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19/10/2022 | FRANCE | N°20BX00450

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 19 octobre 2022, 20BX00450


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le président du syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation (SMICVAL) du Libournais Haute-Gironde l'a révoquée.

Par un jugement n° 1802009 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 février 2020, le 23 octobre 2020 et le 30 mars 2022, Mme A...,

représentée par Me de Sermet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le président du syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation (SMICVAL) du Libournais Haute-Gironde l'a révoquée.

Par un jugement n° 1802009 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 février 2020, le 23 octobre 2020 et le 30 mars 2022, Mme A..., représentée par Me de Sermet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 du président du SMICVAL du Libournais Haute-Gironde ;

3°) d'enjoindre au SMICVAL du Libournais Haute-Gironde de la réintégrer sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de condamner le SMICVAL du Libournais Haute-Gironde à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement vexatoire, la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et la somme de 24 574,92 euros en réparation de son préjudice financier ;

5°) de mettre à la charge du SMICVAL du Libournais Haute-Gironde la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée ne repose que sur le rapport établi par un détective privé, qui n'a pas été réalisé dans des conditions régulières et a porté atteinte au principe de loyauté ;

- le rapport de l'enquêteur privé ne peut constituer un élément de preuve dès lors qu'il se fonde sur des éléments imprécis, sur des faits commis en dehors du service, sur l'utilisation de photos prises à son insu, de conversations téléphoniques privées, qu'il a été réalisé via des moyens déloyaux ;

- les manquements qui servent de fondement à l'arrêté en litige ne sont pas établis ;

- elle n'a pas fait l'objet de poursuites pénales ;

- les faits qui lui sont reprochés n'ont occasionné aucun préjudice au SMICVAL, que ce soit en termes financier ou d'image ;

- la sanction de révocation est disproportionnée ;

- elle est fondée à solliciter le paiement de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices financier, moral et du préjudice lié au caractère vexatoire de son licenciement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 septembre 2020, le 28 avril 2021, le 23 décembre 2021 et le 13 avril 2022 (non communiqué) le syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation (SMICVAL) du Libournais Haute-Gironde, représenté par Me Gauci, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les conclusions indemnitaires sont irrecevables et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ressie représentant Mme A... et de Me Gault-Ozimek représentant le SMICVAL du Libournais Haute-Gironde.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjointe technique territoriale titulaire, exerce depuis le 8 janvier 2005 les fonctions d'agent technique en déchetterie auprès du syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation (SMICVAL) du Libournais Haute-Gironde. Par un arrêté du 17 juillet 2017, le président du SMICVAL a décidé de la suspendre de ses fonctions pour une durée maximale de quatre mois. Par un arrêté du 15 mars 2018 pris après avoir recueilli l'avis du conseil de discipline, le président du SMICVAL a prononcé à son encontre la sanction de la révocation. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cette sanction, d'enjoindre au président du SMICVAL de la réintégrer et de condamner le syndicat mixte intercommunal à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté ses demandes et chiffre désormais ses conclusions indemnitaires à 32 574,92 euros.

Sur la légalité de la sanction :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) Quatrième groupe : (...) la révocation ".

3. Il est reproché à Mme A..., selon les termes de l'arrêté contesté du 15 mars 2018, de s'être rendue coupable de vols de matériels déposés par les usagers dans les pôles de recyclage au détriment du SMICVAL et de complicité de vols en laissant plusieurs personnes voler les objets déposés par les usagers, d'avoir à plusieurs reprises manqué aux consignes de sécurité, en méconnaissance tant des règlements émis et des consignes délivrées par le SMICVAL, et notamment du règlement intérieur des pôles de recyclage et de la note de service n° NS 2016-46, que des devoirs d'intégrité et de probité inscrits à l'article 25 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 et des devoirs d'obéissance et de loyauté inscrits à l'article 28 de la même loi.

4. En premier lieu, en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

5. Il ressort des pièces du dossier que, eu égard aux actes de vandalismes constatés depuis plusieurs mois dans différentes déchetteries, le SMICVAL a décidé de mettre en place sur certains sites un système de vidéosurveillance. Néanmoins, pour les sites de déchetterie qui n'étaient pas dotés d'un tel système, le SMICVAL a mandaté une agence de recherches privées afin de réaliser une enquête sur les éventuelles infractions commises dans la déchetterie. Ce recours à des investigations menées par des enquêteurs privés est justifié en l'espèce dès lors qu'il existait des soupçons portant sur la participation de certains agents à un trafic de métaux, d'appareils électroménagers et de batteries, que l'enquête de la gendarmerie n'avait pu mettre à jour. En outre, ces investigations ont été menées uniquement sur place dans des lieux accessibles au public, pendant une période limitée de six jours et durant les heures de service des agents, et n'ont ainsi pas porté atteinte au droit au respect de la vie privée de Mme A.... Il ne ressort en particulier pas des pièces du dossier, et notamment du rapport de l'enquêteur privé, que le SMICVAL aurait cherché, via la présence d'un enquêteur sur place, à mettre à l'épreuve la probité de l'intéressée ni organisé un mode de surveillance intrusif de celle-ci en la faisant suivre à l'extérieur de la déchetterie, ni qu'il aurait écouté sciemment ses conversations téléphoniques privées, ni qu'il aurait pris des photos de l'intéressée en dehors du service. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les faits qui sont reprochés à Mme A... reposeraient sur des images de vidéosurveillance non communiquées. Ainsi, les informations contenues dans le rapport disciplinaire doivent être regardées comme ayant été recueillies selon des modalités ne traduisant pas un manquement du SMICVAL à son obligation de loyauté vis-à-vis de Mme A.... Cette dernière n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le mode de preuve utilisé par son employeur ne serait pas loyal.

6. En deuxième lieu, il ressort du rapport de l'enquêteur privé que les 13, 14 et 22 juin 2017, Mme A... a récupéré des objets auprès d'usagers (rocking chair, lambris en PVC) ainsi que des déchets enfouis (blocs de papier, gobelets en plastique), que les 7 et 14 juin elle a laissé un usager faire de la récupération d'objets, que le 7 juin 2017 elle n'a pas systématiquement vérifié les véhicules des usagers, laissant ainsi un risque de faire entrer des déchets non acceptés, et que, le même jour, elle a procédé à l'enfouissement de déchets contenant de l'amiante. Aux termes du rapport, il apparaît également que Mme A... savait que la récupération d'objets et l'enfouissement de déchets non autorisés étaient interdits par le SMICVAL.

7. Mme A... soutient que les faits qui lui sont reprochés ne reposent que sur les seules constatations imprécises du rapport d'enquête de la société AIS et que certains faits relatés par ce rapport sont faux et/ou se sont produits en dehors du service. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le rapport d'enquête privé établi par un enquêteur professionnel autorisé fait état de manière précise des éléments circonstanciés et concordants constatés au cours de six jours seulement de surveillance. En outre, contrairement à ce que la requérante soutient, l'arrêté du 15 mars 2018 n'est pas fondé sur des faits survenus en dehors du temps de travail de Mme A... et notamment sur des appels téléphoniques privés. La seule dénégation par l'intéressée de certains faits et les justifications tirées de ce qu'elle n'avait pas été informée de certaines consignes de sécurité, que les objets récupérés étaient de toute façon destinés à être détruits, qu'elle aurait voulu rendre des services à certains usagers ou qu'elle craignait les représailles de certaines personnes en cas de refus de sa part de les laisser procéder à des récupérations d'objets, ne permettent pas de remettre en cause l'exactitude des faits qui lui sont reprochés et qui résultent du rapport d'enquête susmentionné. Dans ces conditions, la matérialité de ces faits qui ont été commis par Mme A... à l'occasion de l'exercice de ses fonctions doit être regardée comme établie.

8. En troisième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'a pas respecté les prescriptions du règlement intérieur et a, malgré le rappel de ces interdictions par la note de service du 15 avril 2016 signée par l'intéressée et les nombreuses formations auxquelles elle a participé, poursuivi les agissements susmentionnés. Indépendamment de la qualification pénale qu'ils sont susceptibles de recevoir, de leur retentissement sur l'image de la collectivité publique employeur ou du préjudice financier qu'ils ont éventuellement pu causer à cette dernière, de tels agissements constituent des manquements à ses obligations professionnelles de probité et d'obéissance, de nature à justifier légalement une sanction disciplinaire. En l'espèce, compte tenu du caractère grave et répété des manquements rappelés ci-dessus et en dépit de l'ancienneté importante de Mme A..., de son absence d'antécédents disciplinaires et de ses bonnes évaluations, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le président du SMICVAL a pu infliger à la requérante la sanction de la révocation. La circonstance que Mme A... n'a pas fait l'objet de poursuites pénales est sans influence sur la légalité de la décision attaquée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 mars 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

11. Il résulte de ce qui précède que le SMICVAL n'a commis aucune illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité en révoquant Mme A.... Par suite, les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme A... doivent, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SMICVAL du Libournais Haute-Gironde, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros à verser au SMICVAL du Libournais Haute-Gironde au titre des frais liés à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera la somme de 1 500 euros au syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation du Libournais Haute-Gironde sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation du Libournais Haute-Gironde.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2022.

La rapporteure,

Caroline C...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX00450


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00450
Date de la décision : 19/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DE SERMET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-19;20bx00450 ?
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