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03/11/2022 | FRANCE | N°21BX03946

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 03 novembre 2022, 21BX03946


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 1304635, M. C... F... et Mme D... F... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine à verser les sommes de 1 614 768,80 euros à M. F... et de 16 022,08 euros à Mme F... et à titre subsidiaire de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à v

erser les sommes de 1 544 768,80 euros à M. F... et de 6 022,08 euros à M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 1304635, M. C... F... et Mme D... F... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine à verser les sommes de 1 614 768,80 euros à M. F... et de 16 022,08 euros à Mme F... et à titre subsidiaire de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser les sommes de 1 544 768,80 euros à M. F... et de 6 022,08 euros à Mme F..., en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la myélinolyse consécutive à la greffe hépatique subie G... M. F... les 26 et 27 janvier 2011, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013.

Dans la même instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime a demandé au tribunal de condamner " le CHU de Bordeaux si sa responsabilité est reconnue " à lui rembourser la somme de 177 169,96 euros.

Sous le n° 1400362, M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine à verser solidairement des provisions de 412 949,45 euros à M. F... et

de 6 022,08 euros à Mme F..., l'ONIAM à verser des provisions de 377 948,45 euros

à M. F... et de 1 028,08 euros à Mme F..., et le CHU de Bordeaux à verser à M. et Mme F... une provision de 5 000 euros chacun, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013.

G... un jugement nos 1304635, 1400362 du 14 avril 2015, le tribunal a condamné

le CHU de Bordeaux à verser à M. et Mme F... une indemnité de 10 000 euros chacun

et a rejeté le surplus de leurs demandes, ainsi que les conclusions de la CPAM de

la Charente-Maritime.

Procédure initiale devant la cour :

G... un arrêt n° 15BX01943 du 11 juillet 2017, la cour confirmé les fautes retenues G... le tribunal et a ordonné une nouvelle expertise afin d'apprécier l'existence d'un lien de causalité ces fautes et la survenue de la myélinolyse dont a été victime M. F..., et d'évaluer l'éventuelle perte de chance d'éviter la myélinolyse.

Le rapport d'expertise a été enregistré le 4 juin 2018.

G... une ordonnance du 19 juillet 2018 la présidente de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires d'expertise à la somme de 3 334,80 euros.

G... une requête enregistrée le 11 juin 2015 et des mémoires enregistrés les 21 août et 30 novembre 2015, les 8 et 14 avril et le 24 novembre 2016, les 15 avril et 10 mai 2017, les 3 août et 14 décembre 2018 et les 8 et 27 février 2019, M. et Mme F..., représentés G... Me Abidos, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté leurs demandes autres que celle relative au préjudice d'impréparation ;

2°) à titre principal, de condamner solidairement le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine et à verser les sommes de 2 495 075,43 euros à M. F... et de 19 635,33 euros à Mme F..., et de condamner l'ONIAM à verser les sommes de 606 268,84 euros à M. F... et de 2 408,83 euros à Mme F... ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'ONIAM à verser les sommes

de 3 101 344,20 euros à M. F... et de 12 044,17 euros à Mme F..., et de condamner solidairement le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine à verser une somme de 10 000 euros à Mme F... en réparation de son préjudice d'affection, et à titre infiniment subsidiaire de condamner solidairement le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine à verser les sommes de 3 101 344,20 euros à M. F... et de 22 044,17 euros à Mme F... ;

4°) dans tous les cas, de condamner le CHU de Bordeaux à verser à M. et Mme F... une somme de 10 000 euros chacun au titre du préjudice d'impréparation ;

5°) de " condamner la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à garantir le CHU de Bordeaux des condamnations prononcées à son encontre " ;

6°) d'assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter

du 4 octobre 2013 et de leur capitalisation, ainsi que d'une injonction de paiement sous astreinte de 400 euros G... jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

7°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux, du groupe hospitalier du Havre, de l'Agence de la biomédecine et de l'ONIAM les dépens ainsi qu'une somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier en tant qu'il ne statue pas sur la demande en garantie formulée à l'encontre de la SHAM ;

- c'est à tort que le tribunal a conclu à l'absence de lien de causalité direct et certain entre la survenue de la myélinolyse centro et extra-pontine et les fautes retenues à l'encontre du CHU de Bordeaux, du groupe hospitalier du Havre et de l'Agence de la biomédecine et qu'il n'a pas retenu de perte de chance d'échapper à la myélinolyse ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les conditions d'engagement de la solidarité nationale sont réunies dès lors notamment que les dommages subis présentent un degré de gravité suffisant et que la myélinolyse centro et extra-pontine est une complication peu connue et rare, à laquelle M. F... n'était pas exposé de façon accrue ;

- ils justifient des préjudices qu'ils invoquent et au titre desquels ils réitèrent la demande de réparation formulée en première instance, excepté en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice d'impréparation résultant du manquement du CHU à son obligation d'information.

G... des mémoires en défense, enregistrés les 10 mars et 12 avril 2016, le 24 avril 2017 et les 9 janvier et 19 février 2019, le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et la SHAM, représentés G... Me Le Prado, concluent au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM de la Charente-Maritime.

Dans le dernier état de leurs écritures, ils font valoir que :

- la part du dommage imputable à l'état antérieur du patient ne saurait être contestée, et la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre la myélinolyse et les manquements fautifs reprochés au groupe hospitalier du Havre et au CHU de Bordeaux n'est pas rapportée ;

- l'Agence de la biomédecine, de G... sa mission de synchronisation des étapes du prélèvement, doit intégralement supporter les 25 % du dommage que l'expert a estimé en lien avec la myélinolyse ;

- M. et Mme F... ne sont pas fondés à demander que la SHAM soit condamnée à garantir le CHU de Bordeaux ;

- les demandes des consorts F... sont excessives ;

- les consorts F... ne peuvent demander qu'il soit fait injonction de payer les sommes réclamées sous astreinte ;

- la CPAM de la Charente-Maritime, qui ne peut solliciter pour la première fois en appel le remboursement de frais datant de 2013 qu'elle n'a pas demandé en première instance, est irrecevable à solliciter le remboursement de frais antérieurs au 14 avril 2015, date du jugement attaqué ;

- la CPAM n'établit ni la réalité des dépenses dont elle demande le remboursement, ni leur lien certain et exclusif avec les manquements fautifs reprochés, alors que l'état de santé

de M. F... imposait une greffe de foie emportant de nombreux frais.

G... des mémoires, enregistrés le 2 novembre 2015, le 24 mars 2016, le 14 avril 2017,

le 15 novembre 2018 et les 8 janvier et 27 février 2019, la CPAM de la Charente-Maritime, représentée G... la SCP Beauchard, Bodin, Demaison, Giret, Hidreau, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner solidairement le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine, à lui rembourser la somme de 112 703,76 euros ;

2°) de mettre à la charge solidaire du CHU de Bordeaux, du groupe hospitalier du Havre, de la SHAM et de l'Agence de la biomédecine les sommes de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que sa créance définitive s'élève à la somme de 450 815,06 euros, dont un quart doit, compte tenu des conclusions de l'expert judiciaire, être pris en charge solidairement G... le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine.

G... des mémoires enregistrés les 29 juillet et 16 septembre 2015, le 10 mars 2016,

les 27 mars et 5 mai 2017, le 25 juillet 2018 et le 18 décembre 2018, l'ONIAM, représenté G... la SELARL Birot, Ravaut et Associés, conclut à sa mise hors de cause.

Il fait valoir que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies et qu'il ne peut être condamné à rembourser les débours de la CPAM de la Charente-Maritime.

G... des mémoires, enregistrés le 1er avril 2016, le 7 novembre 2016, le 6 avril 2017 et

le 5 septembre 2018, l'Agence de la biomédecine, représentée en dernier lieu G... la SCP Piwnica et Molinié, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Dans le dernier état de ses écritures, elle fait valoir que :

- contrairement à ce que soutiennent M. et Mme F..., le tribunal, en rejetant le surplus des conclusions des parties, a statué sur leur demande de condamnation de la SHAM à garantir le CHU de Bordeaux ;

- comme l'a jugé le tribunal, aucun lien de causalité direct et certain ne peut être retenu entre les fautes relevées et la survenue de la myélinolyse ; en tout état de cause, la responsabilité des trois intervenants au processus de greffe ne saurait être répartie entre eux de manière égalitaire ;

- le jugement ne comporte aucune contradiction, et c'est à bon droit que le tribunal a écarté l'existence d'une perte de chance ;

- elle n'a commis aucune faute ou négligence ni dans la sélection du donneur ni dans l'absence de recherche d'antécédents, ni dans l'appréciation de la qualité du greffon ;

- les conclusions présentées à son encontre G... la CPAM sont nouvelles en appel, donc irrecevables, et au demeurant, la caisse ne justifie pas de l'intégralité des débours dont elle fait état.

G... un arrêt n° 15BX01943 du 2 avril 2019, la cour a condamné solidairement l'Agence de la biomédecine, le CHU de Bordeaux et le groupe hospitalier du Havre à verser

à M. F... la somme de 206 289,97 euros et à Mme F... la somme de 245 euros, avec intérêts à compter du 8 octobre 2011 et capitalisation à compter du 8 février 2019, à verser à la CPAM de la Charente-Maritime la somme de 44 292,89 euros, et à rembourser 25 % du montant des dépenses de santé futures de la caisse sur présentation de justificatifs.

G... une décision nos 431291, 431347 du 15 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé les arrêts n° 15BX01943 du 11 juillet 2017 et du 2 avril 2019, et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour après cassation :

G... des mémoires enregistrés les 22 décembre 2021 et 20 septembre 2022, la CPAM de la Charente-Maritime, représentée G... la SCP Beauchard, Bodin, Demaison, Giret, Hidreau, demande à la cour :

1°) de condamner solidairement le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre, la SHAM et l'Agence de la biomédecine à lui rembourser la somme de 67 737,43 euros ;

2°) de mettre à la charge solidaire du CHU de Bordeaux, du groupe hospitalier

du Havre, de la SHAM et de l'Agence de la biomédecine les sommes de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil établit le lien entre les prestations dont elle demande le remboursement et les faits survenus le 26 janvier 2011 ;

- ses débours définitifs s'élèvent à 270 949,73 euros ; elle sollicite, conformément

à la part de responsabilité de 25 % retenue G... l'expert, le remboursement de la somme

de 67 737,43 euros.

G... des mémoires enregistrés les 6 janvier, 28 mars, 29 avril et 19 mai 2022,

M. et Mme F..., représentés G... Me Abidos, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux nos 1304635, 1400362 du 14 avril 2015 en tant qu'il a rejeté leurs demandes autres que celles relatives au préjudice d'impréparation ;

2°) A titre principal de condamner solidairement le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine à verser les sommes de 3 415 481,39 à M. F... et de 19 635,33 euros à Mme F..., et de condamner l'ONIAM à verser les sommes de 836 370,34 euros à M. F... et de 2 408,83 euros à Mme F... ;

3°) à titre subsidiaire de condamner l'ONIAM à verser les sommes

de 4 251 851,75 euros à M. F... et de 12 044,17 euros à Mme F..., et de condamner solidairement le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine à verser une somme de 10 000 euros à Mme F... au titre de son préjudice d'affection, et à titre infiniment subsidiaire, de condamner solidairement le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine à verser les sommes de 4 251 851,75 euros à M. F... et de 22 044,17 euros à Mme F... ;

4°) dans tous les cas, de condamner le CHU de Bordeaux à verser à M. et Mme F... une somme de 10 000 euros chacun au titre du préjudice d'impréparation ;

5°) de " condamner la SHAM à garantir le CHU de Bordeaux des condamnations prononcées à son encontre " ;

6°) d'assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 et de leur capitalisation à compter du 27 janvier 2014, ainsi que d'une injonction de paiement sous astreinte de 400 euros G... jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

7°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux, du groupe hospitalier du Havre, de l'Agence de la biomédecine et de l'ONIAM les dépens, ainsi qu'une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Ils soutiennent que :

- le tribunal a omis de statuer sur leur demande tendant à ce que la SHAM soit condamnée à garantir le CHU de Bordeaux, ce qui constitue " une erreur matérielle " ; il appartient à la cour de faire droit à ces conclusions ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu de lien de causalité entre les fautes à l'origine de l'allongement de la phase d'anhépatie et la survenue de la myélinolyse, alors que selon l'expert, cette phase a concouru à la survenue de la complication ; les fautes, à l'origine d'une anhépatie d'une durée 8 fois supérieure à la durée normale, sont à l'origine d'une perte de chance d'échapper à cette complication ; il appartient à la cour de déterminer l'ampleur de cette perte de chance ;

- les deux rapports d'expertise qualifient la myélinolyse de complication peu connue et rare ; le risque de 2 % retenu G... le tribunal constitue une probabilité faible ; ni l'hyponatrémie préopératoire modérée, ni l'hypertension portale n'exposaient M. F..., dont la cirrhose était d'origine métabolique et non alcoolique, et qui n'était pas dénutri, à un risque accru ; ainsi, la condition d'anormalité ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale est remplie ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu de perte de chance imputable aux fautes du CHU de Bordeaux, du groupe hospitalier du Havre et de l'Agence de la biomédecine, puisqu'il ne peut être affirmé que la myélinolyse serait survenue en l'absence de ces fautes ;

- A titre principal, la survenue de la myélinolyse a pour origines des fautes et un aléa thérapeutique, et les préjudices doivent être réparés solidairement à hauteur de 80 % G... le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et l'Agence de la biomédecine, et à hauteur de 20 % G... l'ONIAM, dès lors que :

* l'allongement de la durée de la phase d'anhépatie est imputable aux fautes de l'Agence de la biomédecine, du groupe hospitalier du Havre et du CHU de Bordeaux comme l'a démontré le premier expert ;

* l'Agence de la biomédecine, qui intervient dans la sélection du donneur et concourt à l'appréciation des qualités du greffon en fonction des informations transmises, a commis une faute en s'abstenant de faire réaliser un scanner abdomino-pelvien du donneur qui aurait permis la découverte de l'adénopathie avant le clampage du pédicule hépatique de M. F... ;

* le premier expert a relevé que les apports de sérum salé et de bicarbonate de sodium étaient en relation avec l'impérieuse nécessité de la correction des pertes sanguines et ascitiques ; le second expert a confirmé qu'en cas d'ascite réfractaire, il était recommandé d'utiliser des paracentèses évacuatrices (environ deux G... mois), et contrairement à ce qu'il affirme, il n'a pas été réalisé de ponction ; ces fautes ont eu pour conséquence des pertes ascitiques massives

qui ont dû être compensées G... d'importantes quantités d'apports salés, ce qui constitue

une faute du CHU de Bordeaux antérieure à la transplantation ;

* selon le premier expert, la réalisation du risque de myélinolyse, auquel M. F... était exposé du fait de son état antérieur, aurait été une paresthésie des membres inférieurs, beaucoup moins grave que les séquelles dont il reste atteint ;

* la myélinolyse a pour origine les fautes du CHU de Bordeaux, du groupe hospitalier du Havre et de l'Agence de la biomédecine et un aléa thérapeutique ; le droit à indemnisation au titre de ces fautes n'exclut pas une indemnisation au titre de la solidarité nationale ; la part des fautes fixée à 25 % G... le second expert est insuffisante et doit être évaluée à 80 % en tenant compte de la durée de la phase d'anhépatie ;

- A titre subsidiaire, la survenue de la myélinolyse est un aléa thérapeutique et ouvre droit en totalité à une indemnisation au titre de la solidarité nationale dont les conditions sont remplies ;

- A titre infiniment subsidiaire, la réparation des dommages incombe intégralement au CHU de Bordeaux, au groupe hospitalier du Havre et à l'Agence de la biomédecine qui avaient une obligation de prudence renforcée dès lors que l'état antérieur de M. F... leur était connu ;

- ils ne contestent pas le jugement en tant qu'il a condamné le CHU de Bordeaux au titre du préjudice d'impréparation ;

En ce qui concerne les préjudices de M. F... :

- la demande, actualisée après la communication de la créance définitive de la CPAM

de la Charente-Maritime, est recevable ;

- seule la caisse est créancière des indemnités relatives aux dépenses de santé

actuelles (201 166,78 euros) et futures (209 577,85 euros), aux frais de transport (25 998,84 euros) et à la majoration pour tierce personne de la rente d'invalidité (14 071,59 euros) ;

- les frais d'aménagement du domicile se sont élevés à 27 395,42 euros, et compte tenu d'une aide de 5 895 euros versée G... la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), 21 500,42 euros sont restés à charge ;

- il est demandé 531,20 euros au titre des frais divers (téléphone, télévision et copie du dossier médical) ;

- dès lors que le véhicule d'origine ne pouvait pas être aménagé, il y a lieu de faire droit à la demande relative à l'achat d'un véhicule aménagé en 2018 et à son renouvellement tous

les 8 ans, soit un montant total de 95 076,30 euros ;

- l'actualisation en appel de la demande relative à l'assistance G... une tierce personne est recevable car elle a pour causes la continuité du dommage subi, et le devis actualisé constitue un élément nouveau ; l'imputation de la prestation de compensation du handicap (PCH) serait inéquitable et porterait atteinte au principe d'égalité entre les justiciables car la Cour de cassation ne la pratique pas ; le coût de l'assistance spécialisée G... un tiers durant 5 heures G... jour, sur la base d'un coût horaire de 24,50 euros selon le devis établi le 10 décembre 2021, s'élève

a minima à 3773 euros G... mois ; il y a lieu de retenir 66 249,74 euros au titre des arrérages échus du 2 décembre 2011 jusqu'au 8 avril 2013, date de consolidation, 444 531,75 euros au titre des arrérages échus du 8 avril 2013 au 29 avril 2022, et pour l'avenir une somme capitalisée

de 775 464,69 euros ; les 19 heures d'assistance G... jour assurées G... Mme F... doivent être indemnisées sur la base de 15 euros G... heure pour 11 heures d'assistance active de jour

et de 10 euros G... heure pour 8 heures d'assistance passive de nuit, et de 57 semaines G... an

afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, soit 132 036,20 euros échus

jusqu'au 8 avril 2013, 885 954,90 euros échus du 8 avril 2013 au 29 avril 2022, et pour l'avenir un capital de 1 545 506,55 euros ; l'indemnité sollicitée s'élève ainsi au total

à 3 849 743,83 euros ;

- il est demandé 20 000 euros au titre des périodes de déficit fonctionnel temporaire, 70 000 euros au titre des souffrances endurées, 20 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire qu'il convient de retenir à hauteur de 6/7 comme l'a fait le premier expert,

135 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent dont le taux ne saurait être inférieur

à 75 % dès lors que la marche est impossible, 25 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 10 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

En ce qui concerne les préjudices de Mme F... :

- il est demandé 980 euros au titre des frais d'hébergement exposés durant l'hospitalisation de son époux, 1 064,17 euros au titre des frais de transport, et 10 000 euros

au titre du préjudice d'affection caractérisé G... l'angoisse subie durant la phase d'anhépatie

de son époux, et de 10 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

En ce qui concerne les frais d'expertise :

- c'est à bon droit que le tribunal a mis les frais de la première expertise, d'un montant de 3 051,59 euros, à la charge du CHU de Bordeaux ;

- les frais de la seconde expertise doivent être mis à la charge de l'ONIAM, du CHU de Bordeaux, du groupe hospitalier du Havre et de l'Agence de la biomédecine.

G... des mémoires en défense enregistrés les 14 janvier et 16 mars 2022, l'Agence de la biomédecine, représentée G... la SCP Piwnica et Molinié, conclut au rejet de l'ensemble des demandes présentées à son encontre et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le CHU de Bordeaux, la SHAM et le groupe hospitalier du Havre ne sont pas recevables à demander pour la première fois en appel qu'elle les garantisse de leur condamnation ;

- contrairement à ce qu'a estimé le premier expert, il n'existait pas d'éléments concordants qui auraient dû conduire à la réalisation d'un scanner ; aucune règle applicable en matière de prélèvement d'organe ne prévoit l'obligation de réaliser ce type d'examen, ni d'éliminer un donneur potentiel dont les antécédents seraient inconnus ou qui présenterait des plaques pleurales ou infiltrats ; si la greffe était programmée, le prélèvement ne l'était pas et devait être effectué en urgence ; le choix du donneur a été validé G... les médecins de M. F... qui ont accepté le greffon hépatique proposé G... le pôle national de répartition des greffons sur la base des informations renseignées G... la coordination hospitalière du Havre ; ainsi, aucune faute n'a été commise ;

- le rôle du médecin coordonnateur interrégional consiste à appliquer les règles

de répartition et d'attribution des greffons, à synchroniser les étapes du prélèvement et les moyens de transport, et à centraliser les informations concernant le donneur et les conditions de prélèvement ; la réalisation d'examens complémentaires destinés à vérifier la bonne qualité du greffon ne relève pas de ses attributions, mais de celles du médecin de l'établissement qui procède au prélèvement des organes, ainsi qu'il résulte des dispositions des articles R. 1211-13 et R. 1211-14 du code de la santé publique et de l'arrêté du 27 février 1998 fixant les règles de bonnes pratiques alors applicable ;

- elle a vérifié la complétude du dossier " Cristal " du donneur et la cohérence des informations collectées G... les médecins en charge du donneur et les chirurgiens préleveurs ; il était indiqué " non " à la question relative à l'existence d'une maladie néoplasique alors que la réponse était inconnue, ce qui engage la responsabilité du groupe hospitalier du Havre, et aucune erreur de conception du logiciel de sélection ne saurait lui être reprochée ; elle n'avait aucune raison de mettre en cause l'appréciation des médecins du groupe hospitalier du Havre et du CHU de Bordeaux qui avaient conclu à l'acceptabilité du greffon hépatique ; il appartenait à l'équipe de prélèvement du CHU de Bordeaux, qui avait connaissance d'un ganglion suspect sur le hile rénal droit jetant un doute sur la qualité du greffon hépatique, d'informer l'équipe chargée de préparer la transplantation ; le risque concernant le greffon a été retranscrit sans délai dans le dossier " Cristal ", et l'équipe bordelaise de transplantation n'a pas tenu compte de cette information ;

- dès lors qu'un dossier " Cristal donneur " avait été régulièrement constitué, elle n'avait pas à se substituer aux médecins ayant pris en charge et sélectionné le donneur en demandant la réalisation d'examens complémentaires.

G... des mémoires en défense enregistrés les 17 février, 15 avril et 10 mai 2022, le CHU de Bordeaux, la SHAM et le groupe hospitalier du Havre concluent au rejet de l'appel de M. et Mme F... et des conclusions de la CPAM de la Charente-Maritime, et demandent à la cour de condamner l'Agence de la biomédecine à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre dans les limites de sa part de responsabilité.

Ils font valoir que :

- ils s'en rapportent à la sagesse de la cour sur la question de savoir si la myélinolyse remplit la condition de gravité ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ;

- le premier expert a conclu que l'implantation différée du greffon hépatique n'a pas eu pour conséquence de majorer les pertes sanguines et G... conséquence les apports salés directs et indirects, et que le risque hémorragique majoré était en relation directe, certaine et exclusive avec l'état antérieur ; si le second expert a retenu, dans la genèse de la myélinolyse, une part

de 25 % imputable aux " suppléments " thérapeutiques imposés G... les dysfonctionnements préopératoires, il ne démontre pas en quoi l'allongement du temps opératoire ou l'anhépatie auraient pu contribuer à la survenue de la myélinolyse ; ainsi, les fautes reprochées sont sans lien avec les préjudices ;

- le défaut d'information n'engage pas la responsabilité du CHU de Bordeaux dès lors que M. F... n'aurait pas renoncé à la greffe hépatique s'il avait été informé, et à titre subsidiaire, l'état antérieur a joué un rôle majeur dans la survenue de l'aléa thérapeutique ;

- les experts n'ont identifié aucun manquement dans la phase antérieure à la transplantation ;

- en admettant que le défaut du premier greffon soit pour partie à l'origine du dommage, l'erreur de conception du logiciel de sélection mis en œuvre G... l'Agence de la biomédecine, qui ne prévoit pas la réponse " ne sait pas " ou " non renseigné " à l'item relatif aux maladies néoplasiques, a conduit à sélectionner un greffon impropre à la transplantation ; en outre, si l'Agence a soutenu ne pas intervenir dans le processus de greffe, elle a mis en œuvre des procédures de sélection insuffisantes et a manqué de diligence dans l'information de l'équipe chirurgicale bordelaise, comme l'a relevé le second expert ;

- en admettant que leur responsabilité puisse être retenue solidairement avec celle de l'Agence de la biomédecine, elle sera limitée à 25 % comme l'a retenu le second expert ;

-les demandes de M. et Mme F... sont irrecevables en ce qu'elles excèdent le montant sollicité en première instance ;

- les demandes relatives à l'aménagement du domicile, ainsi qu'à l'aménagement du véhicule dont seul le surcoût peut être indemnisé, doivent être rejetées en l'absence de justificatifs suffisants ;

- les demandes présentées au titre de l'assistance G... une tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent qui n'est pas de 70 % mais de 56 %, du préjudice esthétique temporaire et permanent et des souffrances endurées sont manifestement excessives ;

- le préjudice d'impréparation a été indemnisé G... le jugement dont M. et Mme F... se bornent à demander la confirmation sur ce point, et les requérants ne sont pas fondés à demander une somme de 10 000 euros chacun dès lors qu'il n'est pas établi que le consentement de M. F... n'aurait pas été recueilli, qu'il n'y avait pas d'alternative thérapeutique à la greffe, et que Mme F... ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice qui ne concerne que son mari ;

- les demandes de Mme F... relatives aux frais d'essence et de péage doivent être rejetées, et aucun préjudice sexuel n'a été retenu dans le cadre de l'expertise ;

- à supposer que le préjudice d'affection invoqué soit avéré, la somme demandée

G... Mme F... doit être réduite à de plus justes proportions ;

- la CPAM de la Charente-Maritime est irrecevable à demander en appel le remboursement de frais de 2013 qu'elle n'a pas demandés en première instance ;

- alors que la transplantation était nécessaire et aurait imposé des soins, la caisse ne justifie pas des frais directement et exclusivement en lien avec le défaut initial du greffon ;

- en ce qui concerne les frais futurs, ils s'opposent à toute capitalisation et ne procéderont à leur remboursement que sur présentation de justificatifs, dans la limite de leur part de responsabilité ;

- dans l'hypothèse où leur responsabilité serait retenue solidairement avec celle de l'Agence de la biomédecine, ils demandent à être garantis G... cette dernière des condamnations prononcées à leur encontre.

G... un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2022, l'ONIAM, représenté G...

la SELARL Birot, Ravaut et Associés, conclut à la confirmation du jugement du tribunal administratif et à sa mise hors de cause.

Il fait valoir que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la condition d'anormalité du dommage n'était pas remplie dès lors que le risque de myélinolyse ne présentait pas une probabilité faible ;

- des fautes mises en évidence G... les expertises ont été commises G... l'Agence de la biomédecine et le groupe hospitalier du Havre dans la sélection du donneur, et G... le CHU de Bordeaux dans l'organisation du prélèvement d'organe ; le second expert a conclu que les préjudices subis G... M. F... résultaient de ces fautes dans une proportion de 25 % et de l'état antérieur pour 75 % ; ainsi, aucune indemnisation n'incombe à la solidarité nationale ;

- M. F... présentait un hépatocarcinome qui aurait conduit à son décès en l'absence de transplantation hépatique, et le risque de myélinolyse auquel il était exposé n'était pas le taux théorique de 2 % mentionné G... le premier expert, puisque le patient présentait une hyponatrémie chronique liée au traitement de la cirrhose décompensée ainsi qu'une hypertension portale avec des dilatations variqueuses responsables de saignements très importants pendant l'intervention ; en outre, M. F... a subi durant les deux temps de la transplantation une importante et rapide correction de son hyponatrémie G... des apports salés massifs nécessités G... les pertes sanguines en lien avec son état antérieur et avec l'intervention qui est très hémorragique, et le premier expert a évalué à 20 % la part de la myélinolyse attribuable à l'état antérieur ; eu égard à cette exposition particulière au risque de myélinolyse, le dommage n'est pas anormal et n'ouvre pas droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ;

- il ne saurait être condamné à rembourser la créance de la CPAM de

la Charente-Maritime, laquelle ne présente d'ailleurs aucune demande à son encontre.

G... lettre du 14 janvier 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de ce que l'instruction serait susceptible d'être close, sans avertissement préalable, G... l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, à compter du 15 mars 2022.

La clôture immédiate de l'instruction a été décidée G... une ordonnance

du 1er juin 2022.

Des pièces ont été produites à la demande de la cour G... la CPAM de

la Charente-Maritime les 31 août et 20 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 février 1998 portant homologation des règles de bonnes pratiques relatives au prélèvement d'organes à finalité thérapeutique sur personne décédée ;

- l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Abidos, représentant les consorts F..., de Me Demailly, représentant le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre et la SHAM, de Me Dagouret, représentant l'ONIAM et de Me De Cenival, représentant l'Agence de la biomédecine.

Des notes en délibéré présentées pour l'Agence de la biomédecine et pour l'ONIAM ont été enregistrées le 12 octobre 2022.

Une note en délibéré présentée pour les consorts F... a été enregistrée le 20 octobre 2022.

Une nouvelle note en délibéré présentée pour l'ONIAM a été enregistrée le 25 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., qui présentait un diabète de type II et était pris en charge au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux pour une cirrhose décompensée et un carcinome hépatocellulaire avec une indication de greffe hépatique posée en avril 2010, a été admis dans cet établissement le 26 janvier 2011 pour la réalisation de cette intervention, le greffon devant être prélevé au centre hospitalier du Havre. Le chirurgien du CHU de Bordeaux, qui avait commencé l'opération et procédé à 9 heures au clampage du pédicule hépatique rendant l'hépatectomie irréversible, a été informé à 9 heures 30 de la détection chez le donneur d'une adénopathie rénale cancéreuse, métastase d'un probable cancer pulmonaire. Il a été décidé, après concertation, de renoncer à l'implantation du greffon hépatique en raison d'un bilan bénéfices-risques défavorable. Un second greffon, demandé en " super-urgence " auprès de l'Agence de la biomédecine qui l'a proposé 20 minutes plus tard, a été prélevé à Cholet et implanté dans la nuit du 26 au 27 janvier. Après l'arrêt de la sédation le 31 janvier 2011, M. F... a présenté

des troubles neurologiques, et une IRM cérébrale réalisée le 9 février a mis en évidence

des lésions de myélinolyse centro et extra-pontine, complication à l'origine de troubles

sensitivo-moteurs importants, notamment une tétraparésie dont la récupération est restée limitée malgré la rééducation.

2. M. et Mme F... ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'expertise, à laquelle il a été fait droit et qui a été étendue à l'Agence de la biomédecine. Dans son rapport déposé le 28 juin 2013, l'expert a conclu que des fautes avaient été commises dans l'organisation du prélèvement, que la survenue de la myélinolyse, en lien direct et certain avec la transplantation hépatique, relevait d'un aléa thérapeutique, et que l'état antérieur du patient y avait contribué à hauteur de 20 %. Leurs réclamations préalables ayant été rejetées, M. et Mme F... ont saisi le tribunal administratif de deux demandes de condamnation du CHU de Bordeaux, de l'Agence de la biomédecine, du groupe hospitalier du Havre et de l'ONIAM, la première à les indemniser de leurs préjudices en lien avec la myélinolyse, et la seconde à leur verser des provisions. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime a demandé au tribunal de condamner le CHU de Bordeaux à lui rembourser la somme de 177 169,96 euros. Le tribunal a joint les demandes et, G... un jugement du 14 avril 2015, a seulement condamné le CHU de Bordeaux à verser à M. et Mme F... une somme de 10 000 euros chacun au titre de leur préjudice d'impréparation en l'absence d'information sur le risque qui s'est réalisé, et a rejeté le surplus aux motifs, d'une part, que les fautes commises dans la sélection du premier greffon et le défaut de communication entre les équipes du CHU de Bordeaux n'étaient pas en lien direct et certain avec la survenue de la myélinolyse, et d'autre part, que cet aléa thérapeutique, qui ne pouvait être regardé comme présentant une probabilité faible et n'était pas sans rapport avec l'état de santé du patient et son évolution prévisible, n'ouvrait pas droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale. Le tribunal a également rejeté les conclusions de la caisse et a mis les frais d'expertise de 3 051,59 euros à la charge du CHU de Bordeaux.

3. M. et Mme F... ont relevé appel de ce jugement. G... un arrêt avant dire droit

du 11 juillet 2017, la cour a retenu les mêmes fautes et a ordonné une nouvelle expertise afin d'apprécier l'existence d'un lien de causalité entre ces fautes et la survenue de la myélinolyse, et d'évaluer l'éventuelle perte de chance que cette complication ne se réalise pas. L'expert, qui a déposé son rapport le 4 juin 2018, a conclu que la myélinolyse avait pour causes " l'état antérieur du patient " pour une part prédominante évaluée à 75 %, et les " suppléments " thérapeutiques imposés G... les dysfonctionnements préopératoires pour les 25 % restants. G... un arrêt du 2 avril 2019, la cour a jugé que les fautes commises étaient à l'origine d'une perte de chance de 25 % d'échapper aux séquelles de la myélinolyse, et a réformé le jugement en condamnant solidairement l'Agence de la biomédecine, le groupe hospitalier du Havre et le CHU de Bordeaux à verser les sommes de 206 289,97 euros à M. F... et de 245 euros à Mme F..., avec intérêts à compter du 8 octobre 2011 et capitalisation à compter du 8 février 2019, ainsi qu'une somme de 44 292,89 euros à la CPAM de la Charente-Maritime, et à rembourser les débours futurs de la caisse sur présentation de justificatifs. L'Agence de la biomédecine et M. et Mme F... se sont pourvus en cassation. G... une décision nos 431291, 431347 du 15 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé les arrêts des 11 juillet 2017 et 2 avril 2019 et a renvoyé l'affaire devant la cour. M. F... est décédé le 13 juillet 2022, l'affaire étant en état d'être jugée.

Sur l'étendue du litige :

4. L'appel de M. et Mme F... ne porte pas sur les sommes que le tribunal a condamné le CHU de Bordeaux à leur verser au titre du préjudice d'impréparation qu'ils ont subi du fait d'un défaut d'information sur le risque de complication neurologique grave. Si le CHU de Bordeaux fait valoir que les requérants ne seraient pas fondés à demander l'indemnisation

de ce préjudice, il ne présente pas d'appel incident.

Sur la régularité du jugement :

5. M. et Mme F... reprochent au tribunal d'avoir omis de statuer sur leur demande de condamnation de la SHAM à garantir le CHU de Bordeaux des condamnations prononcées à son encontre. Cette abstention entache d'irrégularité le jugement dans cette mesure. Il y a donc lieu de l'annuler en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur ce point, d'évoquer, et de constater, comme l'ont fait valoir le CHU de Bordeaux et la SHAM, que cette demande était irrecevable, seul le défendeur pouvant solliciter éventuellement une garantie de son assureur.

Sur la responsabilité pour faute :

6. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...). "

En ce qui concerne la prise en charge antérieure à la transplantation :

7. M. et Mme F... invoquent des recommandations de la Haute autorité de santé publiées en septembre 2007 selon lesquelles, dans le cas d'une ascite réfractaire, il convient, dans l'attente d'une transplantation hépatique, soit de mettre en place une anastomose intrahépatique portocave G... voie transjugulaire, soit de réaliser des ponctions évacuatrices. Ils reprochent au CHU de Bordeaux de ne pas avoir procédé à des ponctions de l'ascite antérieurement à la transplantation, abstention qui aurait eu pour conséquence des pertes ascitiques massives, compensées G... d'importants apports salés ayant favorisé la survenue de la myélinolyse. Le dossier médical fait apparaître qu'une ascite s'est constituée seulement à la fin de l'année 2010, et qu'une ponction réalisée le 24 novembre 2010 n'a pas permis son évacuation. Si le premier expert a indiqué que les apports salés reçus G... le patient lors du premier temps opératoire avaient pour objet de maintenir son hémodynamisme compromis G... des pertes sanguines massives et G... des pertes ascitiques, le second a précisé que l'ascite est un liquide " perdu " non utilisable, de sorte que l'aspiration d'un volume banal de 3,9 litres d'ascite en peropératoire n'avait nécessité aucune compensation. Cette conclusion n'étant pas critiquée, la faute invoquée, à la supposer établie, est sans lien avec le dommage.

En ce qui concerne le premier greffon :

8. Selon l'arrêté du 27 février 1998 portant homologation des règles de bonnes pratiques relatives au prélèvement d'organes à finalité thérapeutique sur personne décédée, les médecins du donneur prennent celui-ci en charge depuis le diagnostic de la mort encéphalique jusqu'au prélèvement, lequel est effectué G... des chirurgiens de l'établissement du donneur ou exerçant dans un autre établissement de santé, placés dans ce dernier cas sous la responsabilité du chef

de service concerné, le chirurgien préleveur pouvant être ou ne pas être le chirurgien transplanteur. En l'espèce, les médecins du donneur étaient ceux du groupe hospitalier du Havre, et le prélèvement du greffon hépatique a été effectué G... un chirurgien du CHU de Bordeaux placé sous la responsabilité de celui qui devait réaliser la greffe.

9. En vertu de l'article L. 1418-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable au litige, l'Agence de la biomédecine, qui s'est substituée à l'Etablissement français des greffes, a notamment pour mission, dans le domaine de la greffe, de participer à l'élaboration et, le cas échéant, à l'application de la réglementation et des règles de bonnes pratiques, de formuler des recommandations ainsi que de promouvoir la qualité et la sécurité sanitaires. L'article R. 1418-1 du même code prévoit qu'à ce titre, l'Agence de la biomédecine est en particulier chargée d'assurer " l'encadrement et la coordination des activités de prélèvements et de greffes d'organes, de tissus et de cellules issus du corps humain ".

10. Au titre de cette dernière mission et selon les règles fixées G... l'arrêté

du 27 février 1998, la coordination des opérations de prélèvement et de greffe est assurée G... des médecins de l'Agence de la biomédecine présents dans sept inter-régions, désormais regroupées dans les quatre services régionaux d'appui de l'agence. En vertu du I de l'annexe de cet arrêté relative au personnel, chaque établissement de santé concerné doit travailler en liaison avec le coordonnateur interrégional de l'Agence de la biomédecine, les médecins en charge du donneur ainsi que les chirurgiens en charge du prélèvement. Ces mêmes règles prévoient que, lors du processus de prélèvement, les médecins en charge du donneur et les chirurgiens préleveurs sont responsables de la collecte des informations concernant le donneur, en particulier celles susceptibles de donner des indications quant à la qualité des greffons, en vue de leur transmission à la coordination interrégionale de l'Agence de la biomédecine et aux équipes de greffes. La coordination interrégionale de l'agence est ainsi tenue informée de toute éventualité d'un prélèvement, la survenue d'incidents durant le processus qui va du prélèvement à la greffe devant lui être communiquée pour lui permettre d'engager une procédure d'alerte, ainsi qu'une enquête immédiate destinée à comprendre la cause de l'incident et en éviter la répétition.

11. Il résulte de ces dispositions que l'organisation et le déroulement des opérations de prélèvements et de greffes d'organes, en particulier les opérations de sélection du donneur et du greffon, qui nécessitent une étroite coordination entre ses différents acteurs, font participer l'Agence de la biomédecine à la phase de sélection du donneur, tant au stade de la vérification du caractère complet de son dossier et de la cohérence des informations qui y figurent qu'à celui de la concertation lors de sa sélection, ainsi qu'au suivi des informations le concernant, au cours ou à la suite du prélèvement. Dans ces conditions, la victime d'une opération de greffe qui estime que les sélections du donneur ou du greffon n'ont pas été satisfaisantes peut rechercher, sans avoir à établir la faute propre à chacun des intervenants, la responsabilité solidaire tant des établissements de santé impliqués dans l'opération de sélection que de l'Agence de la biomédecine. Conformément aux règles qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agence peut toutefois, lorsque sa responsabilité solidaire est ainsi recherchée, demander à être dégagée de toute responsabilité en établissant qu'elle n'a commis aucune faute dans l'accomplissement de ses missions propres.

S'agissant de la sélection du donneur :

12. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment du livret d'aide à la prise en charge d'un donneur potentiel d'organes en vue de prélèvement édité en septembre 2010 G... l'Agence de la biomédecine, produit en première instance G... M. et Mme F..., que l'éventualité d'un prélèvement d'organes doit être envisagée pour tout patient en état de mort encéphalique ou présentant une forte présomption de passage vers cet état, quels que soient l'âge ou les antécédents du donneur potentiel, dès lors que les études montrent de bons résultats avec des donneurs " limite ". Comme l'a relevé le premier expert qui s'est seul prononcé sur la sélection du premier donneur, qu'il a qualifiée de fautive, il existe seulement une obligation de moyens sur la qualité de la sélection du donneur, et non de résultat sur la qualité du greffon.

13. D'autre part, l'article R. 1211-13 du code de la santé publique, prévoyait, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, que : " Avant tout prélèvement d'éléments ou toute collecte de produits du corps humain à des fins thérapeutiques sur une personne vivante ou décédée, le médecin appelé à le réaliser est tenu de rechercher les antécédents médicaux

et chirurgicaux personnels et familiaux du donneur potentiel et de s'informer de l'état clinique de celui-ci, notamment en consultant le dossier médical, un document en retraçant le contenu

ou tout document comportant les informations pertinentes. (...) Le médecin qui réalise

le prélèvement vérifie que les informations ainsi recueillies ne constituent pas une

contre-indication à l'utilisation thérapeutique des éléments ou produits à prélever, notamment eu égard aux risques de transmission des maladies dus aux agents transmissibles non conventionnels (...)". L'article I.3.3.2 des règles de bonnes pratiques prévoit notamment

que : " Les chirurgiens préleveurs : / - sont tenus d'avoir pris connaissance du dossier du donneur (...) / - recueillent des informations permettant d'apprécier la qualité du (ou des) greffon(s) (...) ".

14. Le donneur, décédé d'un accident vasculaire cérébral, dont l'état de mort encéphalique avait été constaté le 25 janvier 2011 au groupe hospitalier du Havre, était âgé

de 74 ans. Les recherches entreprises n'ayant permis de retrouver aucun proche ni médecin traitant, la seule donnée médicale connue était la trace d'une hospitalisation six ans plus tôt, pour une alcoolisation avec la mention d'un alcoolo-tabagisme. Les résultats des examens sanguins réalisés n'étaient pas évocateurs d'une hépatopathie, l'échographie hépatobiliaire n'avait révélé aucune anomalie, et l'expert a admis que la notion d'une consommation d'alcool n'est pas un obstacle en soi au don d'organe hépatique et qu'en l'espèce, la stéatose secondaire à la prise d'alcool était faible (moins de 10 %). L'échographie rénale a été considérée comme normale malgré la présence de kystes parapyéliques bilatéraux, mais la radiographie thoraco-pulmonaire a été qualifiée d'anormale, avec une image à type de plaques pleurales et un infiltrat bilatéral. Dans ces circonstances, et alors que la greffe ne présentait pas pour le patient un caractère d'urgence absolue, ce qui permettait de réaliser l'ensemble des examens nécessaires pour s'assurer de la qualité du greffon hépatique, l'absence de réalisation d'un scanner pulmonaire et d'un scanner abdomino-pelvien G... le groupe hospitalier du Havre est constitutive d'une faute, comme l'a retenu l'expert qui a estimé que les règles relatives à l'élimination d'un donneur potentiel en fonction de critères médicaux avaient été méconnues. Cette faute n'est pas imputable à l'Agence de la biomédecine, à laquelle il n'appartenait pas d'ordonner des examens complémentaires.

S'agissant du dysfonctionnement dans la transmission de l'information :

15. Il résulte de l'instruction que l'équipe chirurgicale du CHU de Bordeaux qui avait prélevé le greffon hépatique était encore présente au bloc opératoire du groupe hospitalier

du Havre lorsqu'un chirurgien de ce dernier établissement a prélevé les reins et découvert, au plus tard à 7 heures 20, l'adénopathie rénale droite suspecte dont il a demandé un examen histologique à 7 heures 30, tandis que l'équipe du CHU de Bordeaux regagnait son établissement avec le greffon hépatique et un fragment de l'adénopathie. Cette équipe n'a pas informé le chirurgien du CHU de Bordeaux de cette découverte de nature à faire douter de la qualité du greffon hépatique, de sorte que l'intervention commencée à 6 heures 15 avec l'anesthésie du patient a été poursuivie jusqu'au clampage réalisé à 9 heures, rendant l'hépatectomie irréversible. Le défaut de communication entre les deux équipes du CHU de Bordeaux présente un caractère fautif, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

16. Il ressort de la chronologie des faits retracée G... le second expert que l'infirmier coordonnateur du groupe hospitalier du Havre a envoyé le ganglion suspect à l'analyse, en a confié une partie à l'équipe du CHU de Bordeaux pour examen anatomopathologique à son retour, et a prévenu l'Agence de la biomédecine. Ainsi, le groupe hospitalier du Havre n'a commis aucune faute dans la transmission de l'information.

17. Pour demander à être dégagée de toute responsabilité dans l'accomplissement de ses missions propres, l'Agence de la biomédecine fait valoir que le risque concernant le greffon a été retranscrit dès la découverte de l'adénopathie rénale dans le dossier " Cristal " qui était à la disposition de l'équipe de transplantation, qu'elle n'avait pas à alerter le CHU de Bordeaux sur le doute quant à la qualité du greffon, et qu'elle lui a transmis les résultats du contrôle anatomopathologique à 9 heures 30. Toutefois, la mission de coordination et d'alerte qui lui est impartie lui imposait, compte tenu de l'urgence, de porter à la connaissance de l'établissement greffeur tout élément de nature à influer sur les décisions chirurgicales, alors même qu'une équipe du CHU de Bordeaux était sur place au moment de la découverte de l'adénopathie du pédicule rénal droit du donneur, et de s'assurer de la bonne réception de cette information, ce qui n'a pas été fait. Ainsi, l'Agence de la biomédecine, qui a commis une faute dans l'accomplissement de ses missions propres, ne peut être dégagée de toute responsabilité.

Sur le lien de causalité :

18. Il résulte de l'instruction que la myélinolyse centro et extra-pontine à l'origine des séquelles dont M. F... est resté atteint est une complication rare de la greffe hépatique résultant de mécanismes complexes encore inexpliqués, en lien avec une correction très rapide de l'hyponatrémie (insuffisance de la concentration de sodium dans le sang). En l'espèce, l'hypothèse non contestée retenue G... les experts successifs est que la survenue de la myélinolyse était en rapport avec l'importance, et probablement la rapidité de la correction de l'hyponatrémie durant le temps opératoire. Le premier expert a expliqué que la transplantation hépatique s'est accompagnée d'importants apports intraveineux de sodium dont la finalité n'était pas de corriger l'hyponatrémie chronique initiale modérée, mais de compenser de volumineuses pertes sanguines (12 litres lors de la première intervention et 15 litres lors de la seconde) liées à l'existence d'une hypertension portale et à des troubles de la coagulation en relation avec la cirrhose. Le second expert a apporté des précisions en distinguant les pertes sanguines " prévisibles " liées aux conditions anatomiques locales, en rapport direct avec l'état cirrhotique, et celles " surnuméraires " en rapport avec les temps opératoires supplémentaires imputables au changement de greffon en cours de procédure. Il a relevé que l'absence de disponibilité d'un greffon au moment adéquat avait été à l'origine d'une prolongation du temps chirurgical des deux phases opératoires du fait de la nécessité, lors de la première, de réaliser une anastomose porto-cave temporaire au moyen d'un tube artificiel, et lors de la seconde, de procéder à une réouverture pariétale, de supprimer le bypass veineux artificiel et de retrouver les structures vasculaires, biliaires ou autres abandonnées lors du temps précédent. Il en est résulté une majoration des saignements, imposant un accroissement des apports salés. En outre, s'il n'y a pas eu de saignement significatif lors de la phase intermédiaire d'anhépatie d'une durée

de 16 heures 45, il a été néanmoins nécessaire de poursuivre la correction de la natrémie, car une hyponatrémie non corrigée risque de provoquer un œdème cérébral. Ainsi qu'il a été dit au point 3, l'expert a attribué à ces " suppléments " thérapeutiques dus au retard de réalisation de la phase d'implantation du greffon une contribution de 25 % à la survenue de la myélinolyse. Ce retard est en lien avec le dysfonctionnement dans la transmission de l'information et engage la responsabilité solidaire du CHU de Bordeaux et de l'Agence de la biomédecine.

19. Il résulte de l'instruction que la découverte de l'adénopathie rénale suspecte au plus tard à 7 heures 20 permettait d'alerter le chirurgien du CHU de Bordeaux en temps utile et d'éviter le clampage rendant l'hépatectomie irréversible, réalisé seulement à 9 heures. G... suite, la faute commise G... le groupe hospitalier du Havre en s'abstenant de réaliser les examens complémentaires qui auraient pu faire douter plus tôt de la qualité du greffon hépatique est sans lien avec la survenue de la myélinolyse. Dans ces circonstances, la responsabilité du groupe hospitalier du Havre n'est pas engagée.

Sur les modalités de la réparation :

20. Il résulte des termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que la réparation d'un accident médical ou d'une affection iatrogène G... l'ONIAM au titre de la solidarité nationale n'est possible qu'en dehors des cas où cet accident ou cette affection serait causé directement soit G... un acte fautif d'un professionnel de santé ou d'un établissement, service ou organisme mentionné au I du même article, soit G... un défaut d'un produit de santé.

21. Lorsque, dans un tel cas dont les conséquences dommageables remplissent les conditions prévues G... le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, une faute commise G... un professionnel, un établissement, un service ou un organisme mentionné au I du même article a, sans être la cause directe du dommage, fait néanmoins perdre à la victime une chance d'y échapper ou de se soustraire à ses conséquences, cette dernière a droit à la réparation intégrale de son préjudice au titre de la solidarité nationale, mais l'indemnité due G... l'ONIAM doit être réduite du montant de l'indemnité mise à la charge du professionnel, de l'établissement, du service ou de l'organisme responsable de la perte de chance, laquelle est égale à une fraction des dommages, fixée à raison de l'ampleur de la chance perdue.

22. G... suite, il appartient au juge saisi G... la victime d'un accident médical ou d'une affection iatrogène de conclusions indemnitaires invoquant la responsabilité pour faute

d'un professionnel de santé ou d'un établissement, service ou organisme mentionné au I

de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, de déterminer si le dommage a été directement causé G... la faute invoquée et, dans ce cas, si l'acte fautif est à l'origine des dommages corporels invoqués ou seulement d'une perte de chance de les éviter. Si l'acte fautif n'est pas la cause directe de l'accident ou de l'affection iatrogène, il lui appartient de rechercher, le cas échéant d'office, si le dommage subi présente le caractère d'anormalité et de gravité requis G... les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et doit, G... suite, faire l'objet d'une réparation G... l'ONIAM au titre de la solidarité nationale. Enfin, dans le cas d'une réponse positive à cette dernière question, si la faute reprochée au professionnel de santé ou à l'établissement, service ou organisme mentionné au I de l'article L.1142-1 du code de la santé publique a fait perdre à la victime une chance d'éviter le dommage ou de se soustraire à ses conséquences, il appartient au juge, tout en prononçant le droit de la victime à la réparation intégrale de son préjudice, de réduire l'indemnité due G... l'ONIAM du montant qu'il met alors, à ce titre, à la charge du responsable de cette perte de chance.

23. Il résulte de ce qui a été dit au point 18 que le dysfonctionnement dans la transmission de l'information a fait perdre à M. F... une chance de 25 % d'éviter la survenue d'une myélinolyse.

24. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé G... décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé G... décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé G... ledit décret. " Aux termes

de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de

l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. (...). " En l'espèce, le déficit fonctionnel permanent

imputable à la myélinolyse a été évalué à 56 % G... le premier expert et à 40 % G... le second.

25. Il résulte des dispositions citées au point précédent que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état. La condition d'anormalité du dommage prévue G... ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé G... sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès. Une probabilité de survenance du dommage qui n'est pas inférieure ou égale à 5 % ne présente pas le caractère d'une probabilité faible, de nature à justifier la mise en œuvre de la solidarité nationale.

26. Il est constant que le carcinome hépatocellulaire dont M. F... était atteint aurait conduit à son décès dans l'année en l'absence de greffe hépatique. Ainsi, cette intervention n'a pas entraîné de conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé en l'absence de traitement.

27. Le second expert a qualifié la myélinolyse de complication extrêmement rare de la greffe hépatique, et le premier a indiqué qu'elle pouvait atteindre une incidence de 2 % selon certains auteurs, en particulier lorsqu'il existe une hyponatrémie préopératoire. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 18, cette complication résulte de mécanismes complexes encore inexpliqués, en lien avec l'administration d'apports salés importants pour compenser des pertes sanguines. Elle doit donc être regardée comme une affection iatrogène. Il résulte de l'instruction que le risque de myélinolyse n'est que de 1 à 1,5 % pour les patients présentant une hyponatrémie inférieure à 120 mmol/l, plus importante que celle de M. F... qui était modérée à 128 mmol/l. Le rôle potentiel du diabète dans la survenue de cette affection n'est qu'une hypothèse non argumentée évoquée G... le premier expert. Si les experts ont estimé que la cirrhose décompensée et ses conséquences, c'est-à-dire une hyponatrémie préopératoire et une hypertension portale avec des dilatations variqueuses, avaient eu une part prédominante dans la réalisation du risque, la greffe hépatique, intervention G... nature hémorragique, donc imposant des apports salés susceptibles d'entraîner une myélinolyse, constitue une thérapie de dernier recours pour de nombreux patients atteints comme M. F... d'une cirrhose décompensée avec les mêmes risques de saignements très importants. La myélinolyse n'en demeure pas moins une complication rare de cette intervention. Dans ces circonstances, l'existence d'une exposition particulière de M. F... à sa survenue ne peut être retenue. G... suite, cette affection iatrogène a eu pour le patient des conséquences anormales au sens des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. L'ONIAM n'est pas fondé à soutenir, pour demander sa mise hors de cause, que la part du dommage non mise à la charge des établissements fautifs serait seulement en relation avec l'état antérieur de M. F....

28. Il résulte de ce qui précède que la réparation des préjudices de M. F... incombe solidairement au CHU de Bordeaux et à l'Agence de la biomédecine à hauteur de 25 %, et à l'ONIAM à hauteur de 75 %.

Sur les préjudices de M. F... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des frais divers :

29. Il est justifié de 292,40 euros de frais de téléphone et de télévision exposés lors des hospitalisations en service de médecine physique et de réadaptation au cours de l'année 2011,

et de 218 euros de frais de copie du dossier médical. Les frais divers s'élèvent ainsi

à 510,40 euros.

S'agissant de l'aménagement du domicile :

30. Le premier expert, qui a indiqué que des travaux d'aménagement de la salle de bains ont été réalisés pour permettre à M. F... d'y accéder en fauteuil roulant, que des portes ont été remplacées avec le déplacement de diverses prises électriques et assimilées, et que des travaux de peinture ont été réalisés, a retenu 19 200,47 euros de frais d'aménagement du domicile imputables aux séquelles de la myélinolyse, dont 5 895,44 euros ont été pris en charge G... la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH). Toutefois, les dépenses qu'il a admises ne sont pas détaillées, et les pièces produites ne permettent pas de retrouver quelles factures ont été prises en compte pour aboutir à 19 200,47 euros. Eu égard au handicap, il y a lieu d'admettre les travaux de réfection de la salle de bains pour 10 677,65 euros, les travaux de menuiserie pour 1 695,91 euros, le déplacement de prises et d'interrupteurs électriques pour 1 880,70 euros, et l'acquisition de matériel, dont une porte à deux battants, pour 3589,93 euros, soit 17 844,19 euros dont il convient de déduire la participation de la MDPH. Ce préjudice s'élève ainsi à 11 948,75 euros.

S'agissant de l'aménagement du véhicule :

31. Il résulte de l'instruction que du fait de son handicap, M. F... ne pouvait s'installer seul sur le siège passager d'un véhicule. La circonstance, à la supposer établie, que le véhicule dont le couple était propriétaire au moment du dommage, qui avait plus de quinze ans, n'aurait pas été aménageable, est sans incidence sur le fait que seul le surcoût de l'aménagement, à l'exclusion de l'acquisition d'un nouveau véhicule, ouvre droit à indemnisation. Le dispositif d'aménagement, d'un coût de 10 085,35 euros, a été acquis le 30 novembre 2018. Eu égard au décès de M. F... le 13 juillet 2022, antérieurement au premier renouvellement, il y a lieu de fixer le préjudice à 10 085,35 euros.

S'agissant de l'assistance G... une tierce personne :

32. D'une part, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, G... référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues G... l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié G... les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée G... un membre de la famille ou un proche de la victime.

33. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation G... une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance G... une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie G... ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.

34. La prestation de compensation du handicap accordée à toute personne handicapée, mentionné au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles correspondant aux charges liées à un besoin d'aides humaines y compris, le cas échéant, celles apportées G... les aidants familiaux, a le même objet que l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance G... tierce personne et ne peut faire l'objet, en vertu de l'article L. 245-7 du même code, d'un remboursement en cas de retour à meilleure fortune. Il suit de là que le montant de cette prestation peut être déduite d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance G... tierce personne.

35. Il résulte de l'instruction que l'accident médical a entraîné un handicap lourd, M. F... ne pouvant se déplacer qu'en fauteuil roulant, n'étant pas autonome pour les transferts du lit au fauteuil et ayant besoin d'aide pour la toilette, l'habillage et les gestes de la vie quotidienne. Toutefois, il parvenait à s'alimenter seul bien qu'avec difficulté, pouvait s'exprimer avec une force de la voix atténuée et ne présentait aucun trouble sphinctérien. Lors de la première expertise réalisée le 8 avril 2013, une désorientation temporelle mais non spatiale a été constatée, et son épouse a évoqué des troubles cognitifs. Le 28 février 2018, le second expert, qui a constaté un état globalement stationnaire, n'a retrouvé ni troubles cognitifs, ni désorientation. Il a précisé le besoin de " tierce personne à temps plein " retenu G... le premier expert en l'évaluant à 40 heures G... semaine, ce qui apparaît insuffisant au regard du handicap, lequel ne justifiait cependant pas les 24 heures G... jour sollicitées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer le besoin d'assistance nécessaire à 10 heures G... jour.

36. L'assistance décrite au point précédent ne présentant pas un caractère spécialisé et ayant toujours été assurée G... Mme F..., il y a lieu de l'évaluer au coût horaire moyen du salaire minimum au cours de la période en cause, du premier retour au domicile de M. F... le 2 décembre 2011 (hospitalisation à domicile) à son décès le 13 juillet 2022, majoré afin de tenir compte des charges sociales, des majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés et des congés payés, soit 15,50 euros G... heure. Il résulte de l'instruction que la durée totale des journées passées au domicile a été de 3 803 jours, ce qui conduit à fixer le préjudice à 589 465 euros. Ainsi qu'il a été exposé au point 34, il y a lieu de déduire la prestation de compensation du handicap perçue à hauteur d'un montant total de 56 760 euros. L'indemnité totale due s'élève ainsi à 532 705 euros.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

37. Il résulte de l'instruction que le déficit fonctionnel temporaire imputable à l'accident médical a été total durant 356 jours d'hospitalisation (du 26 au 31 décembre 2011 après déduction d'une période de deux mois correspondant aux suites normales de la greffe,

du 10 février au 8 mars 2012 et du 30 novembre au 21 décembre 2012), et de classe IV (75 %) durant 4133 jours (du 1er janvier au 9 février 2012, du 9 mars au 29 novembre 2012 et

du 22 décembre 2012 au 7 avril 2013). Il y a lieu de fixer ce préjudice à 10 700 euros sur la base de 500 euros G... mois de déficit total.

38. Il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées, dont l'évaluation

à 5,5 sur 7 G... le second expert n'est pas contestée, en fixant leur indemnisation à 20 000 euros.

39. Les experts ont retenu un déficit fonctionnel permanent de 70 %, dont 50 % pour les déficits sensitivo-moteurs avec un syndrome cérébelleux incomplet, ce qui inclut une dysarthrie, une tétraparésie limitant très fortement la station debout et empêchant la marche, une dystonie assez sévère du membre supérieur droit et une raideur de l'épaule droite limitée à 45 % en abduction, 5 % pour des troubles cognitifs mineurs, 10 % pour un état épileptique maîtrisé G... un traitement bien toléré et 5 % pour un état psychique permanent douloureux. Il résulte de l'instruction que toutes ces séquelles sont la conséquence directe de la myélinolyse, de sorte qu'il n'y a pas lieu de réduire le taux de 70 % pour tenir compte d'un " état antérieur " comme l'a fait le premier expert, ou du déficit fonctionnel " habituel après greffe " comme l'a fait le second. M. F... était âgé de 60 ans à la date de consolidation de son état de santé. Il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'il a subi jusqu'à son décès à l'âge de 70 ans en le fixant à 63 000 euros.

40. Le préjudice esthétique, caractérisé G... des dystonies, une paralysie faciale,

des attitudes vicieuses des membres supérieurs et inférieurs, une immobilisation au lit puis

au fauteuil, des mouvements incontrôlés et des escarres, a été coté à 6 sur 7

jusqu'au 31 décembre 2011, puis à 5 sur 7 après cette date, et il est resté inchangé

après consolidation. Il y a lieu d'évaluer le préjudice esthétique temporaire et permanent à une somme globale de 18 000 euros.

41. Il résulte de l'instruction que M. F..., propriétaire d'un bateau de plaisance, pratiquait des activités de pêche et de navigation dont la reprise est devenue impossible du fait des séquelles de la myélinolyse. Il y a lieu d'évaluer son préjudice d'agrément à 3 000 euros.

42. Il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel retenu G... le premier expert

en fixant son indemnisation à 2 000 euros.

43. Il résulte de ce qui précède que les préjudices de M. F... entrés dans sa succession s'élèvent à 671 949,50 euros, et doivent être réparés à hauteur de 167 987,38 euros

G... le CHU de Bordeaux et l'Agence de la biomédecine, et de 503 962,12 euros G... l'ONIAM.

Sur les préjudices de Mme F... :

44. Les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne prévoient d'indemnisation au titre de la solidarité nationale que pour les préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit. Il ne résulte pas de l'instruction que le décès

de M. F..., plus de dix ans après les évènements en litige, serait en lien avec l'affection iatrogène survenue en 2011. G... suite, l'ONIAM ne saurait être condamné à prendre en charge les préjudices de Mme F.... L'indemnisation ne peut être demandée qu'aux établissements responsables de fautes dans la prise en charge de son époux, dans la proportion de la perte

de chance.

45. Il y a lieu d'admettre 980 euros de frais d'hébergement de Mme F... lors de l'hospitalisation de son époux du 26 mars au 30 juin 2011. En revanche, les justificatifs produits ne permettent pas d'identifier les frais de péages et de carburant en lien avec cette hospitalisation.

46. Si Mme F... invoque l'angoisse ressentie durant la phase d'anhépatie de son époux, elle ne peut solliciter la réparation d'un préjudice d'affection à ce titre.

47. Il résulte de l'instruction, notamment de la première expertise, que Mme F... a subi un préjudice sexuel. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 2 000 euros.

48. Il résulte de ce qui précède Mme F... a droit à la réparation de ses préjudices G... le CHU de Bordeaux et l'Agence de la biomédecine à hauteur de 25 % de la somme

de 2 980 euros, soit 745 euros.

49. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation des préjudices de M. F... en tant qu'elle excède le montant de 1 614 768,80 euros sollicité en première instance, que le CHU de Bordeaux et l'Agence de la biomédecine doivent être solidairement condamnés à verser les sommes de 167 987,38 euros à la succession de M. F... et de 745 euros à Mme F..., et que l'ONIAM doit être condamné à verser la somme de 503 962,12 euros à la succession de M. F....

Sur les droits de la CPAM de la Charente-Maritime :

50. La CPAM de la Charente-Maritime a demandé en première instance la condamnation du seul CHU de Bordeaux à rembourser ses débours. G... suite, l'Agence de la biomédecine est fondée à opposer l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, dirigées à son encontre.

51. Une caisse primaire d'assurance-maladie ayant été mise à même de faire valoir ses droits devant le tribunal administratif mais ayant omis de demander en temps utile le remboursement de frais exposés antérieurement au jugement de ce tribunal n'est plus recevable à demander ce remboursement devant le juge d'appel. G... suite, le CHU de Bordeaux et la SHAM sont fondés à opposer l'irrecevabilité de la demande, présentée pour la première fois en appel,

de débours exposés en 2013, antérieurement au jugement du 14 avril 2015.

52. La CPAM de la Charente-Maritime justifie avoir exposé, en lien avec la faute retenue, des frais d'hospitalisation d'un montant total de 169 933,45 euros entre le 26 mars 2011 et le 21 décembre 2012, ainsi que 4 642,80 euros de frais médicaux entre le 5 décembre 2011 et le 23 juin 2012, 252 euros de frais pharmaceutiques le 2 décembre 2011, 2 045,61 euros de frais d'appareillage entre le 26 novembre 2011 et le 13 juin 2012, et 296,10 euros de frais de transport le 30 novembre 2012, puis, postérieurement au jugement du 14 avril 2015 et jusqu'au décès

de M. F... le 13 juillet 2022, 61 478,52 euros de frais médicaux, 3 611,20 euros

de frais pharmaceutiques et 3 862,74 euros de frais d'appareillage, soit un total

de 246 122,42 euros. Le CHU de Bordeaux et la SHAM, et l'Agence de la biomédecine, doivent être solidairement condamnés à lui verser 25 % de cette somme, soit 61 530,60 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

53. D'une part, lorsqu'ils sont demandés, les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée sont dus, quelle que soit la date de la demande préalable, à compter du jour où cette demande est parvenue à l'autorité compétente ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. D'autre part,

la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai. De même, la capitalisation s'accomplit à nouveau, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

54. Les intérêts sur les condamnations prononcées au bénéfice de la succession

de M. F... et de Mme F... G... le présent arrêt prennent effet à compter

du 8 octobre 2013, date de réception des demandes préalables, et leur capitalisation à compter

du 8 février 2019, date à laquelle elle a été demandée pour la première fois devant la cour, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur l'appel en garantie :

55. Le CHU de Bordeaux, qui n'a pas demandé devant le tribunal à être garanti des condamnations éventuellement prononcées à son encontre, n'est pas recevable, ainsi que le souligne l'Agence de la biomédecine, à solliciter pour la première fois en appel sa garantie dans le cadre de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

56. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, G... la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1

et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre

et dont elle fixe la date d'effet. "

57. Le présent arrêt étant exécutoire, les conclusions de M. et Mme F... tendant à ce que les condamnations prononcées à leur profit soient assorties d'une injonction de paiement sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais exposés G... les parties à l'occasion du litige :

58. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais de la première expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 051,59 euros G... une ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux du 24 septembre 2013, à la charge du CHU de Bordeaux, et de mettre ceux de la seconde expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 334,80 euros G... une ordonnance de la présidente de la cour du 19 juillet 2018, à la charge de l'ONIAM.

59. Il y a lieu de mettre une somme de 2 000 euros à la charge solidaire du CHU de Bordeaux et de l'Agence de la biomédecine et une somme de 2 000 euros à la charge

de l'ONIAM au titre des frais exposés G... M. et Mme F... à l'occasion du présent litige.

60. Il y a lieu de mettre à la charge solidaire du CHU de Bordeaux, de la SHAM et de l'Agence de la biomédecine, les sommes de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue G... les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de 1 000 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la CPAM de la Charente-Maritime.

61. L'Agence de la biomédecine, qui est une partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux nos 1304635, 1400362

du 14 avril 2015 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur la demande de M. et Mme F... tendant à la condamnation de la SHAM à garantir le CHU de Bordeaux des condamnations prononcées à son encontre.

Article 2 : Le CHU de Bordeaux et l'Agence de la biomédecine sont solidairement condamnés

à verser les sommes de 167 987,38 euros à la succession de M. F... et de 745 euros

à Mme F..., avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2013. Les intérêts échus à la date du 8 février 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser la somme de 503 962,12 euros à la succession de M. F..., avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2013. Les intérêts échus à la date du 8 février 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le CHU de Bordeaux, la SHAM et l'Agence de la biomédecine sont solidairement condamnés à verser la somme de 61 530,60 euros à la CPAM de la Charente-Maritime.

Article 5 : Le surplus du jugement du tribunal administratif de Bordeaux nos 1304635, 1400362 du 14 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Les frais de la seconde expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 334,80 euros G... une ordonnance de la présidente de la cour du 19 juillet 2018, sont mis à la charge de l'ONIAM.

Article 7 : Le CHU de Bordeaux et l'Agence de la biomédecine verseront solidairement

à Mme F... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : L'ONIAM versera à Mme F... une somme de 2 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le CHU de Bordeaux, la SHAM et l'Agence de la biomédecine verseront solidairement à la CPAM de la Charente-Maritime les sommes de 1 114 euros au titre

de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative.

Article 10 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F..., à M. A... F...,

à M. E... F..., au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, au groupe hospitalier du Havre, à l'Agence de la biomédecine, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime. Des copies en seront adressées aux experts.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public G... mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21BX03946


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03946
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BEAUCHARD BODIN DEMAISON GARRIGUES GIRET HIDREAU LEFEVRE;SCP D'AVOCATS BEAUCHARD BODIN DEMAISON GARRIGUES GIRET HIDREAU LEFEVRE;SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-03;21bx03946 ?
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