La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2022 | FRANCE | N°20BX02527

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 09 novembre 2022, 20BX02527


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée SB Développement a demandé au tribunal de Limoges d'annuler la décision n° 2017/64 en date du 5 octobre 2017 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine a exercé le droit de préemption sur les biens situés avenue Albert Thomas à Limoges et cadastrés section BH n° 542 et 778.

Par un jugement n° 1701800 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision de préemption n° 2017/64 du 5 octo

bre 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2020, l'ét...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée SB Développement a demandé au tribunal de Limoges d'annuler la décision n° 2017/64 en date du 5 octobre 2017 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine a exercé le droit de préemption sur les biens situés avenue Albert Thomas à Limoges et cadastrés section BH n° 542 et 778.

Par un jugement n° 1701800 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision de préemption n° 2017/64 du 5 octobre 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2020, l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine (EPF-NA), représenté par Me Ramdenie, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1701800 du tribunal administratif de Limoges en date du 4 juin 2020 ;

2°) de rejeter la requête de la société SB Développement ;

3°) de mettre à la charge de la société SB Développement la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'interprétation retenue par le tribunal n'est conforme ni à la lettre du code de l'urbanisme, ni à la jurisprudence qui a consacré la possibilité d'une abrogation implicite ; une abrogation n'est pas nécessairement explicite et peut être le simple résultat de l'édiction d'une nouvelle norme ayant le même objet ; le droit de préemption avait été délégué précédemment par une délibération du conseil communautaire de Limoges Métropole du 30 mars 2017 ; cette délégation pouvait être abrogée implicitement par la délibération du conseil communautaire de Limoges Métropole du 3 octobre 2017, dans la mesure de cette nouvelle délégation ; il ne résulte d'aucun des termes de l'article R. 213-1 du code de l'urbanisme que la délibération du 3 octobre 2017 devrait mentionner explicitement qu'elle rapporte une précédente délégation ; la circonstance que cette abrogation ait été implicite n'a pas eu la moindre incidence sur l'information tant des élus de l'autorité délégante que de la collectivité initialement délégataire du droit de préemption ; la commune de Limoges est à l'origine de la délibération attaquée et a exprimé le souhait, par un courrier du 3 août 2017, que le droit de préemption urbain lui soit retiré pour être délégué à l'EPF de Nouvelle-Aquitaine, afin que ce dernier porte le projet de la municipalité sur le site de l'ancienne clinique du Colombier ; les élus du conseil communautaire étaient suffisamment informés sur les conséquences de leur délibération quant au transfert de la délégation du droit de préemption urbain de la ville de Limoges à l'EPF de Nouvelle-Aquitaine et par suite de l'abrogation implicite mais nécessaire de la délégation initiale en tant qu'elle porte sur ces parcelles ;

- tous les autres moyens de la requête de la société SB Développement devront être écartés, comme ils l'ont été en première instance ;

- le simple changement de dénomination n'a eu aucune incidence sur la délégation consentie par le conseil d'administration au directeur général de l'EPF ; s'agissant d'une délégation de pouvoir consentie à une autorité désignée ès qualités, elle ne saurait être affectée par des changements survenus dans la personne délégante ; le directeur général a régulièrement reçu, dès 2010 et en 2015, délégation de la part du conseil d'administration de l'EPF Poitou-Charentes, devenu l'EPF de Nouvelle-Aquitaine sans changement de personnalité morale, pour prendre la décision de préemption ;

- les mentions de la décision du 5 octobre 2017 permettent de connaître la nature du projet d'action que la collectivité publique entend mener sur le terrain, à savoir la réalisation d'une opération de logements destinés à accueillir, au cœur de Limoges et à proximité de l'université, des jeunes ménages et des étudiants ; elle est régulièrement motivée ;

- les dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme n'ont pas été méconnues ; dans la mesure où le délégataire du droit de préemption de l'époque, la commune de Limoges, a demandé au gérant de la société Polyclinique de Limoges de lui communiquer des documents strictement visés par l'article R. 213-7 du code de l'urbanisme, cette demande a bien suspendu le délai de préemption ;

- la société Polyclinique de Limoges a souhaité que la décision de préemption soit notifiée au notaire, mandataire, ce qu'il a fait ; la justification d'une saisine régulière du service des domaines est ainsi apportée ; il a fait signifier par voie d'huissier de justice la décision de préemption à l'acquéreur évincé, la société SB Développement, le 5 octobre 2017

- il justifie de la réalité d'un projet d'action d'aménagement répondant aux conditions mentionnées par les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 1er février 2021, la communauté urbaine Limoges Métropole (CULM), représentée par la SELARL cabinet Coudray, demande à la cour :

1°) de la déclarer recevable en son intervention ;

2°) d'annuler le jugement n°1701800 du 4 juin 2020.

Elle fait valoir que :

- son intervention est recevable ; elle dispose d'un intérêt à intervenir ;

- l'instance n° 20BX02527 est relative à la contestation de la décision de préemption n° 2017/64 prise par le directeur général de l'EPF-NA sur les biens situés sur les parcelles cadastrées section BH n° 542 et 778 ; la régularité de la délibération portant délégation du droit de préemption urbain a une incidence immédiate sur la légalité de la décision de préemption n° 2017/64 contestée dans le cadre de la présente instance ; les argumentaires qu'elle a développés, dans le cadre de l'instance relative à la contestation de la délibération portant délégation du droit de préemption, et par l'EPF-NA, dans le cadre de la contestation de la décision de préemption, sont liés ;

- elle a régulièrement délégué l'exercice du droit de préemption urbain à l'EPF-NA ;

- elle s'associe aux conclusions de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er avril 2022, la société SB Développement, représentée par Me Plas, demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement n° 1701800 du 4 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision n° 2017/64 du 5 octobre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, ainsi que les entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- le jugement est régulier ; c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté l'erreur de droit dont est entachée la décision attaquée, en raison de l'illégalité de la délibération déléguant le droit de préemption à l'EPF-NA, ce dernier n'étant pas régulièrement habilité à exercer le droit de préemption urbain en lieu et place de la CULM, en l'absence d'une délégation régulière ; l'incompétence de l'EPF-NA est manifeste ; la CULM devait procéder au retrait de la délégation du DPU précédemment consentie à la commue de Limoges, de manière explicite, par une délibération, comme elle l'a fait d'ailleurs pour la commune de Couzeix ;

- le directeur général de l'EPF-NA était incompétent pour signer la décision contestée ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- il n'est pas justifié d'un projet d'aménagement précis, détaillé et concret ; l'étude de faisabilité révèle une contradiction, révélant l'absence de projet ;

- l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme a été méconnu ; l'EPF-NA doit justifier que les documents sollicités dans la demande du 1er septembre 2017 sont visés à l'article L. 213-7 du code de l'urbanisme ; à défaut le délai de deux mois n'a pas été prorogé ; la demande adressée au notaire ne pouvait suspendre le délai de préemption ; il doit être justifié de la notification de la déclaration d'intention d'aliéner aux services fiscaux ; la déclaration de préemption devait être notifiée au vendeur ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation ; il doit être justifié de l'intérêt général de l'opération.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 28 avril 2022, la commune de Limoges, représentée par Me Pion, demande à la cour :

1°) de la déclarer recevable en son intervention ;

2°) d'annuler le jugement n°1701800 du 4 juin 2020.

Elle fait valoir que :

- son intervention est recevable ; elle dispose d'un intérêt à intervenir ; elle était bénéficiaire de la délégation de droit de préemption urbain implicitement abrogée par Limoges Métropole et confiée à l'EPF-NA ; la décision de préemption contestée est relative à une propriété située sur son territoire et à un projet de renouvellement urbain qu'elle a initié puis confié à l'EPF-NA ;

- elle s'associe aux conclusions de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine ; elle a souhaité lui voir déléguer le droit de préemption urbain relatif aux parcelles cadastrées BH n° 542, BH n° 573, BH n° 574, BH n° 778, BH n° 867 et BH n° 868 situées sur le site de l'ancienne clinique du Colombier.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2022, la société Polyclinique de Limoges, représentée par Me Ruffié, demande à la cour :

1°) de la déclarer recevable en son intervention ;

2°) de confirmer le jugement n° 1701800 du 4 juin 2020 ;

3°) d'annuler la décision n° 2017/64 du 5 octobre 2017 ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine et de la communauté urbaine Limoges Métropole la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens outre le remboursement du droit de plaidoirie.

Elle fait valoir que :

- le jugement est régulier ; c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté l'erreur de droit dont est entachée la décision attaquée, en raison de l'illégalité de la délibération déléguant le droit de préemption à l'EPF-NA ; la délégation du droit de préemption à l'EPF-NA était, sur le principe, possible, à condition que la communauté d'agglomération Limoges Métropole dispose effectivement de la compétence pour ce faire ; la délibération du 3 octobre 2017 par laquelle la communauté d'agglomération Limoges Métropole a entendu déléguer le droit de préemption urbain à l'EPF-NA est illégale, en l'absence d'une délibération, prise dans les mêmes formes, abrogeant la délibération du 30 mars 2017 ; seule une décision expresse peut rapporter une décision déléguant le droit de préemption ;

- elle indique reprendre l'ensemble des moyens soulevés en première instance.

Par ordonnance du 4 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 3 juin 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2008-645 du 30 juin 2008 ;

- le décret n° 2017-837 du 5 mai 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 18 octobre 2022 :

- le rapport de Mme C... B...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Ramdenie, représentant l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, de Me Maret, représentant la société SB Développement, de Me Ruffié, représentant la société Polyclinique de Limoges et de Me Heitzmann, représentant la communauté urbaine Limoges Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 août 2017, le maire de la commune de Limoges, saisi le 4 juillet 2017 par la société Polyclinique de Limoges de son intention d'aliéner le bien situé avenue Albert Thomas à Limoges et cadastrés section BH n° 778 et 542, a sollicité du président de la communauté d'agglomération Limoges Métropole (CALM), la modification de la délibération en date du 30 mars 2017, par laquelle le conseil communautaire a délégué à la commune de Limoges le droit de préemption urbain (DPU), afin d'exclure du périmètre de la délégation les parcelles, objet de la déclaration d'intention d'aliéner, et de permettre à la communauté d'agglomération Limoges Métropole de déléguer ce droit de préemption urbain à l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine (EPF-NA) pour cette emprise. Le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Limoges Métropole (CALM) a approuvé à l'unanimité la délégation du DPU à l'EPF-NA pour les parcelles, précédemment citées, par délibération du 3 octobre 2017. Par décision n° 2017/64 du 5 octobre 2017, le directeur de l'EPF-NA a exercé le droit de préemption urbain sur le bien cadastré section BH n° 778 et 542, d'une surface totale de 12 830 m², propriété de la société Paul Verlaine pour un montant de 500 000 euros. L'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine (EPF-NA) relève appel du jugement n° 1701800 du 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé, à la demande de la société SB Développement, acquéreur évincé, la décision du 5 octobre 2017.

Sur les interventions :

2. La communauté d'agglomération de Limoges Métropole, aux droits de laquelle vient la communauté urbaine Limoges Métropole, qui a délégué l'exercice du DPU par la délibération du 3 octobre 2017 à l'EPF-NA, lequel a exercé le droit de préemption sur les parcelles, propriétés des sociétés Polyclinique de Limoges et Paul Verlaine sur le fondement de cette délibération, justifie à ce titre, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête présentée par cet établissement. Son intervention est, par suite, recevable.

3. La commune de Limoges, en qualité de signataire de la convention opérationnelle d'action foncière avec l'EPF-NA pour l'opération de renouvellement urbain sur le site de l'ancienne clinique du Colombier, a intérêt au maintien de la décision de préemption. Son intervention au soutien des conclusions tendant à l'annulation du jugement ayant prononcé l'annulation doit donc être admise.

4. La société Polyclinique de Limoges, en qualité de propriétaire des parcelles objet de la décision de préemption contestée, a intérêt au rejet de la requête de l'EPF-NA tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 juin 2017. Par suite, son intervention doit également être admise.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la délibération du 3 octobre 2017 : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. / Toutefois, la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, d'un établissement public territorial créé en application de l'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales, (...) emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain. ". Aux termes de l'article L. 213-3 du même code, dans sa rédaction applicable à la date du 3 octobre 2017 : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire. / Dans les articles L. 211-1 et suivants, L. 212-1 et suivants et L. 213-1 et suivants, l'expression " titulaire du droit de préemption " s'entend également, s'il y a lieu, du délégataire en application du présent article. ". L'article R. 213-1 du même code dispose que, d'une part, la délégation du droit de préemption résulte d'une délibération de l'organe délibérant du titulaire du droit de préemption, qui précise, le cas échéant, les conditions auxquelles la délégation est subordonnée, d'autre part, cette délégation peut être retirée par une délibération prise dans les mêmes formes.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération n° 13-2 du 30 mars 2017, exécutoire à la date du 4 avril suivant, la communauté d'agglomération Limoges Métropole, a délégué aux communes membres pour des projets relevant de leurs compétences l'exercice du droit de préemption dans les zones de préemption déjà existantes, à l'exception d'une part, des zones d'activités à vocation économiques et industrielles, identifiées dans les documents d'urbanisme communaux d'autre part, des emplacements réservés au bénéfice de la communauté d'agglomération figurant dans les plans locaux d'urbanisme, pour les équipements publics et projets d'intérêt communautaires et pour la création de voies nouvelles ou l'élargissement des voies propriété de Limoges Métropole et enfin, des secteurs d'aménagement pour lesquels le concessionnaire avait reçu délégation du droit de préemption urbain. Il est constant que les parcelles cadastrées section BH n°s 542, 573, 574, 778, 867 et 868, correspondant à l'ancien site de la clinique du Colombier, ne relèvent d'aucune de ces exceptions. Il ressort également des pièces du dossier que, par une convention opérationnelle d'action foncière pour une opération de renouvellement urbain sur le site de l'ancienne clinique du Colombier, le maire de Limoges, autorisé par une délibération du conseil municipal du 27 septembre 2017, a confié à l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine la conduite de cette opération foncière et entendu lui déléguer le droit de préemption sur ce périmètre. Par courrier du 3 août 2017, le maire de Limoges a sollicité de la CALM de Limoges une délibération afin que soit délégué le droit de préemption urbain à l'EPF-NA sur l'emprise, occupée par les anciens locaux de la clinique du Colombier, pour laquelle il a reçu deux déclarations d'intention d'aliéner. Par la délibération du 3 octobre 2017, le conseil communautaire de la CALM, après avoir rappelé les termes de la délibération n° 13-2 du 30 mars 2017, la lettre du maire de Limoges du 3 août 2017 et la délibération du conseil municipal de Limoges du 27 septembre 2017, a approuvé la délégation du droit de préemption urbain à l'EPF-NA pour les parcelles cadastrées section BH n°s 542, 573, 574, 778, 867 et 868. Contrairement à ce que soutient la société, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que la délibération du 3 octobre 2017 soit précédée d'une délibération par laquelle le conseil municipal de Limoges aurait renoncé à son pouvoir de préemption sur les parcelles en cause. Dans ces conditions, alors même que la délibération n° 13-2 du 30 mars 2017 n'a pas été rapportée ou abrogée par une délibération distincte du conseil communautaire, ce dernier doit être regardé comme ayant entendu d'une part, modifier la délégation de l'exercice du droit de préemption précédemment consentie à la commune par cette délibération, d'autre part, déléguer le droit de préemption à l'EPF- NA pour l'ensemble des biens figurant dans le périmètre de maîtrise foncière défini par la convention d'intervention foncière le liant à la commune de Limoges. Par suite, l'EPF-NA est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision de préemption attaquée au motif qu'elle aurait été prise par une autorité incompétente, en l'absence d'une habilitation régulière de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et devant la cour.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération du 3 octobre 2017 :

8. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaitre le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; (...)". Selon les dispositions de l'article L. 212-2 du même code : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".

9. La société Polyclinique de Limoges soutient que la délibération litigieuse été signée par une autorité incompétente. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce moyen, vise l'extrait du procès-verbal de la délibération adoptée le 3 octobre 2017 signé par le vice-président de la CALM. La signature d'un tel document, qui a pour seul objet de l'authentifier et d'arrêter la date à laquelle cette délibération est devenue exécutoire, est accompagnée de la mention du nom et de la qualité de son auteur et satisfait ainsi aux exigences de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le signataire du document est M. Genest, vice-président de la CALM, qui avait reçu délégation du président de la collectivité pour signer tous documents administratifs, à l'exclusion de tous documents portant sur la compétence transports, par arrêté du 21 juillet 2017, régulièrement publié et transmis en préfecture le même jour. Le moyen doit, par suite, être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2121-23 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Les délibérations sont inscrites par ordre de date. / Elles sont signées par tous les membres présents à la séance, ou mention est faite de la cause qui les a empêchés de signer. ".

11. S'agissant du respect des formalités afférentes à leur signature, les délibérations d'un conseil communautaire ne sont pas soumises aux dispositions générales de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, mais aux dispositions spéciales de l'article L. 2121-23 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit la signature de tous les membres présents à la séance, lesquelles ne sont pas prescrites à peine de nullité de ces délibérations. Est dès lors sans incidence sur la légalité de la délibération contestée la circonstance qu'un conseiller communautaire, déclaré absent au motif qu'il n'a assisté qu'à une partie de la séance, a signé le procès-verbal du conseil communautaire réuni le 3 octobre 2017. Le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée aux conseillers municipaux par écrit et à domicile. " et aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal./(...)./ Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc./ Le maire en rend compte dès l'ouverture de la séance au conseil municipal qui se prononce sur l'urgence et peut décider le renvoi de la discussion, pour tout ou partie, à l'ordre du jour d'une séance ultérieure. ". Ces dispositions sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale en application de l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales.

13. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

14. Il ressort des pièces du dossier que chaque membre du conseil communautaire a été convoqué, par courrier " colissimo " du 22 septembre 2017 envoyé à son domicile personnel ou à une autre adresse de son choix, laquelle peut être la mairie, en vue d'une séance le 27 septembre suivant, comportant dix-neuf points inscrits à l'ordre du jour, parmi lesquels la délégation du droit de préemption urbain à l'EPF-NA, faisant l'objet d'un exposé des motifs du projet de délibération. En raison d'un impératif non prévu dans l'emploi du temps du président, une nouvelle convocation, précisant la date et l'heure, a été adressée aux élus le 27 septembre pour le 3 octobre 2017 dans le respect du délai de cinq jours francs prévu par l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales. Si la société Polyclinique de Limoges soutient que la nouvelle convocation aurait dû être accompagnée d'un nouvel envoi des documents d'information, il ne ressort pas des pièces du dossier, dès lors que l'ordre du jour ne faisait l'objet d'aucune modification et que les conseillers communautaires s'étaient vus précédemment adresser les documents à l'appui de celui-ci, qu'ils auraient été privés d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de procédure, en ses diverses branches, doit être écarté.

15. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point qui précède, l'examen de la délégation du droit de préemption urbain à l'EPF-NA a été inscrit à l'ordre du jour du conseil communautaire de la CALM du 3 octobre 2017, parmi d'autres sujets, dont certains ont suscité des interventions, ainsi qu'il ressort du procès-verbal. De plus, il ressort de ces mentions que la délibération est intervenue après qu'un conseiller communautaire ait présenté son objet et les raisons pour lesquelles son adoption était sollicitée. Le moyen tiré de ce qu'aucun débat du conseil communautaire sur la délégation du droit de préemption urbain à l'EPF-NA n'aurait eu lieu, qui ne repose sur aucun élément, doit, dès lors, être écarté.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " I. Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'ils ont été portés à la connaissance des intéressés dans les conditions prévues au présent article et, pour les actes mentionnés à l'article L. 2131-2, qu'il a été procédé à la transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement prévue par cet article. (...) " et de l'article L. 5211-3 du même code, rendant applicable ces dispositions relatives au contrôle de légalité et à la publicité et à l'entrée en vigueur des actes aux établissements publics de coopération intercommunale. Il résulte de ces dispositions que la transmission de ces actes au représentant de l'Etat conditionne leur entrée en vigueur. La délibération en litige, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, mentionne que les formalités de publicité ont été effectuées le 4 octobre 2017. Elle a été transmise au préfet de la Haute-Vienne qui en a accusé réception le 4 octobre 2017. Le moyen doit , par suite et en tout état de cause, être écarté.

17. Enfin, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ".

18. La société Polyclinique de Limoges soutient que la délibération contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en l'absence de projet réel sur les parcelles faisant l'objet de droit de préemption urbain et ne satisfait pas aux conditions exigées par les dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme. Toutefois, par la délibération du 3 octobre 2017 la CALM s'est bornée à déléguer l'exercice du droit de préemption à l'EPF-NA sur le site de l'ancienne clinique du Colombier, à la demande de la commune de Limoges. Par suite le moyen tiré du défaut d'intérêt public et de réalité du projet envisagé sur les parcelles concernées ne peut être utilement invoqué à son encontre.

19. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la délibération du 3 octobre 2017 doit être écarté

En ce qui concerne la décision de préemption n° 2017/63 du 5 octobre 2017 :

20. En premier lieu, aux termes de l'article R. 324-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Le conseil d'administration peut déléguer au directeur, dans les conditions qu'il détermine, ses pouvoirs de décision, à l'exception de ceux prévus aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 324-5. Le directeur peut à ce titre être chargé d'exercer au nom de l'établissement les droits de préemption dont l'établissement est délégataire ou titulaire. Il rend compte de cet exercice au conseil d'administration à chacune de ses réunions. ". Aux termes de l'article 10 du décret n° 2008-645 du 30 juin 2008 portant création de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine : " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'établissement./ A cet effet, notamment :/ 1° Il définit l'orientation de la politique de l'établissement et approuve le programme pluriannuel d'intervention et les tranches annuelles ;/ 2° Il fixe le montant de la taxe spéciale d'équipement ;/3° Il approuve le budget ;/ 4° Il autorise les emprunts ;/ 5° Il arrête le compte financier et se prononce sur l'affectation des résultats ;/ 6° Il approuve les conventions mentionnées à l'article 2 ;/ 7° Il décide des créations de filiales et des acquisitions de participation ;/ 8° Il détermine les conditions de recrutement du personnel, lequel est placé sous l'autorité du directeur général ;/ 9° Il approuve les transactions ;/ 10° Il adopte le règlement intérieur, qui définit notamment les conditions de fonctionnement du bureau ;/ 11° Il fixe la domiciliation du siège./ Dans les conditions qu'il détermine, il peut déléguer au bureau ses pouvoirs sous réserve des dispositions de l'article R. 321-6 du code de l'urbanisme et à l'exception de ceux du 7° ci-dessus./ Il peut déléguer au directeur général, dans les conditions qu'il détermine, ses pouvoirs de décision, à l'exception de ceux prévus aux 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 7°, 10° et 11° ci-dessus./ (...). ".Aux termes de l'article 1er du décret n° 2017-837 du 5 mai 2017 modifiant le décret n° 2008-645 du 30 juin 2008 portant création de l'établissement public foncier de Poitou-Charentes : " Le décret du 30 juin 2008 susvisé est ainsi modifié : 1° Dans l'intitulé, les mots : " Etablissement public foncier de Poitou-Charentes " sont remplacés par les mots : " Etablissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine " (...) ".

21. Il ressort des pièces du dossier d'une part, que par une délibération n° CA-2015-79 du 6 octobre 2015, approuvée par le préfet de Nouvelle-Aquitaine le 8 octobre 2015, le conseil d'administration de l'EPF-NA a délégué au directeur général l'exercice, au nom de l'établissement, du droit de préemption. Le directeur général de l'EPF-NA était donc compétent pour signer la décision du 5 octobre 2017. D'autre part, M. A... a été nommé directeur général de l'établissement public foncier de Poitou-Charentes, auquel s'est substitué l'EPF-NA en application des dispositions précitées du décret n° 2017-837 du 5 mai 2017, par arrêté du 4 novembre 2013 de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, régulièrement publié au Journal officiel de la République française du 14 novembre 2013. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit être écarté.

22. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. Lorsque la loi autorise la motivation par référence à un programme local de l'habitat, les exigences résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en œuvre de ce programme et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption. A cette fin, la collectivité peut soit indiquer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement du programme local de l'habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe.

23. La décision de préemption litigieuse, qui cite les textes applicables du code de l'urbanisme, vise le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération de Limoges, approuvé par le comité syndical du syndicat intercommunal d'études et de programmation de l'agglomération de Limoges le 31 janvier 2011, le programme local de l'habitat de la communauté d'agglomération Limoges Métropole, arrêté par délibération du conseil communautaire de la CALM du 16 décembre 2011 et approuvé par le conseil municipal de la commune de Limoges le 9 février 2012, le plan local d'urbanisme (PLU) approuvé le 27 septembre 2007 par le conseil municipal de Limoges et la convention opérationnelle n° CP 87-17-027 d'action foncière pour une opération en renouvellement au niveau de l'ancienne clinique du Colombier à Limoges. Elle mentionne que, située dans une zone du PLU, qui a vocation à accueillir des projets de logements, elle est prise en vue de la constitution d'une réserve foncière pour la réalisation d'une opération structurante d'aménagement en renouvellement urbain et en densification de l'urbanisation dans un quartier essentiellement résidentiel et à proximité immédiate du campus de l'université des sciences et techniques. Elle précise qu'il s'agit de créer des logements en cœur de ville afin d'attirer les jeunes ménages et leurs familles. Eu égard aux caractéristiques du bien préempté et à sa localisation, une telle motivation est suffisante. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de préemption attaquée doit être écarté.

24. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 213-6 du code de l'urbanisme : " Dès réception de la déclaration, le maire en transmet copie au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques en lui précisant si cette transmission vaut demande d'avis. / Le maire transmet également copie de la déclaration au délégataire éventuel du droit de préemption lorsque le titulaire de ce droit est la commune. Dans les autres cas, il transmet copie de la déclaration au titulaire du droit de préemption, à charge pour ce dernier de la transmettre à son tour à l'éventuel délégataire. / Les transmissions visées aux deux alinéas précédents, qui peuvent être effectuées par voie électronique, indiquent la date de l'avis de réception postal, du premier des accusés de réception ou d'enregistrement délivré en application des articles L. 112-11 et L. 112-12 du code des relations entre le public et l'administration ou de la décharge de la déclaration. ". Il ressort des dispositions des articles L. 213-2, R. 213-6 et R. 213-21 du code de l'urbanisme que la consultation, dans les conditions prévues par le code de l'urbanisme, du service des domaines constitue, lorsqu'elle est requise, une formalité substantielle dont la méconnaissance entache d'illégalité la décision de préemption.

25. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée du 5 octobre 2017 exerçant, pour un prix de 500 000 euros, le droit de préemption sur les deux parcelles cadastrées section BH n° 778 et 542, avenue Albert Thomas, l'avis du service des domaines, sollicité le 30 août 2017, avait été émis le 27 septembre 2017. Par suite, le moyen tiré de l'absence de consultation du service des domaines manque en fait et doit être écarté.

26. En quatrième lieu, aux termes d'une part, de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " (...) Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " (...) Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. (...) ".

27. Il ressort des pièces du dossier que, la déclaration d'intention d'aliéner du 3 juillet 2017, précisait que la notification de la décision du titulaire du droit de préemption devait être effectuée à l'adresse de Me Atzemis, notaire, mandataire mentionné à la rubrique H, où les propriétaires avaient fait élection de domicile. Par suite, la notification au vendeur n'était pas requise. La direction départementale des finances publiques a eu connaissance de la déclaration d'intention d'aliéner par courrier du maire de la commune de Limoges en date du 30 août 2017, dont elle a accusé réception le même jour. La décision de préemption a fait l'objet de significations, par voie d'huissier de justice, au notaire du vendeur le 6 octobre 2017 et à la société évincée SB Développement le 5 octobre 2017. Par suite, la notification au vendeur n'était pas requise. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier du certificat d'affichage, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, établi le 12 décembre 2017 par le maire de la commune de Limoges, que la décision par laquelle a été exercé le droit de préemption urbain a été affichée à l'hôtel de ville, du 10 octobre au 11 décembre 2017, soit pour une durée au moins égale à deux mois. Les services de la préfecture en ont accusé réception le 5 octobre 2017. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, pris en ses différentes branches, doit être écarté.

28. En cinquième lieu, aux termes d'une part, de l'article R. 213-7 du code de l'urbanisme " I. Le silence gardé par le titulaire du droit de préemption dans le délai de deux mois qui lui est imparti par l'article L. 213-2 vaut renonciation à l'exercice de ce droit. (...)/ II. Il est suspendu, en application de l'article L. 213-2, à compter de la réception par le propriétaire de la demande unique formée par le titulaire du droit de préemption en vue d'obtenir la communication de l'un ou de plusieurs des documents suivants : /1° Le dossier mentionné à l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation ; /2° S'il y a lieu, l'information prévue au IV de l'article L. 125-5 du code de l'environnement ; /3° S'il y a lieu, le diagnostic technique prévu à l'article L. 111-6-2 du code de la construction et de l'habitation ou, à compter du 1er janvier 2017, s'il existe, celui prévu à l'article L. 731-1 du même code dans sa rédaction issue du II de l'article 58 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ; /4° S'il y a lieu et s'ils existent, les documents dont la transmission à l'acquéreur est prévue aux articles L. 125-7 et L. 512-18 du code de l'environnement ; /5° L'indication de la superficie des locaux prévue par l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et par l'article 4-1 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 relatif à l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée ou, s'il existe, le mesurage effectué par un professionnel ; /6° Les extraits de l'avant-contrat de vente contenant les éléments significatifs relatifs à la consistance et l'état de l'immeuble ; /7° Sous réserve qu'ils soient mentionnés dans la déclaration prévue à l'article L. 213-2 :/-la convention ou le bail constitutif de droits réels et, si elles existent, ses annexes, notamment les plans et état des lieux ;/ -la convention ou le bail constitutif de droits personnels et, si elles existent, ses annexes, notamment les plans et état des lieux ; /8° Sous réserve qu'il soit mentionné dans la déclaration prévue à l'article L. 213-2 et qu'il ait été publié au registre de la publicité foncière, l'acte constitutif de la servitude et, si elles existent, ses annexes, notamment les plans et état des lieux ; /9° Les statuts à jour de la société civile immobilière dont les parts sont cédées ; /10° Les livres et les documents établis pour le dernier exercice social clos mentionnés à l'article 1855 du code civil ; /11° Le rapport de reddition de compte établi pour le dernier exercice social clos mentionné à l'article 1856 du code civil ; /12° A défaut des documents mentionnés aux 10° et 11° du présent II, un état certifié par le gérant établissant la composition de l'actif ainsi que du passif de la société civile immobilière et précisant le bénéfice du dernier exercice social clos. ".

29. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier en date du 1er septembre 2017 remis le même jour au mandataire, Me Atzemis et à la société Polyclinique de Limoges, en qualité de propriétaire, la commune de Limoges a sollicité la production du dossier mentionné à l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, des documents dont la transmission à l'acquéreur est prévue aux articles L. 125-7 et L. 512-18 du code de l'environnement et des extraits de l'avant-contrat de vente contenant les éléments significatifs relatifs à la consistance et l'état de l'immeuble, en application des dispositions précitées de l'article R. 213-7 1°, 4° et 6° du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen soulevé manque en fait et doit être écarté.

30. En sixième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise. Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. Le titulaire du droit de préemption peut, dans ce délai de deux mois, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents. Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. Aux termes de l'article D. 213-13-1 du code de l'urbanisme : " La demande de la visite du bien prévue à l'article L. 213-2 est faite par écrit./ Elle est notifiée par le titulaire du droit de préemption au propriétaire ou à son mandataire ainsi qu'au notaire mentionnés dans la déclaration prévue au même article, dans les conditions fixées à l'article R. 213-25./ Le délai mentionné au troisième alinéa de l'article L. 213-2 reprend à compter de la visite du bien ou à compter du refus exprès ou tacite de la visite du bien par le propriétaire. ".

31. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'intention d'aliéner ayant été réceptionnée par la commune de Limoges le 4 juillet 2017, la demande de pièces complémentaires et de visite du site ayant été présentée au mandataire, Me Atzemis et à la société Polyclinique de Limoges, en qualité de propriétaire, le 1er septembre 2017, la réponse réceptionnée à la mairie le 7 septembre 2017 et la visite du bien effectuée le 15 septembre 2017, le délai de préemption restant à courir était, à cette dernière date, inférieur à un mois. En application des dispositions précitées de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, l'EPF-NA disposait donc d'un nouveau délai d'un mois pour prendre sa décision. D'autre part, ainsi qu'il a déjà été dit, il ressort des mentions portées sur la déclaration d'intention d'aliéner que " toutes les décisions relatives à l'exercice du droit de préemption " devaient être adressées à l'adresse du mandataire du vendeur, Me Atzemis, notaire, et non à l'adresse du vendeur lui-même. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que la demande de pièces complémentaires et de visite n'a pas été notifiée au mandataire qu'elle avait désigné. Le moyen tiré de ce que la décision de préemption serait illégale car tardive, pris en ses deux branches, doit donc être écarté.

32. En septième lieu, aux termes de l'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels./ L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. (...) ".

33. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

34. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Limoges souhaite engager une opération de renouvellement urbain, en centre-ville, conformément au programme local de l'habitat et au plan local d'urbanisme, respectivement approuvés les 9 février 2012 et 27 septembre 2017 par le conseil municipal de Limoges et a soumis à ce même conseil le projet de développement sur le site de l'ancienne clinique Colombier d'une opération urbaine à dominante habitat pour répondre aux besoins de jeunes ménages souhaitant accéder à la propriété mais aussi d'étudiants, compte tenu de la proximité immédiate du site de l'université de Limoges. L'objectif est de construire 800 logements neufs, pour densifier l'habitat, consolider le cœur d'agglomération, lutter contre l'étalement urbain, valoriser les secteurs équipés et bien desservis. Le projet dont l'implantation est prévue sur une zone de 20 255 m², en zone UB 2 du PLU a fait l'objet d'une étude de faisabilité, laquelle a envisagé plusieurs hypothèses concrètes d'aménagement du site et évalué leurs avantages et inconvénients. Par la convention opérationnelle d'objectifs conclue le 2 octobre 2017 par le maire de Limoges avec l'EPF-NA, qui a été approuvée le 27 septembre 2017 par délibération du conseil municipal, cet établissement s'engage à hauteur de 980 000 euros, pour conduire une démarche de négociation avec les propriétaires des parcelles pour des acquisitions foncières, réaliser des études foncières, assurer le portage foncier, participer aux différentes études, réaliser des travaux et encaisser les subventions afférentes au projet. Compte tenu de la finalité et de l'importance de l'opération dans laquelle il s'inscrit, caractérisée en particulier par la nature et le nombre de logements créés, le projet en litige, qui existait à la date d'intervention de l'acte de préemption contesté, revêt le caractère d'une action ou d'une opération d'aménagement ayant pour objet la mise en œuvre d'une requalification du quartier de l'ancienne clinique du Colombier. Ainsi, l'EPF-NA justifie de la réalité, à la date de la décision contestée, d'un projet d'aménagement urbain conforme aux dispositions précitées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le coût prévisible de l'opération, pour la maitrise foncière des 12 830 m² des parcelles, propriétés de la société Polyclinique de Limoges, estimé au prix de 500 000 euros serait excessif au regard des capacités financières mobilisées par l'EPF-NA. Par suite, la mise en œuvre du droit de préemption urbain, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répond à un intérêt général suffisant.

35. Il résulte de tout ce qui précède que l'EPF-NA est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision de préemption n° 2017/64 du 5 octobre 2017.

Sur les frais liés à l'instance :

36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'EPF-NA et de la CULM, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes demandées respectivement par les sociétés SB Développement et Polyclinique de Limoges. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SB Développement, sur le même fondement, une somme de 1 000 euros à verser à l'EPF-NA.

DECIDE :

Article 1er : Les interventions de la communauté urbaine Limoges Métropole, de la commune de Limoges et de la société Polyclinique de Limoges sont admises.

Article 2 : Le jugement n° 1701800 du 4 juin 2020 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 3 : La demande devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions présentés par la société SB Développement sont rejetés.

Article 4 : La société SB Développement versera à l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la société Polyclinique de Limoges tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, à la société SB Développement, à la communauté urbaine Limoges Métropole, à la commune de Limoges et à la société Polyclinique de Limoges.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022.

La rapporteure,

Bénédicte B...La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne à la préfète de la Haute-Vienne en ce qui la concerne et à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02527


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02527
Date de la décision : 09/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : GMR AVOCATS GRANGE-MARTIN-RAMDENIE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-09;20bx02527 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award