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29/11/2022 | FRANCE | N°20BX00430

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 29 novembre 2022, 20BX00430


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. L... J..., M. E... D..., Mme K... I..., Mme C... H... et Mme A... F..., ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération n° 17-379-1 du 13 octobre 2017 par laquelle l'assemblée de Martinique a adopté la décision modificative n° 2 du budget 2017 de la collectivité territoriale de Martinique et d'annuler la délibération n° 17-442-1 du 14 novembre 2017 par laquelle l'assemblée de Martinique a adopté la décision modificative n° 3 de ce budget 2017.

Par un jugeme

nt n° 1800043 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. L... J..., M. E... D..., Mme K... I..., Mme C... H... et Mme A... F..., ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération n° 17-379-1 du 13 octobre 2017 par laquelle l'assemblée de Martinique a adopté la décision modificative n° 2 du budget 2017 de la collectivité territoriale de Martinique et d'annuler la délibération n° 17-442-1 du 14 novembre 2017 par laquelle l'assemblée de Martinique a adopté la décision modificative n° 3 de ce budget 2017.

Par un jugement n° 1800043 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2020, M. E... D..., Mme K... I..., Mme C... H..., Mme A... F..., et M. L... J..., représentés par Me Nicolas, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la délibération n° 17-379-1 du 13 octobre 2017, par laquelle l'assemblée de Martinique a adopté la décision modificative n° 2 du budget 2017 de la collectivité territoriale de Martinique, et la délibération n° 17-442-1 du 14 novembre 2017, par laquelle l'assemblée de Martinique a adopté la décision budgétaire modificative n° 3 ;

3°) d'enjoindre au président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique de procéder à la rectification des documents budgétaires et des comptes, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Martinique la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les délibérations budgétaires peuvent être contestées par la voie de l'excès de pouvoir, sur le fondement de la méconnaissance de la règle de l'équilibre réel, quand le préfet n'a pas fait usage des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article L. 1612-5 code général des collectivités territoriales ; l'avis négatif de la chambre régionale des comptes lui faisait obligation de demander à la collectivité d'inscrire les recettes excédentaires au budget de la collectivité ;

- les premiers juges ont inexactement qualifié la nature et la portée des délibérations contestées portant décision modificative au budget 2017, dès lors qu'elles ne se bornent pas à procéder à des modifications marginales et sans impact sur l'évaluation globale des dépenses et des recettes ; en effet, la délibération n° 17-379-1 du 13 octobre 2017 portant décision modificative n° 2 retrace des mouvements internes portant sur plus de 6 millions d'euros ; la délibération n° 17-442-1 du 14 novembre 2017 portant décision modificative n° 3 retrace des mouvements internes portant sur plus de 42 millions d'euros, de sorte que, compte tenu de l'importance de ces mouvements, la collectivité auraient dû les regarder comme de nature à influencer l'évaluation globale des crédits autorisés ;

- le tribunal administratif a méconnu le principe d'annualité budgétaire dès lors que les délibérations portant décisions modificatives forment un tout avec le budget primitif, de sorte que ces dernières sont susceptibles de recours directs en annulation ;

- leur requête est recevable dès lors que, en n'intégrant pas les conclusions de l'avis rendu le 14 septembre 2016 par la chambre régionale des comptes, avis décisoire devenu définitif, dans les délibérations portant décisions modificatives au budget qui ont immédiatement suivi l'émission de cet avis constatant un compte administratif excédentaire, elles ont été adoptées en violation du principe de sincérité budgétaire ; la circonstance que ces délibérations soient devenues définitives faute d'avoir été contestées dans le délai de recours est sans incidence sur la recevabilité de leur requête en annulation de ces délibérations par la voie de l'exception d'insincérité budgétaire entachant le budget primitif 2017, présenté artificiellement comme intégrant un déficit excessif du compte administratif ;

- les délibérations portant décisions modificatives contestées qui ont suivi cet avis sont entachées d'insincérité et méconnaissent le principe d'équilibre réel, fixé par l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, en ce qu'elles ne reprennent pas l'excédent de l'exercice 2015 constaté par la chambre régionale des comptes dans son avis du 14 septembre 2016.

Par ordonnance du 1er mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2022 à 12 heures.

Par un courrier du 26 octobre 2022, les parties ont été informées qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative la cour est susceptible de se fonder sur un moyen soulevé d'office tiré de ce que la demande présentée par M. J... et autres devant le tribunal administratif de la Martinique, tendant à l'annulation de la délibération n° 17-379-1 du 13 octobre 2017 et de la délibération n° 17-442-1 du 14 novembre 2017, portant décisions modificatives au budget 2017 de la collectivité territoriale de la Martinique, était irrecevable car tardive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... G...,

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux délibérations des 13 octobre et 14 novembre 2017, l'assemblée de Martinique a adopté deux décisions modificatives du budget de l'exercice 2017 de la collectivité territoriale de Martinique, adopté le 15 décembre 2016. MM. J..., D..., et MMmes I..., H... et F..., en leur qualité de membres de cette assemblée, ont demandé au tribunal administratif de la Martinique l'annulation de ces deux délibérations. MM. J..., D..., et MMmes I..., H... et F... relèvent appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Martinique a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales : " Le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre, les recettes et les dépenses ayant été évaluées de façon sincère, et lorsque le prélèvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section d'investissement, ajouté aux recettes propres de cette section, à l'exclusion du produit des emprunts, et éventuellement aux dotations des comptes d'amortissements et de provisions, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement en capital des annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice ". Aux termes de l'article L. 1612-11 du même code : " Sous réserve du respect des dispositions des articles L. 1612-1, L. 1612-9 et L. 1612-10, des modifications peuvent être apportées au budget par l'organe délibérant, jusqu'au terme de l'exercice auquel elles s'appliquent ".

3. L'équilibre réel du budget constitue une condition de légalité des délibérations budgétaires. Les requérants soutiennent que le budget primitif au titre de l'exercice 2017, approuvé par délibération du 15 décembre 2016, a repris de manière insincère un résultat déficitaire alors que, dans son avis du 14 septembre 2016, la chambre régionale des comptes a constaté, à la suite de sa saisine par le préfet, un résultat excédentaire d'un montant de 535 110 euros au titre de l'exercice 2015, et que cette absence de reprise des résultats, réitérée, dans les décisions modificatives adoptées au cours de l'exercice 2017, révèle l'insincérité du budget. Toutefois, les délibérations contestées ont seulement pour objet de mouvementer des crédits de chapitres à chapitres, sans emporter de modification de la nature des dépenses autorisées ni de l'enveloppe budgétaire globale. Par suite, la circonstance qu'elles portent sur des sommes importantes est sans incidence sur leur légalité.

4. Pareillement, la circonstance, à la supposer établie, que les délibérations contestées, en tant qu'elles ne comportent aucune reprise des recettes d'un montant de 15 millions d'euros en restes à réaliser, n'auraient pas été en équilibre réel, n'est pas de nature à révéler leur insincérité et ne constitue pas, en elle-même, une manoeuvre destinée à équilibrer de manière fictive le budget qui est, par nature, un document prévisionnel et aléatoire qui peut être modifié en cours d'exercice.

5. Les requérants reprennent en cause d'appel, au soutien de leur demande tendant à l'annulation des délibérations des 13 octobre et 14 novembre 2017 portant décisions modificatives du budget de l'exercice 2017 de la collectivité territoriale de Martinique, l'illégalité soulevée par voie d'exception du budget primitif 2017 et du compte administratif au titre de l'exercice précédent, en tant que ces actes ne reprennent pas l'excédent constaté par la chambre régionale des comptes dans son avis du 14 septembre 2016, en violation du principe de l'équilibre réel et du principe de sincérité.

6. Il est constant que les délibérations des 13 octobre et 14 novembre 2017, dont la préfecture a par ailleurs accusé réception respectivement les 26 octobre et 27 novembre 2017, ont fait l'objet d'une publicité au recueil des actes administratifs de la collectivité territoriale de Martinique du mois novembre 2017 et sont par suite, devenues définitives, ce que les requérants, qui étaient par ailleurs présents au moment de leur adoption en leur qualité de conseillers de l'assemblée de la collectivité de Martinique, ne contestent pas. Les requérants soutiennent que les illégalités entachant la délibération approuvant le budget primitif de l'exercice 2017 de la collectivité territoriale de Martinique, adoptée le 15 décembre 2016, la décision modificative n°1 adoptée le 27 juillet 2017, et la délibération du 26 juin 2017 approuvant le compte administratif de l'exercice 2016, peuvent être invoquées à tout moment à l'appui des délibérations contestées portant décisions modificatives, en tant qu'elles modifient le budget primitif de l'exercice 2017 sans reprendre en totalité les résultats excédentaires de l'exercice 2015, en vertu de la théorie des opérations complexes. Toutefois, ces décisions modificatives ne sont pas des mesures spécialement prévues en vue de la reprise des résultats, nonobstant la circonstance que les résultats excédentaires, d'un montant de 535 110 euros, dégagés au titre de l'exercice clos 2015, ont été constatés par la chambre régionale des comptes dans son avis susmentionné, rendu à la suite de la saisine par le préfet sur le fondement des dispositions de l'article L. 1612-14 alinéa premier du code général des collectivités territoriales, lequel est, en tout état de cause, dépourvu de portée contraignante. Par suite, comme l'a jugé le tribunal administratif, les requérants ne sont pas recevables à contester la légalité de la délibération par laquelle le budget de l'exercice 2017 de la collectivité territoriale de Martinique a été adopté le 15 décembre 2016, à l'appui de leur demande tendant à l'annulation des délibérations des 13 octobre et 14 novembre 2017 portant décisions modificatives du budget.

7. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le préfet, estimant que le compte administratif relatif à l'exercice 2015 présentait un déficit excessif, a saisi la chambre régionale des comptes en application de l'article L. 1612-14 alinéa 1 du code général des collectivités territoriales. Par un avis du 14 septembre 2016, la chambre régionale des comptes a constaté que, compte tenu notamment des restes à réaliser tant en fonctionnement qu'en investissement, les comptes de la collectivité présentaient un excédent, que la saisine du préfet était néanmoins recevable. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que des mesures de rétablissement de l'équilibre budgétaire auraient dû être prises dès l'exercice 2017 ni, en tout état de cause, que le préfet aurait omis d'exercer son pouvoir de contrôle budgétaire.

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des délibérations des 13 octobre et 14 novembre 2017 portant décisions modificatives du budget, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants ne peuvent qu'être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... et autres ne sont pas fondés, en tout état de cause, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération n° 17-379-1 du 13 octobre 2017, par laquelle l'assemblée de Martinique a adopté la décision modificative n° 2 du budget 2017 de la collectivité territoriale de Martinique, et de la délibération n° 17-442-1 du 14 novembre 2017, par laquelle l'assemblée de Martinique a adopté la décision budgétaire modificative n° 3.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la collectivité territoriale de Martinique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. E... D... et autres demandent le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D..., de Mme I..., de Mme H..., de Mme F..., et de M. L... J..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., désigné en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et à la collectivité territoriale de Martinique.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2022.

La rapporteure,

Agnès G...Le président,

Didier ARTUSLe greffier,

Anthony FERNANDEZ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX00430


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00430
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SELAS JURISCARIB

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-29;20bx00430 ?
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