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22/09/2022 | FRANCE | N°21BX00454

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 22 septembre 2022, 21BX00454


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme B... D... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 7 mars 2019 portant approbation de la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Belin-Beliet en tant que cette délibération classe en zones NF et NP les parcelles cadastrées BO 84, BO 85 et BO 86 leur appartenant ainsi que la décision implicite par laquelle la communauté de communes du Val de l'Eyre a rejeté leur demande tendant à l'abrogation, dans cette mesure, de cette d

libération.

Par un jugement n° 1905298 du 10 décembre 2020, le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme B... D... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 7 mars 2019 portant approbation de la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Belin-Beliet en tant que cette délibération classe en zones NF et NP les parcelles cadastrées BO 84, BO 85 et BO 86 leur appartenant ainsi que la décision implicite par laquelle la communauté de communes du Val de l'Eyre a rejeté leur demande tendant à l'abrogation, dans cette mesure, de cette délibération.

Par un jugement n° 1905298 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 février 2021 et le 19 mai 2022, M. D... et Mme A..., représentés par Me Ferrant, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération du 7 mars 2019 et la décision de rejet de leur demande d'abrogation de cette délibération en tant qu'elle a classé les parcelles BO 84 et BO 85 en zone NF et la parcelle BO 86 en zone NP ;

3°) d'abroger la délibération du 7 mars 2019 en tant qu'elle a classé les parcelles BO 84 et BO 85 en zone NF et la parcelle BO 86 en zone NP ;

4°) d'enjoindre au président de la communauté de communes du Val de l'Eyre d'abroger le plan local d'urbanisme de Belin-Beliet en tant qu'il classe les parcelles BO 84 et BO 85 en zone NF et la parcelle BO 86 en zone NP et de les classer en zone urbaine, dans un délai d'un mois sous astreinte de 60 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire de réexaminer leur classement ;

5°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Val de l'Eyre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande de première instance était recevable;

- le classement de ces parcelles est entaché d'erreur manifeste d'appréciation;

- ce classement n'est pas justifié au regard du règlement du plan local d'urbanisme ;

- il est incompatible avec le rapport de présentation du plan local d'urbanisme ;

- il n'est pas compatible avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables ;

- les caractéristiques de leurs parcelles justifient un classement en zone urbaine.

Par des mémoires en défense enregistrés le 21 avril 2022 et le 29 mai 2022, la communauté de commune du Val de l'Eyre, représentée par Me Laveissière, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... et Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 7 mars 2019 sont tardives;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... F...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- les observations de Me Bonis, représentant M. D... et Mme A... et de Me Laveissière, représentant la communauté de communes du Val de l'Eyre.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme D... épouse A..., propriétaires des parcelles cadastrées BO 84, BO 85 et BO 86 situées sur le territoire de la commune de Belin-Beliet, ont demandé, par un courrier reçu le 2 juillet 2019, l'abrogation du plan local d'urbanisme de Belin-Beliet, adopté par la délibération du 7 mars 2019 du conseil de la communauté de communes du Val de l'Eyre, en tant qu'il classe ces parcelles en zone NF et NP. Ils ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cette délibération ainsi que la décision par laquelle leur demande a été implicitement rejetée. Ils relèvent appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté cette demande.

2. En vertu des dispositions de l'article L.243-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date.

3. Aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable en l'espèce : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants :1° L'équilibre entre : a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ;b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ;c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ;(...) ". Aux termes de l'article L. 151-1 de ce code : " Le plan local d'urbanisme respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. /Il est compatible avec les documents énumérés à l'article L. 131-4 et prend en compte ceux énumérés à l'article L. 131-5. " L'article L. 151-8 de ce code prévoit que " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Et l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, applicable aux plans locaux d'urbanisme dont la révision a été engagée avant le 1er janvier 2016 en vertu de l'article 12 du décret susvisé du 28 décembre 2015 précise que " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. (...) ".

4. D'une part, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan local d'urbanisme, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

5. D'autre part, pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont défini dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

6. En premier lieu, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme de la commune de Belin-Beliet définit la zone NF comme une " zone de protection des espaces forestiers et sylvicoles, tels que déclinés dans le projet d'aménagement et de développement durables et qui englobe l'ensemble de la forêt de pins du plateau landais ". Il ressort des pièces du dossier que les parcelles BO 84 et BO 85 dont les requérants contestent le classement en zone NF sont restées à l'état naturel et sont composées de fourrés et de boisements de pins et de feuillus. Elles se trouvent en périphérie de la zone sud du bourg de Belin, sont majoritairement entourées de parcelles non construites et s'ouvrent sur trois côtés sur de vastes espaces forestiers et sylvicoles. La seule parcelle bâtie attenante à la parcelle BO 84, d'une superficie de près de 23 000 m2, ne la jouxte que sur 60 mètres au sud-est et la parcelle bâtie située au nord de la parcelle BO 85 en est séparée par une route. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le plan local d'urbanisme ne limite pas le classement en zone NF aux parcelles faisant l'objet d'une exploitation sylvicole, soumises à des risques naturels ou présentant des caractéristiques justifiant une protection spécifique, et la circonstance que les parcelles seraient desservies par les réseaux ne fait pas obstacle, par elle-même, à un tel classement. Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme, qui recense les parcelles en litige comme appartenant aux espaces de forêts de pins maritimes et boisements mixtes pins/chênes, affirme la volonté de la commune de " maîtriser son développement démographique avec un resserrement de son urbanisation autour du centre bourg, au sein des secteurs de densification et capacités d'urbanisation inclus au sein des zones déjà urbanisées " et de réduire l'enveloppe urbanisable de plus de 270 ha au profit des zones agricoles et naturelles. Il propose, au titre des objectifs de modération de la consommation des espaces et de lutte contre l'étalement urbain, de réduire la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, à hauteur de 20% au moins dans l'enveloppe urbaine multifonctionnelle et il précise, s'agissant de la limitation de l'étalement urbain, que les capacités d'urbanisation pour l'habitat multifonctionnel au sein de l'enveloppe urbaine 2030 sont réduites d'environ 50% par rapport au précédent plan local d'urbanisme et que le développement urbain futur à l'horizon 2030 devra s'inscrire dans l'enveloppe urbaine maximum qu'il définit, en priorisant la densification de l'enveloppe urbaine existante avant de prévoir d'éventuelles extensions. Dans ces conditions, alors qu'au regard de leur taille ces parcelles ne peuvent être regardées comme constituant des dents creuses, les moyens tirés de ce que leur classement en zone NF serait entaché d'erreur de fait, d'erreur manifeste d'appréciation et de contradiction avec le rapport de présentation doivent être écartés.

7. En deuxième lieu, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme de la commune de Belin-Beliet définit la zone NP comme une " zone de protection des espaces à caractère naturel qui constituent des milieux d'intérêt pour l'accueil de la biodiversité, pour les continuités écologiques terrestres ou aquatiques, pour les continuités hydrauliques, tels que déclinés dans le projet d'aménagement et de développement durables ". Il précise que " les choix de délimitation de la zone NP sont ainsi calés de manière à intégrer (...) les forêts galeries en bord des cours d'eau / Ripisylves (10m) ". Il ressort des pièces du dossier que la parcelle BO 86 se trouve au bord du ruisseau Toutin, est recensée en tant que forêt galerie de bord de cours d'eau dans la carte des milieux naturels du rapport de présentation et se situe sur un corridor prairial important pour la Chevêche d'Athéna, recensée par la carte des continuités terrestres de la trame verte et bleue. Au vu de ses caractéristiques et du contenu du rapport de présentation rappelé au point précédent, les moyens tirés de ce que le classement de cette parcelle en zone NP serait entaché d'erreur de fait, d'erreur manifeste d'appréciation et de contradiction avec le rapport de présentation doivent être écartés.

8. En troisième lieu, le projet d'aménagement et de développement durables retient, au titre des orientations en matière de paysage et de cadre de vie, de " promouvoir le caractère identitaire de la pinède et des espaces forestiers comme paysage emblématique et de l'identité locale : forêt de production, " coupure d'urbanisation ", cadre de vie " et fixe, dans les orientations en matière d'aménagement, d'équipement et d'urbanisme, des objectifs chiffrés de modération de la consommation d'espace et de lutte contre l'étalement urbain. Dans ce cadre, il projette de " réduire la consommation d'espace dédié à l'urbanisation par rapport à la décennie passée en réduisant la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, à hauteur de 20% au moins dans l'enveloppe urbaine multifonctionnelle ", de " lutter contre l'étalement urbain et développer un modèle urbain économe en ressource en définissant une enveloppe urbaine maximum dans laquelle le développement urbain futur à l'horizon 2030 devra s'inscrire " et de prioriser la densification de l'enveloppe urbaine existante avant de prévoir d'éventuelles extensions. Au vu de ces objectifs et des moyens retenus pour les réaliser, la seule circonstance que les parcelles litigieuses seraient incluses dans l'enveloppe urbaine maximale fixée à l'horizon 2030 n'est pas de nature à faire regarder leur classement en zone NF et NP comme injustifié et incohérent au regard du projet d'aménagement et de développement durables dès lors qu'il s'agit d'un potentiel maximal d'urbanisation, qui doit être apprécié au regard des besoins de construction retenus par la collectivité et que le projet d'aménagement et de développement durables priorise la densification de l'enveloppe urbaine existante avant de prévoir d'éventuelles extensions. Dans ce contexte, la circonstance que les parcelles appartenant à M. D... et Mme A... ne font pas partie des coupures d'urbanisation ou des espaces prairiaux et boisements de feuillus recensés, dont la protection fait partie des objectifs du projet d'aménagement et de développement durables au titre des orientations pour la protection des espaces naturels, n'est pas davantage de nature à faire regarder ce classement comme constituant une incohérence au regard de ce projet.

9. Enfin, dans la mesure où le classement retenu ne repose pas, comme en l'espèce, sur une appréciation manifestement erronée, la circonstance que les caractéristiques des parcelles appartenant à M. D... et à Mme A... auraient pu justifier un classement en zone urbanisée n'est pas de nature à le faire regarder comme entaché d'illégalité.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 qu'en l'absence d'illégalité du classement des parcelles en litige en zone NF et NP, le président de la communauté de commune du Val de l'Eyre n'était pas tenu de faire droit à la demande d'abrogation présentée par M. D... et Mme A....

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes du Val de l'Eyre, que M. D... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Leur requête d'appel doit, par suite, être rejetée y compris leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... et Mme A..., qui sont les parties perdantes dans la présente instance, le versement d'une somme globale de 1 500 euros à la communauté de communes du Val de l'Eyre au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... et Mme A... est rejetée.

Article 2 : M. D... et Mme A... verseront une somme globale de 1 500 euros à la communauté de communes du Val de l'Eyre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme B... A... et à la communauté de communes du Val de l'Eyre.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 septembre 2022.

La rapporteure,

Christelle F...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00454 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00454
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET FERRANT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-09-22;21bx00454 ?
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