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20/10/2022 | FRANCE | N°22BX00716

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à 5), 20 octobre 2022, 22BX00716


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2102133 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée le 28 février 2022, M. A..., représenté par Me Lanne, dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2102133 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2022, M. A..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2021;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de la présence de sa fille en France dont il justifie contribuer à l'entretien et l'éducation ; ses condamnations sont anciennes et il conteste les mises en causes évoquées par le préfet ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance des articles 3 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire :

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 25 septembre 1994, de nationalité algérienne, déclare être entré en France en dernier lieu en juin 2019. Le 8 avril 2020, il a sollicité, pour la troisième fois, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour prévue à L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée de deux ans. Il relève appel du jugement du 21 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande. M. A... en demande l'annulation.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les stipulations et dispositions applicables de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il fait également mention de la situation personnelle et familiale de l'intéressé, notamment de son mariage le 17 octobre 2015, de la naissance de sa fille et de la présence de l'enfant de son épouse. S'agissant de ses relations avec sa fille, il renvoie à l'appréciation portée par la cour administrative d'appel dans son arrêt du 12 novembre 2019, estimant que l'intéressé ne justifiait pas contribuer à l'entretien et l'éducation de son enfant ni de l'existence de liens affectifs. Enfin, la préfète fait état des précédentes mesures d'éloignement dont M. A... a fait l'objet ainsi que de ses antécédents judiciaires. En outre, l'autorité préfectorale, qui a rappelé la nationalité de M. A..., a indiqué qu'il n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Enfin, pour assortir la mesure d'éloignement d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans, la préfète de la Gironde a relevé que le requérant a déjà fait l'objet de deux mesures de reconduite à la frontière et est de nouveau entré irrégulièrement en France en 2019, qu'il représente une menace actuelle pour l'ordre public, qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie. Dès lors, alors qu'il ressort de ces éléments que la préfète a bien pris en compte la présence de son enfant en France, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas de cette motivation, ni des autres pièces du dossier que la préfète, qui, contrairement à ce que soutient M. A..., a bien pris en compte la naissance de sa fille le 29 juin 2016, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant. Par suite, le moyen, tiré du défaut d'examen dont serait entachée la décision doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). ". Selon les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... déclare être entré en France une première fois en 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 septembre 2015. Il s'est marié le 17 octobre 2015 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident de 10 ans et mère d'un enfant français et a formé, le 17 novembre 2015, une première demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Il a fait l'objet, par un arrêté du 24 mai 2016, d'un refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement exécutée le 19 mai 2017. Il déclare être de nouveau entré en France en fin d'année 2017 et a sollicité, le 4 février 2019, son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale en se prévalant de la naissance de sa fille le 29 juin 2016. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 13 février 2019 assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, exécutée le 2 mars 2019. L'intéressé est de nouveau entré en France à une date indéterminée, en juin 2019 selon lui, avant de présenter une nouvelle demande en se prévalant de sa situation familiale le 8 avril 2020. Il ressort également des pièces du dossier qu'il a été incarcéré de juillet 2016 à mai 2017 et de février 2018 à mars 2019 et qu'il est séparé de la mère de son enfant depuis juillet 2019. Ainsi, il ne démontre pas avoir vécu durablement avec sa fille depuis sa naissance et les factures d'achats de produits de la vie courante qu'il produit ne sont pas de nature à établir qu'il participerait à son entretien. Alors que le jugement de divorce prévoit que sa fille réside chez sa mère et renvoie à une fixation amiable des conditions de visite, il n'apporte aucune précision sur ce point, les attestations qu'il produit, peu circonstanciées et établies en décembre 2019 n'étant pas de nature à établir sa participation à l'éducation de sa fille et l'existence de liens affectifs depuis cette date. A cet égard la seule attestation d'un médecin généraliste établie en mars 2021, qui se borne à indiquer qu'il accompagne régulièrement son enfant à des consultations, n'est pas suffisamment probante. En outre, l'intéressé ne fait état d'aucun autre lien privé ou familial intense et stable en France, et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où résident ses parents et l'ensemble des membres de sa fratrie, et où il a lui-même vécu la majeure partie de son existence. Enfin, s'il a suivi des formations au cours des années 2018 et 2019 et s'il est enregistré en qualité de coursier à vélo au registre du commerce et des sociétés depuis le 16 juin 2020, au demeurant sur la base d'une fausse carte d'identité, il ressort du bulletin n° 2 de son casier judiciaire qu'il est défavorablement connu des services de police et a été condamné huit fois par le tribunal correctionnel de Bordeaux à vingt-quatre mois d'emprisonnement, dont quatre avec sursis, entre le 21 octobre 2015 et le 1er février 2018, essentiellement pour des faits de vol. Eu égard au caractère répété de ces faits, la préfète de la Gironde a pu considérer à bon droit qu'ils traduisaient un défaut d'intégration au sein de la société française. Dans ces conditions, les décisions litigieuses ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts poursuivis. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". L'article 16 de cette convention stipule que : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. / 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Compte tenu de l'absence de lien effectif et actuel entretenu par le requérant avec sa fille, il n'est pas fondé à soutenir que les stipulations des articles 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant auraient été méconnues.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 1er février 2021. Par suite sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées par son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Marianne Hardy, présidente de chambre,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

La rapporteure,

Christelle D...Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00716


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à 5)
Numéro d'arrêt : 22BX00716
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : LANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-20;22bx00716 ?
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