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06/10/2022 | FRANCE | N°20BX03208

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 06 octobre 2022, 20BX03208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fort-de-France a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération n° 19-211-1 du 21 mai 2019, par laquelle l'assemblée de Martinique a retiré les délibérations n° CP / 1375-04 du 16 décembre 2004 et n° CP / 1044 du 19 novembre 2015 du conseil général de la Martinique, a autorisé la résiliation de la convention du 11 février 2005, relative à la mise à disposition de l'ancien palais de justice à la commune de Fort-de-France, et a abandonné le principe de l

a cession du même immeuble à la commune.

Par un jugement n°1900491 du 25 juin 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fort-de-France a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération n° 19-211-1 du 21 mai 2019, par laquelle l'assemblée de Martinique a retiré les délibérations n° CP / 1375-04 du 16 décembre 2004 et n° CP / 1044 du 19 novembre 2015 du conseil général de la Martinique, a autorisé la résiliation de la convention du 11 février 2005, relative à la mise à disposition de l'ancien palais de justice à la commune de Fort-de-France, et a abandonné le principe de la cession du même immeuble à la commune.

Par un jugement n°1900491 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2020, la commune de Fort-de-France représentée par Me Nicolas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2020 ;

2°) d'annuler la délibération du 21 mai 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Martinique une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'impossibilité de retirer un acte individuel créateur de droit plus de 15 ans après son édiction ;

- la délibération du 16 décembre 2004 qui autorisait la cession d'une dépendance du domaine privé est un acte individuel qui a créé des droits à son profit et ne pouvait être retirée au-delà d'un délai de 4 mois.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2020, la collectivité territoriale de Martinique, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la commune de Fort-de-France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence de critique du raisonnement du premier juge le moyen tiré de l'appartenance au domaine privé est irrecevable ;

- la demande de première instance était irrecevable en tant que la délibération emporte résiliation de la convention de mise à disposition du 11 février 2005 dès lors que les parties au contrat ne peuvent demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation d'un acte détachable du contrat ;

- elle est également irrecevable en l'absence de respect de la procédure préalable prévue à l'article 8 de la convention de mise à disposition ;

- elle est irrecevable dès lors que la rétractation d'une promesse de vente ne peut donner lieu qu'au versement de dommages et intérêts et ne saurait être regardée comme le retrait d'une décision créatrice de droits ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Bigas, représentant la collectivité territoriale de Martinique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 16 décembre 2004, le conseil général de la Martinique a autorisé la mise à disposition de la commune de Fort-de-France du site de l'ancien palais de justice, cadastré BC 408, et retenu le principe de sa cession ultérieure à la ville selon des modalités financières à définir. Dans ce cadre, une convention de mise à disposition a été conclue le 11 février 2005 entre le conseil général de la Martinique et la commune de Fort-de-France. Une délibération du 19 novembre 2015 est intervenue pour modifier les conditions de cette mise à disposition. A partir de 2012, la commune a demandé à plusieurs reprises au conseil général la cession de cet ensemble immobilier, d'abord à titre gratuit puis à titre onéreux. Les deux collectivités ne sont toutefois pas parvenues à un accord sur le prix et le département a également développé des projets pour l'utilisation de ce site. Ainsi, par une délibération de l'assemblée de Martinique du 21 mai 2019, la collectivité territoriale de Martinique, succédant au conseil général, a décidé de retirer les délibérations du 16 décembre 2004 et du 19 novembre 2015, d'autoriser la résiliation de la convention de mise à disposition du 11 février 2005 et d'abandonner le principe de la cession de l'immeuble à la commune. La commune de Fort-de-France a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler cette délibération dans toutes ces dispositions. Le tribunal, qui a considéré que la commune devait être regardée comme lui demandant, d'une part, d'annuler cette délibération en tant qu'elle retire les délibérations du 16 décembre 2004 et du 19 novembre 2015 et abandonne le principe de la cession de l'immeuble et, d'autre part, d'ordonner la reprise des relations contractuelles issues de la convention de mise à disposition du 18 avril 2005, a rejeté sa demande. La commune de Fort-de-France relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort de la demande de première instance que la commune de Fort-de-France, si elle se prévalait de la nature d'acte créateur de droit de la délibération du 16 décembre 2004 en tant qu'elle aurait décidé de la cession à titre gratuit de l'ensemble immobilier à son profit, invoquait uniquement, pour soutenir que son retrait était illégal, le dépassement du délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration. Ainsi, en écartant ce moyen au motif que les dispositions de cet article n'étaient pas applicables aux relations entre deux personnes publiques, le tribunal, qui n'étaient pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la commune, a suffisamment motivé son jugement au regard de la teneur des écritures de la commune. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement aurait omis de se prononcer sur un moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. La délibération du 16 décembre 2004, par laquelle le conseil général de la Martinique a " retenu le principe de la cession ultérieure (de l'ensemble immobilier de l'ancien palais de justice) à la ville de Fort-de-France selon des modalités financières à définir ", ne peut être regardée comme marquant l'accord des parties sur les conditions financières de cette opération. La délibération modificative du 19 novembre 2015, pour sa part, ne concernait que les conditions de cette mise à disposition. Dès lors, indépendamment de la nature du domaine, public ou privé, auquel appartient cet ensemble immobilier, la délibération du 16 décembre 2004 n'avait pas la nature d'un acte créateur de droit au profit de la commune de Fort-de-France qui ne peut donc se prévaloir des principes qui interdisent le retrait d'un tel acte passé un délai de quatre mois. Par suite, la collectivité territoriale de la Martinique pouvait légalement décider de retirer une telle délibération sans condition de délai.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la collectivité territoriale de la Martinique, que la commune de Fort-de-France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité territoriale de la Martinique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Fort-de-France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fort-de-France une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la collectivité territoriale de la Martinique.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Fort-de-France est rejetée.

Article 2 : La commune de Fort-de-France versera une somme de 1 500 euros à la collectivité territoriale de la Martinique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fort-de-France et la collectivité territoriale de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2022.

La rapporteure,

Christelle B...La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Stéphanie LarrueLa République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20BX03208 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03208
Date de la décision : 06/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELAS JURISCARIB

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-06;20bx03208 ?
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