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18/10/2022 | FRANCE | N°20BX00686

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 18 octobre 2022, 20BX00686


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... G..., Mme H... E..., M. L... K..., M. D... Q..., M. T... F..., Mme S... V..., Mme C... N... et Mme M... R... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le maire de Bordeaux a accordé à la SCI 85 Chartrons un permis de construire pour la réalisation d'un hôtel de 90 chambres et de deux restaurants, sur des parcelles cadastrées section RH n° 174, 178, 179, 181, 182, 183, 261 et 49 situées au 85 quai des Chartrons à Bordeaux et, d'au

tre part, l'arrêté du 17 janvier 2019 par lequel le maire de Bordeaux a d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... G..., Mme H... E..., M. L... K..., M. D... Q..., M. T... F..., Mme S... V..., Mme C... N... et Mme M... R... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le maire de Bordeaux a accordé à la SCI 85 Chartrons un permis de construire pour la réalisation d'un hôtel de 90 chambres et de deux restaurants, sur des parcelles cadastrées section RH n° 174, 178, 179, 181, 182, 183, 261 et 49 situées au 85 quai des Chartrons à Bordeaux et, d'autre part, l'arrêté du 17 janvier 2019 par lequel le maire de Bordeaux a délivré à la même société un permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 1802257 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces deux arrêtés, mis à la charge de la commune de Bordeaux le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2020, la SCI 85 Chartrons, représentée par Me Cornille, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 décembre 2019 ;

2°) de rejeter, au besoin en faisant application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la demande présentée par M. G... et autres devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation des arrêtés des 29 mars 2018 et 17 janvier 2019 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. G..., Mme E..., M. K..., M. Q..., M. F..., Mme V..., Mme N... et Mme R... le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Elle soutient que :

- les demandeurs de première instance ne justifiaient pas d'un intérêt à agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dès lors que leur immeuble se situe dans un secteur très urbanisé à une distance de plus de 60 mètres de l'emprise de la construction projetée et qu'ils ne démontrent aucun préjudice de vue, ni nuisances sonores résultant de l'exploitation du restaurant en attique et le rapport d'expertise concluant à une perte de valeur vénale ne tient pas compte des avantages du projet ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le dossier de demande de permis de construire était complet, le projet d'hôtel se développant en second rang et la façade arrière de l'immeuble existant n'étant aucunement modifiée, elle n'avait aucune obligation de représenter ladite façade dans son dossier de demande de permis de construire ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'article 2.2.3.1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole ne s'applique pas en l'absence de travaux d'extension ou de surélévation d'une construction protégée ; le gabarit de l'enveloppe devait être défini par rapport à la construction protégée existante sur le terrain d'assiette ; le lien physique et fonctionnel existant entre la construction projetée au 85 quai des Chartrons et l'hôtel projeté conduit à considérer le tout comme un ensemble immobilier unique au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat ; le gabarit enveloppe défini à l'article 2.2.3.1 " hauteurs-constructions protégées " s'applique à l'hôtel projeté ;

- seul le dernier niveau correspondant au restaurant serait situé hors gabarit ; un tel vice peut être régularisé par une modification de ce dernier niveau en le déplaçant vers la construction existante au 85 quai des Chartrons, dans une partie du gabarit-enveloppe non exploitée ; c'est à tort que le tribunal n'a pas mis en œuvre la procédure prévue à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens développés par les demandeurs de première instance n'étaient pas fondés ;

- la signataire de l'acte contesté, adjointe au maire en charge de l'urbanisme, bénéficiait d'une délégation à l'effet notamment de se prononcer sur les demandes de permis de construire ;

- le projet n'était pas soumis à l'accord exprès de l'architecte des bâtiments de France en application de l'article R. 425-18 du code de l'urbanisme et le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 621-30 et de L. 631-32 du code du patrimoine et des articles L. 451-1, R. 423-54 et R. 451-4 du code de l'urbanisme était irrecevable, car soulevé après le 8 mars 2019, date à compter de laquelle aucun moyen nouveau ne pouvait plus être invoqué par les parties ;

- le moyen tiré de l'incohérence du dossier de demande de permis de construire n'est pas fondé ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme était irrecevable, car soulevé après le 8 mars 2019, date à compter de laquelle aucun moyen nouveau ne pouvait plus être invoqué par les parties ; en tout état de cause, elle a attesté, en remplissant le cartouche n° 8 de l'imprimé cerfa, avoir qualité pour présenter la demande de permis de construire ;

- le dossier de demande de permis de construire n'est pas insuffisant ; la notice architecturale, le plan de masse et les documents graphiques étaient complets ;

- à supposer même que les locaux de restauration puissent être considérés comme relevant de la destination " commerce ", les normes relatives au nombre de places de stationnement étaient respectées ; dans la mesure où la construction existante ne faisait l'objet d'aucune augmentation de surface de plancher, les normes de stationnement ne lui sont pas applicables ;

- le projet qui prévoit un local vélo de 73 m² comportant 30 places respecte les normes de stationnement vélos applicables à une construction à destination d'hébergement hôtelier ;

- les prescriptions de l'emprise 0 sont respectées dès lors que l'escalier de sortie de parking n'excède pas une hauteur de 60 cm et n'avait pas à être inclus dans le calcul de l'emprise bâtie ;

- le dossier de demande de permis de construire permettrait d'apprécier l'aspect extérieur du projet ; la prescription technique de l'article 1er de l'arrêté de permis de construire permet au maire de Bordeaux de faire usage de sa compétence afin de favoriser l'insertion du projet dans son environnement.

Par deux mémoires, enregistrés les 17 juin 2020 et 5 janvier 2021, la commune de Bordeaux, représentée par Me Berard, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 décembre 2019, au rejet de la demande présentée par M. G... et autres et à la mise à la charge solidaire de M. G..., Mme E..., M. K..., M. Q..., M. F..., Mme V..., Mme N... et Mme R..., du versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les demandeurs de première instance ne justifient pas d'un intérêt à agir au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ils se prévalaient uniquement de leur qualité de voisin sans préciser l'atteinte du projet sur leur bien de nature à affecter directement leurs conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le dossier de demande de permis de construire était complet, le projet d'hôtel se développant en second rang et la façade arrière de l'immeuble existant n'étant aucunement modifiée, elle n'avait aucune obligation de représenter ladite façade dans son dossier de demande de permis de construire ;

- le maire de Bordeaux n'a pas commis d'erreur en recourant au gabarit enveloppe de l'article 2.2.3.1 relatif aux travaux sur construction protégée existante ; les constructions litigieuses sont circonscrites dans le gabarit de l'enveloppe défini à l'article 2.2.3.1 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole ;

- seul le dernier niveau du projet correspondant au second restaurant de l'hôtel apparait situé hors gabarit enveloppe résultant de l'application des dispositions de l'article 2.2.3.2 et pouvait être régularisable en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- l'ensemble des autres moyens développés par les demandeurs de première instance n'étaient pas fondés ;

- la signataire de l'acte attaqué, adjointe au maire en charge de l'urbanisme, bénéficiait d'une délégation du 10 juillet 2017 par laquelle le maire de Bordeaux l'a habilitée à signer les permis de construire ;

- le projet n'est pas situé en site inscrit au sens des dispositions de l'article L. 341-1 du code de l'environnement et l'architecte des bâtiments de France consulté a indiqué que le projet n'était ni situé dans un périmètre délimité des abords ni dans le champ de visibilité d'un monument historique ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 425-18 du code de l'urbanisme n'est pas fondé ;

- le dossier de demande de permis de construire ne comporte aucune incohérence ou imprécision ;

- contrairement à ce que soutiennent les demandeurs de première instance, le projet architectural joint à la demande de permis de construire ne comporte pas d'insuffisances en ce qui concerne la notice architecturale, le plan de masse et les documents photographiques et graphiques ;

- le projet qui prévoit la réalisation de 60 places de stationnement en plus des 39 places préexistant déjà sur le terrain d'assiette du projet, respecte les dispositions de l'article 1.4.1 du règlement de la zone Up1 du plan local d'urbanisme quant aux conditions de réalisation des aires de stationnement des véhicules à moteurs ;

- le projet qui prévoit la création de trente emplacements pour vélos répond aux exigences de l'article 1.4.1 du règlement de la zone Up1 du plan local d'urbanisme relatives à la réalisation d'emplacements pour les vélos ;

- dès lors que les rampes d'accès piéton au parc de stationnement souterrain ne dépassent pas 60 centimètres du sol, elles ne peuvent être prises en compte dans l'emprise bâtie en application de l'article 2.1.1 du règlement de la zone Up1 du plan local d'urbanisme ;

- le dossier est suffisamment complet quant à l'aspect extérieur du bâtiment et ne contient pas d'imprécision.

Par deux mémoires, enregistrés les 22 novembre 2020 et 25 février 2021, M. K..., M. Q..., M. F..., Mme V..., Mme N... et Mme R..., représentés par Me Lourme, concluent à la mise hors de cause de M. G... et Mme E... résultant de la vente de leur bien postérieurement à la présentation de la requête en appel, au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Bordeaux et de la SCI 85 Chartrons d'une somme de 4 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir au sens de l'article L. 600-2-1 du code de l'urbanisme dès lors que leur immeuble aura une vue directe sur la construction projetée qui se situe à 42,5 mètres et non à 60 mètres, et que l'exploitation du restaurant en attique va engendrer des nuisances sonores impactant nécessairement les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de l'immeuble ;

- contrairement à l'avis de l'architecte des bâtiments de France, le projet se situe dans le champ de visibilité de l'église Saint-Louis des Chartrons et la hauteur du bâtiment projeté le rendra visible depuis l'église protégée ; l'acte contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France en méconnaissance des articles R. 425-1 du code de l'urbanisme, L. 621-30 du code du patrimoine, R. 423-54 et R. 451-4 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de demande de permis de construire est insuffisant ; la notice architecturale est succincte et imprécise eu égard à l'ampleur du projet ; les documents graphiques ne représentent pas le projet dans son environnement lointain ; ni le dossier de demande du permis de construire initial ni celui du permis de construire modificatif ne contiennent de représentation de la façade arrière de l'immeuble situé 85 quai des Chartrons et de son insertion avec le bâtiment projeté ; aucun des plans figurant au dossier ne répond aux exigences de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de demande de permis de construire comporte des incohérences, concernant l'emprise au sol du projet ; l'objet du permis de construire modificatif n'est pas complet en ce qu'il ne mentionne pas la modification de la surface de plancher du projet ; ces informations essentielles ont été cachées aux services instructeurs qui ont été induits en erreur ; le pétitionnaire ne justifie pas de sa qualité pour présenter la demande de permis de construire en méconnaissance de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;

- ainsi que l'a jugé le tribunal, les dispositions de l'article 2.2.3.1 du règlement de la zone Up1 du plan local d'urbanisme ne sont pas applicables en l'absence de lien physique ou fonctionnel entre les deux bâtiments, l'hôtel ne pouvant être qualifié d'extension ou de surélévation de la construction protégée ; le projet méconnait les règles de hauteur fixées par l'article 2.2.3.2 du règlement de la zone Up1 du plan local d'urbanisme ;

- la régularisation prévue à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme n'était pas envisageable, ainsi que l'a jugé le tribunal, dès lors que le projet devrait avoir des hauteurs différenciées ce qui emporte la refonte totale du projet ;

- le projet qui ne prévoit que 60 places de stationnement alors qu'il nécessiterait 71 places, ne respecte pas l'article 1.4.1 du règlement de la zone Up1 du plan local d'urbanisme relatif au stationnement des véhicules motorisés ;

- le dossier de demande de permis de construire ne permet pas de s'assurer de la conformité du projet avec l'article 1.4.1 du règlement de la zone Up1 du plan local d'urbanisme relatif au stationnement des vélos ;

- le projet prévoit la réalisation d'escaliers dans une zone " emprise 0 " alors que dans cette zone aucune emprise bâtie nouvelle n'est autorisée ;

- le dossier de permis de construire est insuffisant en ce qui concerne l'aspect extérieur du projet.

Par une lettre du 25 août 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et de surseoir à statuer en vue de la régularisation du vice tiré de la méconnaissance des règles de hauteur et de gabarit fixées à l'article 2.2.3.2 du règlement de la zone UP 1 du plan local d'urbanisme de la commune de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme P... A...;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Eizaga représentant la SCI 85 Chartrons, de Me Lourme, représentant M. Q... et autres, et de Me Berard, représentant la commune de Bordeaux.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 novembre 2017, la SCI 85 Chartrons a déposé une demande de permis de construire pour la réalisation d'un hôtel de 90 chambres et de deux restaurants, dont l'un situé sur la toiture-terrasse, pour une surface de plancher totale de 4 677,20 m², sur neuf parcelles cadastrées section RH n°174, 177, 178, 179, 181, 182, 183, 261 et 49 situées au 85 quai des Chartrons, à Bordeaux. Par un arrêté du 29 mars 2018, le maire de Bordeaux a accordé le permis de construire sollicité. Par un arrêté du 17 janvier 2019, le maire de Bordeaux a délivré un permis de construire modificatif à la SCI 85 Chartrons. Saisi par plusieurs personnes propriétaires de lots de co-propriété à usage d'habitation dans une résidence située à proximité, le tribunal administratif de Bordeaux, par jugement du 27 décembre 2019, a prononcé l'annulation de l'arrêté de permis de construire initial du 29 mars 2018 et de l'arrêté modificatif du 17 janvier 2019. La SCI 85 Chartrons relève appel de ce jugement.

Sur la demande de M. G... et Mme E... tendant à leur mise hors de cause :

2. M. G... et Mme E..., en demandant leur mise hors de cause en raison de la vente de leur bien postérieurement à la présentation de la requête en appel, doivent être regardés comme ayant entendu renoncer au bénéfice de la chose jugée par le tribunal. Toutefois, dès lors que les autres intimés n'ont pas entendu renoncer au bénéfice de la chose jugée, la requête d'appel de la SCI 85 Chartrons n'a pas perdu son objet.

Sur l'intervention de la commune :

3. La commune de Bordeaux avait présenté, devant le tribunal administratif de Bordeaux, des écritures concluant au rejet de la demande présentée par M. G... et autres tendant à l'annulation du permis de construire du 29 mars 2018 et du permis de construire modificatif du 17 janvier 2019. Ainsi, la commune avait qualité pour faire appel et son intervention n'est dès lors pas recevable.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes de l'article L. 600-2-1 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

6. Il ressort des pièces du dossier que le projet consiste en la création d'un hôtel de 90 chambres et de deux restaurants dont l'un situé sur la toiture-terrasse avec une piscine, respectivement à + 24,95 m B... pour le " roof top " et + 20,15 m B... pour la piscine. Il ressort des photos ainsi que du rapport d'expertise immobilière produits par les intimés, que la construction projetée d'une hauteur maximale de 19,5 mètres remplacera un ancien chai et sera visible depuis les ouvertures du séjour, de la cuisine et de chambres ainsi que des terrasses des appartements des demandeurs de première instance situés aux quatrième et cinquième étage de la résidence " Les Cépages ", 14 place Paul Avisseau à Bordeaux dont il n'est pas contesté qu'elle mesure environ 14 mètres de hauteur. Alors même que l'immeuble des intimés est distant de 60 mètres de l'hôtel projeté dans un secteur urbanisé, compte tenu de l'ampleur et de la nature du projet, une perte de vue et des nuisances sonores risquent d'impacter les conditions d'occupation de la propriété des intimés. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que les demandeurs de première instance justifiaient d'un intérêt à agir contre les arrêtés contestés.

Sur les moyens d'annulation retenus par les premiers juges :

7. Aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

8. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

9. En premier lieu, il ressort des pièces de demande du permis de construire modificatif, et notamment de la notice, que l'hôtel projeté s'implante sur l'emprise exacte d'un ancien chai et que le bâtiment sur quai est laissé en l'état, tant dans ses fonctions que dans son aspect architectural. Il précise que le bâtiment sur quai est un bâtiment typique de la façade des quais de Bordeaux, qui s'élève sur 5 niveaux, dont la corniche d'origine culmine à 21,90 m en côte B..., composé d'un rez-de-chaussée commercial et de logements dans les étages. Par ailleurs, la façade arrière du bâtiment situé 85 quai des Chartrons est visible dans le document PC07 " photographie du terrain dans son environnement - vue proche " du dossier de demande de permis de construire initial. En outre, la notice indique que le 85 quai des Chartrons constituera un " accès de service et personnels de l'hôtel " ainsi que le prévoit le plan de masse RDC des différents accès de l'hôtel du dossier de demande de permis de construire modificatif. Alors même que le plan cadastral et le plan de situation du dossier de demande de permis de construire initial identifient l'emprise du projet sur l'ensemble de la parcelle cadastrée section RH n° 49, les autres pièces du dossier ont permis au service instructeur de comprendre que le bâtiment situé au 85 quai des Chartrons, dont seule la façade donnant sur le quai des Chartrons présente des qualités remarquables de lisibilité et de cohérence, au sein de l'ensemble dénommé " ville de Pierre ", n'était pas modifié et ne faisait pas partie de l'emprise de la construction projetée.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'objet de la demande du permis de construire modificatif est de représenter de manière précise l'immeuble existant au 85 quai des Chartrons, de produire de nouveaux documents photographiques afin de préciser l'insertion urbaine du bâtiment et d'étoffer la notice architecturale en apportant des précisions notamment sur les accès et la visibilité du projet dans l'environnement. Si, dans la demande de permis de construire modificatif, des surfaces existantes avant travaux d'habitation, bureaux et commerces ont été ajoutées au document Cerfa par rapport au formulaire de demande du permis de construire initial, la notice de ce même permis précise que le bâtiment sur quai ne sera pas modifié par le projet et que l'hôtel sera construit sur l'emprise exacte d'un chai destiné à être démoli. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs de première instance, la demande de permis de construire concerne la seule construction de l'hôtel et le dossier de demande de permis de construire ne comporte pas d'incohérences telles qu'elles auraient faussé l'appréciation du service instructeur.

11 En troisième lieu, la notice du dossier de demande de permis de construire modificatif, complétée notamment par le plan de masse des accès, précise les différents accès à la construction projetée, depuis le quai des Chartrons comme depuis la rue André Darbon. En outre, après avoir décrit le quartier d'implantation de la construction projetée, la notice présente le parti pris permettant d'assurer l'insertion du projet dans son environnement notamment par l'épannelage des hauteurs de l'hôtel, sa position en cœur d'ilot, l'utilisation du minimum de matériaux différents et la création d'un jardin largement arboré. La notice indique les matériaux utilisés, la pierre naturelle, les menuiseries aluminium, la structure acier, et les documents graphiques d'insertion du projet permettent de compléter l'appréciation du traitement des constructions, des matériaux et des couleurs choisis. Ainsi, au vu de l'ensemble des pièces du dossier de demande des permis de construire, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme n'est pas fondé.

12. En quatrième lieu, les documents graphiques et photographiques ont été complétés dans le dossier de demande de permis de construire modificatif permettant de situer le terrain dans l'environnement proche et dans le paysage lointain. En outre, le pétitionnaire n'était pas tenu de joindre au dossier de demande de permis de construire un plan de façade de l'immeuble situé au 85 quai des Chartrons qui n'est pas modifié. Par ailleurs, le dossier de demande de permis de construire contient un plan de façade de l'immeuble situé rue Darbon. Les documents d'insertion ajoutés au plan de masse et à la notice permettaient, avec le plan de façade, à l'administration d'apprécier le projet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme n'est pas fondé.

13. Il résulte des points 9 à 12, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, que les dossiers de demande de permis de construire ne comportaient pas d'insuffisances au regard des dispositions des article R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

14. Aux termes de l'article 2.1.3 "Hauteurs (HF et HT)" du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole : " (...) / Les constructions ne doivent pas dépasser selon le cas un ou plusieurs des éléments suivants : / - une hauteur de façade Hf ; / -une hauteur totale Ht ; / - un gabarit défini à partir de la hauteur Hf. / Principes généraux / Pour les constructions protégées, ce gabarit est déterminé par une coupe tracée depuis la façade de ladite construction protégée repérée sur les plans au 1/1000° dits "ville de pierre" jusqu'à la limite de terrain. / Pour les autres constructions, ce gabarit est déterminé par une coupe tracé depuis la première "emprise 100 ou 50" à partir de la voie ou emprise publique. / Les constructions ne doivent pas dépasser les hauteurs et les pentes qu'il fixe (...) ". Aux termes de l'article 2.2.3 "Hauteurs" du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole : " 2.2.3.1 Hauteurs - constructions protégées / La hauteur Hf est la hauteur de façade ou de la partie de façade protégée à l'exclusion de toute surélévation ou adjonction inadaptée au caractère de l'architecture. / L'extension et la surélévation d'une construction protégée doivent s'inscrire dans le prolongement du plan de toiture sur voie ou emprise publique en respectant obligatoirement le gabarit des schémas ci-dessous. / Si une indication de hauteur est portée aux plans dit "ville de pierre", la hauteur Hf et le gabarit qui s'appliquent sont ceux définis au "2.2.3.2 Hauteurs - autres constructions existantes et constructions neuves" / - Cas où la limite de la première emprise est située à l'intérieur de l'unité foncière : / (schéma) / - Cas où la limite de la première emprise est située à l'extérieur de l'unité foncière : / (schéma) / (...) /. 2.2.3.2 Hauteurs - autres constructions existantes et constructions neuves / (...) / - Cas d'un terrain donnant sur plusieurs voies ou emprises publiques non attenantes et terrain ne donnant sur aucune voie ou emprise publique : / Le gabarit est déterminé par une coupe traversant l'ilot entre 2 voies ou emprises publiques. / - coupe ne traversant pas une emprise 0 : dans le cas de terrain ne traversant pas une emprise 0 les constructions doivent respecter le schéma suivant : (...) "

15. D'une part, le projet en litige consiste en la réalisation d'un hôtel de 90 chambres sur un ensemble parcellaire situé entre le quai des Chartrons et la rue André Darbon à Bordeaux. Si le bâtiment situé 85 quai des Chartrons est identifié comme un immeuble protégé par la planche VP 35 du plan 1/1000ème " ville de pierre " du plan local d'urbanisme, il ressort des pièces du dossier que l'hôtel projeté, construit sur l'emprise exacte d'un ancien chai qui est destiné à la démolition, ne constitue pas une extension de cette construction protégée dont il est séparé par une cour. En outre, contrairement à ce que soutient la société appelante, la seule circonstance que le rez-de-chaussée de l'immeuble au 85 quai des Chartrons constitue un accès pour le personnel de l'hôtel ne permet pas, en tout état de cause, de regarder l'hôtel projeté et le bâtiment du 85 quai des Chartrons comme un ensemble immobilier unique. En outre, le fait que l'emprise de l'ensemble du projet présente une forme de " S " n'a pas d'incidence sur l'application des règles de hauteur, la parcelle sur laquelle s'implante l'hôtel projeté faisant partie, ainsi que le précise la notice du dossier de demande de permis de construire modificatif, d'une même " lanière ", ensemble parcellaire linéaire entre le quai des Chartons et la rue André Darbon. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que la commune de Bordeaux avait appliqué à tort les dispositions de l'article 2.2.3.1 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux régissant la hauteur des constructions protégées et que le projet était soumis aux règles de hauteur et de gabarit fixées à l'article 2.2.3.2 du règlement de la zone UP 1 du plan local d'urbanisme relatif aux hauteurs des " autres constructions et constructions neuves ".

16. D'autre part, aux termes de l'article 2.2.3.2 et du schéma explicatif du règlement de la zone UP1, dans le cas d'un terrain donnant sur plusieurs voies ou emprises publiques non attenantes, ne traversant pas une emprise 0, le gabarit enveloppe dans lequel doit s'insérer la construction, est déterminé à partir de la hauteur des façades des immeubles existants situés en limite d'emprise publique de part et d'autre de l'unité foncière du projet. Selon ces dispositions, la hauteur de référence est indiquée aux plans de la " ville de pierre " par un filet de hauteur. L'ensemble parcellaire dans lequel se situe le terrain d'assiette du projet d'hôtel donne sur deux voies, d'une part, le quai des Chartrons, avec une construction protégée d'une hauteur d'environ 24 mètres B... et, d'autre part, la rue André Darbon avec, s'agissant des hauteurs en bordure de voie, une indication chiffrée de 12 mètres résultant du plan de la " ville de pierre " auquel renvoie l'article 2.2.3.2. Il ressort des pièces du dossier que le projet est hors du gabarit déterminé en application de l'article 2.2.3.2 du règlement. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que le projet méconnaissait les dispositions de l'article 2.2.3.2 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

17. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

18. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

19. Il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions de l'article 2.2.3.2 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme, la hauteur de l'hôtel projeté devra respecter un gabarit enveloppe déterminé à partir de la hauteur des façades des immeubles existants situés en limite d'emprise publique de part et d'autre de l'unité foncière du projet, soit la hauteur HF1 de 21 mètres B..., du côté de l'immeuble situé 85 quai des Chartrons et la hauteur HF2, de 12 mètres B..., indication chiffrée résultant du plan de la " ville de pierre " auquel renvoie l'article 2.2.3.2, du côté de la rue André Darbon. Si la régularisation sur ce point implique de revoir l'économie générale du projet en cause, par une réduction importante de la hauteur de l'hôtel, une telle mesure de régularisation n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Ainsi, l'illégalité relative à la méconnaissance des dispositions de l'article 2.2.3.2 du règlement de la zone UP 1 de la commune de Bordeaux relatives aux règles de hauteur est régularisable. Par suite, il appartient à la cour d'examiner les autres moyens soulevés par les requérants de première instance et en appel à l'encontre des permis de construire des 29 mars 2018 et 17 janvier 2019.

Sur les autres moyens développés à l'appui des conclusions tendant à l'annulation des arrêtés des 29 mars 2018 et 17 janvier 2019 :

20. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-2 du même code : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : / 1° Les délibérations du conseil municipal ou les décisions prises par délégation du conseil municipal en application de l'article L. 2122-22 à l'exception (...) / 2° Les décisions réglementaires et individuelles prises par le maire dans l'exercice de son pouvoir de police (...) / 3° Les actes à caractère réglementaire pris par les autorités communales dans tous les autres domaines qui relèvent de leur compétence en application de la loi (...) ". En vertu des dispositions combinées des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, les actes à caractère réglementaire pris par les autorités communales ne sont exécutoires que s'il a été procédé à leur publication ou à leur affichage ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement.

21. L'arrêté du 29 mars 2018 est signé par Mme U... J..., adjointe au maire en charge de l'urbanisme opérationnel, de l'habitat et des déplacements, qui avait reçu délégation du maire de Bordeaux, par arrêté du 10 juillet 2017. Il ressort des mentions apposées sur cet arrêté, qui font foi jusqu'à preuve du contraire qui n'est pas rapportée en l'espèce, que cet arrêté a fait l'objet d'un affichage en mairie le 17 juillet 2017 et a été transmis à la préfecture de la Gironde le même jour. Par suite, l'arrêté de délégation du 10 juillet 2017 étant entré en vigueur après la mise en œuvre de ces formalités de publicité, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur du permis de construire doit être écarté.

22. Aux termes de l'article R. 425-18 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur la démolition d'un bâtiment situé dans un site inscrit en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement, le permis de démolir ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès de l'architecte des Bâtiments de France ". Aux termes de l'article R. 341-1 du code de l'environnement : " Il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général (...) ".

23. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le chai implanté sur la parcelle cadastrée section RH n° 49, destiné à être démoli, serait situé dans un site inscrit en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 425-18 du code de l'urbanisme est inopérant.

24. Aux termes de l'article R. 423-54 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, l'autorité compétente recueille l'accord de l'architecte des Bâtiments de France ". Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " (...) II. La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci (...) ".

25. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que ne peuvent être délivrés qu'avec l'accord de l'architecte des Bâtiments de France les permis de construire portant sur des immeubles situés, en l'absence de périmètre délimité, à moins de cinq cents mètres d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, s'ils sont visibles à l'œil nu de cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre de cinq cents mètres entourant l'édifice en cause.

26. Il est indiqué dans l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 29 décembre 2017 que l'immeuble projeté n'est pas situé dans le périmètre délimité des abords ou dans le champ de visibilité d'un monument historique. Alors même que les requérants produisent un extrait de plan du site géoportail montrant que la distance séparant le terrain d'assiette du projet et l'église Saint-Louis des Chartrons est inférieure à 500 mètres, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il existerait une covisibilité entre le projet et l'église Saint-Louis des Chartrons, depuis un lieu normalement accessible au public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 423-54 du code de l'urbanisme doit être écarté.

27. Aux termes de l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition ". Aux termes de l'article R. 451-4 du même code : " Lorsque l'immeuble est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le dossier joint à la demande comprend en outre la description des moyens mis en œuvre dans la démolition pour éviter toute atteinte au patrimoine protégé ".

28. Ainsi qu'il a été indiqué au point 26, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet serait situé dans les abords de monuments historiques. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 451-4 du code de l'urbanisme n'est pas fondé.

29. Aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. / Lorsque le projet est situé dans une zone inondable délimitée par un plan de prévention des risques, les cotes du plan de masse sont rattachées au système altimétrique de référence de ce plan ".

30. L'ensemble des pièces du dossier permet de connaitre les constructions supprimées, et celles qui seront conservées et édifiées. Par ailleurs, le plan de masse est coté en trois dimensions et les autres pièces du dossier telles que les plans de façades et plans de coupes indiquent les hauteurs de la construction projetée. Le dossier est composé d'un plan qui représente les modalités selon lesquelles la construction projetée sera raccordée aux réseaux publics. Enfin, les cotes figurant sur les plans de la demande de permis de construire se réfèrent au nivellement général de la France (B...) permettant de s'assurer que la côte de seuil applicable est bien respectée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme doit être écarté.

31. Aux termes de l'article R. 451-2 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande comprend : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Un plan de masse des constructions à démolir ou, s'il y a lieu, à conserver ; / c) Un document photographique faisant apparaître le ou les bâtiments dont la démolition est envisagée et leur insertion dans les lieux environnants ". Aux termes de l'article R. 431-21 du même code : " Lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d'aménager doit : / a) Soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ; / b) Soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement ".

32. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis porte à la fois sur la démolition du chai et la construction d'un hôtel et comporte l'ensemble des documents exigés par l'article R. 451-2 du code de l'urbanisme qui n'impose pas que le plan de masse des constructions à démolir soit coté en trois dimensions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 451-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

33. Aux termes de l'article R. 151-29 du code de l'urbanisme : " Les définitions et le contenu des sous-destinations mentionnées à l'article R. 151-28 sont précisées par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme. / Les locaux accessoires sont réputés avoir la même destination et sous-destination que le local principal ". Aux termes de l'article 1.4.1.2 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme : " (...) Obligations de reconstitution de places de stationnement résidentiel : / Lorsqu'une opération d'aménagement et/ou de construction conduit à supprimer une offre de stationnement résidentiel, celle-ci doit être reconstituée dans le cadre de cette opération en sus des places liées aux besoins propres de l'opération. / Modalités pour les constructions existantes avant l'approbation du PLU 3.1 et les changements de destination : / De manière générale, les normes de stationnement ne sont pas applicables si l'augmentation de la surface de plancher après travaux n'excède pas 40 m². Dès lors que les normes s'appliquent, elles le sont sur la seule surface de plancher créée, déduction faite de 40 m² ". L'article 1.4.3 du même règlement prévoit, pour la destination hébergement hôtelier, 1 place au plus pour 4 chambres et pour la destination commerces 1 place au plus pour 80 m² de surface de plancher.

34. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige engendre la suppression d'une offre de stationnement de 39 places de stationnement et prévoit la réalisation d'un hôtel de 90 chambres et de deux restaurants. En premier lieu, les normes de stationnement ne sont pas applicables aux surfaces de plancher de l'immeuble situé 85 quai des Chartrons qui ne sont pas modifiées par le projet. En second lieu, dès lors que les salles de restauration doivent être regardées, eu égard à la conception du projet, comme des accessoires de l'hébergement hôtelier et que les normes de stationnement applicables en secteur 1 sont des normes maximales, les intimés ne sont pas fondés à soutenir que le projet qui prévoit 60 places de stationnement, méconnait les dispositions de l'article 1.4.1 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme.

35. L'article 1.4.2.2 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme prévoit, pour l'hébergement hôtelier, la réalisation de 1 place de stationnement pour vélos au moins pour 3 chambres avec un minimum de 5 m². Il ressort des pièces du dossier et notamment du croquis de détail des emplacements vélos issu de la demande de permis de construire modificatif, que le projet de réalisation d'un hôtel de 90 chambres prévoit un local de 73 m² pour 30 emplacements pour vélos. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1.4.2.2 doit, par suite, être écarté.

36. Aux termes de l'article 2.1.1 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme : " (...) L'emprise bâtie correspond à la projection au sol des volume bâtis (...) ne sont pas pris en compte dans l'emprise bâtie : / les constructions ne dépassant pas de plus de 60 cm le sol existant avant travaux (...) ". Il résulte de l'article 2.2.1 du même règlement que sur l'" Emprise 0 ", aucune emprise bâtie nouvelle n'est autorisée.

37. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la notice du dossier de demande du permis de construire modificatif que les escaliers de sortie du parc de stationnement n'excèdent pas une hauteur de 60 cm. Par suite, le projet ne méconnait pas les prescriptions relatives à l'emprise 0.

38. Il résulte de ce qui précède que les autres moyens invoqués à l'encontre des arrêtés des 29 mars 2018 et 17 janvier 2019 ne sont pas fondés. Ainsi qu'il a été indiqué au point 19, l'illégalité relative à la méconnaissance des dispositions de l'article 2.2.3.2 du règlement de la zone UP 1 de la commune de Bordeaux relatives aux règles de hauteur est régularisable. Par suite, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête et d'impartir à la SCI 85 Chartrons un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins de notifier à la cour une mesure de régularisation sur ce point.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune de Bordeaux n'est pas admise.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête pour permettre à la SCI 85 Chartrons de notifier, le cas échéant, à la cour une mesure de régularisation de l'illégalité mentionnée au point 16 du présent arrêt, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI 85 Chartrons, à la commune de Bordeaux et à M. D... Q..., désigné en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

Nathalie A...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00686 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00686
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP CORNILLE - POUYANNE-FOUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-18;20bx00686 ?
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