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20/10/2022 | FRANCE | N°20BX03815

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à 5), 20 octobre 2022, 20BX03815


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel la maire de Lanton a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la rénovation après sinistre d'une habitation existante sur la parcelle cadastrée section F n° 1513 située au lieu-dit Le Mauret.

Par un jugement n° 1902672 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 nove

mbre 2020, M. E..., représenté par Me Bechaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel la maire de Lanton a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la rénovation après sinistre d'une habitation existante sur la parcelle cadastrée section F n° 1513 située au lieu-dit Le Mauret.

Par un jugement n° 1902672 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2020, M. E..., représenté par Me Bechaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la maire de Lanton du 8 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre à la maire de Lanton de lui délivrer, ainsi qu'à Mme B... D..., venant à ses droits, le permis de construire sollicité dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lanton la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la maire n'était pas compétente pour édicter l'arrêté du 8 avril 2019 dès lors que la commune n'est pas dotée d'un plan local d'urbanisme et qu'il existait un désaccord entre les services de la préfecture et la maire, en vertu des article L. 422-1 et R. 422-2 du code de l'urbanisme ;

- les motifs opposés à sa demande de permis de construire étaient étrangers à la vérification de sa demande par rapport aux règles du droit de l'urbanisme ;

- la substitution de motifs demandée par la commune ne peut être accueillie en vertu de l'article R. 424-3 du code de l'urbanisme ;

- il s'agit bien d'une reconstruction à l'identique ; en effet, le bâtiment initial a été édifié vers 1835 ; le délai de dix ans d'antériorité du sinistre a commencé à courir à compter de l'acte d'acquisition ; le volume et l'implantation du bâtiment sont strictement identiques.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2022, la commune de Lanton, représentée par la SCP Cazcarra et Jeanneau Avocats, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de M. E... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 29 avril 2022, M. G... E... et Mme B... D..., représentés par Me Achou-Lepage, déclarent reprendre l'instance engagée par leur père A... E..., aujourd'hui décédé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... C...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Achou-Lepage, représentant M. E... et Mme D..., et les observations de Me Cordier-Amour, représentant la commune de Lanton.

Deux notes en délibéré présentées pour M. E... et Mme D..., par Me Achou-Lepage, ont été enregistrées le 29 septembre 2022 et le 10 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a déposé une demande de permis de construire pour la rénovation d'une maison d'habitation après sinistre sur une parcelle cadastrée section F n° 1513 située au lieu-dit Le Mauret à Lanton. Par un arrêté du 7 février 2019, la maire de Lanton lui a accordé le permis de construire sollicité. Toutefois, par un courrier du 22 février 2019, la maire de Lanton a engagé une procédure contradictoire et retiré le permis de construire délivré le 7 février 2019, et a, par un arrêté du 8 avril 2019, refusé de délivrer le permis de construire demandé. M. E..., décédé depuis lors, a relevé appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2019.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 avril 2019 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme (...). Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif ; b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes (...) ".

3. Le conseil municipal de Lanton a approuvé la révision de son plan d'occupation des sols et sa transformation en plan local d'urbanisme par une délibération du 21 mai 2008. La commune de Lanton était ainsi dotée d'un plan local d'urbanisme, ce qui a eu pour effet, en application des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme citées ci-dessus, de transférer, de manière définitive, au maire la compétence pour délivrer, au nom de la commune, les permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur les projets faisant l'objet d'une déclaration préalable. L'annulation de cette délibération du 21 mai 2008 par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 novembre 2010 n'a pas remis en cause la validité de ce transfert de compétence, contrairement à ce que soutient M. E.... Par conséquent, le requérant ne peut se prévaloir des dispositions de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme qui prévoient, en cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'État, la compétence exclusive du préfet en matière d'autorisation d'urbanisme dans les communes visées au b) de l'article L. 422-1 du même code, au nombre desquelles ne figure pas la commune de Lanton, et ce alors même que le préfet aurait émis un avis favorable sur le projet en cause. Enfin, si en application des dispositions de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme selon lesquelles " en cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation d'une carte communale, d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l'autorité compétente et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation ", le maire a compétence liée pour refuser un permis de construire en cas d'avis défavorable du préfet, il n'est en revanche pas tenu de suivre un avis favorable de ce même préfet et peut, lorsqu'il estime disposer d'un motif légal de le faire au titre d'autres dispositions que celles ayant donné lieu à cet avis, refuser d'accorder le permis de construire sollicité. Ainsi, la maire de Lanton a pu refuser de délivrer un permis de construire à M. E... en dépit de l'avis favorable émis par le préfet le 5 novembre 2018. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la maire de Lanton pour se prononcer sur la demande de permis de construire doit être écarté.

4. En second lieu, la maire de Lanton a, après avoir visé les dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, refusé de délivrer le permis de construire sollicité par M. E... au motif que le bâtiment sur lequel portait le projet était en état de ruine et situé en secteur naturel en dehors du périmètre urbain. Alors que la commune ne fait référence à aucun texte pour justifier ce motif, et que la demande de permis de construire mentionne que le projet porte sur une rénovation après sinistre d'une maison d'habitation, la commune doit être regardée comme ayant entaché l'arrêté du 8 avril 2019 d'une erreur de droit en se fondant sur l'état de ruine du bâtiment que M. E... souhaitait reconstruire et sa situation en secteur naturel pour refuser le permis de construire en cause.

5. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. La commune de Lanton fait valoir qu'elle aurait pris la même décision en se fondant sur l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, selon lequel " lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement ", dès lors que l'édification régulière du bâtiment n'est pas établie et que le projet de M. E... ne constitue pas une reconstruction à l'identique.

7. Il ressort de la notice descriptive du projet jointe au dossier de demande de permis de construire que le bâtiment existant conservera son emplacement actuel et qu'il " s'agit essentiellement d'une remise en état " de la maison avec reprise et consolidation des murs existants. Dès lors que l'implantation, les surfaces et le volume du bâtiment en cause restent les mêmes, le projet de M. E... portait bien sur une reconstruction à l'identique, alors même que les ouvertures seraient modifiées, qu'il serait raccordé aux réseaux ou encore que la couleur des matériaux et les caractéristiques du bardage en bois ne sont pas précisés dans la demande d'autorisation.

8. Toutefois, si M. E... a versé au dossier divers documents afin de démontrer que le bâtiment qu'il souhaitait reconstruire a été édifié avant la généralisation des autorisations d'urbanisme, seule l'attestation de l'ancienne propriétaire mentionne une maison construite " vers 1860 ". Le plan de la commune de 1825, au demeurant antérieur à la date à laquelle cette maison aurait été construite, et la carte d'état-major de 1866, qui sont peu lisibles, ne permettent pas de tenir pour établie l'existence d'un tel bâtiment à usage d'habitation aux dates auxquels ils ont été dressés. En outre, ni l'acte d'acquisition du 16 avril 1898, ni l'acte de partage établi le 1er avril 1938 ne font état avec précision des bâtiments situés sur le terrain concerné par ces actes. Enfin, l'acte d'acquisition du 6 mai 2014, qui mentionne un immeuble à usage d'habitation, ne permet pas de conclure que cet immeuble a été construit et affecté à un usage d'habitation avant l'instauration des autorisations d'urbanisme. Dans ces conditions, ces éléments, au nombre desquels seule l'attestation de l'ancienne propriétaire mentionne une " maison " sur le terrain, ne permettent pas de tenir pour établie l'existence d'une maison à usage d'habitation édifiée avant l'entrée en vigueur de la loi d'urbanisme du 15 juin 1943 relative au permis de construire, qui a posé le principe selon lequel toute personne qui entend édifier une construction doit obtenir une autorisation. Ainsi, le bâtiment que le requérant souhaite reconstruire ne peut être regardé comme ayant été régulièrement édifié. Par suite, M. E... et Mme D... n'ayant été privé d'aucune garantie procédurale, la substitution de motifs demandée par la commune doit être accueillie.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. A... E....

Sur l'injonction :

10. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par M. E... et Mme D... à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lanton, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... et Mme D... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... et Mme D..., ayants-droits de M. E..., une somme 1 500 euros à verser à la commune de Lanton, en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... et Mme D... est rejetée.

Article 2 : M. E... et Mme D... verseront à la commune de Lanton une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E..., Mme B... D... et à la commune de Lanton.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Marianne Hardy, présidente de la chambre,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.

La rapporteure,

Charlotte C...Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03815 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à 5)
Numéro d'arrêt : 20BX03815
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : ACHOU-LEPAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-20;20bx03815 ?
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