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22/11/2022 | FRANCE | N°21BX00263

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 22 novembre 2022, 21BX00263


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le préfet de La Réunion l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n°2001089 du 29 décembre 2020, le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 15 octobre 2020 et a mis à l

a charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le préfet de La Réunion l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n°2001089 du 29 décembre 2020, le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 15 octobre 2020 et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2021, le préfet de La Réunion demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 29 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. C....

Il soutient que :

- le tribunal a violé le principe du contradictoire en accueillant le moyen nouveau présenté oralement à l'audience publique sans le mettre dans la possibilité d'y répondre et a, par suite, entaché son jugement d'irrégularité ;

- le tribunal ne pouvait légalement retenir le défaut de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) pour annuler son arrêté dès lors que la décision de rejet de la CNDA a été rendue publique par une lecture en audience publique ainsi que cela est prouvé par le rôle de l'audience ; en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seules les ordonnances doivent être notifiées au demandeur d'asile or, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la décision de la CNDA aurait été rendue par ordonnance ; le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que l'absence de notification de la décision de la CNDA pouvait être utilement invoquée pour contester la régularité de son arrêté ;

- sur la demande de première instance, il s'en remet à l'ensemble des moyens qu'il a opposés dans son mémoire en défense de première instance.

Par un mémoire enregistré le 24 août 2022, M. C..., représenté par

Me Djafour, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de La Réunion de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délais, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement n'est pas fondé ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;

- le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le préfet ne pouvait valablement prendre un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français avant la notification de la décision de la CNDA ;

- l'arrêté a été pris à la suite d'une procédure irrégulière, puisqu'il n'a pas été mis à même de présenter des observations préalablement à son édiction en méconnaissance du principe du droit d'être entendu ;

- l'arrêté méconnait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique a été entendu le rapport de Mme B... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., né le 4 novembre 1979, de nationalité

sri lankaise, est entré irrégulièrement sur le territoire national le 14 décembre 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 5 mars 2019, confirmée par une décision du 9 octobre 2020 de la

Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 15 octobre 2020, le préfet de

La Réunion a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Le préfet de La Réunion relève appel du jugement

du 29 décembre 2020 par lequel le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". Aux termes de l'article R. 776-2 du même code : " I.- (...) Conformément aux dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du même code, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 du même code, fait courir un délai de quinze jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement dans les conditions prévues à l'article

L. 743-3 du même code. ". Aux termes de l'article R. 776-5 du code précité : " II. - Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 et les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. Lorsque le délai est de quarante-huit heures ou de quinze jours, le second alinéa de l'article R. 411-1 n'est pas applicable et l'expiration du délai n'interdit pas au requérant de soulever des moyens nouveaux, quelle que soit la cause juridique à laquelle ils se rattachent. Le requérant qui, dans le délai de quarante-huit heures ou de quinze jours selon les cas, a demandé l'annulation de l'une des décisions qui lui ont été notifiées simultanément peut, jusqu'à la clôture de l'instruction, former des conclusions dirigées contre toute autre de ces décisions. ". Aux termes de son article R. 776-26 : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience. ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'instruction d'une demande tendant à l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 du même code, ainsi que des décisions notifiées simultanément, comporte une phase d'instruction écrite suivie d'une audience publique. Lors de cette audience, il est loisible aux parties d'invoquer tout moyen de droit ou de fait.

4. Pour annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 15 octobre 2020, le président du tribunal administratif de La Réunion, a considéré que le préfet avait méconnu les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de preuve de la notification régulière de la décision de rejet de la demande d'asile de M. C... sur laquelle il s'est fondé pour considérer que l'intéressé ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Si ce moyen n'avait pas été invoqué par l'intéressé dans ses écritures, il a toutefois été soulevé, ainsi qu'il ressort des mentions portées sur le jugement attaqué, au cours de l'audience publique le 29 décembre 2020, alors que l'instruction n'était pas encore close conformément aux dispositions précitées de l'article

R. 776-26. Par suite, le préfet de La Réunion n'est pas fondé à soutenir que le président du tribunal administratif de La Réunion a entaché son jugement d'irrégularité en retenant ce moyen pour annuler son arrêté.

Sur le bien-fondé du moyen d'annulation retenu par le tribunal :

5. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles

L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".

6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile qui forme un recours devant la CNDA contre la décision de l'OFPRA rejetant sa demande a le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la date de lecture en audience publique de la décision de la Cour ou, si celle-ci statue par ordonnance, jusqu'à ce qu'il ait reçu notification de celle-ci par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

7. Pour contester le jugement par lequel le président du tribunal administratif de

La Réunion a annulé son arrêté du 15 octobre 2020, le préfet se réfère aux mentions du rôle de l'audience publique de la CNDA du 18 septembre 2020, produit en appel, d'où il ressort que le recours de M. C... n'a pas été rejeté par une ordonnance, mais par une décision de la CNDA lue en audience publique le 9 octobre 2020, ainsi que le reconnaît d'ailleurs l'intéressé dans sa demande de première instance. Le préfet de La Réunion est donc fondé à soutenir que cette décision a, dès sa lecture en audience publique, mis fin au droit de M. C... de se maintenir sur le territoire français, et que c'est à tort que le président du tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté.

8. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. C....

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne l'arrêté du 15 octobre 2020 pris dans son ensemble :

9. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union et qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales.

10. Or, dans le cas prévu aux dispositions alors codifiées au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, ce dernier ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient ainsi, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.

11. En l'espèce, il appartenait à M. C..., à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, de préciser à l'administration les motifs pour lesquels il estimait devoir être admis au séjour au titre de l'asile et de produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Par ailleurs, il lui était loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire utile quant à sa situation. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier et des écritures du requérant qu'un changement particulier de circonstances aurait affecté sa situation personnelle et familiale depuis l'enregistrement de sa demande d'asile. Il n'est pas non plus allégué que M. C... aurait, postérieurement, sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché de présenter ses observations, s'il l'avait souhaité, avant que ne soit pris l'arrêté litigieux. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union.

12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Si pour justifier de l'atteinte disproportionnée portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, M. C... se prévaut de la durée de sa présence en France, il n'a été admis au séjour que le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile. M. C... ne justifie pas d'une insertion sociale ou de liens privés d'une particulière intensité sur le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans. Dès lors, eu égard aux conditions et à la durée du séjour en France de l'intéressé, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté.

14. Aux termes de son article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".

15. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. En premier lieu, tel n'est pas le cas de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Le législateur n'a ainsi pas entendu imposer à l'administration d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ni, le cas échéant, de consulter d'office la commission du titre de séjour quand l'intéressé est susceptible de justifier d'une présence habituelle en France depuis plus de dix ans. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français alors qu'il n'avait pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de cet article et que l'autorité compétente n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été indiqué au point 13, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, M. C... ne peut prétendre à un titre de séjour de plein droit en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

16. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. M. C... soutient être exposé à des discriminations et des violences en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son appartenance à l'ethnie tamoule. Il se prévaut du rapport annuel Freedom in the world 2019 selon lequel l'armée soutient activement un parti d'opposition et soutient qu'en vertu de la loi srilankaise, les personnes qui ont illégalement quitté le pays encourent une peine de prison d'une durée maximale de cinq années en cas de retour au Sri Lanka. Toutefois, les éléments dont il fait état présentent un caractère général et il ne fait valoir aucune circonstance particulière de nature à établir la réalité et la gravité des risques qu'il invoque. Au demeurant, sa demande a été rejetée par décision de l'OFPRA du 5 mars 2019, confirmée par arrêt de la CNDA du 9 octobre suivant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire de deux ans :

18. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, le présent III n'est pas applicable à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l'article L. 316-1 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet Etat à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti pour le faire. ".

19. Si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter sans délai le territoire français une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie. Il résulte en outre des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité administrative prend en compte les circonstances humanitaires qu'un étranger peut faire valoir et qui peuvent justifier qu'elle ne prononce pas d'interdiction de retour à son encontre.

20. Pour interdire à M. C... de revenir sur le territoire français et fixer à

deux ans la durée de cette interdiction, la décision en litige qui vise le III de l'article L. 511-1 précité, se fonde sur les circonstances que la durée de présence de l'intéressé sur le territoire national est de deux ans, qu'il ne justifie d'aucun lien avec la France et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à sa privée et familiale. Ainsi, elle comporte les considérations de droit et de fait qui fondent l'interdiction de retour, même si elle n'énonce pas si sa présence en France constitue ou non une menace pour l'ordre public et s'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de La Réunion est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé son arrêté du 15 octobre 2020. Dès lors, ce jugement doit être annulé et les conclusions présentées par M. C... aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°2001089 du 29 décembre 2020 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... présentée en première instance et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

La rapporteure,

Nathalie A...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00263


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00263
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : DJAFOUR NACIMA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-22;21bx00263 ?
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