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08/12/2022 | FRANCE | N°22BX00828

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 décembre 2022, 22BX00828


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 6 avril 2017 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2103019 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2022 et un m

moire enregistré le 14 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Dubech, demande à la cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 6 avril 2017 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2103019 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2022 et un mémoire enregistré le 14 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Dubech, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 38 791,29 euros au titre de la perte de salaire subie du fait de l'illégalité fautive dont est entaché l'arrêt du 6 avril 2017 et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ; à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 27 043,20 euros au titre de la perte d'aides sociales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de Me Dubech une somme de 1 500 euros au titre de ses honoraires.

Il soutient que :

- le préfet a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que sa demande de titre de séjour n'avait pas abouti car il n'avait pas justifié auprès de la préfecture de sa participation à l'entretien et à l'éducation de son fils de nationalité français ;

- le préfet ne rapporte pas la preuve du prétendu envoi du courrier du 22 septembre 2015 et de sa réception ;

- il a subi des préjudices en lien direct avec la faute commise par le préfet ; en effet il a perdu son emploi et il s'est retrouvé sans hébergement.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2022, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en s'abstenant de produire les documents nécessaires à l'instruction de sa demande de titre de séjour, notamment en s'abstenant de répondre à la demande de pièces qui lui avait été adressée le 22 septembre 2015 pour justifier de sa contribution à l'éducation et à l'entretien de son fils, M. A... a commis une négligence fautive de nature à exonérer totalement l'Etat de sa responsabilité à son égard ;

- il n'existe aucun lien entre l'illégalité fautive et les préjudices invoqués par le requérant.

Par une décision n° 2022/008486 du 16 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hardy, présidente-rapporteure,

- et les conclusions de M. Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 avril 2017, la préfète de la Dordogne a rejeté la demande de renouvellement du titre de séjour dont bénéficiait, en sa qualité de parent d'un enfant français, M. A..., ressortissant guinéen né en 1984. Par un arrêt numéro 18BX02402 du 12 décembre 2019, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour à l'intéressé. M. A... relève appel du jugement du 12 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive de l'arrêté du 6 avril 2017.

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Pour rejeter la demande de M. A..., le tribunal a estimé que si l'illégalité de l'arrêté du 6 avril 2017 constituait une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. A..., ce dernier avait commis une négligence fautive de nature à exonérer entièrement l'Etat de sa responsabilité en ne produisant pas les documents permettant d'établir sa participation à l'entretien et à l'éducation de son fils, demandés par la préfète de la Dordogne dans un courrier du 22 septembre 2015.

3. Il appartient à l'administration de se prononcer sur une demande de titre de séjour au vu d'un dossier complet après avoir, au besoin, demandé à l'intéressé de lui adresser les pièces manquantes ou insuffisantes. En l'espèce, si le préfet indique que le dossier de demande de renouvellement de son titre de séjour déposé par M. A... auprès des services de la préfecture était incomplet dans la mesure où il ne comportait pas les justificatifs permettant d'établir qu'il participait à l'entretien et à l'éducation de son fils, il ne résulte pas de l'instruction que M. A... aurait reçu le courrier du 22 septembre 2015 invoqué par le préfet de la Dordogne. Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'en s'abstenant de produire les documents demandés dans ce courrier M. A... avait commis une négligence fautive de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité résultant de l'illégalité de l'arrêté du 6 avril 2017.

Sur les préjudices :

4. Il n'est pas contesté que le contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 octobre 2012 dont se prévaut M. A... a été rompu par l'employeur le 14 avril 2013. Dès lors, les préjudices résultant de cette perte d'emploi sont sans lien avec l'illégalité de l'arrêté du 6 avril 2017 portant refus de renouvellement de son titre de séjour. Par ailleurs, si M. A... produit une attestation du centre communal d'action social de Périgueux datée du 2 juin 2017 indiquant qu'il est hébergé dans cette structure depuis le 5 mai 2017, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que M. A... aurait disposé d'un hébergement stable avant le 6 avril 2017, date de l'arrêté portant refus de titre de séjour. Par suite, les préjudices résultant de l'absence d'hébergement ne peuvent être regardés comme présentant un lien de causalité direct et certain avec l'illégalité de cet arrêté. Enfin, M. A..., dont le dernier contrat de travail avait pris fin le 27 octobre 2016 ainsi qu'il résulte d'un courrier de Pôle emploi du 7 janvier 2020, n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il aurait fait, avant le mois de décembre 2019, date à laquelle la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'arrêté portant refus de titre de séjour, des démarches pour bénéficier des aides sociales, notamment de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, des allocations logement ou du revenu de solidarité active, qui auraient été rejetées du fait de l'irrégularité de sa situation au regard de son droit au séjour en France. Dans ces conditions, les préjudices tenant à l'absence de perception des aides sociales ne peuvent être regardés comme présentant un lien de causalité direct et certain avec l'illégalité de l'arrêté du 6 avril 2017.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. A... du fait de l'illégalité de cet arrêté en fixant le montant de l'indemnité destinée à le réparer à la somme de 800 euros.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la réparation de son préjudice moral qu'il a subi du fait de l'illégalité fautive de l'arrêté du préfet de la Dordogne du 6 avril 2017. Par suite, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. A... la somme de 800 euros à ce titre.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dubech de la somme de 1 200 euros à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 800 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Dubech, avocat de M. A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Dubech.

Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.

La présidente-rapporteure,

Marianne HardyLa présidente-assesseure,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00828


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00828
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DUBECH

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-08;22bx00828 ?
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