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03/11/2022 | FRANCE | N°21BX03647

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 03 novembre 2022, 21BX03647


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la délibération du 27 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de Rémire-Montjoly a approuvé le plan local d'urbanisme communal en tant qu'il institue un secteur Nr, ainsi que la décision du 11 janvier 2019 du maire de Rémire-Montjoly en tant qu'elle rejette son recours gracieux, puis a demandé, en cours d'instance, l'annulation de la délibération du 27 juin 2018.

Par un jugement n° 1900420 du 11 juin 2021, le tribunal a

dministratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la délibération du 27 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de Rémire-Montjoly a approuvé le plan local d'urbanisme communal en tant qu'il institue un secteur Nr, ainsi que la décision du 11 janvier 2019 du maire de Rémire-Montjoly en tant qu'elle rejette son recours gracieux, puis a demandé, en cours d'instance, l'annulation de la délibération du 27 juin 2018.

Par un jugement n° 1900420 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 septembre 2021, le 29 août 2022 et le 19 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Chevallier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 11 juin 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Rémire-Monjoly du 27 juin 2018, ainsi que la décision du 11 janvier 2019 en tant qu'elle rejette le surplus de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Rémire-Montjoly la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de la Guyane a omis d'apprécier la légalité de la délibération litigieuse au regard des dispositions de la loi littoral, du schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération du Centre littoral et des dispositions générales de la zone N et des secteurs Ne et Nl ;

- les dispositions du règlement de la zone N du plan local d'urbanisme sont trop floues et permissives, en méconnaissance des articles L. 121-1 et suivants du code de l'urbanisme relatifs à la protection du littoral ; elles autorisent des installations et constructions qui ne sont pas prévues par ces dispositions, sans imposer qu'elles soient édifiées en continuité avec les agglomérations et les villages existants ;

- ces dispositions sont incompatibles avec le schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération du Centre littoral dès lors qu'elles autorisent toute construction, occupation ou utilisation du sol alors que le SCOT prescrit la limitation de l'étalement urbain et une protection affirmée des espaces naturels ; par ailleurs, elles sont incompatibles avec ce document, qui prévoit des coupures d'urbanisation sur la commune de Rémire-Montjoly et des aménagements spécifiques concernant les plages du Novotel, de Gosselin et de Stanis ;

- les dispositions de l'article 2 de la zone N concernant le secteur Nr sont en contradiction avec le préambule du règlement qui n'autorise qu'un maintien des constructions existantes ;

- les dispositions du règlement de la zone N ne prennent pas en compte le schéma de mise en valeur de la mer, dès lors que de nombreuses parcelles sont classées en zone Nr en lisière du rivage de la route des plages, au niveau des plages susceptibles d'accueillir des tortues marines ;

- les dispositions du règlement de la zone N méconnaissent l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme dès lors que les secteurs Ne, Nl et Nr s'apparentent à des secteurs de taille et de capacité d'accueil limités et qu'il n'est pas prévu de règles spécifiques et précises dans le règlement du plan local d'urbanisme permettant leur insertion dans l'environnement naturel ;

- les dispositions du règlement de la zone N sont incompatibles avec le plan de prévention des risques littoraux ;

- le classement de la parcelle cadastrée section AP n° 795 en secteur Nr est incompatible avec les dispositions du schéma d'aménagement régional valant schéma de mise en valeur de la mer et avec les dispositions du schéma de cohérence territoriale dès lors que la parcelle se situe dans le périmètre de l'espace naturel remarquable du littoral n° 10 ; ce classement est incompatible avec le plan de prévention des risques naturels littoraux de l'île de Cayenne dès lors qu'elle est en zone d'aléa élevé, ainsi qu'avec le plan de prévention du risque naturel " mouvement de terrain " où elle est également en zone d'aléa élevé ; ce classement est contraire avec la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement et avec l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il n'impose aucune évaluation préalable et ne prend pas en considération le fait que des constructions situées dans de telles zones sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement et la santé humaine ;

- le classement en zone UDa de la parcelle cadastrée section AP n° 173 est incompatible avec les dispositions du schéma d'aménagement régional valant schéma de mise en valeur de la mer dès lors que cette parcelle se situe dans le périmètre de l'espace naturel remarquable du littoral n° 10 ; il est également incompatible avec le plan de prévention des risques naturels littoraux et de mouvements de terrain dès lors que la parcelle se situe en zone d'aléa élevé, ainsi qu'avec les prescriptions du schéma de cohérence territoriale ;

- le classement en zone Nr de la parcelle cadastrée section AP n° 795 et en zone UDa de la parcelle section AP n° 713 est incompatible avec les limites du domaine public maritime, dans lesquelles ces parcelles sont incluses.

Par des mémoires en défense enregistrés le 13 juillet 2022 et le 19 septembre 2022, la commune de Rémire-Montjoly, représentée par Me Bouchet, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de Mme B... est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reproduire son mémoire de première instance ;

- la demande de première instance de Mme B... était tardive ;

- Mme B... avait limité sa demande de première instance à l'annulation de la délibération du 27 juin 2018 en tant que le plan local d'urbanisme approuvé institue une zone Nr ; les conclusions dirigées contre d'autres zones du plan local d'urbanisme sont donc irrecevables ;

- les moyens de Mme B... ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 29 août 2022 et des mémoires enregistrés le 20 septembre 2022 et le 9 octobre 2022, l'association Agir contre le Béton, représentée par Me Charlot, demande à la cour de faire droit aux conclusions de la requête n° 21BX03647 et de mettre à la charge de la commune de Rémire-Montjoly une somme de 2 500 euros.

Elle soutient que :

- le plan local d'urbanisme de Rémire-Montjoly est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale dès lors qu'il autorise en zone N toutes constructions, occupations et utilisations des sols ;

- le classement de certaines parcelles en zone Nr ou en zone UDa n'est pas justifié ;

- le classement de certaines parcelles est contestable ;

- le classement du secteur UDa, situé le long de la route des plages, et qui inclut la parcelle cadastrée section AP n° 173 est incompatible avec la définition de cet espace en espace naturel remarquable par le schéma d'aménagement régional de la Guyane et le schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération du Centre littoral ; ce secteur est défini comme un espace proche du rivage dans sa partie la plus haute, est inclus dans la zone des cinquante pas géométriques et couvert par le plan de prévention du risque naturel de mouvement de terrain ; la parcelle cadastrée section AP n° 173 est contigüe à une parcelle appartenant au conservatoire du littoral classée en Nl ; ce classement en secteur Uda représenterait une extension d'urbanisation ;

- le classement de la parcelle cadastrée section AP n° 795 soulève des questionnements quant à la compatibilité du plan local d'urbanisme au regard du schéma de cohérence territoriale et au regard de l'arrêté préfectoral classant cette parcelle dans le domaine public maritime ;

- le secteur UDa du plan local d'urbanisme créé en lieu et place de la zone II NDb du plan d'occupation des sols doit bénéficier d'un classement en tant qu'espace boisé dès lors qu'il fait partie du mont Mahaury.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande présentée par l'association Agir contre le Béton au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors que l'auteur d'une intervention n'a pas la qualité de partie à l'instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... C...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Mme B..., représentant l'association Agir contre le Béton.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 27 juin 2018, le conseil municipal de Rémire-Monjoly a approuvé la révision générale du plan d'occupation des sols valant élaboration du plan local d'urbanisme communal. Mme B... relève appel du jugement du 11 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur l'intervention de l'association Agir contre le Béton :

2. L'association Agir contre le Béton, qui a notamment pour objet " d'agir et de défendre, y compris par la voie judiciaire, contre les projets de construction, de bétonisation, de défrichement, de modification du littoral, de réduction des espaces naturels, des espaces verts et des terres agricoles de Rémire-Monjoly et de la CACL " justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi, son intervention à l'appui de la requête formée par Mme B... est recevable, dans la limite de la recevabilité des conclusions présentées par cette dernière.

Sur la recevabilité de la requête :

3. Contrairement à ce que soutient la commune de Rémire-Monjoly, la requête d'appel de Mme B... ne constitue pas la reproduction littérale de sa demande de première instance. En effet, d'une part, elle énonce à nouveau, de manière précise, les moyens de première instance dirigés contre la délibération en litige, et, d'autre part, soulève de nouveaux moyens, portant tant sur la régularité que sur les motifs du jugement attaqué. Une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Rémire-Monjoly ne peut être accueillie.

Sur la régularité du jugement :

4. A l'appui de sa demande, Mme B... soutenait notamment que le règlement concernant la zone N, et notamment les secteurs Nr, Ne et Nl, était incompatible avec les dispositions du code de l'urbanisme relatives à la protection du littoral ainsi qu'avec le schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération du Centre littoral. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. Par suite, son jugement doit être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de la Guyane.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est propriétaire d'une parcelle située sur le territoire de la commune de Rémire-Monjoly. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la commune, elle présente une qualité lui donnant intérêt à agir pour demander l'annulation de la délibération du 27 juin 2018 attaquée. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 153-21 du code de l'urbanisme : " Tout acte mentionné à l'article R. 153-20 est affiché pendant un mois au siège de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et dans les mairies des communes membres concernées, ou en mairie. Mention de cet affichage est insérée en caractères apparents dans un journal diffusé dans le département (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour les actes réglementaires qu'elles visent, le délai de recours contentieux court à compter de la plus tardive des deux dates correspondant, l'une au premier jour d'une période d'affichage en mairie d'une durée d'un mois, l'autre à l'insertion effectuée dans la presse départementale.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la mention de l'affichage de la délibération du conseil municipal de Rémire-Montjoly du 27 juin 2018 a été publiée dans le journal " France-Guyane " le 6 septembre 2018, et qu'il a été procédé à cet affichage à la mairie entre le 17 septembre 2018 et le 17 octobre 2018. Mme B... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette délibération le 14 novembre 2018, soit dans le délai de deux mois à compter de la plus tardive des deux dates mentionnées à l'article R. 153-21 du code de l'urbanisme. Contrairement à ce que soutient la commune, la circonstance que ce recours gracieux ait été adressé à la commune au nom de deux associations et de deux particuliers, dont Mme B..., n'a pas fait obstacle à ce que le délai de recours soit prorogé par le courrier du 14 novembre 2018 jusqu'à la notification de la décision du 11 janvier 2019 de rejet de ce recours gracieux. Par suite, cette fin de non-recevoir opposée en défense par la commune de Rémire-Monjoly doit également être écartée.

9. Toutefois, Mme B... a eu connaissance de la décision du 11 janvier 2019 de rejet de son recours gracieux au plus tard le 15 mars 2019, date à laquelle sa demande de première instance a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Guyane. Or, il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme B... demandait, dans ce recours, l'annulation de la délibération du 27 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de Rémire-Monjoly a approuvé le plan local d'urbanisme communal seulement " en tant qu'il institue une zone Nr ". Elle n'a présenté des conclusions tendant à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle concerne les autres dispositions du plan local d'urbanisme que par un mémoire enregistré le 25 mars 2021, soit postérieurement au délai de deux mois après la date à laquelle elle a eu connaissance de la décision du 11 janvier 2019. Dans ces conditions, ainsi que l'oppose la commune de Rémire-Monjoly dans son mémoire enregistré le 19 septembre 2022 communiqué à Mme B... le 23 septembre suivant, ses conclusions tendant à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle porte approbation des autres dispositions du plan local d'urbanisme que celles concernant le secteur Nr étaient tardives et n'étaient, par suite, pas recevables.

Sur la légalité de la délibération du 27 juin 2018 en tant qu'elle crée un secteur Nr :

En ce qui concerne le règlement du secteur Nr du plan local d'urbanisme :

S'agissant de la procédure :

10. Si Mme B... soutient que les réserves émises par le commissaire-enquêteur dans son avis n'ont pas été levées, elle n'invoque aucune disposition législative ou réglementaire ni principe imposant au conseil municipal de procéder à la levée des réserves émises par un commissaire-enquêteur lors de la procédure d'approbation d'un document d'urbanisme ou de motiver la délibération approuvant le plan local d'urbanisme sur ce point. Par suite, ces moyens sont inopérants et doivent être écartés.

S'agissant de la légalité interne :

11. Le zonage du plan local d'urbanisme de Rémire-Montjoly fait apparaître que le littoral de la commune a été classé en zone naturelle. Par ailleurs, le règlement de la zone N du plan local d'urbanisme définit cette zone comme correspondant " principalement à des espaces naturels et boisés répartis sur le territoire communal. Elle intègre aussi différentes parties proches du bord de mer où l'urbanisation est limitée en raison de l'application de certaines dispositions de la Loi Littoral ou de la survenance de phénomènes de recul du trait de côte. (...) La zone N comprend différents secteurs : (...)- le secteur Nr concerne notamment des emprises situées à proximité immédiate du trait de côte. Par application de la Loi Littoral ou par usage du principe de précaution qui s'impose au titre de l'érosion marine, il n'y est autorisé qu'un maintien, sous conditions et outre les règles applicables aux équipements publics ou aux installations et activités économiques nécessitant la proximité de la mer, de l'habitat existant ". Par ailleurs, aux termes de l'article 2 du règlement de la zone : " Occupation ou utilisation du sol admises sous conditions : Dans l'ensemble de la zone : - Toutes constructions, occupations et utilisations du sol sont autorisées sous réserve de respecter les prescriptions des Plans de Préventions des Risques en vigueur (...) Ainsi qu'en secteur Nr uniquement : - la réhabilitation des constructions existantes régulièrement édifiées, sous réserve qu'elles soient compatibles avec la sensibilité paysagère des milieux environnants et les différentes prescriptions applicables au titre de la gestion des risques naturels ; / - les installations nécessaires à des services publics, à des activités économiques ou à des équipements collectifs, lorsqu'ils sont liés à l'usage de la mer. Ces installations organisent ou préservent l'accès et la libre circulation le long du rivage ".

12. Il résulte des articles L. 131-4 et L. 131-7 du code de l'urbanisme que, s'agissant d'un plan local d'urbanisme, il appartient à ses auteurs de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire concerné est couvert par un schéma de cohérence territoriale ou un schéma de mise en valeur de la mer, cette compatibilité s'apprécie en tenant compte des dispositions de ces documents relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu'elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières.

13. En premier lieu, les dispositions de l'article 2 du règlement de la zone N du plan local d'urbanisme citées ci-dessus n'autorisent pas dans le secteur Nr tous types de constructions, occupations et utilisations du sols, contrairement à ce que soutiennent Mme B... et l'association Agir contre le Béton, mais ont seulement pour objet de soumettre les constructions, occupations et utilisations qui y sont autorisées au respect des plans de prévention des risques en vigueur sur le territoire de la commune, ainsi qu'au respect des règles particulières au secteur Nr. Par suite, les moyens tirés de l'incompatibilité de ces dispositions avec le document d'orientation général du schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération du Centre littoral et avec les dispositions du code de l'urbanisme relatives à la protection du littoral, qui ne sont pas assortis de précisions suffisantes, doivent être écartés.

14. En deuxième lieu, le schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération du Centre littoral prévoit des coupures d'urbanisation aux lieux-dits Mont Caïa, Gosselin, Pointe Diamant et Beau Soleil. Selon le document d'orientations générales de ce schéma : " Ne sont admis dans ces coupures d'urbanisation que : - l'adaptation, la réfection et l'extension mesurée des constructions existantes ainsi que leur changement de destination s'il est lié à la vocation de ces espaces ; - les équipements publics d'infrastructures d'intérêt général ; - les constructions, les aménagements et les installations nécessaires au fonctionnement des activités sportives ou de loisirs ; - les constructions, aménagements et installations légers nécessaires à la réalisation de parcs et de jardins publics et aux activités de loisirs de plein-air. Les documents d'urbanisme des communes pourront préciser ces coupures d'urbanisation et en identifier de nouvelles répondant aux principes ci-dessus ". Contrairement à ce que soutient Mme B..., les dispositions du règlement du secteur Nr du plan local d'urbanisme de Rémire-Montjoly ne sont pas, en elles-mêmes, incompatibles avec ces dispositions, lesquelles admettent la réalisation de certains aménagements dans les coupures d'urbanisation. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que les dispositions du document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale concernant les plages dites du Novotel, de Gosselin et de Stanis " ont été occultées " du règlement du plan local d'urbanisme, Mme B... n'apporte pas de précisions suffisantes qui permettraient de considérer que le plan local d'urbanisme en cause, qui n'est pas tenu de reprendre explicitement toutes les prescriptions édictées par le schéma de cohérence territoriale, serait incompatible avec ce document. A cet égard, les circonstances que le littoral de la commune de Rémire-Montjoly se situe dans une zone d'intérêt écologique, faunistique et floristique ou que le préfet aurait émis des réserves reprises par le commissaire enquêteur dans son rapport du 4 mai 2018 ne permettent pas de caractériser une telle incompatibilité.

15. En troisième lieu, le schéma d'aménagement régional de la Guyane, qui vaut schéma de mise en valeur de la mer, préconise des aménagements respectueux des lieux de ponte des tortues de mer et prévoit notamment, afin prévenir les conflits d'usage, que : " Des aménagements respectueux des plages et du milieu (pontes des tortues marines, oiseaux) doivent être prévus sur les plages de Cayenne, Rémire-Montjoly, Awala-Yalimapo et Kourou, comme : - l'éclairage non orienté vers la plage ;/ - le stationnement en arrière des plages ; / - la réalisation d'un cordon végétal entre les stationnements et la plage ; / l'installation de barrières pour éviter la circulation de véhicules sur les plages, hormis pour la sécurité ; / - la réalisation de cheminements pour canaliser la fréquentation. / Par ailleurs, peuvent être autorisés les aménagements légers à finalité de loisirs suivants : sanitaires, poubelles, tables de pique-nique et carbets, aménagement pour la surveillance des plages les plus fréquentées en haute saison. / Conformément aux dispositions du code de l'urbanisme relatives au littoral, les aménagements doivent veiller à préserver l'accès libre au rivage ".

16. Contrairement à ce que soutient Mme B..., les dispositions de l'article 2 du règlement de la zone N du plan local d'urbanisme spécifiques au secteur Nr ne font pas obstacle à ce que les installations nécessaires à des services publics, à des activités économiques ou à des équipement collectifs liés à l'usage de la mer respectent les prescriptions relatives aux conflits d'usage résultant des dispositions du schéma de mise en valeur de la mer citées ci-dessus, et ne sont ainsi pas incompatibles avec ce document. A cet égard, si Mme B... entend se prévaloir d'une réserve émise par le préfet de région, la référence à cet avis n'est pas suffisamment précise et ne permet au demeurant pas de considérer que le plan local d'urbanisme de Rémire-Montjoly serait incompatible avec le schéma de mise en valeur de la mer.

17. En quatrième lieu, si Mme B... fait valoir que les dispositions du règlement du secteur Nr du plan local d'urbanisme sont floues et qu'elles sont trop permissives au regard des articles L. 121-8, L. 121-13 et L. 121-16 du code de l'urbanisme relatifs à la protection du littoral, elle n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, alors au demeurant qu'il ressort des dispositions portant sur l'aménagement et la protection du littoral que des constructions peuvent être autorisées sous certaines conditions, telles que les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. A cet égard, la circonstance que le commissaire-enquêteur ait repris dans son rapport du 4 mai 2018 un avis favorable assorti de réserves du préfet, lesquelles concernaient notamment la compatibilité du règlement du secteur Nr avec les dispositions de la loi littoral, sans toutefois préciser les motifs justifiant cette réserve, ne permet pas à elle seule de caractériser une telle incompatibilité.

18. En cinquième lieu, il résulte des dispositions du règlement de la zone N du plan local d'urbanisme citées au point 11 que le secteur Nr y est défini comme un secteur dans lequel est seulement autorisé le maintien de l'habitat existant " outre les règles applicables aux équipements publics ou aux installations et activités économiques nécessitant la proximité de la mer ". Ainsi, les dispositions de l'article 2 du règlement de la zone N, en autorisant " les installations nécessaires à des services publics, à des activités économiques ou à des équipements collectifs, lorsqu'ils sont liés à l'usage de la mer " ne sont pas contradictoires avec cette définition, contrairement à ce que soutient Mme B.... Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du secteur Nr seraient contradictoires doit être écarté.

19. En sixième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 13, il résulte de l'article 2 du règlement de la zone N du plan local d'urbanisme attaqué que, pour l'ensemble de la zone, les utilisations des sols ne peuvent être autorisées que sous réserve du respect des plans de prévention des risques en vigueur, incluant nécessairement le plan de prévention des risques naturels littoraux de l'île de Cayenne. Par suite, le moyen tiré de ce que le règlement du secteur Nr serait incompatible avec ce plan de prévention doit être écarté.

20. En septième lieu, le plan local d'urbanisme de Rémire-Monjoly autorise seulement, dans le secteur Nr, la réhabilitation des constructions existantes et les équipements collectifs liés à l'usage de la mer. Dans ces conditions, dès lors que les constructions et aménagements prévus par l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme n'y sont pas autorisés, les auteurs de ce plan local d'urbanisme n'ont pas entendu instaurer des secteurs de taille et capacité d'accueil limitées dans ce secteur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article en l'absence, dans le règlement, de précisions concernant les règles d'implantation, de hauteur et de densité des constructions autorisées dans ces secteurs doit être écarté.

21. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les dispositions du règlement concernant le secteur Nr du plan local d'urbanisme auraient pour objet de régulariser des constructions illégales ou des activités non autorisées, ou aurait été adoptées pour des motifs étrangers aux règles d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

En ce qui concerne le classement de la parcelle cadastrée section AP n° 795 :

22. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, et leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

23. En premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, les auteurs du plan local d'urbanisme ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols. Par suite, l'association Agir contre le Béton ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il ne serait pas justifié du classement, par la délibération attaquée, en secteur Nr d'un secteur anciennement classé par le plan d'occupation des sols en secteur Nl.

24. En second lieu, le plan local d'urbanisme de Rémire-Monjoly classe la parcelle cadastrée section AP n° 795 en secteur Nr. Alors même que cette parcelle serait située dans le périmètre d'un espace naturel remarquable du littoral identifié par le schéma de mise en valeur de la mer et repris par le schéma de cohérence territoriale, ce classement dans un secteur spécifique d'une zone naturelle n'est pas incompatible avec les prescriptions du schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération du Centre littoral, lesquelles interdisent toute urbanisation nouvelle et n'autorisent que les aménagements légers sous certaines conditions. Il n'est pas davantage incompatible avec le plan de prévention des risques naturel littoraux ou le plan de prévention des risques de mouvements de terrain dès lors que dans l'ensemble de la zone N les constructions, installations et occupations des sols sous soumises au respect des plans de prévention des risques en vigueur, ainsi qu'il a été dit au point 13. En outre, il ne ressort pas des schémas figurant au schéma de mise en valeur de la mer, qui ne sont pas des plans parcellaires, que la parcelle en cause serait située dans un corridor écologique, contrairement à ce que soutient Mme B.... A supposer même que ce soit le cas, son classement dans un secteur autorisant seulement l'extension limitée de l'habitat existant et les seules " installations nécessaires à des services publics, à des activités économiques ou à des équipements collectifs, lorsqu'ils sont liés à l'usage de la mer " n'est pas incompatible avec cette implantation. En outre, compte tenu du régime spécifique applicable à la zone dite des " cinquante pas géométriques " en Guyane, prévu par les articles L. 5111-1 du code général de la propriété des personnes publiques et suivants, la parcelle en cause ne peut être considérée, au regard de sa simple position géographique et sans autre précision, comme faisant partie du domaine public maritime. Et, à supposer qu'elle doive être regardée comme relevant du domaine public maritime, son classement en secteur Nr de la zone N ne lui donne pas, en tout état de cause, une affectation incompatible avec cette appartenance. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que le classement contesté n'impose pas d'évaluation préalable et que des constructions seraient susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement et la santé humaine, Mme B... n'assortit pas ses moyens tirés de la méconnaissance de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel à cette convention de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Enfin, la seule circonstance que des parcelles voisines appartenant au Conservatoire du Littoral aient été classées en secteur Nl du plan local d'urbanisme n'est pas de nature à caractériser une erreur manifeste d'appréciation dans le classement de la parcelle cadastrée section AP n° 795.

25. Les autres moyens de la requête, qui sont relatifs à la zone N, aux secteurs Nl et Ne et à une parcelle classée en zone UDa, ne peuvent être utilement invoqués à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 27 juin 2018 du conseil municipal portant approbation du plan local d'urbanisme de Rémire-Monjoly en tant qu'elle crée le secteur Nr. Ces moyens doivent, par suite, être écartés.

26. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la délibération du 27 juin 2018 par laquelle le conseil municipal a approuvé le plan local d'urbanisme de Rémire-Monjoly en tant qu'elle crée le secteur Nr doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rémire-Montjoly la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros à ce titre. Enfin, les conclusions présentées par l'association Agir contre le Béton, qui n'a pas la qualité de partie à l'instance, sur le fondement de ces mêmes dispositions sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Agir contre le Béton est admise dans la limite de la recevabilité des conclusions présentées par Mme B....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 11 juin 2021 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de la Guyane et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions de l'association Agir contre le Béton présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Mme B... versera à la commune de Rémire-Monjoly une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la commune de Rémire-Montjoly et à l'association Agir contre le Béton.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022.

La rapporteure,

Charlotte C...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03647 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03647
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP MARIEMA-BOUCHET et BOUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-03;21bx03647 ?
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