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09/11/2022 | FRANCE | N°22BX01665

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 09 novembre 2022, 22BX01665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " étranger malade " et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2201305 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer un titre de séjour " étranger malade

", sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, à Mme A... B..., da...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " étranger malade " et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2201305 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer un titre de séjour " étranger malade ", sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, à Mme A... B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui accorder dans l'attente un récépissé.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2022, la préfète de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2022 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A... B....

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'arrêté édicté méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2022, Mme A... B..., représentée par Me Payet, conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 31 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 15 septembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 9 octobre 1987 modifié entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du royaume du Maroc ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... D... ;

- et les observations de Me Payet, représentant Mme A... B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A... B..., ressortissante marocaine née le 27 octobre 1977, est entrée en France en 2019 avec ses deux filles mineures. Elle a été admise, pour la première fois au séjour le 24 août 2020, en qualité " d'étranger malade " et a obtenu par la suite la délivrance de plusieurs autorisations provisoires de séjour dont la dernière expirait le 17 février 2022. Par un arrêté du 26 janvier 2022, la préfète de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " étranger malade " et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté. La préfète de la Gironde relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.

3. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

4. Dans son avis du 6 décembre 2021, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme A... B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié et qu'elle peut voyager sans risque.

5. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer à Mme A... B... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, la préfète de la Gironde s'est notamment fondée sur l'avis précité. Pour contester le sens de cet avis, Mme A... B... a fait valoir devant les premiers juges qu'elle souffre d'une polyradiculonévrite inflammatoire démyélisante chronique, pour laquelle elle est suivie par un neurologue du centre hospitalier de Pellegrin à Bordeaux, nécessitant des cures de solumédrol et des séances mensuelles de plasmaphérèse depuis le 4 novembre 2021. La préfète de la Gironde qui ne conteste pas qu'un défaut de prise en charge médicale de l'intéressée peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, soutient qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Mais d'une part, si la préfète relève, à juste titre, que selon un compte rendu d'hospitalisation du 30 janvier 2022, le Solumédrol a été écarté pour privilégier les séances d'échanges plasmatiques plus efficaces, elle n'établit ce faisant ni que les séances d'échange de plasma ne seraient pas indispensables à l'intéressée ni qu'un autre traitement pourrait être substitué à ce type de soins. D'autre part, il ressort d'une attestation en date du 22 février 2022 d'un neurologue du CHU de Pellegrin que " le genre de traitement prescrit à la requérante n'est généralement pas pris en charge dans ce pays avec des frais très importants pour le patient ", d'un devis établi par une clinique marocaine que le coût [mensuel] de son traitement est de 106 000 dirhams (10 137 euros) et d'une attestation du ministère de l'intérieur marocain, dont l'authenticité n'est pas contestée, que la requérante n'est pas bénéficiaire du régime d'assistance médicale marocain. Ces éléments qui ne sont pas utilement contredits par l'Etat par la seule référence à l'avis précité du collège de médecins, sont de nature à démontrer que la préfète de la Gironde, a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché son refus d'une erreur d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Gironde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 26 janvier 2022.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Payet sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : La requête de la préfète de la Gironde est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Payet, avocate de Mme A... B..., la somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... B..., à Me Pauline Payet et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022.

Le rapporteur,

Nicolas D...

La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01665
Date de la décision : 09/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : PAYET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-09;22bx01665 ?
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