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13/12/2022 | FRANCE | N°20BX02244

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 5), 13 décembre 2022, 20BX02244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre exécutoire n° 37900 d'un montant de 20 369,92 euros émis à son encontre pour l'autorité de sûreté nucléaire le 11 octobre 2017 ainsi que les mises en demeure de payer des 12 février et 6 décembre 2018.

Par un jugement n° 1805667 du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande comme présentée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :>
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2020 et un mémoire enregistré le 2 février 2021, Mm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre exécutoire n° 37900 d'un montant de 20 369,92 euros émis à son encontre pour l'autorité de sûreté nucléaire le 11 octobre 2017 ainsi que les mises en demeure de payer des 12 février et 6 décembre 2018.

Par un jugement n° 1805667 du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande comme présentée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2020 et un mémoire enregistré le 2 février 2021, Mme A..., représentée par Me Savary-Goumi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 juin 2020 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire n° 37900 d'un montant de 20 369,92 euros émis à son encontre pour l'autorité de sûreté nucléaire le 11 octobre 2017 ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux du 28 mars 2018 et les mises en demeure de payer des 12 février et 6 décembre 2018 ;

3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme réclamée ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'État et de l'Autorité de sûreté nucléaire une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a décliné à tort sa compétence dès lors que le titre exécutoire litigieux portait sur un indu de rémunération et non sur un indu de prestations de sécurité sociale ;

- sa requête n'est pas tardive ;

- le titre de perception litigieux n'est pas signé et est insuffisamment motivé ;

- les mises en demeure de payer qui lui ont été adressées ne précisent pas la nature de la créance concernée et sont dès lors insuffisamment motivées ;

- le montant exact de la créance n'est pas établi de sorte que ce montant doit être regardé comme erroné ;

- la créance était prescrite ;

- la mise en demeure du 12 février 2018 ne lui ayant jamais été notifiée, elle n'a pu interrompre le délai de prescription.

Par des mémoires enregistrés les 19 octobre 2020 et 1er mars 2021, l'Autorité de sécurité nucléaire conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des autres demandes de Mme A....

Il soutient que la juridiction administrative est compétente s'agissant d'un litige concernant un indu de rémunération et que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 octobre 2017, la direction régionale des finances publiques Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes a émis à l'encontre de Mme A... et pour le compte de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le titre exécutoire n° 37900 d'un montant de 20 369,92 euros correspondant à un indu de rémunération. Le 12 février 2018, le comptable public a adressé à l'intéressée une mise en demeure de payer la somme de 22 406,92 euros, correspondant au titre précité et à une majoration de 2 037 euros. Mme A... a formé un recours gracieux contre ce titre dont il a été accusé réception le 30 mars 2018 et qui a donné lieu à une décision implicite de rejet. Une nouvelle mise en demeure de payer a été adressée à Mme A... le 6 décembre 2018. Cette dernière relève appel du jugement du 8 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et de ces deux mises en demeure comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la régularité du jugement attaqué et la compétence des juridictions administratives :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs : / 1° À l'application des législations et réglementations de sécurité sociale (...) ". Par ailleurs, l'article L. 142-8 du même code précise que : " Le juge judiciaire connaît des contestations relatives : / 1° Au contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 / (...) ". Il résulte de ces dispositions que seules les juridictions judiciaires sont compétentes pour connaître des litiges auxquels donne lieu l'application de la législation relative à la sécurité sociale, sauf en ce qui concerne les litiges appartenant, par leur nature, à un autre contentieux. En ce qui concerne les agents de l'État et des collectivités publiques, le critère de la compétence des organismes du contentieux de la sécurité sociale est lié, non à la qualité des personnes en cause, mais à la nature même du différend.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 323-11 du code de la sécurité sociale : " (...) / La caisse primaire de l'assurance maladie n'est pas fondée à suspendre le service de l'indemnité journalière lorsque l'employeur maintient à l'assuré, en cas de maladie, tout ou partie de son salaire ou des avantages en nature, soit en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, soit en vertu des usages, soit de sa propre initiative. / Toutefois, lorsque le salaire est maintenu en totalité, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré, quelles que soient les clauses du contrat, dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues. / Lorsque, en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, le salaire est maintenu en totalité ou en partie sous déduction des indemnités journalières, l'employeur qui paie tout ou partie du salaire pendant la période de maladie sans opérer cette déduction est subrogé de plein droit à l'assuré dans ses droits aux indemnités journalières pour la période considérée, à condition que le salaire maintenu au cours de cette période soit au moins égal au montant des indemnités dues pour la même période. / Dans les autres cas, l'employeur est seulement fondé à poursuivre auprès de l'assuré le recouvrement de la somme correspondant aux indemnités journalières, dans la limite du salaire maintenu pendant la même période. / (...) ".

4. Il résulte du titre de perception litigieux ainsi que de la nature et du montant des sommes réclamées, que l'ASN n'a pas entendu poursuivre le recouvrement d'allocations journalières dans les droits desquelles elle aurait été subrogée en application des dispositions précitées de l'article R. 323-11 du code de la sécurité sociale mais qu'elle a entendu recouvrer un indu de rémunération versé à son agent alors que celui-ci était en position de disponibilité et dont le montant est distinct. Ainsi le litige opposant Mme A... à l'ASN ne donne pas lieu à l'application de la législation relative à la sécurité sociale mais concerne la rémunération des fonctionnaires de l'Etat. Par suite, il n'appartient qu'aux juridictions administratives d'en connaître.

5. Il résulte de ce qui précède que les parties sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté la demande de Mme A... comme présentée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

6. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu pour la cour, dans les circonstances de l'espèce, de statuer par voie d'évocation sur les conclusions présentées devant le tribunal administratif par Mme A....

Sur la régularité du titre exécutoire attaqué :

7. En premier lieu, Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. / (...). ". Aux termes du B du V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010, de finances rectificative pour 2010 : " Pour l'application de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration aux titres de perception délivrés par l'État en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'État ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation. ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception individuel délivré par l'Etat doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur. Ces dispositions n'imposent pas, en revanche, de faire figurer sur cet état les nom, prénom et qualité du signataire.

8. En l'occurrence, l'ASN a produit le 24 juin 2019 un état récapitulatif de créances pour mise en recouvrement signé par la représentante de l'ordonnateur et comportant la formule exécutoire. Par suite, le moyen tiré de l'absence de signature du titre exécutoire doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". En vertu de ces dispositions, une personne publique ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur.

10. Le titre de perception émis 11 octobre 2017 mentionne que la créance dont le recouvrement est poursuivi correspond à des indus de rémunération, précise que le détail lui en a déjà été communiqué sur les bulletins de paie de mai et juin 2016, dont l'intéressée a elle-même produit des extraits dans la présente instance, et mentionne les montants de ces indus après déduction, le cas échéant, des sommes déjà récupérées et des cotisations sociales. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le titre de perception litigieux ne comporterait pas les bases de liquidation de la créance.

Sur le bien-fondé du titre exécutoire attaqué :

11. En premier lieu, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dans sa version alors en vigueur : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. " En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. 5. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement, un titre exécutoire ou un commandement de payer interrompent la prescription à la date de leur notification.

12. Mme A... soutient que la prescription prévue par les dispositions précitées de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 est intervenue le 1er mars 2018 et que la mise en demeure du 12 février 2018 dont elle a pris connaissance le 20 février 2018 ne pouvait interrompre ce délai de prescription dès lors qu'elle aurait été insuffisamment motivée. Toutefois, il résulte au contraire de l'instruction que cette mise en demeure mentionnait avec suffisamment de précisions les références de la créance pour le recouvrement duquel elle a été émise et présentait dès lors un effet interruptif de prescription.

13. En second lieu, Mme A..., dont il est constant qu'elle a été indument rémunérée à plein traitement du 15 avril 2014 au mois d'avril 2016 alors qu'elle a été, rétroactivement, placée en situation de disponibilité à demi-traitement au titre de cette période, n'établit pas que le montant de la créance dont elle est, à ce titre, redevable serait erroné en se bornant à soutenir que ses modalités de calcul ne seraient pas explicitées alors, au contraire, que ces modalités sont explicitées dans le titre exécutoire ainsi que dans les bulletins de paie des mois de mai et juin 2016 ainsi qu'il a été dit au point 10 du présent arrêt.

14. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à demander l'annulation du titre exécutoire et, par suite, à être déchargée de l'obligation de payer. Dès lors, l'ensemble de ses conclusions devant le tribunal administratif doit être rejeté.

Sur les frais exposés pour l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de l'Autorité de sûreté nucléaire, qui ne sont pas les parties perdantes pour l'essentiel dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 juin 2020 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Bordeaux et devant la cour est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'autorité de sûreté nucléaire.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

M. Didier Artus, président de chambre,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Luc DerepasLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02244 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 5)
Numéro d'arrêt : 20BX02244
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SELARL SAVARY-GOUMI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-13;20bx02244 ?
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