l'employeur de l'obligation de reclassement interne ne peut qu'être écarté, ainsi que l'a pertinemment jugé le tribunal.

S'agissant de l'obligation de reclassement conventionnelle :

16. D'une part, aux termes des stipulations de l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 sur la sécurité de l'emploi, relatif aux attributions de la Commission paritaire de l'emploi : " (...) si un licenciement collectif d'ordre économique pose des problèmes de reclassement non résolus au niveau de l'entreprise, les Commissions paritaires de l'emploi compétentes seront saisies dans les conditions prévues à l'article 15 ci-après. (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 15 auquel cet article renvoie : " Si des licenciements collectifs pour motif économique n'ont pu être évités et posent un problème de reclassement, les organisations syndicales d'employeurs et de salariés visées à l'article 14 ou les commissions paritaires de l'emploi compétentes pourront être saisies : - soit d'un commun accord entre la direction et le comité d'entreprise ou d'établissement, - soit lorsque le licenciement portera sur plus de 10 salariés occupés dans le même établissement (ce chiffre étant éventuellement calculé sur une période de 30 jours) ". Il résulte de la combinaison des articles 5, 14 et 15 de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 que la saisine des commissions paritaires de l'emploi compétentes a un caractère obligatoire lorsque le projet de licenciement collectif pour motif économique porte sur plus de dix salariés.

17. D'autre part, dès lors que les stipulations de l'article 28 de l'accord national du 12 juin 1987 sur les problèmes généraux de l'emploi, invoquées par le requérant, ont été abrogées par celles de l'article 26 de l'accord national du 23 septembre 2016 relatif à l'emploi dans la métallurgie, dont les dispositions ont, par arrêté du 28 avril 2017, été rendues obligatoires à tous les employeurs et salariés compris dans son propre champ d'application, M. A... doit être regardé comme se prévalant des dispositions de l'article 16.2 de l'accord du 23 septembre 2016, aux termes desquelles : " Les entreprises qui envisagent le licenciement pour motif économique d'au moins 10 salariés en informent la ou les CRPEFP concernés ".

18. Il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si les règles de procédure d'origine conventionnelle préalables à sa saisine ont été observées.

19. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 28 juin 2018, la société FAI a saisi la commission paritaire régionale de l'emploi et de la formation professionnelle des industries métallurgiques de Nouvelle-Aquitaine du projet de licenciement collectif portant sur 872 postes de travail. Cette lettre mentionne la cessation complète et définitive de l'activité de l'entreprise, le nombre de salariés licenciés, les démarches effectuées et la volonté de trouver des solutions de reclassement. La société FAI a également joint à ce courrier la liste des catégories professionnelles concernées et un profil succinct des métiers existants au sein de cette entreprise. Ni les dispositions de l'article 16.2 de l'accord national du 23 septembre 2016, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposait d'assortir cette lettre de l'indication du profil personnalisé des salariés concernés par le projet de licenciement. Ainsi, comme l'a pertinemment jugé le tribunal, le moyen tiré de ce que l'employeur n'aurait pas satisfait à son obligation conventionnelle de reclassement doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société FAI qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens, la demande de paiement présentée à ce titre par la société FAI ne peut qu'être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société FAI tendant au paiement des dépens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la société Ford Aquitaine Industries.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2022.

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Olivier Cotte

La présidente-rapporteure,

Karine B...

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX01492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01492
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET BRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-13;21bx01492 ?
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