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20/10/2022 | FRANCE | N°22BX00507

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à 5), 20 octobre 2022, 22BX00507


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 septembre 2020 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour ainsi que la décision du 22 février 2021 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2101104 du 27 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2022, Mme A..., représentée par Me Cess

o, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 septembre 2020 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour ainsi que la décision du 22 février 2021 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2101104 du 27 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2022, Mme A..., représentée par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 octobre 2021;

2°) d'annuler la décision préfectorale du 28 septembre 2020, ainsi que la décision portant rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou, à défaut de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un vice d'incompétence de son signataire ;

- la préfète a commis une erreur de droit en considérant que seul l'article 6 de l'accord franco-sénégalais du 1er août 1995 était applicable à sa situation, alors au demeurant qu'il ne l'était pas, et que la situation des ressortissants sénégalais relève également des conventions signées le 25 mai 2000 et 23 septembre 2006 ;

- la préfète n'a pas respecté l'ordre d'examen des critères posés par le Conseil d'Etat dans son avis n°334793 du 8 juin 2010 pour l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il ne ressort pas des termes des décisions attaquées que la préfète ait effectué une appréciation d'ensemble de sa situation ;

- la préfète a commis une erreur d'appréciation quant à la présence de l'emploi occupé dans la liste des métiers figurant à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais et dans l'appréciation de ses compétences pour l'occuper au vu de son expérience ;

- elle remplissait les conditions pour se voir délivrer, à tout le moins, un titre de séjour " salarié " ; la production d'un contrat à durée déterminée ne peut justifier à lui seul un refus ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle justifie d'une situation exceptionnelle au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale dès lors qu'elle a établi en France le centre de ses attaches familiales et privées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2022, la préfète de Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'elle réitère les termes de son mémoire de première instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;

- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de Mme B... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sénégalaise, née le 18 janvier 1990, est entrée régulièrement en France munie d'un titre de séjour italien, le 25 avril 2019 selon ses déclarations. Le 30 octobre 2019, elle a demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 28 septembre 2020, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande. Le recours gracieux formé par Mme A... à l'encontre de cette décision a été rejeté par une décision du 22 février 2021. Mme A... relève appel du jugement du 27 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

2. En premier lieu, Mme A..., reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine. (...). Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales ". Aux termes du paragraphe 32 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", d'une durée de douze mois renouvelables, ou celle portant la mention " travailleur temporaire " sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe VI ". Aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de ce même accord : " (...) Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : / - soit la mention " salarié " s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

5. Les stipulations du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En précisant que Mme A... ne justifiait pas d'un visa de long séjour délivré par les autorités consulaires, portant la mention " salariée " comme exigé par l'article 6 de l'accord franco-sénégalais du 1er août 1995, la préfète de la Gironde a examiné la demande de titre de séjour de Mme A... au regard des stipulations de cette convention, ce qui lui appartenait de vérifier alors même que la demande portait sur une admission exceptionnelle au séjour. Il ressort des mentions des décisions litigieuses, ainsi que l'a jugé le tribunal, que la préfète de la Gironde a également pris en considération la convention du 23 septembre 2006 modifiée. Mme A... ne précise pas en quoi les stipulations de la convention d'établissement du 25 mai 2000 lui ouvriraient un droit au séjour dont il n'aurait pas été tenu compte. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut être qu'écarté.

7. En troisième lieu, en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, de motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a sollicité son admission au séjour en se prévalant d'un contrat à durée déterminée signé le 11 septembre 2019 avec le centre départemental de l'enfance et de la Famille de Gironde en qualité d'agent des services hospitaliers qualifiés. A supposer même que cet emploi puisse être assimilé à l'un des métiers inscrits sur la liste figurant en annexe IV de l'accord franco-sénégalais dans la catégorie " service aux particuliers et collectivité ", il ne ressort pas des pièces du dossier que ce contrat, au demeurant non visé par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, aurait été renouvelé depuis le dernier bulletin de salaire délivré en février 2021. Par ailleurs, si l'intéressée a démontré son aptitude à s'intégrer socialement à travers l'activité professionnelle qu'elle a exercée, y compris pendant les périodes de confinement, comme en témoignent l'attestation établie par son employeur, ces éléments ne constituent pas non plus un motif exceptionnel de nature à justifier son admission au séjour en qualité de salarié. Si elle se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France depuis deux ans et de la scolarisation de ses deux enfants, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est en possession d'un titre de séjour italien d'une durée illimitée. Enfin, si elle fait valoir qu'elle a dû fuir l'Italie avec ses deux enfants car elle était victime de violences conjugales de la part de son compagnon, elle n'assortit ses affirmations d'aucun élément précis pour les corroborer. Dans ces conditions, Mme A... ne peut se prévaloir, au titre de sa vie privée et familiale ou au titre d'une activité salariée, d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel permettant son admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, alors même que la préfète de la Gironde ne pouvait légalement opposer à Mme A... le défaut de détention d'un visa de long séjour, il ressort des pièces du dossier qu'elle aurait pris la même décision en se fondant sur l'absence de motifs exceptionnels d'admission au séjour. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à la requérante, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En quatrième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier que la préfète de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen sérieux et approfondi de sa situation.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Mme A... fait valoir que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouvent désormais en France compte tenu de ce qu'elle y vit depuis le mois d'avril 2019 avec ses deux enfants mineurs et de ce qu'elle est parfaitement intégrée. Toutefois, l'entrée de l'intéressée en France est récente et elle ne justifie d'aucune autre attache personnelle sur le territoire national. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales au Sénégal, où résident ses parents, ni en Italie où réside sa fratrie. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à leur jeune âge et à la courte durée de leur scolarisation en France, ses enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité hors de France et notamment en Italie où ils sont nés. Dans ces conditions, et alors même qu'elle justifie d'une période d'emploi en qualité d'agent d'entretien entre septembre 2019 et février 2021 couvrant la période de confinement, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète de la Gironde n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de ce tout qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 28 septembre 2020 et 22 février 2021. Par suite sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Marianne Hardy, présidente de chambre,

Mme Christelle Bouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.

La rapporteure,

Birsen D...

Le président,

Luc DerepasLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00507


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à 5)
Numéro d'arrêt : 22BX00507
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-20;22bx00507 ?
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